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Le statut juridique des ouvrages hydrauliques

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par Anthony Neaux
Université François Rabelais - Tours - Master 2 Administration des Collectivités Territoriales 2008
  

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§ 4. / Le classement des cours d'eau

Outre le classement distinguant domaine public fluvial et cours d'eau non domaniaux, le législateur a établit depuis longtemps un classement des cours d'eau qui permet selon leurs caractéristiques communes de leur appliquer une législation plus adaptée. Ainsi dès le début du XXème siècle certains cours d'eau étaient classés pour la protection du saumon, mais la pratique montre aujourd'hui que ces cours d'eau sont de véritables successions de barrages. Il est donc apparu nécessaire de faire évoluer la typologie du classement des cours d'eau.

11 Codifié à l'article L 2111-12 du code général de la propriété des personnes publiques.

Jusqu'à l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, le classement existant distinguait deux régimes différents : les rivières réservées au titre de l'article 2 de la loi de 1919 et les rivières classées au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement. Le classement actuel résulte de l'article 6 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 qui ajoute au chapitre 4 du livre 2 du code de l'environnement une section 5 intitulée << Obligations relatives aux ouvrages ». Les modalités d'application sont précisées par le décret n°2007-1760 du 14 décembre 2007 << portant dispositions relatives aux régimes d'autorisation et de déclaration au titre de la gestion et de la protection de l'eau et des milieux aquatiques, aux obligations imposées à certains ouvrages situés sur les cours d'eau, à l'entretien et à la restauration des milieux aquatiques et modifiant le code de l'environnement ». En outre la circulaire12 du 6 février 2008 << relative au classement des cours d'eau au titre de l'article L214-17-I du code de l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages » vient apporter les explications nécessaire à l'application de ce nouveau classement.

L'article L214-17-I du code de l'environnement issu de la LEMA met à la charge du préfet coordonnateur de bassin d'établir (après avis des conseils généraux, EPTB et comités de bassins) :

- Une liste de cours d'eau ou partie de cours d'eau, « en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique ». Sur ces cours d'eau le renouvellement de concession ou d'autorisation des ouvrages existants est « subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ». La circulaire du 6 février 2008 précise que « si la notion d'ouvrage nouveau s'applique au renouvellement des titres des ouvrages existants, elle doit être appliquée de manière éclairée

12 Circulaire n°2008/25.

lorsqu'il s'agit de modifications des caractéristiques d'ouvrages existants. Si ces modifications améliorent ou n'aggravent pas la situation par rapport à la situation particulière ayant motivé le classement, il y a tout lieu de considérer qu'il ne s'agit pas d'ouvrages nouveaux ». La circulaire donne également à titre d'exemple différents types de prescriptions possibles afin de maintenir le très bon état écologique des eaux. Il s'agit notamment de la construction de dispositifs de franchissement pour la montaison et/ou la dévalaison du poisson, ou encore de la construction de dispositifs de gestion adaptée du transport solide.

- Ce même article L214-17-I prévoit également que doit être établit une liste des cours d'eau ou partie de cours d'eau « dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant ».

Ces listes ne peuvent être établies qu'après une étude d'impact du classement, premièrement sur la prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides, deuxièmement sur la protection des eaux et la lutte contre toute pollution, troisièmement sur la restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération, quatrièmement sur le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau, cinquièmement sur la valorisation de l'eau comme ressource économique, et enfin sixièmement, sur la promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau.

Les obligations qui résultent du premier classement n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante.

L'établissement de ces listes par le préfet rend les obligations qui en découlent applicables immédiatement concernant les cours d'eau en très bon état, alors que celles résultants du second classement ne sont applicables que cinq ans après publication des listes. Dès que ces obligations sont applicables, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 et l'article L. 432-6 du code de l'environnement ne sont plus applicables aux cours d'eaux concernés. « A l'expiration du délai précité, et au plus tard le 1er janvier 2014,

le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L. 432-6 précité est abrogé » (article L214-7-III du code de l'environnement).

Le décret du 14 décembre 200713 est venu préciser ce qu'est un cours d'eau qui joue le rôle de réservoir biologique au sens de l'article L214-17-I. Il s'agit de « ceux qui comprennent une ou plusieurs zones de reproduction ou d'habitat des espèces de phytoplanctons, de macrophytes et de phytobenthos, de faune benthique invertébrée ou d'ichtyofaune, et permettent leur répartition dans un ou plusieurs cours d'eau du bassin versant » (article R214-108 du code de l'environnement).

De même ce décret précise ce qu'est un obstacle à la continuité écologique au sens de l'article L214-17-I et de l'article R214-1. Il s'agit d'un ouvrage « entrant dans l'un des cas suivants :

1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ;

2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;

3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;

4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques ».

La circulaire du 6 février 200814 vient préciser deux points importants. D'abord, les impacts sur la libre circulation des espèces doivent être appréhendés non pas uniquement à l'échelle individuelle mais également être restitués à l'échelle du bassin. En pratique, selon la circulaire, les ouvrages entièrement nouveaux nécessitants un dispositif de franchissement ne pourront probablement pas démontrer l'absence d'obstacle à la continuité. Ensuite, la notion de bon déroulement du transport naturel des sédiments est relativement nouvelle au regard de celle de libre circulation des espèces biologiques. C'est pourquoi il faudra veiller à ce que l'étude d'impact ou le document d'incidence du projet démontre la transparence sédimentaire de l'ouvrage en fournissant des éléments d'information détaillés sur les effets du projet quant au transport des sédiments, notamment les particules grossières et sableuses. En pratique, selon la circulaire, les ouvrages barrant intégralement le cours d'eau ne pourront probablement jamais satisfaire à ce dernier critère.

13 Décret n°2007-1760.

14 Circulaire n°2008/25.

Le Thouet, en sa totalité, est actuellement classé au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement, lequel prévoit que « tout ouvrage doit comporter des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs. L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien de ces dispositifs. Les ouvrages existants doivent être mis en conformité, sans indemnité, avec les dispositions du présent article dans un délai de cinq ans à compter de la publication d'une liste d'espèces migratrices par bassin ou sous-bassin fixée par le ministre chargé de la pêche en eau douce et, le cas échéant, par le ministre chargé de la mer ».

La Sèvre Nantaise et la Maine, quant à elles, sont classées au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement uniquement pour sa partie situé dans le département de la « Loire-Atlantique ».

A ce jour ni le Thouet ni la Sèvre Nantaise ne sont concernés par la publication d'une liste d'espèces migratrices. Dès lors la mise en conformité des ouvrages avec l'article L432-6 ne s'effectue qu'à l'occasion de travaux soumis à autorisation. Toutefois, dès 2009 il devra y avoir un classement de cours d'eau au titre de l'article L214-17 du code de l'environnement pour les anguilles compte tenu de la place stratégique de la Sèvre et du Thouet pour cette espèce migratrice.

Notons aussi qu'au-delà des considérations attachées au partage des usages et au respect dû à la propriété privée des riverains, le législateur a très tôt pris en compte l'aspect environnemental de la rivière, laquelle ne devait dès lors plus faire l'objet que d'une gestion patrimoniale. C'est ainsi que dès le début du XIX ème siècle, une loi du 15 avril 1829 (article 15) interdisait aux maîtres des moulins de fermer en même temps toutes les ouvertures de leur digue (vanne de décharge, pas-le-roi de flottage,...), et ce, afin que subsiste en tout temps un passage plus aisément franchissable par les migrateurs.

§ 5. / L'organisation administrative de la gestion des cours d'eau : structures et compétences

Notons d'abord la présence, au niveau national, d'un ministère chargé de l'environnement. Ce ministère est dénommé « ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durable »15, auprès duquel un secrétariat d'Etat chargé de l'écologie est délégué16. Il comporte trois directions ayant compétence dans le domaine de l'eau : la direction de l'eau, la direction de la prévention des pollutions et des risques, et enfin, la délégation au développement durable.

La plupart des autres ministères étant intéressés par le domaine de l'eau, la coordination entre les autres ministères et le ministère en charge de l'environnement est assurée par le comité interministériel pour le développement durable et par la mission interministérielle de l'eau.

Au niveau régional, bien que les directions régionales de l'environnement aient un rôle clé dans le domaine de l'eau, c'est le préfet qui dirige l'action de l'Etat et coordonne la politique à mener entre les différentes directions. Au niveau départemental, les directions départementales de l'équipement ont compétences concernant les implications d'aménagement et d'urbanisation. Les directions départementales de l'agriculture et de la forêt ont également compétences en raison de l'impact de cette activité sur l'eau et les milieux. Enfin les DSV (direction des services vétérinaires) et les DDASS (direction départementales des affaires sanitaires et sociales) ont aussi une compétence en la matière compte tenu des préoccupations d'hygiène, de sécurité et de salubrité publique. L'organisation départementale est actuellement assez obscure en raison du nombre important de directions en charge du domaine de l'eau. La réorganisation des services de l'Etat devrait conduire, à terme, à un rapprochement entre les DDAF et la DDE, ainsi qu'entre les DSV et les DDASS. La coordination est actuellement assurée par le préfet de zone, la commission administrative de bassin, et la mission interservices de l'eau (MISE).

Au niveau décentralisé, les collectivités territoriales ont un rôle entier à jouer dans le domaine de l'eau. Les régions interviennent notamment à raison de leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et d'économie. Les départements interviennent quant à

15 Instauré par le décret du 18 mai 2007 relatif à la composition du Gouvernement (Journal Officiel du 19 mai 2007).

16 Créé par le 2ème décret du 19 juin 2007 relatif à la composition du Gouvernement (JO du 20 juin 2007).

eux en raison de leurs compétences en matière d'aménagement rural, de gestion des espaces naturels sensibles et de leurs possibilités d'intervention dans les espaces périurbains. Enfin, les communes et leurs groupements sont historiquement au coeur de la gestion locale de l'eau. Elles disposent de compétences en matière de préservation des milieux, mais aussi en matière de gestion des services (captage et distribution d'eau potable, assainissement des eaux usées). Les collectivités territoriales, les communes et les départements le plus généralement, peuvent se regrouper en syndicat mixte et en établissement public territorial de bassin. Ces formes de coopérations permettent aux collectivités de gérer leurs compétences de manière cohérente en tenant compte des réalités géographiques, ce qui en matière de gestion des cours d'eau s'avère particulièrement pertinent.

La société civile joue également un rôle en matière de gestion de l'eau et des milieux aquatiques. Notons par exemple l'existence des associations de protection de l'environnement, des associations de pêche de loisir ou encore des associations de pêche professionnelle.

Enfin, il existe des institutions spécialisées intervenant dans le domaine de l'eau. Il s'agit au niveau national du comité national de l'eau, de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques et du comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques. Au niveau du bassin, il s'agit du comité de bassin et des agences de l'eau. Et enfin, au niveau du sous-bassin, il s'agit de la commission locale de l'eau et des établissements publics territoriaux de bassin. Les agences de l'eau, créées par la loi de 1964, ont été instituées dans chacun des six bassins (Loire - Bretagne, Adour - Garonne, Rhône - Méditerranée - Corse, Seine - Normandie, Rhin - Meuse, Artois - Picardie). Ce sont des établissements publics à caractère administratif placées sous la tutelle du ministre chargé de l'environnement. Leurs principales fonctions sont financières et d'étude.

Concernant plus particulièrement l'ONEMA17, c'est un établissement public administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre en charge de l'environnement, qui peut mettre en place des délégations régionales ou départementales. Sa mission est de « mener et soutenir au niveau national des actions destinées à favoriser une gestion globale, durable et équilibrée de la ressource... »18.

17 Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques.

18 Article 83-II de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006.

Bien que les acteurs soient multiples à intervenir dans le domaine de l'eau, il ne faut pas oublier l'importance des droits et devoirs du premier de ces acteurs : le propriétaire riverain.

§ 6. / Le droit de riveraineté d'un cours d'eau

« Le droit de riveraineté peut se définir comme l'ensemble des droits dont le propriétaire d'un fonds bordant un cours d'eau non domanial, ou traversé par lui, est titulaire », telle est la définition qui nous est proposée par Pascal Gourdault-Montagne dans son ouvrage de 199419. Cette définition témoigne de l'incertitude qui pèse sur la matière, d'autant que le droit de riveraineté est inséparable de la notion de cours d'eau, qui, nous l'avons vu plus haut, est << incomplète et malaisée » selon les mots de Johan De Malafosse en préface de ce même ouvrage.

Le propriétaire foncier d'un fonds bordé par un cours d'eau non domanial est titulaire de deux catégories de droits distincts et complémentaires constituant le droit de riveraineté. « Il s'agit d'une part des droits découlant du droit de propriété qui est reconnu au riverain sur le lit depuis la loi du 8 avril 1898, et d'autre part des droits issus du droit d'usage préférentiel qu'il exerce sur les eaux courantes qui bordent ou traversent son héritage en application de l'article 644 du code civil »20 selon Pascal Gourdault-Montagne.

En effet le propriétaire d'une parcelle de terrain qui borde un cours d'eau non domanial est, sauf titre ou prescription contraire, propriétaire du lit jusqu'au milieu du cours d'eau (article L 215-2 du code de l'environnement), à charge pour lui de l'entretenir. Il s'agit là d'une innovation apportée par la loi de 1898, laquelle s'opposait à la doctrine de l'époque qui faisait du lit, au même titre que l'eau qui y coule, une chose commune. La loi de 1898 ne change pas le statut de l'eau de la rivière, elle reste chose commune ; le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial peut user de l'eau à la condition de la rendre à son cours ordinaire, sans en dénaturer la qualité ni la rendre impropre à son usage normal afin de ne pas porter atteinte aux droits des riverains inférieurs21. En outre, l'article 215-1 du code de l'environnement

19 << Le droit de riveraineté : propriété, usages, protection des cours d'eau non domaniaux » de Pascal GourdaultMontagne, 1994, éditions Lavoisier.

20 Le droit de riveraineté, édition Lavoisier 1994 page 11.

21 Article 644 du code civil.

dispose que « les riverains n'ont le droit d'user de l'eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer, dans l'exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des autorisations émanant de l'administration ». L'eau de la rivière étant res communis, c'est-à-dire chose commune, tout le monde devrait avoir le pouvoir d'en disposer, cependant ce droit n'est attribué qu'aux riverains par le législateur. Ce régime préférentiel a pour origine un arrêt du Parlement de Paris du 12 juillet 1787 qui considère le droit d'usage de l'eau comme la contrepartie des inconvénients que subissent les propriétés riveraines (crues, érosion,...).

André Hauriou écrit dans sa thèse << La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables »22 en 1921 que « tout le monde, bien entendu, puisque l'eau courante est considérée comme une chose commune, peut puiser l'eau, se laver, ou abreuver des bestiaux dans les petites rivières, le public peut même y circuler librement en bateau, là oil les ouvrages d'art n'interdisent pas la navigation, mais les deux utilités principales de l'eau courante : l'irrigation et la force motrice sont, ou du moins pour cette dernière étaient jusqu'à la loi du 16 octobre 1919 réservées aux seuls riverains. Armé de ce caractère d'exclusivité, les droits de riverainetés sont de plus cessibles comme la jurisprudence l'a très vite admis. Il en résulte qu'un riverain, lorsqu'il ne peut pas ou ne veut pas se servir de son droit à l'eau, à la faculté de le céder à un tiers, son propre droit restant dans ce cas la mesure du droit du cessionnaire »23.

Enfin, l'article L 214-6 du même code précise que « dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés ». Il s'agit là d'un des aspects premiers de la philosophie qui sous-tend tout le droit de l'eau, et tout particulièrement le droit des cours d'eau non domaniaux puisqu'il s'agit de rivières dont le lit appartient, en général, aux propriétaires des fonds bordants. Il en découle l'applicabilité des règles classiques en matière de droit de la propriété privée, de voisinage, et donc une certaine protection due aux droits qui y sont attachés.

22A. Hauriou, << La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables », thèse, Toulouse, 1921, 112 pages.

23 Voir section 1.4.1 page 48.

§ 7. / La responsabilité civile du propriétaire riverain

L'article 1382 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer ».

L'article 1383 du même code ajoute que « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

Enfin, l'article 1386 pose que « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par la suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction ».

Ces trois articles peuvent fonder une action en responsabilité civile contre le propriétaire d'un ouvrage hydraulique qui sera à l'origine d'un dommage, sur une propriété riveraine notamment. Une mauvaise gestion des vannages, un défaut d'entretien, ou bien encore un vice de construction peuvent être sources de nuisances causant des dommages aux propriétaires tant avals qu'amonts. Une brusque montée dans eaux, ou au contraire, un subit abaissement de la ligne d'eau, causé par une mauvaise gestion ou un mauvais entretien de l'ouvrage, sont autant d'évènements constitutifs d'un fait dommageable susceptible de mettre en jeu la responsabilité civile du propriétaire de l'ouvrage à l'égard de celui qui, victime d'un dommage, aura prouvé le lien de causalité entre le fait dommageable et son dommage.

Les troubles de voisinages peuvent également servir de base légale à une action en responsabilité civile. C'est là un des développements de la responsabilité sans faute. Elle est mise en jeu dès lors que la victime a subit des troubles disproportionnés au regard des conditions habituelles de vie. Ainsi, l'assèchement du sol d'un voisin, consécutif à une plantation de peupliers a, par exemple, suffit à justifier une condamnation à des dommages et intérêts par la deuxième chambre de la Cour de Cassation dans un arrêt du 29 juin 2000 « Mme Annie C-F »24.

La théorie de la pré-occupation exonère le responsable d'un dommage dans l'hypothèse où l'implantation de ce dernier est antérieure à celle du tiers qui se prévaut du dommage. Cette théorie s'applique sous réserve que soient respectées les règles relatives à

24 Pourvoi n°98-20.519, arrêt n°708.

l'exploitation de l'ouvrage. En cas de méconnaissance, la responsabilité de l'exploitant peut être mise en jeu lorsque ledit voisinage en a subit des préjudices.

Cependant la réparation civile suppose de remplir plusieurs conditions :

- il faut, en premier lieu, la réalisation d'un dommage. Le préjudice doit être certain ; la jurisprudence admet le préjudice futur dans la mesure où la certitude de sa réalisation est prouvée. Le préjudice doit encore être direct. Enfin, le préjudice doit être personnel. La jurisprudence a, par exemple, admis l'indemnisation du voisin d'un propriétaire d'étang dont le terrain avait été inondée et par là même était devenu inutilisable25.

- il faut, en second lieu, un intérêt à agir. C'est le requérant qui doit le démontrer relativement à sa situation. Dans le cas d'associations, c'est l'objet associatif qui détermine l'intérêt à agir. Ainsi, les associations agréées, titulaires de droit de pêche, participent à la protection et à la gestion du milieu piscicole, dés lors elles subissent un dommage du fait de la destruction de poissons26.

- il faut, en dernier lieu, un lien de causalité entre le dommage subit et l'auteur dudit dommage. La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a par exemple jugé dans l'arrêt « M. Prieur » du 1er avril 199927, que le défaut d'entretien des digues d'un étang est directement la cause d'une inondation.

La mise en jeu de la responsabilité civile se résout soit par l'octroi de dommages et intérêts, soit par une action en réparation.

Enfin l'article L215-11 du code de l'environnement précise que « Les propriétaires ou fermiers de moulins et usines, même autorisés ou ayant une existence légale, sont garants des dommages causés aux chemins et aux propriétés ». Il n'y a donc pas de distinction à faire entre les usines et moulins fondés en titre ou fondés sur titre. Le fondement en titre n'exonère pas son titulaire de la responsabilité qu'il peut voir engager en cas de dommage du fait de son ouvrage sur des propriétés ou chemins amonts ou avals.

Notre étude, sans écarter totalement la question de la responsabilité, sera plus particulièrement centrée sur le statut juridique des ouvrages hydrauliques. Pour cela il

25 Cour de Cassation, 3e chambre civile, 18 mai 2004, Gaillard contre Benoît, pourvoi n°03-11.345.

26 Cour de Cassation, chambre criminelle, 4 février 1986, Fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture des Alpes-Maritimes, pourvoi n°85-93.156.

27 Pourvoi 97-17.960, arrêt n°554.

conviendra d'étudier d'abord les différents types de statuts que la loi et la jurisprudence ont mis à jour tout au long du XIXème et du XXème siècle dans une analyse des différents cas d'ouvrages hydrauliques (partie 1), puis d'étudier comment les services de la police de l'eau et les collectivités territoriales peuvent intervenir sur ces ouvrages en fonction de leur statut en traitant les différents cas (partie 2).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci