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Le statut juridique des ouvrages hydrauliques

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par Anthony Neaux
Université François Rabelais - Tours - Master 2 Administration des Collectivités Territoriales 2008
  

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Partie 1 : ANALYSE DES

DIFFERENTS CAS

L'analyse des différents cas d'ouvrages hydrauliques qu'il est possible de rencontrer en droit français nécessite d'établir le contexte juridique (chapitre 1.1.) ayant conduit à la situation actuelle. En effet, notre droit actuel est issu d'évolutions législatives et jurisprudentielles marquées depuis la Révolution française de 1789 par des philosophies différentes qui ont fortement imprégnées le cadre légal des ouvrages hydrauliques. Ainsi, si la Révolution s'est voulue comme une rupture avec l'Ancien Régime, elle n'en a pas pour autant mis fin à tous les droits qui en étaient issus. Les moulins construits sur les cours d'eau non domaniaux avant l'abolition des droits féodaux conservent en effet un régime particulier que certains qualifieront de « privilégier >> et sont dès lors bénéficiaires d'un « droit d'eau fondé en titre >>, ce sont les usines et moulins ayant une existence légale (chapitre 1.2.). Cependant la période de trouble juridique initié par l'avènement d'un nouveau régime politique et d'une nouvelle organisation administrative a fait émerger la nécessité d'une réglementation particulière aux moulins et usines hydrauliques, lesquels devront désormais être autorisés et par là même « fondés sur titre >> (chapitre 1.3.). Bien que le statut de ces différents ouvrages soit fixé de manière précise, l'évolution du régime juridique de chaque ouvrage pris individuellement est susceptible d'évolutions (chapitre 1.4.) permettant ainsi une diversité de situations sans empêcher toutefois l'émergence de cas particuliers quant à leur situation foncière (chapitre 1.5.).

Chapitre 1.1. : Etablissement du contexte juridique

Le contexte juridique relatif au statut des ouvrages hydrauliques a d'abord été marqué par l'adoption des premières grandes lois sur l'eau de 1898 et de 1919 (section 1.1.1.), lesquelles ont contribuées à fixer la définition du droit d'eau (section 1.1.2.) ainsi que la consistance légale des droits d'eau (section 1.1.3.) dont sont en principe titulaires les propriétaires riverains des cours d'eau.

Section 1.1.1. : Les premières grandes lois sur l'eau de 1898 et 1919

La loi sur le régime des eaux de 1898 définit les droits et obligations des riverains que l'on retrouve aujourd'hui dans le code de l'environnement au chapitre V du livre II << dispositions propres aux cours d'eau non domaniaux». Le titre Ier << eaux pluviales et sources » de la loi de 1898 a modifié les articles 641 à 643 du code civil, lesquels sont encore aujourd'hui issus de cette version. Mais c'est le titre II sur les << cours d'eau non navigables et non flottables » qui nous intéresse ici plus particulièrement. La loi de 1898 est venue confirmer la thèse de la doctrine du XIXème siècle selon laquelle l'eau des cours d'eau non navigables ni flottables est res communis (chose commune). L'article 3 de cette loi qui apporte une véritable innovation, allant contre l'opinion dominante de la doctrine de l'époque, puisqu'il dispose que « le lit des cours d'eau non navigables et non flottables appartient aux propriétaires des deux rives ».

Il existait quatre systèmes présentés par la doctrine et la jurisprudence du XIX ème siècle : le premier défendu par Proudhon et Rives disait que les rivières non navigables ni flottables appartenaient au domaine public au même titre que les rivières navigables ; le deuxième défendu par Championnière et Daviel accordait au contraire la propriété du lit et du cours d'eau aux riverains ; le troisième, qui était celui de la jurisprudence, posait que le lit et

les cours d'eau sont choses communes qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous aux termes de l'article 714 du code civil ; enfin, le quatrième système qui lui avait peu de défenseurs mais qui fut consacré par la loi de 1898 accordait la propriété du lit aux riverains tandis que le cours d'eau n'appartenait à personne.

Concernant l'usage de l'énergie hydraulique, jusqu'à la loi de 1898 la prétention de l'administration de vouloir soumettre l'usage de la force motrice à une autorisation administrative n'était appuyée sur aucun texte, et nombreux étaient ceux qui comme Trolong déclaraient que cet usage n'était « qu'un abus et un débris de l'esprit envahisseur de l'administration impériale »28.

Sont ensuite posées les obligations des propriétaires des fonds bordants que nous retrouvons aujourd'hui aux articles L215-1 et suivants du code de l'environnement. Avec la loi de 1898, c'est la première fois que l'Etat intervient pour réglementer les usages de la rivière par un système d'autorisation que nous appellerions aujourd'hui << police de l'eau ». Cependant il ne s'agit pas, à la fin du XIX ème siècle, de répondre à des impératifs d'ordre environnementaux, mais plutôt d'assurer le respect de la salubrité publique et donc de la sécurité publique face à l'important développement industriel qu'a déjà connu la France. En protégeant le statut de l'eau et en en faisant une chose commune, cette loi a également le souci de veiller à ce que tous les agriculteurs puissent avoir accès à la ressource, et notamment ceux situés en aval.

Un règlement d'administration publique de 1905 et une circulaire ministérielle du 1er juin 1906 arrêtent les bases de la police des cours d'eau. Ces textes toujours en vigueur sont repris au niveau départemental sous forme de règlements de police des cours d'eau signés par les préfets dans le courant du second semestre 1906.

Quant à l'usage hydraulique (l'usage industriel), c'est pour l'essentiel un usage qui est régi par la loi sur l'énergie hydraulique du 16 octobre 1919, précisé et adapté par les textes successifs postérieurs. La plus grande partie des << vieux » moulins d'une puissance inférieure à 150 kW ne sont pas visés par la loi de 1919. Qu'ils aient bénéficié d'un règlement d'eau antérieur à 1919 ou qu'ils soient fondés en titre, ils sont autorisés sans formalité et sans

28 Tiré de la thèse de A. Hauriou << La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables ».

limitation de durée. Contrairement aux autorisations accordées dans le cadre de la loi de 1919, leurs droits d'eau sont cessibles, ils suivent le moulin en cas de changement de propriétaire. Cette loi de 1919 marquait à l'époque l'entrée de l'Etat dans le domaine de l'énergie hydraulique. En effet après avoir attribué le lit des cours d'eau non domaniaux aux riverains par la loi de 1898, mais fait de l'eau des cours d'eau une chose commune, l'Etat semble s'approprier l'énergie hydraulique. C'est en tout cas ce que développe André Hauriou dans sa thèse pour le doctorat politique présenté à Toulouse en 1921 « La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables ». Selon lui « un problème allait alors se poser, dès l'entrée de l'Etat dans le domaine de la production, de la solution duquel dépendrait sa réussite ou son échec comme producteur : se procurer sans grever trop lourdement les finances du pays et, par conséquent, sans expropriation, ces biens qui sont le point de départ indispensable de toute action industrielle et qui porte le nom de sources de production. Le législateur de 1919 a résolu le problème pour les mines et pour l'énergie hydraulique, mais non sans léser gravement des intérêts particuliers »29. Et d'ajouter « la mainmise de l'Etat est encore plus nette en matière d'hydro-électrique ou la plus grande partie de l'énergie, celle produite par les cours d'eau non navigables ni flottables et qui se trouvait encore avant 1919, dans le patrimoine des riverains ou des usiniers, est nationalisée et passe dans le domaine de l'Etat »30. Les statistiques du ministère de l'agriculture nous montrent d'ailleurs qu'en 1918 il existait 42 025 entreprises d'une puissance motrice inférieure à 500 kW, et seulement 168 étaient d'une puissance motrice supérieure à 500 kW.

L'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 pose que « nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs, des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat ». Pour André Hauriou, cet article 1er « consacre l'avènement d'un bien nouveau, l'énergie hydraulique, envisagée pour la première fois comme distincte de l'eau qui lui sert de véhicule. Get article place l'énergie hydraulique hors du commerce ordinaire des choses ».

L'article 2 de cette loi, modifié par la loi du 15 juillet 1980, pose que « sont placés sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance31 excède 4500 kW (500 kW à l'origine), sont placés sous le régime de l'autorisation toutes les autres entreprises ».

29 Page 8 de la thèse d'André Hauriou.

30 Page 9 de la thèse d'André Hauriou.

31 Produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation.

Enfin, l'article 1832 de cette même loi prévoit que « les dispositions des paragraphes 1er, 2, 3 et 4 du présent article (prévoyant notamment que les entreprises autorisées avant le 16 octobre 1919 demeurent soumises au même régime pendant 75 ans puis sont assimilables aux entreprises arrivant en fin de concession ou d'autorisation) ne sont pas applicables aux entreprises dont la puissance maximum ne dépasse pas 150 kW ; ces entreprises demeurent autorisées conformément à leur titre actuel et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues par les lois en vigueur sur le régime des eaux courantes ».

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 5 juillet 2004 « SA Laprade énergie »33, fait application de cette loi et rappelle « qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quelque soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État ; qu'en application de l'article 2, sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts et sous le régime de l'autorisation les autres entreprises ; que l'article 29 de la loi exempte les usines ayant une existence légale de la soumission à ces régimes ».

Au final, la loi de 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique soumet au régime de la concession les entreprises dont la puissance motrice excède les 4500 kW et au régime de l'autorisation toutes les autres, tout en prévoyant d'exclure de ces obligations les entreprises ayant une existence légale ou ayant une force motrice ne dépassant pas les 150 kW.

32 Non modifié, non abrogé.

33 Conseil d'Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 5 juillet 2004, n° 246929.

Section 1.1.2. : La notion de droit d'eau

Il existe deux types de droits d'eau : les droits d'eau fondés en titre et les droits d'eau fondés sur titre.

Les droits d'eau fondés sur titre résultent de l'adoption par l'administration d'un règlement d'eau34. La notion de droit d'eau fondé en titre quant à elle est apparue au début du XXème siècle sans toutefois faire l'objet d'une définition officielle. La doctrine a pu en donner une définition. Aussi Fabreguettes écrira en 1911 dans son ouvrage « traité des eaux publiques et privées »35 que « ce sont des droits acquis antérieurement à l'abolition de la féodalité, soit par convention, prescription, destination du père de famille ou même déclaration d'utilité publique, en vertu de quoi aurait été conféré un droit d'usage de l'eau ».

Mélinda Jadault dans son rapport de stage sur « les ouvrages et droits d'eau fondés en titre »36 définira le droit d'eau comme « un droit afférent à une prise d'eau dont le détenteur peut invoquer à la base de son occupation du cours d'eau, soit un document autre qu'une simple autorisation administrative, soit certaines situations de fait anciennes ».

Un ouvrage est fondé en titre ou a une existence légale « quand ses droits sont afférents à des prises d'eau établies en vertu d'un contrat d'albergement, contrat par lequel les seigneurs féodaux, qui possédaient des droits utiles de jouissance ou d'usage sur les rivières non navigables ni flottables, concédaient leurs droits à des tiers afin d'en tirer un revenu. L'est également celui dont les droits sont afférents à des prises d'eau fondées sur une vente de biens nationaux, suite à la mainmise par l'Etat sur les biens des ecclésiastiques et sur ceux des émigrés ». En outre, et comme le souligne Paul Denozière dans son ouvrage « l'Etat et les eaux non domaniales »37, « le caractère d'établissement fondés en titre peut résulter évidemment de la production d'un titre antérieur à la Révolution mais, à défaut d'un tel titre, il est admis en doctrine et en jurisprudence que la légalité d'un établissement résulte suffisamment du seul fait de son existence incontestée avant l'abolition le 4 août 1789 du

34 Voir supra.

35 Tome II page 669.

36 Rapport de stage sur « les ouvrages et droits d'eau fondés en titre » réalisé par Mélinda Jadault, étudiante à la faculté de droit de Poitiers, en juillet 1997 auprès de la DDAF de la Vienne.

37 « L'Etat et les eaux non domaniales », de Paul Denozière, 1985, édition TEC et DOC.

régime féodal » Cette existence incontestée peut être le fait de mentions précises dans un contrat de vente ou de louage, de recherche sur la carte de Cassini, ...

La Révolution en supprimant la banalité a augmenté le nombre de procès issus de conflits entre meuniers ou entre meuniers et riverains. Le Directoire pour limiter ce phénomène réalisa des enquêtes sur les moulins. L'instruction du 19 thermidor an VI précise que toute demande relative à l'établissement ou la régularisation de moulin ou usine doit être soumise à une enquête préalable de vingt jours. C'est ainsi que sont apparus les premiers règlements d'eau et par là même, les ouvrages fondés sur titre. Ce n'est qu'en 1853 que l'Etat précisa par arrêté au service des Ponts et chaussées comment réaliser les enquêtes devant déboucher sur la fixation des hauteurs d'eau maximales. Cette réglementation avait pour objectif la meilleure protection du droit de propriété des riverains trop souvent victimes d'inondations dont les moulins étaient la cause lors des crues habituelles. Dès lors les ouvrages que l'on considère aujourd'hui comme fondés en titre font à l'époque l'objet de règlements d'eau afin de les modifier pour raison d'intérêt général. Ces ouvrages deviennent donc « autorisés » ou « fondés en droit » (« fondé sur titre »). C'est le cas le plus souvent des moulins situés en plaine dont l'impact lors des crues pouvait être le plus négatif pour les riverains. Néanmoins, concernant les moulins situés en tête de bassin, qui causaient moins d'ennuis aux riverains, ils furent que très ponctuellement l'objet de règlements, et ils peuvent donc ne pas avoir bénéficié de décret d'autorisation. C'est pour ces derniers ouvrages qu'il s'avère nécessaire d'apporter la preuve de leur fondement en titre.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite