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Les accords de médiation, construction et devenir

( Télécharger le fichier original )
par Marie Caroline Despax
DRASS Toulouse - DE médiateur familial 2009
  

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D- La « valeur » des accords écrits de médiation

Concernant la valeur symbolique des accords écrits, je vous renvoie à la partie consacrée aux besoins psychologiques des personnes par rapport à l'écrit (p.20).

La valeur juridique est plus objective même si elle est mouvante, accompagnant l'évolution de la société en fonction des priorités du temps.

63 Op.cit note n°34

1- La valeur juridique des accords

Pour être durables, les accords doivent avoir une valeur. Au-delà de la valeur que leur accorde chaque personne après avoir travaillé à leur élaboration dans le cadre de la médiation, il y a leur valeur juridique qui est importante selon que les accords sont simplement rédigés, et/ou signés et/ou homologués.

a) Portée juridique des accords de médiation

Les accords de médiation ne lient pas juridiquement les personnes. Ce simple engagement mutuel n'est doté d'aucune valeur légale et n'a aucune force obligatoire. L'exécution des accords de médiation dépend uniquement du bon vouloir des parties.

Dans son mémoire juridique sur la médiation64, Laurent Benoiton souligne « l'incidence que la signature des parties peut avoir sur la nature juridique de l'acte. Quand les accords de médiation sont signés, ils peuvent être qualifiés d'acte sousseing privé et sont alors soumis au droit commun des contrats ». On relèvera que dans la pratique, les accords rédigés sont presque toujours signés par les parties et par elles seules.

L'intervention du Juge Aux Affaires Familiales est indispensable pour leur donner force exécutoire, c'est-à-dire la force d'un jugement. Le juge n'exerce qu'un contrôle à posteriori et ne peut ni en modifier un terme, ni le valider partiellement. Il contrôle si les principes de la médiation tels que la libre adhésion des personnes ou l'impartialité du médiateur familial ont été respectés. Il s'assure que l'acte ne lèse pas les intérêts des parties et qu'il préserve l'intérêt de l'enfant dont il est le gardien65.

L'homologation des accords est elle indispensable ? Pour les magistrats comme pour les parents médiés, il semble que oui : afin que les accords de médiation soient revêtus de l'autorité de la chose jugée. Les juges manifestent clairement leur besoin d'un « retour », si ce n'est sur le contenu de la médiation, au moins sur des accords rédigés qui leur sont soumis pour contrôle. Pour les parents, dont la confiance mutuelle a été souvent terriblement mise à mal pendant le conflit, l'homologation est un gage que les accords seront protégés. L'homologation représente également pour eux la fin judiciaire au processus de médiation.

64 Laurent BENOITON, La médiation familiale, DEA Théorie juridique, Aix-Marseille III 2001-2002

65 Code civil : art.247 alinéa 2

b) Un débat sur la responsabilité du médiateur, « rédacteur d'acte juridique »66 Un débat a été lancé autour de la responsabilité du médiateur, professionnel qui est engagé en tant que « rédacteur d'acte juridique sous seing privé » .

En effet, selon P. Bonnoure-Aufière, avocate, c'est le médiateur qui établit le document, inscrivant les accords de médiation familiale, pendant ou à la fin du processus. Il est garant du cadre et intervient donc pour ne pas permettre n'importe quelles options si elles ne défendent pas l'intérêt commun des personnes et soutient les participants dans leurs choix rédactionnels67.

Pour cette auteure, ce statut de rédacteur d'acte juridique entraînerait sa responsabilité au-delà de ses compétences (« ce n'est pas le rôle d'un médiateur d'être rédacteur d'un contrat faisant la loi des parties »), avec pour lui d'éventuelles conséquences juridiques problématiques.

Elle suggère, afin que le médiateur soit protégé de ce risque, que soient rédigées seulement des options potentielles envisagées, « laissant les suites spécifiques, juridiques ou autres, s'instaurer dans l'après médiation ». L'écrit resterait alors au stade de l'engagement intentionnel, se référant à la conception juridique de l'intention de faire. Il s'agirait non plus d'accords de médiation ou de protocole d'accord mais d' « accords d'intention » qui seraient remis à un professionnel compétent pour le finaliser.

Selon Séverine Garat, médiatrice familiale, ces précautions conditionnelles paraissent « difficilement conciliables avec l'esprit du travail de médiation ». Le médiateur est certes « incontestablement lié à la rédaction des accords qui sont écrits dans le cadre du processus et sous sa responsabilité professionnelle » et il est donc bien rédacteur d'acte juridique.

Cependant, renvoyer les parties vers leurs conseils respectifs pour un contrôle des accords, permet d'éviter les difficultés. « Cela va dans le sens d'une responsabilisation des personnes et du développement d'une complémentarité efficace entre le médiateur et les différents acteurs de la médiation, notamment dans le monde judiciaire ». Cela est complété dans la pratique par des mentions à la fin des accords qui indiquent : les transmettre aux conseils respectifs « seuls habilités à

66 Cette partie est largement inspirée de l'article de Séverine GARAT, Les écrits en médiation familiale, pour qui ?comment ?quels effets ?- revue Empan n°72 février 2009

67 D'après Pierrette BONNOURE-AUFIERE dans son article : « L'écrit des accords en médiation familiale : de
l'intention à l'action » - AJ Famille 2003, repris dans Guide de la médiation familiale - Eres édition 2006

les mettre en forme juridiquement »(pour les médiations judiciaires) ou s'engager à des démarches de faire contrôler les accords par un spécialiste du droit si les personnes décident de les faire homologuer (pour les médiations conventionnelles).

2- Comment la médiation rend les accords durables

Au fur et à mesure qu'ils ont avancé dans le processus de médiation, les médiés en ont perçu progressivement l'essence et sont rendus compte :

. Que ce n'est pas un espace de conciliation où une solution sur un seul aspect des problèmes doit à tout prix être dégagée,

. Que ce n'est pas qu'un espace de négociation fait de compromis mutuels,

. Que le médiateur n'est pas un arbitre qui tranche équitablement.

« L'enjeu de la médiation n'est certainement pas d'uniquement trouver des solutions aux conflits. (Il ne s'agit pas non plus seulement de trouver une réponse pratique à la demande qu'ils amènent). Il s'agit pour les acteurs sociaux d'apprendre à les vivre, d'être capables d'affronter les problèmes futurs qui se présenteront et de pouvoir créer eux-mêmes des dispositifs de construction d'accords » (M.E.Volckrik)68.

Le médiateur a conscience des limites de son rôle dans l'élaboration des écrits et a accepté la perte de pouvoir que cela implique.

Qu'il ait agi directement sur la forme des écrits ou pas, il n'a pas influé sur le contenu. Il a aidé les participants à ne pas chercher à produire un discours de vérité mais à produire un texte plus sensible et non stéréotypé qui laisse à chacun une place entière et responsable. Il les a encouragés à s'assurer auprès d'un spécialiste que leurs intérêts étaient bien préservés.

Il s'est assuré qu'un champ potentiel de litige n'avait pas été laissé de côté.

Dans le temps, le cheminement de la médiation a permis la mise à distance des émotions et les excès du conflit. Par la position de tiers du médiateur, protégé par cet espace de médiation et par son cadre, le participant a pu s'exprimer et a pu ainsi retrouver confiance en lui-même. Cette confiance lui a permis, à son tour, d'écouter l'autre, de l'entendre, de l'accepter dans ses différences. Certaines occasions ont été créées pendant la médiation, qui ont mis à l'épreuve, positivement, cette confiance nouvelle, cette reconnaissance.

68 Marie-Elisabeth VOLCKRICK, Intervenir en tiers aujourd'hui - Conférence à l'Université catholique de Louvain 2007

Le texte (du latin textus : tissu), qui désigne l'oeuvre écrite dans sa clôture et dans l'ensemble de son organisation et de ses déterminations sociologiques, imaginaires, biographiques, discursives, système second par rapport aux productions verbales, en est inséparable et distinct dans la mesure même où il se saisit du discours premier. 69

Ce texte des accords de médiation est le tissu fait des mailles croisées des questions et des valeurs des participants, qui se sont tissées tout au long du processus. Pouvoir s'entendre (s'écouter) a été le préalable à leur entente (s'accorder). C'est sur cette trame que va s'inscrire la nouvelle organisation familiale, permettant à chacun de se projeter dans le temps et donnant à chacun les outils pour les futurs réaménagements nécessaires.

« Bonjour,

La dernière audience s'est passée très rapidement. Le texte de nos accords a été simplement entériné....

La situation était tellement difficile et embrouillée... cette médiation nous a permis d'être entendus, ce qui ne va pas de soi. J'espère que cela aura permis de pacifier à long terme cette relation passionnelle ! Dans tous les cas, je me sens plus sereine et «Mathieu» va bien... »

«Isabelle». (Courriel septembre 2008)

A la suite de l'expérimentation en stage, la question s'est posée pour moi de savoir pourquoi les parents pensaient que les accords écrits seraient durables.

En théorie, nous venons de voir que tout est mis en place pour que les accords rédigés soient pérennes : la médiation est constituée d'un dispositif complexe qui associe les techniques de communication, d'écoute et de parole, un cadre-outil règlementant les échanges, des principes déontologiques qui favorisent la confiance en assurant la confidentialité de l'espace et la compétence professionnelle du médiateur familial.

Construits au fur et à mesure du processus, avec l'aide contenante et sécurisante du médiateur, les accords de médiation reflètent les dispositions nouvelles des parties par rapport à leur relation, entendue comme la nécessité de s'entendre sur les conséquences de leur séparation, qui s'étendent bien au-delà de la période de rupture.

Des chiffres circulent. On entend que plus de la moitié des personnes envoyées par

69 « Texte » : Extrait de définition : Grand Larousse Universel, 1997

le magistrat en médiation concrétisent des accords, que les retours contentieux après médiation sont bien moins nombreux. Qu'en est-il réellement sur le terrain, dans le temps ? Que deviennent les accords ? Sont-ils durablement appliqués dans les nouvelles organisations familiales ?

J'émets l'hypothèse que c'est la construction des accords qui permet le devenir des accords :

Que c'est le temps, le rétablissement du dialogue, la position de tiers du médiateur, le cadre contenant et rassurant de la médiation,

-qui permet aux personnes de retrouver une certaine confiance en eux et entre eux ;

-qui leur permet de penser que les accords vont durer, c'est-à-dire qu'ils seront capables de prendre ensemble les décisions qui les concernent, eux et leurs enfants.

C'est ce que je vais tenter d'évaluer par la recherche de ce mémoire.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius