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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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PARAGRAPHE 2: LA CONSTRUCTION D'UN DROIT CONSTITUTIONNEL CAMEROUNAIS RENOVE

Ce renouvellement est dû principalement à l'institutionnalisation de la justice constitutionnelle. Celle-ci restaure la Constitution dans son statut de "mètre" de la régularité juridique (I). On ne s'étonnerait pas alors de voir émerger un droit constitutionnel jurisprudentiel (II), faisant de la loi fondamentale "un espace vivant et ouvert".

I- LA CONSTITUTION "METRE" DE LA REGULARITE JURIDIQUE

La justice constitutionnelle est assurément au principe d'une nouvelle idée de la Constitution au Cameroun. Elle n'est plus "un programme politique, à la rigueur obligatoire moralement, un recueil de bons conseils à l'usage du législateur, dont il est juridiquement libre de tenir ou de ne pas tenir compte"(53). Mais parce que la justice constitutionnelle fait de la constitution le "principe de validité toute juridique"(54), il s'ensuit une redéfinition de la notion de norme (A) et donc la subordination à la Constitution de toutes les règles infra- légales (B).

A) La redéfinition de la notion de norme

L'entrée d'une norme dans l'ordre juridique n'était subordonnée qu'à sa régularité formelle. Avec la justice constitutionnelle, la règle doit désormais sa nature de norme juridique à la satisfaction des exigences de validité (1) et de conformité (2).

1- Le critère de validité

La norme doit être valide. Le critère de validité renvoie ici aux conditions formelles de production de la règle. La Constitution détermine les voies à emprunter pour l'élaboration des règles. C'est pourquoi Charles Eisenmann définira aussi la Constitution comme l'ensemble des règles "sur la création des nonnes juridiques générales"(55). La norme ne sera considérée

53 Ch. Eisenmann, op cit p 22

54 Ibid.

55 Idem. P 3

comme valide qu'autant qu'elle est élaborée dans le respect de la procédure constitutionnelle. A cette condition formelle s'ajoute désormais par la justice constitutionnelle un autre critère: celui de la conformité (56).

2- Le critère de conformité

Rendue désormais obligatoire par l'institution du Conseil constitutionnel, la Constitution est "le dernier terme auquel on puisse rapporter et comparer une règle de droit"(57) pour en apprécier la conformité. Le critère de conformité signifie que la norme ne doit pas contredire un principe de valeur constitutionnel. La loi doit être conforme à la Constitution sous peine d'inconstitutionnalité et donc du refus de lui reconnaître la qualité de règle juridique. A la fin soutien Louis Favoreu, "il ne peut y avoir norme que s'il y a déjà une autre norme qui lui attribue cette qualité"(58). Cette norme est désormais la loi fondamentale du l8 janvier l996.

B) La subordination à la Constitution des règles infra légales

La conformité de la loi implique la conformité des autres règles; la loi devient ainsi un "aiguilleur" de la création des règles infra légales (1) et un facteur d'ordre dans le système juridique (2).

1- La loi "aiguilleur" de la législation infra légale

La loi est dans l'architecture normative la règle qui met en forme les principes énoncés dans la Constitution. Par sa conformité, elle conditionne nécessairement l'édiction des autres règles qui lui sont directement ou indirectement inférieures. Il s'agit surtout des règlements administratifs, dont la conformité à la loi est un principe établi en droit camerounais et sanctionné par la juridiction administrative. La conformité de la loi faciliterait aussi le contrôle de constitutionnalité des règlements rendu spécieux par la fameuse théorie de l'écran législatif (59). Véritablement, c'est tout le système juridique qui se trouvera ordonné.

2- Un système juridique ordonné

II ne s'agira pas simplement d'un voeu pieux, mais le système juridique camerounais retrouve son attribut "d'ordre juridique" par la restauration de la Constitution dans sa place au

56 Voir L. Favoreu, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2ème éd. 1999

57 Ch. Eisenmann, op cit. p 13

58 L. Favoreu, Droit constitutionnel, op. cit.

59 Lire notamment les développements de R.G. Nlep, "Le juge administratif et les nonnes internes, constitutionnelles ou infra constitutionnelle en matière de droits fondamentaux", in Solon, Revue africaine de parlementarisme et de la démocratie, vol 1 n°l, 1999,ppl35etSS.

sommet de la pyramide garantie par la justice constitutionnelle qui fait en sorte que toute norme juridique soit d'abord et avant tout application d'une norme supérieure. Sous ce rapport, le système juridique ne peut être qu'ordonné. Cet ordonnancement ne pouvant être complet qu'avec la hardiesse du juge à priver d'effet juridique les normes qui sont devenues caduques et dont le contrôle ne peut être effectué par le juge constitutionnel. Car la loi promulguée est parfaite et ne peut plus faire l'objet d'un contrôle. Tout de même, la justice constitutionnelle ne se révélera efficace qu'avec l'émergence d'un droit constitutionnel jurisprudentiel.

II- L'HYPOTHESE D'UN DROIT CONSTITUTIONNEL JURISPRUDENTIEL

La jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel augure d'une nouvelle ère pour la Constitution camerounaise. Les circonstances qui ont présidé à son élaboration devraient logiquement entraîner le juge constitutionnel sur le terrain de la primauté des droits fondamentaux et de l'idéal démocratique (A) dont les garanties ne manquent pas de pertinence (B) dans l'édification d'un Etat de droit aux bases solides.

A) La primauté des droits fondamentaux et de l'idéal démocratique

La mobilisation de la communauté internationale autour du respect des droits de l'homme semble démontrer que, ainsi que dispose l'article 2 de la DDHC "le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme". Cette idée aiguille en tout cas la Constitution camerounaise qui s'illustre par une attention particulière aux droits fondamentaux (1) et l'option en faveur de la démocratie (2).

1- La primauté des droits fondamentaux

Ces droits sont proclamés dans le préambule qui, "fait partie intégrante de la Constitution". L'influence de l'idéologie de l'Etat de droit transparaît aisément dans le changement quantitatif du dit préambule. Il passe d'une vingtaine d'alinéas à près d'une trentaine. On remarque aussi une augmentation des textes internationaux de référence. Alors que la Constitution de 1972 ne mentionnait que la Charte des Nations Unies et la DUDH, le constituant de 1996 ajoute la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et les conventions y relatives. Le peuple camerounais affirme ainsi son "attachement aux droits fondamentaux" dont l'Etat garantit la jouissance "à tous les citoyens de l'un et l'autre sexe".

Les droits fondamentaux irriguent le dispositif institutionnel camerounais. Ils commandent une organisation du pouvoir dans le respect de la pensée de Montesquieu. Quel danger y aurait-il encore pour la liberté alors que l'option pour la démocratie est clairement exprimée?

2- L'option en faveur de la démocratie

II s'agit de la démocratie représentative, celle dans laquelle le peuple gouverne par l'intermédiaire de représentants élus. Il s'agit aussi de la démocratie nouvelle qualifiée de "démocratie constitutionnelle". C'est celle dans laquelle les droits des gouvernés sont constitués séparément de ceux des gouvernants. La justice constitutionnelle est à la cheville de cette nouvelle construction, qui rejette la confusion gouvernants- gouvernés et soumet les premiers aux seconds par la technique du contrôle de constitutionnalité. Le Cameroun se présente comme une République "démocratique", qui "reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques". Faut-il encore préciser que le pouvoir est organisé suivant le principe de la distinction entre celui qui fait la loi, celui qui l'exécute et celui qui en sanctionne les violations? Qualifié de "principe émergeant du droit international" (60), l'Etat de droit trouve assurément un terrain fertile au Cameroun. Les droits fondamentaux et la démocratie ne sont pas seulement proclamés, ils sont affectés de garanties.

B) La pertinence des garanties offertes par le constituant

L'Etat de droit n'est pas une nouveauté en Afrique. Ainsi que le précise Donfack Sokeng, "la référence à l'Etat de droit figurait déjà (...) dans les constitutions des premières années d'indépendance"(61). Mais il a fallu attendre le vent d'Est pour voir le Cameroun se détaché de l'idéologie de la construction nationale pour proclamer "son attachement aux valeurs de l'Etat de droit, c'est-à-dire à un ordre juridique dans lequel les autorités sont soumises effectivement à la règle de droit"(62). Soumission garantie par la primauté de la Constitution (1) et le contrôle juridictionnel des organes de l'Etat (2).

1- La primauté de la Constitution

La Constitution camerounaise couronne le système juridique et politique du pays ; ceci par l'intégration des règles procédurales qui ne siéent qu'aux constitutions rigides,

60 J-Y. Morin, cité par L. Donfack Sokeng, "L'Etat de droit en Afrique", in Afrique juridique et politique. La Revue du CERDIP, vol 1 n° 2,juil-déc2002,p87.

61 L. Donfack Sokeng, "L'Etat de droit en Afrique", op cit. p 91.

62 K. Ahadzi, "Les nouvelles tendances du constitutionnalisme africain: le cas des Etats d'Afrique noire francophone", in Afrique juridique et politique. La Revue du CERDIP, vol 1 n°2,juil-dée 2002, p 39

c'est-à-dire celles qui affirment leur suprématie sur la loi et sur toute autre norme dans l'ordre interne. La primauté de la Constitution "représente incontestablement un des piliers fondamentaux de l'Etat de droit". Elle est la règle qui définit la production des règles et impose aux pouvoirs publics d'emprunter les voies prévues par elle pour la création de toute norme juridique. Evidemment cette primauté serait illusoire s'il n'y avait un contrôle juridictionnel organisé par le constituant.

2- Le contrôle juridictionnel des pouvoirs constitués

II s'agit du contrôle de constitutionnalité, celui des règlements et des lois. En créant une juridiction constitutionnelle indépendante, le constituant camerounais affirme une fois de plus son attachement aux valeurs de la démocratie libérale, tout en lui conférant "une autonomie renforcée à l'égard de tout organe de l'Etat". Contrôle de constitutionnalité des règlements et contrôle de constitutionnalité des lois forment désormais au Cameroun la garantie certaine de la prééminence hiérarchique de la Constitution, pilier principal de l'Etat de droit.

Le texte du 18 janvier 1996 est au socle d'un nouveau droit constitutionnel camerounais. Celui-ci puise aux sources du constitutionnalisme libéral une inspiration nouvelle pour bâtir un ordre juridique au sommet duquel se place la Constitution. Loin d'être une simple déclaration d'intention, cette option est d'abord la traduction d'un changement réclamé à cor et à cri par un peuple fatigué d'être confondu au lieu d'être représenté. C'est aussi l'expression de la volonté des détenteurs du pouvoir politique dans les années de braise 1990-1992 de contrôler et de conduire ce changement. C'est enfin l'adhésion du Cameroun à une vision prééminente de la Constitution à travers le contrôle de constitutionnalité.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite