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La concertation comme outil de construction d'un développement durable en Nouvelle-Calédonie

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par Yannick MONLOUIS
Arsenal - M1 Infocom 2008
  

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A. Contre-expertises

Tous les acteurs s'accordent à dire que la contre expertise fut le premier acte important du CICS. En effet, lors des consultations organisées durant les enquêtes publiques, la population et particulièrement les « gens du sud » ont pu exprimer leurs craintes et inquiétudes concernant les impacts environnementaux du projet. Leurs inquiétudes se sont principalement portées sur l'effluent qui allait être rejeté dans le lagon.

Ces inquiétudes ont été relayées par le comité Rhéébu nùù au nom des gens du sud lors de la première réunion du CICS. Face à l'ampleur des questions qui restaient sans réponse, il a fallu mettre en place des actions pour éclairer la situation. C'est ainsi que le comité a décidé de faire une contre-expertise qui porterai sur l'analyse de l'effluent et ses impacts sur l'environnement.

Cette décision est belle et bien la première issue des discussions entre les différentes entités qui composent le comité. Nous pouvons noter qu'il a fallu que ces inquiétudes passent par une entité organisée pour qu'elles intègrent le débat.

B. Amélioration des relations

Dire que les conflits ont disparu depuis la création du CICS serait faux. En effets les deux années qui ont suivi cette ouverture partielle du débat ont été marquées par des conflits violents entre la société civile et les systèmes économiques et politiques. Ces rapports de force ont connu leur paroxysme durant les mois de mars-avril 2006, avec les affrontements qui ont eu lieu à Yaté. Ce face à face entre les populations du sud et les forces de l'ordre avait des allures de guerre civile57.

« Face à un désordre tel que celui imposé par le Président de la Province sud, la seule dignité, c'est de désobéir et de résister à ces lois injustes »

José Bové, lors des affrontements de Yaté58

Ces actions radicales furent engagées par le comité Rhéébù nùù suite à la lenteur des expertises menées. En effet, le chantier de l'usine se poursuivait alors méme que des études importantes pour l'avenir du projet étaient en cours. Dans ce cadre, c'est l'ouverture du débat qui a permis de constater un manque important d'information. Ce sont les nombreux doutes et l'opacité de l'accès à l'information, aux rapports, aux conclusions d'enquêtes... qui ont provoqués la radicalisation de la position de Rhéébù nùù.

Suite aux nombreux efforts entrepris par l'industriel, notamment sur le rejet de manganèse ou encore sur sa participation au projet de classement du grand lagon sud, le comité Rhéébù

57 Ces affrontements sont visibles dans le film : « Rhéébù nùù : L'oeil du sud ». Ce film est consultable sur le site http://leweb2zero.tv/video/franky_9445165be374f14

58 Extrait du film « Rhéébù nùù : L'oeil du sud »

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nùù a souhaité, tout en conservant son indépendance, amorcer des négociations avec l'industriel.

Depuis le 27 septembre 2008, le comité, les coutumiers de l'aire Djubéa Kapone et Vale Inco ont signé « un pacte pour un développement durable du grand sud ». Ce pacte a été conduit pour trouver une solution consensuelle et privilégier la participation des gens du sud dans le projet. Ce pacte doit favoriser la discussion au lieu d'actions plus musclées.

Ce pacte est considéré par beaucoup d'associations de protection de l'environnement comme une trahison de la part de Rhéébù nùù. Cependant, tous les acteurs interviewés sont unanimes pour mentionner qu'il y a eu des améliorations dans la conduite du projet et dans les efforts qui ont été faits pour la protection de l'environnement. Ces améliorations sont appréciées de manière différente en fonction des personnes interrogées mais le constat est unanime. Ceci nous amène à penser que ces organismes de participations sont utiles pour le projet, en dépit des nombreux défauts que l'ont peut leurs attribuées.

C. Ouverture plus large

Notre échantillon présente un accroissement et un élargissement des participants à la réunion. Les comptes-rendus de réunion qui suivent confirment cette tendance. Toutefois, afin de bien saisir l'intégralité de la situation, deux points important sont à mentionner :

D'une part l'élargissement et l'accroissement des participants sont réels, mais ces derniers se divisent en deux catégories. D'abord, les membres du comité qui ont le droit de participer à la discussion. Comme le montre notre analyse tous n'y participent pas, ce sont bien souvent les mêmes acteurs qui s'expriment. Puis, les observateurs tel que les associations de protection environnementales, sauf le comité Rhéébù nùù, qui n'ont pas le droit à la parole et se contentent d'assister aux discussions.

D'autre part, il est important de souligner que les membres du comité sont toujours les mêmes. Autrement dit, cette augmentation est due au fait que tel ou tel membre décide d'augmenter le nombre de ses participants, ensuite les observateurs qui sont l'unique surprise de ces rencontres sont sélectionnés, quant au public, c'est le grand absent de ces réunions. D'ailleurs l'autorisation ou non de sa présence est une question floue comme on peut le voir dans les entretiens.

Au vue de ces précisions, l'ouverture plus large du débat est relative. Reste que la tendance se poursuit à l'intérieur du CICS et également dans d'autres structures qui ont été créées pour poursuivre la discussion avec la société civile et montrer cette volonté d'être le plus transparent possible.

D. Création de plusieurs outils de concertation

Le CICS est le première espace créé pour confronter les différents partis. Fort du succès des discussions qui sont tenus, on constate aujourd'hui une multitude d'espace de discussion. Une structure qui a pour principale mission la surveillance des impacts environnementaux du projet se mue de plus en plus en espace de débat et une autre structure de concertation est sur le point d'être créer.

1. L'oeil

L'Observatoire Et l'Information sur L'environnement ou également appelé l'Observatoire de l'environnement du grand sud en Nouvelle-Calédonie a été créé le 03 mars 2009 pour accompagner le projet Vale Inco. Il a trois missions principales qui sont la surveillance du projet à l'aide d'indicateur scientifique, la communication des résultats qui seront accessibles au grand public et aux décideurs, et enfin la recherche constante d'optimisation des outils d'analyse en l'occurrence à travers la création d'indicateurs environnementaux performants. Dans sa composition, cet observatoire qui a un statut associatif, est beaucoup plus ouvert que le CICS. Il est composé de six collèges et un conseil d'administration. Selon Mr Leborgne, l'oeil prend de plus en plus l'ascendant sur le CICS et occupe quasiment la même fonction que lui. Cette espace qui est beaucoup plus polyvalent mais qui sur l'aspect communication fait la même chose que le CICS souligne sûrement les lacunes rencontrées dans notre analyse du comité.

2. Le Comité Consultatif Coutumier Environnemental (CCCE)

Le CCCE n'est pas encore opérationnel. La date d'entrée en vigueur de ce comité est fixée à la date de la première tonne de minerai extraite et traitée sur site ou exportée. Cette date n'est plus certaine car dans notre entretien Mr Raphael Mapou souligne la remise en cause de ce pacte suite à l'accident industriel survenu le 1er avril 2009 sur le site de Vale Inco.

Le CCCE devra constituer un intermédiaire permettant une discussion permanente entre Vale Inco et les populations voisines de son projet. Il permettra de garantir la participation des instances coutumières au suivi environnemental du projet, ainsi que la prise en compte du savoir et des connaissances traditionnels kanaks. Le CCCE doit permettre de développer une relation durable avec les populations voisines tout au long du projet, de la fin de la période de construction jusqu'à sa fermeture.

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Ces comités ne sont pas directement liés aux réunions du CICS, mais c'est bien ce dernier qui a fait prendre conscience à l'ensemble des acteurs du projet de la nécessité de discuter ensemble pour construire l'usine du sud dans un développement que l'on pourra qualifier de viable, vivable et équitable pour tous.

Au cours de ce chapitre, nous avons analysés le GIGS, son rôle, son organisation, ses impacts, etc.... Il fut intéressant de constater l'originalité de cette structure qui est une organisation ad hoc pour le projet de l'usine du sud. Les particularités de ce comité nous montrent la nécessité pour les structures de concertation d'être flexibles et de s'adapter à toutes situations. En effet, toutes les démarches concernant la gouvernance partagée sont différentes au niveau mondial. Toutefois, quelques caractéristiques subsistent. D'ailleurs, notre analyse nous a montré des similitudes avec les structures métropolitaines.

En allant plus loin nous avons découvert que le GIGS qui est soit disant « ouvert au public » ne l'est pas tant que ça. En effet, il est très difficile pour un profane d'intégrer le débat. Son seul moyen est d'adhérer à une organisation en place ou d'en créer une. Si ouverture il y a, celle-ci se résume aux comptes rendus de réunions disponibles sur internet et encore, ceux-ci ne sont disponibles que jusqu'en 2006.

Le processus de communication ou de décision s'établit comme ceci :

Schéma :

Personne non-organisée Associations Réunions du GIGS Avis et décisions

Pour être légitime, la décision doit passer par plusieurs écluses. Dans ce cas nous constatons que le profane n'est pas au même niveau que les associations de protection de l'environnement. La structure ne lui est donc pas directement destinée. Le risque de cette organisation est de dénaturer les avis originaux émis par les personnes non-organisées.

Les entretiens ont fait ressortir la difficulté d'intégrer les populations dans le processus. Il a été constaté que les personnes se déplaçaient rarement en réunion d'information, aux consultations, aux débats... Il y aurait un manque de responsabilité citoyenne. Toutefois, s'il est vrai que la population n'est pas très active, en tant que membre de la société civile, son rôle est de porter au coeur du système politique les différents problèmes de société. Or lorsque la situation est convenable, c'est-à-dire lorsque le système fonctionne, est-ce-que la société civile doit continuer à endosser ce rôle ? Par nature elle intervient en cas de disfonctionnement du système et elle abandonne le traitement spécialisé de ces questions au système politique qui est le seul compétent, non par pour décider, mais pour valider les

décisions. Dans notre cas, on constate que le public est massivement présent lors des situations conflictuelles, mais autrement seuls « les experts », c'est-à-dire les personnes très investies dans le projet, sont présents et discutent lors des rencontres organisées. Cette absence du public lors des réunions organisées s'explique également à cause de l'absence de prise de conscience du risque industriel. En effet, face aux nombreux avantages économiques qu'engendrent l'activité de l'industriel, il est difficile pour le citoyen lambda ou le salarié de la société de contester l'activité de Vale Inco. Cette absence d'intérêt de la population n'est pas une situation typiquement Calédonienne, mais bien un problème inhérent à tout projet nécessitant la participation du public.

Aujourd'hui nous constatons la création de plusieurs espaces de discussion institutionnalisés. Ces espaces étant conventionnels, ils ont un impact plus important sur la conduite du projet. Ils jouent le rôle de filtre entre la société civile et le système politique et économique. Dans une certaine mesure, nous pouvons penser que la création de ces structures traduit une volonté de l'ensemble des catégories de discuter, d'ouvrir le débat et de travailler ensemble. Me concernant, je pense plutôt que la multiplicité de ces structures démontre les difficultés que rencontrent les acteurs du projet à communiquer, à travailler ensemble et au-delà de ça, elle montre une réelle crise de confiance entre les acteurs. La confiance est un élément de base pour créer une situation communicationnelle saine. E. Goffman nous dit que pour toute communication, il faut « a priori » admettre la sincérité d'autrui. Cette sincérité a souvent été remise en cause concernant le projet Vale Inco et elle continue de l'être. Les entretiens en annexes et la multiplicité des espaces de concertation en attestent.

Finalement, après avoir constaté l'ouverture contrôlée et partielle du débat, l'absence de prise de conscience du public et les difficultés que rencontrent les acteurs du projet pour travailler ensemble, on pourrait dire que cette structure est un échec. Pourtant, il n'en est rien. En effet, même si les méthodes et décisions peuvent être questionnées. Les avis des acteurs interrogés sont unanimes pour souligner l'utilité de la structure. Le comité a nettement amélioré la conduite du projet depuis sa création. Les partis sont tantôt entrés en conflit, tantôt entrés en discussion, les aspects environnementaux du projet sont beaucoup plus pris en compte qu'au départ, la concertation est devenue un thème phare des politiques en NouvelleCalédonie... Il est donc indéniable que les discussions du comité et donc la concertation a eu un impact significatif et positif sur le projet et globalement sur l'ensemble de la politique de la Province sud, pour ne pas dire du Territoire.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote