WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Patrice Hubert KAGOU KENNA
Université de DSCHANG-CAMEROUN - DEA 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2 : LES LIMITES DE LA REPRÉSENTATION FORCÉE

La représentation est forcée en ce sens que l'actionnaire n'y consent pas nécessairement. Il n'est d'ailleurs pas admis à désigner un représentant en raison de son inaptitude dans l'exercice de ses droits, mais aussi en raison de son inertie ou de sa mauvaise foi. Dans la première hypothèse, il s'agit de la représentation de l'incapable, et dans la seconde, il s'agit de la représentation judiciaire. La représentation de l'incapable n'a pas été envisagée par l'AUSCGIE, mais cela peut se comprendre. En effet, il s'agit d'une question de droit commun et en même temps une mesure de sûreté destinée à protéger les incapables. C'est peut être ce qui expliquerait que l'art. 538 AUSCGIE n'ait pas fait allusion à ce mode de représentation. En ce qui concerne la représentation judiciaire, il faut se référer à des dispositions éparses dans l'Acte Uniforme.

A la protection imparfaite des droits de l'incapable (A) s'ajoute les carences de la représentation judiciaire (B).

A : LA REPRESENTATION IMPARFAITE DES INCAPABLES

L'incapable peut être aussi bien le mineur que le majeur incapable. L'imperfection dans la représentation de cette catégorie d'actionnaires tient au choix de l'institution (1), mais aussi à la nécessité de recourir au juge pour la mise sur pied de ces institutions (2).

: L'incertitude sur les conditions d'ouverture des institutions de représentation des incapables

D'abord en ce qui concerne le mineur, il existe deux institutions, tel qu'il ressort des articles 388 et s. C.Civ. Chacune a des conditions particulières, mais la jurisprudence fait une confusion regrettable entre ces deux institutions.

L'administration légale s'ouvre lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : l'enfant doit être légitime, adopté ou légitimé et les deux parents doivent être en vie86(*). Le régime est assez souple, car ne nécessite pas le recours au juge pour sa mise en oeuvre. Le rôle de l'administrateur légal revient en principe au parent qui exerce la puissance paternelle87(*), et ce dernier doit gérer les biens du mineur et le représenter dans l'accomplissement de certains actes de la vie civile. Dans le fonctionnement de l'administration légale, l'accent est mis sur la complémentarité des fonctions des deux parents : l'un gère, l'autre contrôle.

Lorsque l'un des parents décède ou plus généralement quand il manque une condition de l'administration légale, s'ouvre la tutelle. D'ailleurs, la jurisprudence n'hésite pas à parler de tutelle en cas de décès de l'un des parents, ce qui est conforme à l'esprit du droit camerounais. La doctrine critique avec véhémence la décision d'un juge qui a reçu l'action d'une veuve qui agissait en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs88(*).

Lorsque les parents décèdent, il est pourvu aux intérêts du mineur par un tuteur désigné par le juge des tutelles. Le subrogé tuteur et le conseil de famille sont les institutions de contrôle.

Ensuite, en ce qui concerne le majeur incapable, deux institutions sont prévues aux articles 488 à 515 C.Civ. : L'interdiction judiciaire, le conseil judiciaire. La première concerne le majeur qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence et de fureur, même si cet état présente des intervalles lucides.

L'imbécile est un majeur dépourvu d'intelligence, et dont le quotient intellectuel est inférieur à celui d'un majeur normal.

Le dément est un majeur dont l'intelligence est absente ou faible en raison d'une difficulté de croissance psychologique ou d'une maladie mentale.

Le furieux est une personne extrêmement passionnée, d'une nervosité exagérée.

Plus généralement, lorsque les facultés mentales d'un individu sont gravement altérées, il y a lieu de désigner des organes afin de pourvoir à ses intérêts. Ces organes sont assimilables à celles de la tutelle des mineurs.

La deuxième institution, le conseil judiciaire s'applique aux « prodiges »89(*) qui seraient des personnes extrêmement dispendieuses qui courent le risque de consommer tout leur patrimoine dans des engagements excessifs90(*). Est-ce à dire qu'une personne négligente qui ne s'entoure pas de prudence et qui prend des engagements inconsidérés doit être placé en conseil judiciaire ? On ne saurait le penser.

Il faut se référer aux articles 508 et s. C.Civ. français pour comprendre que le majeur incapable dont il est question ici est atteint dans ses facultés mentales, mais sans être hors d'état d'agir par lui-même, et il a besoin d'être contrôlé ou conseillé dans ses actes.

Le point commun aux deux régimes est l'altération des facultés mentales et la différence se situe au niveau du degré de cette altération. Si elle est grave, le majeur est interdit, et si elle est légère, il est placé en conseil judiciaire. La difficulté réside toutefois en la détermination du degré d'affectation des facultés mentales, puisqu'il peut arriver qu'une personne apparemment normale soit en réalité gravement atteinte et nuisible pour lui-même et pour ses intérêts.

L'autre difficulté réside dans la constatation de l'incapacité. Résulte-t-elle des comportements anormaux du majeur ou doit-elle nécessairement être médicalement établie ? La logique et l'impératif de l'administration des preuves voudraient que l'on opte pour la deuxième alternative. Les particuliers recourent-ils aux institutions spécialisées dans les pathologies mentales ? On peut en douter. D'ailleurs, la tendance est d'aller chez le guérisseur traditionnel plutôt que dans un centre hospitalier, ce qui pose un problème de preuves dans la mise en oeuvre des institutions de protection de l'incapable.

2 : La nécessité de recourir au juge pour la mise en oeuvre des institutions de représentation de l'incapable

De prime abord, il faut préciser que le recours au juge n'est indispensable que pour la mise en oeuvre des organes de représentation des majeurs incapables et de la tutelle. En effet, l'article 389 C.Civ. décide que celui des parents qui exerce la puissance paternelle sera administrateur légal des biens et de la personne de ses enfants mineurs non émancipés. C'est dire que celui des parents qui exerce la puissance paternelle est de droit administrateur légal, sans qu'il ne soit besoin de recourir au juge.

La tutelle, l'interdiction et le conseil judiciaire sont autorisés par le juge sur saisine d'office, des parents ou alliés, du ministère public. Le juge intervient non seulement pour constater l'incapacité du majeur, mais aussi, pour la désignation des organes des institutions de représentation.

Au regard de la réticence des camerounais à saisir le juge, on peut bien se demander comment il est pourvu à la gestion des biens du majeur devenu incapable en attendant que le juge soit saisi ou même lorsque le juge n'est pas saisi. En attendant de statuer sur la mise en oeuvre des institutions de représentation des actionnaires incapables, le juge peut nommer un mandataire de justice pour gérer les biens, mais encore faut-il qu'il ait été au préalable saisi.

En dehors du recours au juge, aucune autre disposition particulière n'organise la gestion des biens de l'incapable. C'est à penser que l'incapable reste maître de son patrimoine en dépit de son incapacité et peut donc participer aux assemblées générales d'actionnaires. Cet état de chose est déplorable dans la mesure où il peut mettre en péril ses actions, et c'est la raison pour laquelle un membre de la famille ou même un successible peut se charger de la gestion sur la base de la gestion d'affaire. Il arrive bien souvent qu'un membre de la famille, un peu éclairé des questions de représentation des incapables saisisse le juge pour faire pourvoir à la gestion des biens menacés. Il n'en demeure pas moins vrai que le contexte camerounais soit un véritable handicap à la représentation efficiente de l'actionnaire incapable.

B : LES CARENCES DE LA REPRESENTATION JUDICIAIRE

Le juge a de plus en plus de pouvoirs dans les sociétés commerciales. Il est la voie par laquelle des actionnaires peuvent défendre leurs droits, notamment contre les dirigeants sociaux de mauvaise foi. Ainsi ses interventions visent à assurer le contrôle par les actionnaires du fonctionnement de la société.

C'est naturellement que le juge peut constituer une source de représentation des actionnaires. Il s'agit en réalité des actionnaires qui ne peuvent participer aux assemblées, soit parce que leurs titres sont contestés, soit parce qu'ils empêchent le fonctionnement normal des assemblées. Toutefois, cette intervention est lacunaire puisque le juge ne saurait se saisir d'office lorsque des droits sont violés et que certaines des décisions rendues ne sont pas conformes au droit..

D'abord, lorsque la propriété d'une action est contestée, les parties peuvent saisir le juge pour la désignation d'un séquestre judiciaire. Ainsi, en cas d'urgence et en présence d'un litige grave entre actionnaires sur la propriété des actions, un séquestre peut être désigné par le juge des référés, avec pour mission de prendre part aux assemblées. Par son vote, il évitera la création d'une situation irréversible en attendant la décision des juges du fond91(*). Cette procédure impliquait la remise matérielle des titres au séquestre, ce qui fait courir les risques de perte et de vol. c'est pour cela que depuis la dématérialisation des valeurs mobilières, le blocage des titres séquestrés peut être réalisé par un virement dans un compte spécial ouvert au nom du propriétaire, mais dont l'intitulé mentionnera l'existence du séquestre et le nom de ce dernier92(*).

Ensuite, un représentant judiciaire peut être désigné en cas d'abus de minorité, pour dénouer les blocages consécutifs à l'opposition acharnée des actionnaires minoritaires. Il s'agit des minoritaires qui, en exerçant leur droit de vote, s'opposent à ce que les décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société, surtout lorsque aucun intérêt légitime ne justifie cette opposition93(*). La réparation de l'abus de minorité peut, conformément au droit commun de responsabilité civile consister en l'allocation des dommages intérêts, mais dans la plupart des cas, cette sanction est insuffisante. C'est ainsi que la Cour de Cassation a estimé qu' « il existe d'autres solutions permettant la prise en compte de l'intérêt social »94(*). Il est donc possible de « désigner un mandataire aux fins de représenter les actionnaires minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom conformément à l'intérêt social, mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires »95(*).

Au regard de l'article 131 AUSCGIE qui énonce que les minoritaires peuvent engager leur responsabilité en cas d'abus de minorité, on en déduit que l'AUSCGIE n'a consacré que la sanction par l'allocation des dommages intérêts, alors qu'elle aurait pu prendre en considération cette avancée jurisprudentielle qui date pourtant de 1993.

En outre, les actionnaires peuvent demander au juge la désignation d'un mandataire de justice devant convoquer l'assemblée générale. C'est généralement le cas lorsque les organes initialement compétents sont défaillants et qu'il y a nécessité de convoquer une assemblée générale. Ainsi, l'art. 520 AUSCGIE prévoit que la demande doit émaner d'un ou de plusieurs actionnaires représentant le dixième du capital social.

L'urgence justifie que le juge de l'urgence soit compétent pour statuer sur cette demande96(*).

Par ailleurs, en application de ses pouvoirs de contrôle, le juge peut désigner un expert chargé de faire la lumière sur certaines opérations de gestion97(*), à la demande des actionnaires représentant le cinquième du capital social, soit individuellement, soit regroupés sous quelque forme que ce soit98(*). L'expert désigné agit au nom et pour le compte des associés, et sa mission se limite au cadre fixé par les actionnaires et agréé par le juge.

Enfin, lorsque l'actionnaire personne physique ou morale est soumis à une procédure collective, il est représenté aux assemblées par le syndic, surtout quand la procédure ouverte est la liquidation des biens. En effet, le syndic assiste le débiteur dans la procédure de redressement judiciaire et le représente dans la liquidation des biens.

Le recours au juge est révélateur des difficultés que rencontre l'actionnaire qui veut se faire représenter. Il faudrait pousser la réflexion plus loin pour envisager les palliatifs à la représentation de l'actionnaire qui lui permettront de maintenir sa participation aux assemblées tout en étant même éloigné du lieu de réunion.

* 86 Voir art. 389-1 C.Civ.

* 87 Au Cameroun c'est encore le mari qui exerce la puissance paternelle. En France, le concept d'autorité parentale permet à la femme de se substituer au mari dans la gestion du ménage et de la famille, lorsque celui-ci est défaillant.

* 88 TIMTCHUENG (M.) : « Note sous cour d'appel de l'Ouest, arrêt n°19/cout du 26 janvier 1996, affaire succession TENGOU Emmanuel ». JURIDIS PERIODIQUE n°40, avr-mai-juin 1999,P.51 et s. L'auteur met en exergue le risque que court les biens du mineur lorsqu'il est soumis, à la mort de l'un de ses parents à l'administration légale.

* 89 Voir art. 513 C.Civ.

* 90 Voir TIMTCHUENG (M.) : Cours polycopié de droit des personnes 2005-2006, Inédit, P.43.

* 91 Com 15 février 1983, rev. Sté, 1983. 593, note GILBERTEAU.

* 92 MERCADAL (B.), JANIN (P.): Op. Cit. n°2520, P.776.

* 93 POUGOUE (P- G), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU (J.): Op. Cit. n°177,P.76. Ainsi, est abusif le refus répété des minoritaires de voter une augmentation du capital destinée à reconstituer les fonds propres de l'entreprise comme l'exige l'autorité de tutelle, une telle attitude de nature à mettre en péril l'existence même de la société. (Paris, 25 mai 1993, RDJA, 8/93, n°703, cité par MERCADAL (B.), JANIN (P.): op. cit, n°1892, P.585.

* 94 Com, 14 janvier 1992, D. 1992. J. 337, note BOUSQUET.

* 95 Com, 09 mars 1993, D. 1993. J. 363, note GUYON. Voir également TRICOT (D.) : « abus de droit dans les sociétés : abus de majorité abus de minorité », RTD com. 47 (4), oct- déc. 1994, P. 617-627.

* 96 POUGOUÉ (P.-G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU TOUKAM (J.) : Programme de formation en ligne avec le soutien du fonds francophone des inforoutes, http://  www.ohada.com , P.85 : La compétence du juge des référés pour la désignation de l'expert de gestion (Cour Suprême du Niger, arrêt n° 01-158/C du 16/8/01, SNAR LEYMA C/ Groupe HIMA SOULEY). Voir également Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 871 du 21 mai 2002, Hassen YACINE c/ société Natte industrie : La demande tendant à obtenir la désignation d'un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ainsi que les demandes incidentes étant de la compétence du président du tribunal, le tribunal, lui-même, lorsqu'il est saisi, doit se déclarer incompétent).J-03-04, http://www.ohada.com.

* 97 MEUKE (B.Y.) : « L'information des actionnaires minoritaires dans l' O.H.A.D.A :Réflexion sur l'expertise de gestion ». Ohadata D-05-56, http://www.ohada.com

* 98 Voir art. 159 AU.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo