WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le statut juridique des ouvrages hydrauliques

( Télécharger le fichier original )
par Anthony Neaux
Université François Rabelais - Tours - Master 2 Administration des Collectivités Territoriales 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1.2.4. : La perte du droit fondé en titre

Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt de principe << SA Laprade énergie » n°246929 du 5 mai 2004 que «la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ; qu'il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou un changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit de prise d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ; ... ».

Ce considérant de principe a été confirmé à plusieurs reprises depuis, et notamment dans l'arrêt << Arriau »58 du 16 janvier 2006, et l'arrêt << M. et Mme Sablé »59 du 7 février 2007 (annexe 4).

Cette jurisprudence nouvelle du Conseil d'Etat va à l'encontre de la doctrine qui jusque là admettait communément qu'un droit fondé en titre ne se perdait ni par la ruine ni même lorsque l'ouvrage était totalement disparu. De même cette jurisprudence contredit la doctrine qui jusque là admettait parfois aussi que << les droits à l'usage de l'eau attachés à la

58 Arrêt du Conseil d'Etat n° 263010, << Arriau », du 16 janvier 2006.

59 Arrêt du Conseil d'Etat n°280373, << M. et Mme Sablé » du 7 février 2007.

prise peuvent se perdre par le non-usage en dehors de toute prescription acquisitive »60, et ce à l'appui notamment de l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 17 juillet 195861. Or, comme le souligne Jean-Marc Février dans sa note62 à la revue << Droit Administratif >> à propos de l'arrêt << Sablé >>, « le juge considère que « la circonstance que le droit sur l'eau serait un droit d'usage qui se perdrait par non utilisation est sans influence sur la pérennité du droit fondé en titre » (CAA Bordeaux, 28 juin 2001, Poux) ». Le Conseiller d'Etat Yann Aguila sur l'arrêt du 7 février 2007, << M. et Mme Sablé >>63, nous rappel d'ailleurs que « le droit d'eau ne se perd pas par le non usage » et que si « ce point à été discuté [le Conseil d'Etat a] expressément apporté cette précision par sa décision SA Laprade Energie. Cette solution se comprend bien, puisqu'il s'agit d'un droit réel immobilier : le non usage ne saurait avoir d'effet sur l'existence d'un droit ».

Dans l'arrêt « Arriau » le Conseil d'Etat distingue la ruine du délabrement par la capacité que l'ouvrage aurait ou non a être de nouveau utilisé, puisqu'il juge << que si cet ouvrage est partiellement délabré, ses éléments essentiels ne sont pas dans un état de ruine tel qu'il ne soit plus susceptible d'être utilisé par son détenteur ». Il convient dès lors d'évaluer la possibilité pour le moulin d'être susceptible d'être remis en fonctionnement, pour savoir si un ouvrage aujourd'hui en mauvais état, est toujours susceptible de bénéficier du droit d'eau fondé en titre qui lui est attaché. A la lecture de la jurisprudence et d'une doctrine bien que rare en la matière, il semble que la ruine ne soit pas constituée tant que les éléments essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau (canal d'amené, canal de fuite, seuil, fosse d'emplacement du moulin ou de la turbine) restent visibles et, dès lors que quelques travaux de débroussaillage, débouchage, enrochement complémentaire, ou de petites consolidations suffisent à les remettre en état de fonctionnement. En outre, toute ruine n'est pas susceptible d'entraîner la fin du droit d'eau fondé en titre. En effet, si la ruine est le résultat d'une crue intervenue alors que le propriétaire de l'ouvrage avait préalablement fait part de sa volonté de l'exploiter à nouveau, le droit d'eau fondé en titre demeure, à la condition toutefois que les éléments existant permettent de reconstituer l'ouvrage conformément à sa consistance légale.

60 lexisnexis, JCP - environnement, << eau et usages >> 2° Prises d'eau ayant une << existence légale >> ou << fondées en titre >>.

61 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation, 17 juillet 1958, publié au cahier juridique de l'électricité et du gaz, 1958, page 186.

62 Droit administratif, avril 2007, commentaire n°56, << précisions sur les prises d'eau fondées en titre >>.

63 Publiées à la Revue Française de Droit Administratif 2007, page 494.

Pour illustration, rappelons l'analyse des faits par le Conseil d'Etat dans l'arrêt << SA Laprade énergie ». Pour le juge administratif suprême « le canal d'amenée n'est qu'obstrué par les travaux de terrassement entrepris dans le cadre d'une autorisation préfectorale accordée le 8 juillet 1983 puis annulé par le juge administratif ; que le canal de fuite, s'il est envahi par la végétation, demeure tracé depuis le moulin jusqu'au point de restitution ; qu'il pourrait être remédié à la dégradation subie en son centre par la digue, qui consiste pour partie en un banc rocheux naturel, par un simple apport d'enrochement ; qu'ainsi, la possibilité d'utiliser la force motrice de l'ouvrage subsiste pour l'essentiel ».

De la même manière, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a jugé dans un arrêt relatif à l'affaire du << Moulin de Soutière » du 1er avril 1992 « que la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire et ne peut résulter que d'actes manifestants sans équivoque la volonté de renoncer ».

Quant au changement d'affectation d'un ouvrage susceptible de mettre fin au droit d'eau dont est titulaire le propriétaire dudit ouvrage, il s'agit d'une utilisation autre que celle pour laquelle l'ouvrage avait été construit. Lorsque le droit d'eau fondé en titre avait, par exemple, pour objet de permettre l'utilisation de la force motrice de la chute d'eau pour en tirer de l'énergie (pour actionner une roue, produire de l'électricité, etc.), il y a changement d'affectation dans l'hypothèse où la retenue d'eau est désormais utilisée pour l'irrigation, la pisciculture ou encore le loisir. Notons toutefois que le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt << Arriau » de 2006 qu'il n'y avait pas changement d'affectation lorsqu'un moulin utilisant dans le passé l'énergie de la chute d'eau pour moudre le grain, et qu'il l'utilise dorénavant pour produire de l'électricité. Le droit d'eau tombe donc de lui-même dès lors que ce changement d'affectation rend la force motrice du cours d'eau insusceptible d'être utilisée par le détenteur du titre. Il s'agit là, comme pour la ruine, d'une appréciation au cas par cas. La transformation du moulin en résidence secondaire, par exemple, est indifférente dès lors que les éléments essentiels destinés à l'utilisation de la force motrice ne subissent pas de transformations telles qu'ils ne puissent plus être utilisés comme prévu à l'origine.

La pérennité du droit fondé en titre ne signifie pas qu'il ne puisse pas être révoqué ou modifié par l'administration pour des motifs d'intérêt général. Notons cependant que les droits fondés en titre sont mieux protégés sur les cours d'eau domaniaux où leur révocation ou

modification entraîne l'indemnisation du titulaire du titre, y compris lorsque l'intérêt général est allégué, alors que sur les cours d'eau non domaniaux, aucune indemnisation n'est prévue dans cette dernière hypothèse. En outre, lorsqu'un ouvrage fondé en titre n'est plus exploité depuis une longue période de temps et qu'il ne fait plus l'objet d'un entretien régulier, cela ne justifie pas la perte de son droit d'eau, mais l'inaction du titulaire de ce droit peut aboutir à la perte, par ce dernier, d'un éventuel droit à indemnisation en cas d'atteinte portée à ce droit par le titulaire d'un autre droit d'eau concurrent (voire jurisprudence << Arriau »). La Cour Administrative d'appel de Bordeaux a, par exemple, dans son arrêt du 4 novembre 2003 << M. Le Scouarnec », admis l'indemnisation du titulaire dont les droits étaient lésés du fait de la mise en fonctionnement d'un barrage amont, au motif notamment que son ouvrage se trouvait encore en état de fonctionnement.

Notons enfin que conformément à l'article L215-10 du code de l'environnement, le non entretien pendant au moins 20 ans à compter du 30 mars 1993 pourra, à l'avenir, provoquer non pas la disparition des droits fondés en titre mais la mise en oeuvre d'une procédure de révocation sans indemnité, pour ce qui est des ouvrages installés sur des cours d'eau non domaniaux, ce qui est de nature à affaiblir encore la solution actuellement retenue. En effet, le droit d'eau fondé en titre en plus de s'éteindre de lui-même suite à la ruine ou au changement d'affectation d'un des éléments essentiels destiné à utiliser la force motrice du cours d'eau, celui-ci pourra être révoqué sans indemnité dès lors qu'il sera prouvé un défaut d'entretien de plus de vingt ans et qu'il s'agira d'un ouvrage installé sur un cours d'eau non domanial.

Qu'en est-il maintenant concernant les ouvrages dont l'existence n'est pas antérieure à l'abolition de la féodalité ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault