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Le statut juridique des ouvrages hydrauliques

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par Anthony Neaux
Université François Rabelais - Tours - Master 2 Administration des Collectivités Territoriales 2008
  

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Section 1.2.2. : Preuve du droit fondé en titre

C'est au titulaire et non à l'administration de rapporter l'existence de ce droit. Le titulaire doit produire les titres authentiques en vertu desquels la prise d'eau a été créée. La jurisprudence considère que la seule preuve de l'existence de l'ouvrage avant 1566, pour les cours d'eau domaniaux, ou 1789, pour les cours d'eaux non domaniaux, suffit pour que ces titres soient présumés établis. Telle est la portée des arrêts du Conseil d'Etat du 30 mars 1846 << de Boisset contre Ministre des travaux public »46 et du 13 novembre 1903 << de la RocheAimon »47. Mais cette présomption simple peut toujours être renversée par l'administration comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 octobre 1992 << Laroumanie »48 ; en l'espèce il s'agissait de la mise en place d'une prise d'eau sur un cours d'eau non domanial pour alimenter un étang, sans autorisation préalable (« Considérant que le requérant n'établit pas que la prise d'eau litigieuse existait préalablement à l'abolition des droits féodaux, ni qu'elle a été comprise dans une vente de biens aliénés au profit de la Nation à la suite de la mainmise de l'Etat sur les biens ecclésiastiques et sur ceux des émigrés ; que la prise d'eau litigieuse n'avait donc pas de titre légal ; que dès lors sa régularisation devait faire l'objet d'une autorisation administrative conformément aux dispositions de l'article 107 2° du code rural »).

Lorsque les titres authentiques permettant la preuve des droits fondés en titre existent, ils ne fournissent le plus souvent pas ou peu d'informations concernant l'étendue de ces droits. C'est pourquoi le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt «Arriau» du 16 janvier 2006 que « la consistance d'un droit fondé en titre est présumé, sauf preuve contraire, conforme à sa consistance actuelle ». La situation de droit est donc déduite, par présomption, de la situation de fait. Il s'agit là d'une présomption juris tantum qui peut toujours être combattu par la preuve contraire. L'administration peut, par exemple, alléguer un fait précis permettant de déduire que la quantité d'eau utilisée a augmenté depuis la date à laquelle l'usine a acquis son existence légale, c'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 12 janvier 1983 << Chocolaterie de l'Essonne ».

46 Publié au recueil Lebon page 215.

47 Publié au recueil Lebon page 675.

48 Publié à la revue de droit rural de 1993 à la page 95.

La localisation d'un moulin sur la carte de Cassini49 est suffisante pour prouver l'existence d'un droit fondé en titre, mais cela ne permet pas de déterminer l'étendue de ce droit : il faut pour cela procéder à une expertise de terrain et/ou avoir recours à des documents (actes de ventes des biens nationaux, contrat d'albergement,...). Notons qu'en pratique la localisation sur la carte de Cassini se trouve malaisée du fait notamment de son imprécision et des changements de noms ayant pu intervenir concernant l'identification des ouvrages. Ainsi, la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dans l'arrêt « Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 3 décembre 2003 juge «que la carte dite de Cassini, dressée entre 1750 et 1770, produite par l'administration, ne permet pas, à elle seule, d'établir que l'acte du 30 septembre 1424 concernerait non le site sur lequel est implantée l'usine appartenant à la société hydroélectrique de Lacave mais un autre moulin (...) » soulevant ainsi l'imprécision de la cartographie antérieure à la Révolution pour ne pas en faire, à elle seule, un élément de preuve sur lequel fonder une décision de justice. Cependant la vérification de l'existence de l'ouvrage avant la Révolution de 1789 peut se faire à la lecture des minutes de la carte de Cassini, en effet celles-ci comportent souvent le nom exact du site. Ces minutes sont conservées par la cartothèque de l'IGN à Saint-Mandé50.

Si un propriétaire peut apporter la preuve de l'existence de son moulin avant l'abolition des privilèges, ainsi que des éléments décrivant la consistance de son droit d'eau alors il lui est possible de réutiliser la force motrice dans le strict respect de l'étendue de son droit et des autres dispositions réglementaires s'appliquant aux ouvrages, sauf perte du droit fondé en titre dans les conditions fixées par la jurisprudence.

Section 1.2.3. : Modification des ouvrages fondés en titres à l'initiative du propriétaire de l'ouvrage

En principe le titulaire d'un droit fondé en titre peut, dans les limites de leur consistance légale, apporter des modifications à ses installations sans autorisation nouvelle. Au-delà, toute modification de la consistance légale est soumise aux autorisations ou

49 La carte de Cassini a été établie entre 1760 et 1789 et publiée à partir de 1815.

50 Département du Val-De-Marne.

concessions exigées par l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919. Ainsi, lorsque « l'usage de l'énergie est accrue au-delà des limites fixées par le titre dont dispose l'usinier, ou résultant de ce titre », ou lorsque « les modifications envisagées ne sont pas compatibles avec les dispositions de ce titre » (par exemple lorsqu'elles sont de nature à influer sur le régime des eaux) la jurisprudence fait une stricte application de la loi en imposant une autorisation ou une concession.

Le régime (concession ou autorisation) est déterminé en fonction de l'accroissement de la puissance réalisée, et non en fonction de la puissance totale de l'usine après transformation selon l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 18 février 1972, << Société hydroélectrique de Salles-la-source >>51. Ainsi, après lecture conjointe de la jurisprudence et de l'article 2 modifié de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, si l'accroissement de puissance est égal ou inférieur à 4500 kW, l'usinier doit faire une demande d'autorisation auprès de l'administration, si l'accroissement est supérieur à 4500 kW, l'usinier doit faire une demande de concession. En outre, s'agissant de la procédure d'autorisation ministérielle instituée par l'article 6 de la loi du 6 février 2000, les ouvrages dont la puissance installée n'augmente que de 10 % ne sont assujettis qu'à une simple déclaration. Une autorisation est tout de même nécessaire si cette augmentation, même inférieure à 10 %, a pour effet de faire passer la puissance totale au-delà des 4 500 kW.

Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 26 juillet 1866 << Ulrich >> « qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'oblige les usiniers à se pourvoir d'une autorisation pour modifier les ouvrages régulateurs d'une retenue tant que rien n'a été changé au régime des eaux et que, sans accroître la force motrice dont ils peuvent disposer, les usiniers ne font que mieux l'utiliser au moyen d'additions et de perfectionnements apportés aux vannes motrices, aux coursiers et aux roues hydrauliques ». Pierre Sablière écrit à propos de cet arrêt qu'il est pragmatique en ce qu'il décide « de s'en tenir seulement à deux éléments : la consistance du canal d'amené et la hauteur de la chute, sans prendre en compte les améliorations de l'outillage ce qui devait le moment venu faciliter la reconversion d'anciens moulins fondés en titre en établissement industriels puis en usines hydroélectriques »52. L'autorisation par règlement d'eau d'une augmentation de force motrice issue de travaux sur les ouvrages régulateurs a ainsi pour effet de rendre l'ouvrage fondé sur titre. La limitation de

51 Publié au recueil Lebon page 154.

52 AJDA, 2004, page 2219, << prises d'eau fondées en titre ou ayant une existence légale >> de Pierre Sablière.

l'autorisation à l'augmentation de la consistance légale des ouvrages régulateurs du moulin fondé en titre a été reprise dans la circulaire du 10 juin 1921 en l'application de la loi du 16 octobre 1919 : « si l'article 19 de la loi stipule que (les établissements fondés en titre) ne seront soumis à la nouvelle législation qu'en ce qui concerne la taxe de statistique, cette disposition vise exclusivement l'usage de la force motrice produite par les ouvrages ayant une existence légale et non l'énergie supplémentaire à aménager », le surplus de puissance n'est donc pas assimilé à la puissance fondés en titre déjà existante. La jurisprudence récente confirme cette position puisque le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt << Ministre de l'environnement c./ Brauchli » du 19 décembre 1994 que « Considérant que le droit fondé en titre du Moulin ... n'est pas contesté ... les modifications apportées au canal d'amené d'eau modifient la consistance de l'ouvrage et ont pour conséquence un accroissement global de la force motrice produite ... ; il suit de là que (le propriétaire) devait, avant d'effectuer ces modifications, solliciter une autorisation administrative » constitutive d'un fondement sur titre. Dans l'arrêt du 7 décembre 1998 << SARL centrale Mazarin contre Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement » le juge administratif suprême juge « qu'il résulte des pièces du dossier que la puissance actuelle de l'usine hydroélectrique est supérieure à la puissance existant en 1816 ; dans ces conditions (le propriétaire) ne saurait, en tout état de cause, invoquer le droit fondé en titre de son usine [pour la totalité de l'ouvrage existant aujourd'hui] ». Enfin, il juge dans l'arrêt << Tampon contre Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 18 janvier 1999 « qu'il est constant que le bief qui dérive les eaux de la Laize et alimente les moulins ... existait avant le 4 août 1789 ; qu'il ressort toutefois ... que des modifications substantielles ont été apportées depuis 1857, sans autorisation, aux ouvrages de dérivation et de prises d'eau qui ont eu pour effet d'augmenter la consistance de l'installation ... [le propriétaire] n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit fondé en titre... [pour la totalité de l'ouvrage] ».

S'il est de jurisprudence constante qu'une autorisation soit exigée pour la puissance supplémentaire, un doute pourrait naître de l'interprétation du juge lors de l'application de ce régime d'autorisation ou de concession à un ouvrage fondé en titre qui ferait l'objet de travaux pour augmenter sa puissance motrice. En effet, à la lecture de l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 18 février 1972 << Société hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source », il apparaît que le juge administratif suprême ne soumette au régime d'autorisation ou de concession que la part de puissance motrice brute qui est ajoutée à celle déjà existante. En l'espèce l'usine exploitée par la Société hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source était

fondée en titre à hauteur de 530 kW, et sa puissance motrice brute atteignait 1300 kW après ajout d'un troisième groupe ; dès lors l'accroissement de puissance est de 770 kW. En jugeant que « la Société hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source est fondée à prétendre que la puissance fondée en titre soit déduite pour le calcul de la puissance maximum à réglementer », le Conseil d'Etat semble considérer de manière distincte la part de puissance ajoutée, et donc soumise à la loi de 1919, et la part de puissance déjà existante. De même, le tribunal administratif de Toulouse, par jugement du 25 janvier 2007 « société hydro SIA » considère « qu'un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine ; que dans le cas où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amené, ces transformations ont pour conséquence non de permettre une actualisation de la consistance du droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre ; que, par suite, les moyens de la requête tirant argument des améliorations techniques qu'a connues le moulin sont inopérants à l'appui de conclusions tendant au calcul de la dite puissance ». Cette jurisprudence aurait donc pu amener à penser que l'ouvrage fondé en titre restait fondé en titre pour la part de consistance légale déjà existante, et devenait fondé sur titre seulement pour la part soumise à autorisation.

Cependant le doute n'est pas permis puisque le juge administratif a eu pour objectif de faciliter l'évolution des ouvrages fondés en titre en les soumettant au régime de l'autorisation ou de la concession sans pour autant les contraindre de facto au régime de la concession même pour une légère augmentation de leur puissance motrice lorsqu'il s'agit d'ouvrages dont la PMB53 est proche ou supérieure à 4500 kW. Ainsi le juge administratif ne prend en compte que la part de puissance motrice issue de l'augmentation afin de ne pas soumettre à la procédure d'autorisation ou de concession la part déjà autorisée (fondée en titre) de puissance motrice. Cette solution jurisprudentielle permet de ne pas remettre en cause un droit existant sans pour autant le condamner à l'intangibilité. Il faut rapprocher cette solution des arrêts évoqués plus haut (« Tampon contre Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 18 janvier 1999) concluant à la perte du droit fondé en titre suite à une augmentation de la puissance motrice. En effet, à la vue de l'ensemble de cette jurisprudence,

53 Puissance motrice brute.

si le juge administratif n'a pas voulu condamner les ouvrages fondés en titre à l'absence d'évolution possible, il ne leur a pas non plus garantie la pérennité de leur statut, puisque leur fondement en titre tombant (« priver l'usine de sa qualité d'établissement fondé en titre »), ils deviennent fondés sur titre pour la totalité de leur puissance. Le Conseil d'Etat met fin à toute interrogation possible dans l'arrêt << SARL Centrale Mazarin » du 7 décembre 1998 (publié au cahier juridique de l'électricité et du gaz de 1999, jurisprudence page 286) puisqu'il nous dit très clairement qu'à défaut d'autre élément, la puissance pouvait, s'agissant d'un moulin installé au XIIIe siècle, être fixée à 64 CV à la suite d'une expertise contradictoire réalisée par l'administration en 1858 ; mais le décret du 19 novembre 1897 qui avait autorisé la reconstruction de cette usine, détruite pendant la guerre de 1870, précisait que la demande comportait « concession d'un supplément de force motrice » et que la puissance effective, à la suite de cette reconstruction étant supérieure à celle constatée en 1858, qu'ainsi il n'était plus possible de considérer l'installation comme fondée en titre puisqu'elle était devenue fondée sur titre.

Enfin, et pour être complet, dans l'arrêt << SA Laprade énergie » du 5 juillet 2004 le Conseil d'Etat considère « qu'un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine ; que dans le cas où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre ». Pierre Sablière commente cet arrêt54 et en déduit que « lorsqu'il y a modification de la consistance légale cela ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable, une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en résulte, le titre restant, en toute hypothèse, acquis ». Le raisonnement serait tronqué s'il n'était pas souligné que le droit fondé en titre perdure, malgré une modification non encore autorisée de l'ouvrage, mais cela uniquement dans l'attente de la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation ou de concession dans les conditions rappelées plus haut. Il y aurait deux temps à distinguer : le premier résulte de la modification de la puissance motrice de l'ouvrage fondé en titre par des

54 Note à l'AJDA 2004, page 2219.

travaux (exhaussement de la ligne d'eau,...) mais sans que ces travaux n'aient été soumis à procédure d'autorisation ou de concession, pendant cette première phase le droit fondé en titre perdure puisqu'il constitue la seule base juridique de l'ouvrage malgré une contradiction entre les faits et le titre. C'est ce que nous retrouvons dans la note de Pierre Sablière55 lorsque celui-ci écrit à propos de l'arrêt « Arriau » du 5 juillet 2004 « dire qu'il y a modification de la consistance légale ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable, une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en résulte, le titre restant, en toute hypothèse acquis ». De là découle le deuxième temps, lequel correspond à la mise en conformité du titre avec l'état de fait, et donc, d'une certaine manière à la « légalisation » des travaux ayant abouti à l'augmentation de la puissance de l'ouvrage. Ce deuxième temps permet de fonder sur titre l'ouvrage et bien que la procédure à adopté ne soit choisit qu'en fonction de l'augmentation de puissance réalisée, c'est l'ensemble de l'ouvrage qui devient fondé sur titre. C'est ce que Pierre Sablière rappel sous sa note à l'AJDA en illustrant son développement intitulé : « ... à condition que l'usage soit conforme à la consistance légale découlant du titre ». En effet, il site dans ce développement l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 décembre 1998 « SARL Centrale Mazarin »56 dans lequel le juge administratif suprême considère « qu'à défaut d'autres éléments cette puissance pouvait, s'agissant d'un moulin installé au XIIIème siècle, être fixé à 64 cv à la suite d'une expertise contradictoire réalisée par l'administration en 1858, mais que le décret du 19 novembre 1897, précisait que la demande comportait « concession d'un supplément de force motrice » et que la puissance effective, à la suite de cette reconstruction étant supérieure à celle constatée en 1858, il n'était plus possible de considérer l'installation comme fondée en titre ».

Un arrêt récent du Conseil d'Etat permet de renforcer cette thèse. En effet, le juge administratif suprême dans un arrêt « société SJS » du 21 mai 2008 (qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon) reconnaît à l'intérêt à agir de l'établissement fondé en titre alors que celui-ci avait subit une importante augmentation de puissance soumise à concession. En effet, l'établissement vendu comme bien national en 1797 était considéré comme fondé en titre jusqu'à ce qu'un décret de 1854 relatif à l'autorisation à la fois de l'usine de fer et de l'ouvrage hydraulique lui octroi le caractère d'ouvrage fondé sur titre. Cependant cette autorisation est

55 Note à l'AJDA 2004, page 2219.

56 Publié au cahier juridique de l'électricité et du gaz de juillet 1999, page 286.

devenue caduque à défaut de renouvellement en application de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919. Dès lors cette usine, dont la puissance avait atteint 900kW n'était plus autorisée pour sa totalité mais redevenait fondée en titre pour les 180kW qui constituaient sa consistance légale en 1797. Le Conseil d'Etat considère que « la circonstance qu'elle [la société SJS] ne bénéficiait pas d'une autorisation en règle au moment de l'introduction de sa requête ne la privait pas, au regard de son droit fondé en titre, même limité, d'un intérêt pour agir contre les arrêtés fixant les conditions d'exploitation d'une autre société d'exploitation électrique dont le barrage est situé en aval du sien et influe sur sa production ». Dés lors le fondement sur titre tombant, l'ouvrage est à nouveau considéré comme fondé en titre dans les limites de sa consistance légale.

Concernant la modification de la puissance de l'ouvrage, elle a pu faire l'objet de différentes conceptions de la part du juge administratif suprême. Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il d'abord jugé que toute transformation de l'établissement, même une simple une amélioration de l'outillage, dont il ressortait une augmentation de la force motrice, devait être analysée comme une modification de la consistance légale de l'ouvrage. Cette solution très stricte a été abandonnée par l'arrêt « Ulrich >> de 1866 dans lequel seulement deux éléments sont retenus, il s'agit de la consistance du canal d'amenée et de la hauteur de la chute, les améliorations de l'outillage n'étant alors plus prise en considération. Cette solution a permis par la suite de faciliter les reconversions d'usines fondées en titre en leur permettant notamment, par changement d'outillage, de devenir des établissements industriels puis des usines hydroélectriques. Cette solution adoptée par le Conseil d'Etat dès 1866 est encore aujourd'hui d'actualité puisqu'elle correspond toujours à la position du ministère de l'équipement. La circulaire57 du ministère de l'Equipement et du Logement du 22 novembre 1968, applicable aux barrages fondés ou non en titre, a ainsi invité ses services, lors de travaux d'entretien, à « s'assurer que soient strictement observées les conditions de seule remise en état du barrage sans aucun exhaussement et qu'aucune modification du canal d'amenée ne soit effectuée en vue d'en augmenter l'ancien débit >>. La jurisprudence est également constante en ce sens (CE 11 janvier 1946 Société hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source, Lebon p. 8 ; CE 18 mars 1966 Ministre de l'Agriculture c/ Société des établissements Etchegoyen, Lebon p. 218 ; CE 18 janvier 1999 M. Tampon ; CAA Bordeaux 24 juin 1999 SA Centrale des Vignes).

57 Circulaire n° 68-112 publiée au BOME n° 22-68, p. 865.

Tout vise donc à faciliter l'adaptation des ouvrages fondés en titre, que se soit les règles de calcul définissant la procédure applicable à la légalisation de l'augmentation de la force motrice (autorisation ou concession) ou bien les éléments prit en considération pour calculer une modification de puissance motrice. Cependant, malgré la << bienveillance » de l'administration et du juge au regard des ouvrages fondés en titre, ces derniers ne sont pas à l'abri de toute remise en cause...

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe