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La conférence de rédaction comme outil d'auto-régulation et espace de communication organisationnelle

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par Anicet Laurent QUENUM
Université Cheickh Anta Diop de Dakar - UCAD - DESS 2004
  

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CHAPITRE I

I. LES SOURCES DE CONFLITS D'ORDRE ORGANISATIONNEL

1.1 La censure et le stress des ciseaux

L'un des usages malencontreux du son est de s'en servir comme un moyen de remplissage pour allonger un reportage pauvre en texte. Cette solution de facilité propre aux reporters peu inspirés ou un peu <<pompés » explique pour une large part les problèmes de longueur et de calibrage que gèrent au quotidien les secrétaires de rédaction dont certains finissent par développer une sorte de << stress des ciseaux ».

Certes, il est de leur devoir, chaque fois que cela s'impose, de ramener des éléments sonores trop longs à des proportions raisonnables en référence à des critères professionnels de clarté, de concision et de pertinence. Mais c'est aussi une responsabilité qui exige un certain sens de la mesure et de la perspicacité au risque de verser dans une gestion trop mécanique du calibrage qui ne saurait se résumer à un simple exercice de << compression » de bandes.

En principe, le montage va bien au-delà pour prendre en compte des éléments de fond qui recommandent une écoute intelligente des bandes proposées à la diffusion pour en retenir l'essentiel. Car, une lecture linéaire et trop sommaire d'une bande peut entraîner une mauvaise évaluation de l'intérêt de certains propos ou une mauvaise identification des passages inutiles à expurger. Le contraire est aussi possible.

Autrement, il va de soi qu'au terme de ce nettoyage, les longueurs, les redites, les
circonlocutions soient passées à la trappe, mais - et c'est là l'enjeu - sans que le produit
issu de ce montage ne perde sa cohérence. Il s'agit de le contracter sans le dénaturer,

de le rendre plus intelligible sans le biaiser. Une performance que ne pourra atteindre un secrétaire de rédaction obnubilé par le seul souci de faire respecter la durée affectée à chaque reportage en conférence de rédaction.

Il faut autant que faire se peut respecter le style et le "feeling" du reporter. Le secrétaire de rédaction et le rédacteur en chef doivent se comporter comme des arrangeurs et non comme des destructeurs. Pour minorer les risques de tensions inhérents à leurs fonctions de relecture, de correction et de calibrage, ils éviteront d'être trop royalistes et rigoristes sur certaines questions qui relèvent davantage de la sensibilité personnelle que des principes professionnels. Du moins, il y a un équilibre à rechercher entre les deux.

Seulement, il est bon de souligner que le secrétaire de rédaction, dans ses oeuvres, n'est souvent pas aidé par le temps. Ainsi, il faut admettre que la pression du temps et autres déterminants subjectifs peuvent avoir raison de ses facultés de discernement. Lequel discernement voudrait que la «loi des ciseaux » ne soit pas appliquée indifféremment et à l'aveuglette au motif d'avoir à résoudre le genre d'équation qui consiste, par exemple, à ramener à 30 secondes un élément de deux minutes. La manoeuvre est toujours possible mais ce qui est moins garanti, c'est la qualité du résultat. Autant, il peut être merveilleux en termes de concision et de pertinence, autant il peut être désagréable comme cela arrive par moments avec certains types d'extraits sonores sans tête ni queue. Le cas échéant, on a tôt fait de frustrer l'auteur du reportage ainsi massacré qui n'y va pas par quatre chemins pour affronter la rédaction en chef. Peut-être devra-t-on se faire à l'idée que le reportage radiophonique est un genre frustrant. La consolation aurait pu venir de la Production qui est de nature à favoriser une plus large possibilité d'expression du journaliste ; mais hélas, le

dénuement matériel et la détresse psychologique et qui y règnent, sont plus que dissuasifs pour les potentiels candidats.

1.2 Le management du personnel

Homme de tous sans être l'homme de personne, le rédacteur en chef doit se comporter comme une mère de jumeaux, le rédacteur en chef doit se distinguer dans l'art de se coucher sur le dos. Les bons, les moins bons, les mauvais attendent de lui un traitement égal qu'il ne peut d'ailleurs pas leur concéder au nom de l'équité.

Les éléments les plus dévoués se plaignent d'être logés à la même enseigne que les paresseux, les tireurs au flanc et les improductifs. Seulement là, le problème devient très délicat lorsque, les premiers trop conscients de leur force de nuisance en arrivent à menacer de paralysie le fonctionnement de la rédaction. Leur menace est loin d'être banale ou virtuelle, dans la mesure où, au regard de leur disponibilité, de leur efficacité, de leur générosité dans l'effort et de leur conscience professionnelle, l'on est tenu de reconnaître qu'ils constituent ce qu'il convient d'appeler les « indispensables » de la rédaction.

1.3 L'affectation des reportages

Voilà un exercice bien difficile qui démontre toute la complexité de la gestion des hommes et de leurs intérêts dans une rédaction de presse. Trop de calculs sont échafaudés dans le dos du « patron ». Mais, qu'on ne s'y trompe pas ; ces calculs sont sous-tendus par des motivations que l'on qualifierait pudiquement de pécuniaires mais qui n'en sont pas moins alimentaires. Surprise : des groupes de pression se constituent

autour de cet enjeu pour revendiquer un accès égalitaire de tous aux reportages et autres missions.

L'enjeu, puisqu'il faut appeler un chat par son nom, est moins l'amour du travail que le souci de tirer profit des nombreux «communiqués finaux » qui sanctionnent les séminaires et congrès d'ONG ou meetings de partis politiques. Nul ne s'en prive et ne souhaite en être privé. A vouloir régir ce genre de pratiques, on y laisse forcément quelques plumes. Ces per-diems sont de réels compléments de revenus pour le journaliste qui mise énormément sur cette rentrée financière pour gérer le quotidien et pouvoir terminer le mois avec moins de douleur. Un reporter consciencieux ayant le sens de l'épargne serait capable de tirer de l'accumulation mensuelle de ces per-diems un revenu égal à 75 % de son salaire. Ce n'est pas rien !

D'ailleurs, ceci explique en partie les ennuis du rédacteur en chef dont l'impartialité est mise en cause; lui qui est pourtant animé par un souci d'efficacité dans la programmation et l'affectation des reportages. S'il cède aux pressions ou si simplement, il se montre très accommodant sur cette question, il finira par être l'otage du clan des courtisans avec le risque dans ce cas d'affronter en permanence le groupe des mécontents qui généralement ne s'en font pas conter. Le moins qu'on puisse dire est que l'arbitrage n'est pas aisé.

1.4 Les candidats aux commentaires

Les journalistes ne se bousculent pas pour ce genre journalistique. Parmi eux, se trouvent quelques esprits critiques qui tournent en dérision cet exercice au prétexte que la somme des commentaires faits en plusieurs années sont restés sans impact sur le comportement des dirigeants, des pouvoirs publics. Un peu comme de l'eau versée sur

le dos du canard. Tout bien pensé, ils ont raison. Mais l'on ne peut pour autant étouffer la passion que quelques rares collègues ont pour ce genre. Et, n'oublions pas que c'est aussi une affaire de mérite, car, en plus d'être un réservoir d'idées, le commentateur est censé avoir une bonne maîtrise de la langue française et de ses divers artifices et sinuosités.

Heureusement, les détracteurs du commentaire n'en sont pas moins friands. En tout cas, il est établi que la côte de la Rédaction et même de la radio est souvent proportionnelle à la fréquence et à la qualité des commentaires proposés aux auditeurs qui affectionnent bien ce genre. Mais la rédaction la plus généreuse du monde ne saurait donner plus qu'elle n'en a. A défaut de servir à son auditoire un commentaire par jour, pourquoi ne ferait-on pas en revanche l'option des commentaires épisodiques dictés par certains événements hors du commun. Hélas, à l'épreuve, le décalage est souvent déroutant entre la fréquence de tels événements et la disponibilité des commentateurs.

1.5 La revue de presse : parent pauvre

Exercice difficile pour un genre journalistique pourtant très valorisant. A tort ou à raison, une frange non négligeable des rédacteurs, les débutants notamment, en ont une peur bleue. Il est trop exigeant en termes de temps. Beaucoup y voient une corvée qui vous prive d'une partie de votre week-end s'il s'agit de la revue de presse hebdomadaire. Rappelons ici la réaction de ce confrère, d'une certaine ancienneté dans le métier, que l'on venait de soulager de la « corvée » de la revue de presse et qui s'est empressé de déclarer « cela ne m'arrivera plus jamais... ».

Cela en rajoute forcément au mérite des Rédactions et des rédacteurs qui en assurent une animation quotidienne grâce à un système de rotation qui permet de démocratiser l'exercice. Bon an mal an, de gré ou de force, chacun se met à l'épreuve et se perfectionne, à l'image du forgeron qui ne s'affirme qu'en forgeant et du vin qui ne se bonifie qu'en vieillissant. Ainsi, la leçon est bien connue : la revue de presse est davantage l'affaire des journalistes épris de culture et d'intellectualisme que celle des mordus des chiens écrasés ou des routiniers des reportages classiques. Tout comme le commentaire, il est clair que la revue de presse a un effet dopant incontestable sur l'audimat. Mieux, elle représente un atout différentiel dans un paysage médiatique pluriel.

L'expérience a par ailleurs prouvé que les réalisateurs de revues de presse sont très courtisés par les directeurs de publication de journaux. A chaque fin de semaine, ces derniers entrent en pourparlers avec les animateurs de revues de presse pour négocier l'exploitation ou la citation de leurs articles ou signatures. Venant des confrères, ce genre de sollicitations mettent le réalisateur de la revue de presse dans une situation embarrassante. Généralement, l'esprit de confraternité l'incite, à son corps défendant, à prendre les choses au sentiment plutôt qu'à opposer à ses courtisans une fin de non recevoir.

Puisqu'il ne peut faire plaisir à tous, le réalisateur de la revue de presse s'époumone parfois à vouloir démontrer à ses vis-à-vis qu'il ne suffit pas qu'un article soit publié dans un journal pour être exploitable dans une revue de presse. Ainsi, il n'y a aucun intérêt à faire écho des chrysanthèmes dans une revue de presse. Une appréciation valable également pour toute information qui n'alimente pas un débat d'actualité (de

préférence contradictoire) ou une réflexion d'une certaine portée politique, économique, culturelle, etc.

L'affirmation de ce principe est souvent très mal comprise, mais vaille que vaille, le journaliste doit tenir bon, quitte à être taxé de « vendu ». Qu'importe, si tel est vraiment le prix à payer pour ne pas dé-professionnaliser ou prostituer sa revue de presse.

On n'aura pas tout dit de la revue de presse tant qu'on n'aura pas souligné qu'il s'agit d'un genre particulièrement sensible. Il requiert de son réalisateur beaucoup de doigté et un sens élevé de la responsabilité sociale. Certes, la sélection des faits qu'il rapporte dans sa revue de presse ne sera jamais neutre et totalement désincarnée, mais tout au moins, il devra pratiquer le culte de la vérité. Aussi doit-il se garder de servir de boucs émissaires à des querelles de clochers par médias interposés.

A l'évidence, il y a là un gros risque de dérapage qui fonde d'ailleurs la décision de certaines instances africaines de régulation de la presse de suspendre la diffusion de la revue de presse en période électorale. Une mesure ponctuelle d'assainissement destinée à ne pas en rajouter à la surenchère politique et d'assurer une équité des médias vis-à-vis de toutes les sensibilités politiques nationales.

1.6 Les audiences..., corvée de toutes les corvées

La couverture des audiences présidentielles. Faites-en l'objet d'un sondage et à l'unanimité, l'on vous dira combien cet exercice est cassant, déprimant. A la limite, on peut s'en servir comme punition envers journalistes paresseux et grincheux. C'est aussi le lot souvent réservé aux stagiaires. On y perd énormément de temps sans y apprendre grand-chose avec deux gros désagréments au bout du rouleau : la fatigue et la faim. Professionnellement, c'est un gâchis et les Rédactions gagneraient à

réorganiser le mode de couverture de cette activité assez spécifique. Déjà, l'idée de faire assurer cette tranche par les attachés de presse fait son chemin. Et ceci, pour la bonne raison, qu'il est plus juste que celui qui s'échine à la tâche, ne soit pas différent de celui qui poussera le cri de la victoire.

1.7 La préparation des éditions du journal

On ne saura jamais quelle est la durée moyenne requise pour préparer un bon journal. La gestion du temps reste la chose la moins bien partagée dans les rédactions. De la conférence de rédaction tenue généralement entre 8h30 et 9h, à la présentation du journal en studio autour de 13 h, le temps paraît a priori serré pour sélectionner les dépêches du jour, les traiter, faire certains enregistrements (interviews, commentaires ou revues de presse), vérifier quelques informations au téléphone ou sur le terrain, assurer le montage des duplex, discours et autres déclarations recueillis à l'occasion des séminaires, relire les reportages, calibrer l'ensemble du journal, établir le conducteur, rédiger et fignoler les titres.

Cet enchaînement d'étapes laisse penser à une masse énorme de travail. Et c'est bien le cas de le dire. Ce qui en principe ne devrait laisser le moindre répit aux équipes du journal. Mais c'est mal connaître les journalistes que de vouloir les astreindre à un régime ou à une posture de bureaucrate. C'est dans leurs va-et-vient intempestifs, dans leurs chahuts intermittents et dans leur fébrilité contagieuse qu'ils confectionnent leurs journaux. Une aventure où le temps n'est souvent pas leur ami. N'empêche, dans une bonne rédaction, il y aura toujours dans la tranche de préparation du journal, assez de place pour l'animation, la rigolade, l'évasion et la bouffe.

Les uns, rodés par l'expérience s'y prennent très tard et s'en sortent à merveille sans que l'auditeur n'ait à douter de quoi que ce soit. Par contre, il arrive bien souvent que la qualité ne soit pas au rendez-vous, faute d'un travail soigné imputable à une mauvaise gestion du temps. Les esprits avisés et peut-être pas seulement eux, peuvent s'apercevoir par moments de certains problèmes de finition du journal à travers des démarrages difficiles à l'antenne, des cafouillages, des pédalages répétés, des inversions dans l'ordre de passage des extraits sonores, des lancements incohérents ou sans suite logique, etc. Mais l'étape la plus sacrifiée semble être celle des titres. Là aussi, les titres sans relief, écrits à main levée et restitués sans conviction ne trompent pas et renseignent presque toujours sur les conditions de préparation du produit.

En fait, deux journaux parlés ne se ressemblent jamais et chaque directeur de journal y va de son tempo et y imprime aussi bien sa personnalité que son savoir-faire. Alors, autant ne pas succomber vaille que vaille au charme des modèles ou des idoles. A chacun son rythme ! A chacun son style! Il est plutôt normal que se côtoient dans une même rédaction, ceux qui, d'un côté aiment marcher comme sur des oeufs et de l'autre, les adeptes des sensations fortes : des journalistes pour qui la pression de l'urgence est un facteur d'incitation. Ils ne sont inspirés que lorsque le temps presse et qu'ils ont le feu aux fesses. A la Rédaction de Radio-Bénin, quelques uns éprouvaient un réel plaisir à défier le temps parce que capables de commencer et de boucler une revue de presse à 30 minutes du journal. En plus de leur compétence, ils avaient un grand atout : la sérénité et un sang-froid olympien. Quand, ils sont aux commandes du journal, eh bien, ils font figure d'artistes !

En règle générale, les cinq dernières minutes précédent le journal sont infernales et

fermeture de ses guichets. Autrement dit, de tous les médias, la radio est celui où la dictature de l'urgence est la plus insupportable. Et il y a bien de quoi prendre peur pour les cardiaques et les hypertendus. Une réalité que confirme l'enseignant et chercheur en sociologie Alain Accardo : « les journalistes de radio sont des gens pressés car ils ont pour obligation de produire à des échéances fixes et impératives, souvent très courtes »23 Raison de plus pour apprendre à compter avec les surprises qui savent être désagréables envers ceux qui se plaisent à jouer avec le temps et à ruser avec les principes. Une confusion qui s'installe dans les dossiers à l'antenne, un journal qui s'emballe, des éléments sonores qui ne répondent pas à l'appel, un montage approximatif, un dossier mal paginé, un invité parachuté in extremis dans le journal comme un cheveu sur la soupe, des titres égarés...

Voilà autant de situations aussi imprévisibles que chaotiques susceptibles d'ébranler un directeur de journal et de conduire l'édition en cours à la catastrophe. Le cas échéant, on en sort tout petit, tout déprimé et même prêt à s'autoflageller pour la bonne raison qu'en radio, une erreur commise à l'antenne est multipliée par n millions de paires d'oreilles d'auditeurs.

La leçon ? Eh bien, un journal, mieux vaut y consacrer du temps, y mettre du coeur et de la rigueur. Plutôt s'abstenir si l'on n'est pas fait pour ou encore si cela devait devenir un forcing. L'expérience aura prouvé que la présentation du journal, un exercice très passionnant et très exaltant en début de carrière peut devenir au fil des ans lassant et peu engageant à force de répéter les mêmes gestes et de reproduire les mêmes réflexes. Il n'est donc pas exclu, si cela s'impose, de rompre momentanément la monotonie quitte à rebondir plus tard.

23 A. ACCARDO, les journalistes au quotidien, Le Mascaret, Bordeaux, 1995, p.199

Par conséquent, la créativité et le sens de l'initiative sont des qualités que doivent s'approprier et renouveler chaque jour, toute Rédaction de presse afin de ne pas s'enliser dans les sentiers battus et les lieux communs. A la presse écrite comme dans l'audiovisuel, les meilleures parutions ou éditions sont celles où l'initiative, le punch de journalistes motivés et le réflexe de l'investigation ont pris le pas sur l' «officialite » avec son cortège de chrysanthèmes et autres séminaires-ateliers et colloques sur des thèmes tout aussi éculés et mille fois ressassés. Mais, à l'évidence, ce n'est pas avec des disques aussi rayés que les Rédactions de presse peuvent prétendre doper leur audimat ; ce n'est non plus avec des articles rédigés dans un style stéréotypé et écrits à main levée qu'elles pourront soutenir la concurrence et décrocher éventuellement des palmes de professionnalisme.

1.8 Les éditions dites extrêmes

On rencontre dans les rédactions de la région ouest africaine une organisation quasi identique des éditions du journal parlé. En dehors des flashes d'information, la Rédaction de Radio-Bénin a quatre principaux rendez-vous quotidiens avec le public. Ceux de 13 heures et de 20 heures considérés comme des éditions-phares dépassent en importance et en audience les « extrêmes » (7 heures et 22 heures) en raison même des heures de diffusion et des contenus. En réalité, de toutes ces éditions, il y en a une qui ravit généralement la vedette aux trois autres. Immanquablement, il s'agit de celle de la mi-journée (12h30 ou 13 h selon les organes) et dont la préparation mobilise le maximum d'énergies physiques et de ressources intellectuelles. Chose d'autant plus normale qu'elle alimente toutes les éditions suivantes de la journée jusqu'à celle du lendemain à 7h ou 7h 30 selon les cas.

Traditionnellement, le << 13 heures » est la mère nourricière de tout ce qui suit dans la journée comme bulletins d'informations. Mais dans la pratique, il arrive que le << 20 heures » prenne admirablement sa revanche sur le << 13 heures » chaque fois que les contingences de l'actualité inscrivent au programme de l'après-midi, des événements aussi croustillants qu'exceptionnels tels qu'une escale dans la capitale du Souverain Pontife, l'ouverture d'un sommet régional ou international, une conférence de presse du collectif de l'opposition, une déclaration de candidature aux élections présidentielles, une annonce de démissions en cascade au sein de l'Exécutif ou encore un remaniement-surprise, etc. Le cas échéant, il est nécessaire qu'une conférence de rédaction soit convoquée en début d'après-midi pour fixer quelques attributions essentielles pour la réussite de l'édition de 20 heures pour laquelle tout un peuple aura pris rendez-vous. C'est dire à quel point une inversion des priorités est toujours possible au gré des événements pour faire passer le << 20 heures » du statut d'édition secondaire à celui d'édition-phare. Et seules les capacités d'organisation interne et le degré de souplesse dans la gestion des équipes permettent à une Rédaction de s'en tirer à bon compte. Autrement, bonjour les tensions!

En fait, à bien y regarder, c'est au niveau du contenu que s'arrête la concurrence entre le << 13 » heures et le << 20 heures » dans la mesure où les équipes de présentation sont souvent partiellement voire entièrement reconduites en ce qui concerne ces deux tranches d'actualité. Il faut attendre les extrêmes à 22 heures et 7 heures pour observer une variation de style et de ton. Et de ce point de vue, on a souvent eu tort de vouloir faire de ces extrêmes de simples éditions de rattrapage. Car, il s'agit moins de réchauffer des informations refroidies que de relancer l'intérêt de l'auditoire à travers un style plus captivant.

Là réside le plus grand défi pour le présentateur des éditions dites extrêmes qui doit faire peau neuve en renouvelant la forme et en enrichissant, au besoin, le fond. A condition, bien entendu, que l'évolution de l'actualité lui en donne l'opportunité. En revanche, par rapport à l'actualité internationale, il y arrivera plus aisément en gardant un oeil rivé sur le téléscripteur ou le serveur de dépêches. En clair, tout nouveau présentateur des extrêmes doit aborder sa nouvelle responsabilité dans une dynamique qui devrait apporter un démenti à tous ces préjugés défavorables qui véhiculent, à tort ou à raison, le sentiment hélas largement partagé que les extrêmes n'ont pas d'identité propre et ne seraient qu'une pâle copie des éditions précédentes. L'argument qui consiste à présenter ces éditions extrêmes comme des synthèses ou des résumés ne résiste pas à l'accusation.

L'autre responsabilité que sont amenés à assumer les présentateurs des extrêmes, c'est de se retrouver parfois confronté à des dilemmes, c'est-à-dire à des prises de décision qui ne relèvent pas en temps ordinaire de leurs compétences. Exemple, pour ne citer que celui-là, d'un groupe parlementaire qui, sans crier gare, se pointe à dix (10) minutes de l'édition de 22 heures au motif d'avoir un communiqué urgent à y présenter en direct. La gestion d'une telle contingence requiert à la fois, du métier, du tact, de la jugeote et beaucoup d'autorité pour trancher.

1.9 Les missions: monopole ou démocratisation ?

Pour une question d'équité, il convient de donner à chacun sa chance. Le principal critère de désignation à une mission devrait se rapporter à l'aptitude professionnelle à répondre aux attentes de sa rédaction en termes de collecte et de diffusion de l'information la plus pertinente. A cette condition de bonne tenue professionnelle,

pourraient s'ajouter des considérations d'ordre moral. Une tête bien pleine n'est pas toujours bien faite et c'est un drame que de ne s'en apercevoir qu'une fois en mission, en territoire étranger. Pour une mission avec le chef de l'Etat, il est plutôt normal que le rédacteur en chef soit assez regardant sur le profil du reporter pressenti.

Les missions à l'étranger constituent l'une des rares sollicitations pour lesquelles les journalistes se font le moins prier. Sinon, presque pas. En effet, ce sont des occasions rêvées de sortir du train-train habituel et d'aller à la découverte de nouveaux horizons, de nouer des relations tous azimuts et de se remettre en cause. Professionnellement, les missions à l'étranger sont dignes d'intérêt. C'est une autre dimension du métier au moyen de laquelle le journaliste acquiert ou aiguise ses réflexes de célérité, de curiosité et d'ouverture.

Autant le dire, les retombées d'une mission à l'étranger ne sont pas que professionnelles. Si les candidats à ces missions font des coudes et des mains, rivalisent d'intrigues et de grenouillages pour être positionnés à la bonne heure et sur la meilleure opportunité, ce n'est évidemment pas pour les beaux yeux du ministre ou du chef de l'Etat. Le journaliste sait qu'il y trouvera son compte, financièrement parlant. Et pour cause: les frais de mission d'un seul séjour de dix jours de voyage en Amérique ou aux Emirats arabes sont parfois sans commune mesure avec l'équivalent de trois mois de salaires au pays. De quoi faire pâlir de jalousie ceux qui n'y ont pas droit. Or, chacun sait que la sédentarité est l'une des choses dont s'accommode très mal un journaliste.

On comprend dès lors pourquoi la course aux missions a toujours eu de nombreux
adeptes, chacun attendant son tour, calendrier et calculette à la main. D'où la nécessité
pour la rédaction en chef de tenir à jour un agenda des sorties. Un agenda qu'il

respectera dans la mesure du possible. Seulement dans la mesure du possible si l'on sait que l'affectation des missions est l'une des prérogatives que la rédaction en chef préfère gérer souverainement. Ce faisant, il s'attire bien des foudres et inimitiés.

1.10 A qui le tour ?

Ainsi, pour diverses raisons objectives ou subjectives, on pourra constater que dans l'intervalle d'une même année, tel collègue vient de s'envoler dans une délégation présidentielle pour sa troisième mission à l'étranger pendant que tel autre en est encore à négocier son premier voyage. Devant cette politique de « deux poids, deux mesures », la réaction naturelle des journalistes lésés est de crier à l'injustice et à l'exclusion et sont de ce fait peu disposés à comprendre, comme s'efforce de l'expliquer le rédacteur en chef, que les choix portés sur certains reporters sont dictés par des critères de compétence, d'expérience et d'efficacité.

Face à de telles exigences, il va de soi que le principe de la rotation mécanique a ses limites. A quoi bon confier la couverture d'un périple économiquement stratégique du chef de l'Etat à un collaborateur si l'on sait qu'il ne sera pas à la hauteur de la tâche ? Si l'on sait par exemple qu'il ne sera pas en mesure de câbler sa rédaction pour un minimum d'une retransmission par jour. En clair, l'obligation de résultats que l'on a vis-à-vis de sa rédaction et encore plus le devoir d'information vis-à-vis du public priment de loin sur le plaisir d'aller en mission. Il reste toutefois qu'un effort mérite d'être fait dans la recherche du meilleur équilibre possible entre les abonnés aux missions et ceux qui ne demandent qu'à faire leur preuve, sinon leur coup d'essai. Ne faut-il pas leur donner une chance?

De toutes les façons, le jeune journaliste ne tardera pas à comprendre que les missions

pleinement rempli que lorsqu'il a pu marquer sa présence dans les principaux rendezvous d'information de sa rédaction, et ceci, de façon régulière. Or, cet objectif parfois difficile à atteindre est sujet à une série d'aléas : accès au téléphone, fonctionnalité des liaisons téléphoniques, décalages horaires, etc. Et quand bien même toutes ces conditions seraient réunies, l'envoyé spécial devrait en plus avoir la chance de pouvoir faire enregistrer ses duplex (correspondances) par sa rédaction ou les services techniques de son organe. Car, en la matière, la célérité relève généralement de l'exception.

Rien n'est donc gagné d'avance dans cette épreuve de nerf où il arrive malheureusement que le journaliste soit maintenu en ligne depuis l'Europe, par exemple, pendant quinze bonnes minutes. Un délai que ses collègues, de l'autre côté passent presque entièrement à rechercher dans un premier temps, un bobinot, un bout de bande magnétique, à courir ensuite après la clé d'un studio ou un studio disponible et à faire décoller enfin un technicien pour l'enregistrement proprement dit.

De nombreux journalistes ouest-africains interrogés sur ces moments de leur carrière, gardent un très mauvais souvenir de ce genre d'expériences aussi stressantes que démotivantes. Toutefois, ces dernières années, le niveau d'équipement de la Rédaction de Radio-Bénin permet désormais d'enregistrer directement ses envoyés spéciaux à partir de matériels adéquats installés dans l'environnement immédiat des journalistes pour plus d'autonomie. Pour Radio-Bénin, le meilleur est à venir !

1.11 La gestion des compétences

La compétence du journaliste se mesure moins à son profil intellectuel qu'à son savoir-

titulaire du diplôme le plus élevé en Droit qui verrait automatiquement sa candidature validée pour la couverture au quotidien des travaux de la Cour d'Assises. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'un excellent théoricien de la Communication soit un piètre reporter.

Heureusement, dans ce métier, la compétence est l'une des rares choses qu'on ne peut décréter ; elle intervient généralement au bout d'une pratique continue, soutenue, assidue et rigoureuse. Il reste que les critères d'appréciation de la compétence ne sont pas standards. Dans une rédaction, on frustrerait facilement un collaborateur en l'excluant de certaines activités au motif qu'il n'est pas compétent. Par contre, on édulcorerait la sentence en précisant qu'il est compétent pour une telle prestation de service ou dans tel genre journalistique et qu'il l'est moins ou pas du tout dans tel autre.

Chose d'autant plus normale qu'aucun rédacteur en chef ou directeur d'organe ne s'attend à voir un même rédacteur traiter tous les dossiers de la rédaction avec une égale perfection. Une Rédaction n'a pas de compétences en dehors de la somme et surtout de la diversité des compétences de ses animateurs. C'est d'ailleurs dans un tel esprit qu'il devient possible de suppléer les compétences des uns aux limites des autres. S'il est vrai comme nous l'enseigne l'Ecriture Sainte que tout homme est pourvu d'un talent, on devrait être en droit d'en déduire que toute Rédaction est un concentré ou une mosaïque de compétences.

Seulement, une chose est d'être nanti de compétences ou d'en avoir à sa disposition de par sa qualité de chef de service ou de responsable et une autre est de savoir en faire bon usage. Une manière de dire que la gestion des compétences dans une Rédaction requiert aussi des compétences, du moins un certain sens de l'équilibre doublé d'une réelle capacité d'évaluation des prédispositions, des qualités professionnelles, des centres d'intérêt mais aussi des points faibles des individualités qui composent la

rédaction. Pour la méthode, il serait indiqué d'envisager la tenue d'un fichier individuel de suivi des rédacteurs. Pourvu qu'il soit utilisé comme un réel outil de travail et géré sans complaisance.

Sans complaisance, cela signifie qu'il n'y ait aucune place pour les combines et les grenouillages que multiplient les courtisans à l'endroit du rédacteur en chef pour se faire programmer sur certains types de reportages convoités pour leur caractère prestigieux ou juteux en termes de retombées financières.

Tel journaliste n'ayant jamais manifesté ni de près ni de loin le moindre intérêt pour les questions environnementales affiche subitement sa volonté d'assurer la couverture à l'étranger, d'un Forum mondial des ONG engagées dans la lutte contre le réchauffement de la planète. De même, il est inconséquent qu'un journaliste qui ne s'est jamais intéressé aux questions économiques se mette à battre campagne pour se voir affecter la couverture, à Seattle, d'un sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la mondialisation des échanges commerciaux. On peut en dire autant d'un journaliste qui serait réputé pour être un tireur au flanc et qui en veut à son rédacteur en chef de l'avoir tenu à l'écart de l'équipe des envoyés spéciaux devant assurer la couverture des élections présidentielles.

Ce sont là autant de domaines de souveraineté du rédacteur en chef qui ne doivent pas lui échapper même si dans certains cas, son intransigeance peut l'exposer à des campagnes de sabotage et à des pressions multiformes. L'essentiel est qu'il soit convaincu de la pertinence de ses choix qui doivent concourir à maximiser les rendements de sa Rédaction.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery