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Le contrat de commande dans les propriétés intellectuelles

( Télécharger le fichier original )
par Mohammed Youssef
Université Aix Marseille III Paul Cezanne  - M2 2009
  

Disponible en mode multipage

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L'INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES

LA FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES L'UNIVESITE AIX MARSEILLE III (PAUL CEZANNE)

 

Mémoire de Master II Recherche

Propriété Intellectuelle & Nouvelles Technologies

Le contrat de commande dans

les propriétés intellectuelles

Rédigé sous la direction de M. Jean-Pierre GASNIER
Par l'étudiant Mohammed YOUSSEF
2008 - 2009

L'INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES

LA FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES L'UNIVESITE AIX MARSEILLE III (PAUL CEZANNE)

 

Mémoire de Master II Recherche

Propriété Intellectuelle & Nouvelles Technologies

Le contrat de commande dans

les propriétés intellectuelles

Rédigé sous la direction de M. Jean-Pierre GASNIER
Par l'étudiant Mohammed YOUSSEF
2008 - 2009

Remerciement

Je tiens tout d'abord à remercier Monsieur le Maître Jean-Pierre GASNIER, qui a supervisé ce mémoire, pour ses conseils, ses remarques et son écoute

attentive.

Je tiens remercier particulièrement Madame le Professeur Dominique VELARDOCCHIO, pour sa gentillesse, sa disponibilité, ses innombrables conseils, encouragements et corrections.

J'aimerais remercier aussi l'ensemble de l'équipe pédagogique du Master 2 droit des affaires, propriété intellectuelle et nouvelles technologies.

Tableau des principales abréviations

Aff C : Affaire civile.

AJPI : Actualité juridique de la propriété intellectuelle. Al. : Alinéa.

Ann. Propr. Ind : Annales de la propriété industrielle. Art. : Article.

BUF : Presses universitaires de France.

Bull. Civ.: Bulletin des arrêts de la cour de cassation. C. civ : Code civil.

C. urb : Code de l'urbanisme.

CA : Cour d'Appel.

Cass, 1er civ : Cour de cassation, la première chambre civile. Chron : Chronique.

Chronal : Chronologique.

CJCE : Cour de justice des communautés européennes. Comm : Commission.

Comm. CE : Commission des communautés européennes. Comm. Com. Electr : Communication-Commerce électronique. CPI : Code de propriété intellectuelle.

D : Dalloz.

DC : Dalloz critique

DC : Dalloz critique.

Déc : Décembre.

Déc : Décret.

DP : Dalloz périodique.

Gaz. Pal : Gazette du palais.

I.N.P.I : Institut national de la propriété intellectuelle.

IR : Informations rapides.

Janv : Janvier.

JCP : Juris-Classeur périodique.

Juill : Juillet. Juit : juillet. Juris-data : juris-data.

N° : Numéro. Note : note.

Oct : Octobre. P. : Page.

PIPD : Propriété industrielle, bulletin de documentation. Propr. Industr. : Propriété industrielle.

Propr. Intell : Propriété intellectuelle

RD propr. Ind. : Revue du droit de la propriété industrielle. RDAI : Revue de droits des affaires internationales.

RDPI : Revue de droit de propriété industrielle.

RIDA : Revue Internationale De Droit D'Auteur.

RTD civ : Revue trimestrielle de droit civil.

RTD Civ : Revue trimestrielle de droit civil.

RTD com : Revue trimestrielle de droit commercial.

S : Suivant.

SA : Société anonyme.

Ss : Sous.

Sec : Section.

T. com : Tribunal de commerce.

TGI : Tribunal de Grande Instance.

Trib : Tribunal.

Sommaire

L'introduction

Première partie : la logique de la création

Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect créateur

Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de l'aspect créateur

Deuxième partie : la logique de l'investissement Chapitre 1 : La titularité des droits patrimoniaux Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre les parties

Introduction

Le contrat de commande dans les propriétés intellectuelles a un caractère paradoxal ; en même temps que le commandité s'y épanouit et s'y exprime à travers l'exercice de l'activité créatrice qui est la sienne, il doit obéir à l'ordre formulé par le commanditaire. La commande est ainsi faite de liberté et de contraintes. Cette ambiguïté profonde se retrouve à différentes étapes du déroulement du contrat de commande. Si elle est parfois neutralisée lorsque le législateur prend directement en compte les intérêts du commandité et met à sa disposition des prérogatives propres à les défendre, on peut la retrouver lorsqu'il n'a pas expressément pourvu à la protection du créateur, par le biais de telles prérogatives. Il faut alors s'efforcer d'arbitrer entre les intérêts parfois divergents des parties.

Qu'il doive consentir des aménagements à sa liberté de création ou qu'il lui arrive de renoncer à exercer la plénitude de son droit au respect, le créateur comme commandité engagé dans les liens d'un contrat de commande donne parfois l'image d'un personnage soumis à son cocontractant, bien sûr, mais aussi aux impératifs économiques et commerciaux auxquels ce dernier est lui-même assujetti. La reconnaissance, par l'article L.121-2 du CPI, d'un droit de divulgation lui fournit l'occasion de se voir restituer la maîtrise absolue de sa création, puisqu'il lui est permis de refuser de livrer l'oeuvre qu'il avait promise au commanditaire.

Cette faculté de résister à la demande de livraison du commanditaire, tout à fait dérogatoire au droit commun du contrat d'entreprise (l'origine du contrat de commande), mais aussi, plus généralement, au droit commun des obligations, constitue, sans conteste, l'une des prérogatives les plus énergiques du droit moral. La généralité des termes de la loi permet, d'ailleurs, de considérer que le pouvoir que confère le droit de divulgation sur la communication de l'oeuvre s'étend à l'exploitation de celle-ci aussi bien qu'à la cession de la propriété du support matériel1.

A ces règles protectrices en matière de cession de droits patrimoniaux, de nombreuses exceptions existent, soit qu'elles aient été forgées par la jurisprudence, sous l'influence de la pratique, soit que la loi elle-même ait consacré des dérogations aux règles qu'elle avait posées.

1 S. DENOIX DE SAINT MARQUE : le contrat de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999.

Au contraire A.TOUBOULE : concernant le droit de divulgation, elle distingue entre le support matériel, et le droit d'exploitation, en délimitant le droit de divulgation à l'exploitation. Donc, le commandité doit respecter les stipulations contractuelles relatives du support matériel faute de quoi, il porte la responsabilité contractuelle. L'application des règles de droit commun des obligations. TOUBOUL Alexandra : le contrat de commande d'une oeuvre d'art en droit privé, Cycle information, Droit§Culture. 2006. P. 4.

Au niveau de la propriété industrielle, ce qui est souciant dans les actuelles discussions en feu autour de la propriété industrielle n'est pas l'opposition très forte des positions, la violence d'un débat étant plutôt bienvenue dans un système gagné par le consensus, preuve heureuse de la persistance de la capacité à défendre encore des idées et des causes. Les une veulent le renforcement de la réservation des créations à leurs auteurs comme naturelle récompense et habile incitation à inventer encore, les autres souhaitent la suppression de ces prérogatives scélérates pour que le monde des idées et des remèdes, coeur de l'humain, soit à tous. Un débat vif illustre une pensée vivante, tenir ses positions avec conviction dans une discussion est signe que la politique existe encore.

La nature juridique du contrat de commande.

La commande dans la propriété intellectuelle consistant, généralement, en la réalisation d'un travail de création moyennant rémunération, il importe de savoir à quelle catégorie du droit des contrats rattacher l'opération, de façon à en déterminer le régime.

A - Contrat d'entreprise ou vente de choses futures:

Le cas des contrats de commande emportant cession d'un objet matériel

La question de la nature de la commande d'oeuvres intellectuelles a été discutée. On peut hésiter entre le contrat d'entreprise et la vente de choses futures. La qualification de contrat d'entreprise à propos de la commande d'oeuvres de l'esprit est aujourd'hui retenue de façon constante.

Quant aux critères d'identification du contrat de commande, on retient l'existence d'un travail spécifique réalisé pour les besoins d'un client. C'est donc la nature du travail commandé et le destinataire qu'il faut considérer ensemble. Si l'objet fabriqué est standardisé et distribué à un public indéterminé, il s'agit d'une vente. Tout au contraire, l'oeuvre commandée par une personne privée ou publique satisfait au critère énoncé plus haut.

B - contrat d'entreprise et contrat de travail

Le commandité sollicité dans le cadre d'une commande crée, en principe, l'oeuvre en tant qu'entrepreneur. Pourrait-il être salarié du commanditaire ? Seraient alors applicables les règles protectrices du contrat de travail.

Le critère essentiel qui distingue les deux types de contrats est dans la relation qui unit les cocontractants. Dans le contrat de travail, le salarié accomplit sa tache sous l'autorité et la direction de l'employeur. Il est dans un lien de subordination. Tout au contraire, l'entrepreneur dispose d'une liberté d'action dans l'exercice de son art. Certes, il est lié par un contrat et les obligations qui en découlent s'imposent à lui, mais c'est à lui qu'appartient le soin de gérer et d'organiser son activité. Il exécute sa tache de façon indépendante.

D'une façon générale, l'acte créateur nécessite une liberté d'action, une indépendance, qui n'est pas toujours compatible avec le critère de subordination.

C- Le contrat de commande : contrat administratif ou de droit privé

Le caractère privé ou public du contrat emporte des conséquences importantes sur le régime auquel il obéit.

En dépit de l'existence d'un socle de règles communes à l'ensemble des conventions, notamment en ce qui concerne la formation du contrat, les contrats administratifs et les contrats privés sont soumis à des règles distinctes. Encore doit-on pouvoir les identifier.

Conclu entre deux personnes privées, le contrat de commande est un contrat de droit privé. De façon symétrique, si les cocontractants sont des personnes publiques, il s'agit d'un contrat administratif.

A titre liminaire, il faut préciser en premier lieu que la protection de la propriété intellectuelle(PPI) a toujours eu pour objectif d'arbitrer, de manière fine, entre deux objectifs contradictoires : d'un côté, la création d'un environnement propice à l'innovation - où il s'agit finalement de donner une rente « incitative » aux innovation- et ( aspect créateur)de l'autre, la diffusion de cette innovation, soit au consommateur final, soit à d'autres innovateurs afin d'encourager l'innovation en aval (aspect économique).

Avec ces deux aspects contradictoires, le législateur était invité à édicter des règles uniques ayant l'habilité d'assurer la coexistence de ces aspects, sur le terrain de l'arbitrage au droit commun, chaque fois le législateur ne trouve aucune exigence d'intervenir.

Parce qu'il porte sur la création d'une oeuvre de l'esprit, en l'occurrence une oeuvre d'art, le contrat de commande présente un certain nombre de spécificités.

Première partie : la logique de la création.

littéraire artistique. Bien sûr et comme résultat du cumul du droit d'auteur et du droit de propriété industrielle vis-à-vis de l'art appliqué ou juridiquement le droit des dessins et modèles, le titulaire de ce droit pourrait bénéficier de cette position protectrice tant que les conditions de l'originalité sont remplies2.

Alors, nous allons étudier dans cette partie l'aspect protecteur ; consacré au créateur, soit par le législateur, soit par la jurisprudence, dés la formation du contrat jusqu'à l'exécution, respectivement dans deux chapitres :

Chapitre 1 : La lecture juridique de l'aspect créateur.

Chapitre 2 : La lecture jurisprudentielle et doctrinale de l'aspect créateur.

Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect créateur.

Le législateur ne se contente pas d'édicter des règles uniques protégeant le commandité, dés la formation du contrat, mais il va plus loin dans cette conception. Il donne au commandité plusieurs droits moraux pécuniaires spéciaux en dehors de la théorie des obligations en générale. Il lui donne aussi une protection préventive relative à l'ambiguïté de l'opération contractuelle, nous allons discuter les deux systèmes de protection respectivement en deux sections séparées.

1 GASNIER Jean-Pierre : Présomption cherche fondement textuel. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008, comm. 81.

Section 1 Le droit absolu du créateur sur l'invention.

Certes la propriété généralement a donne au propriétaire un droit absolu, par contre les opérations contractuelles délimitent ce droit. Le législateur français donne à l'auteur, parfois, le mécanisme de la continuation du droit absolu sans prise en compte les obligations contractuelles, en justifiant cette disposition par l'intimité entre l'auteur et son oeuvre, et l'impression unique de l'oeuvre d'esprit. Nous allons examiner les droits prévus dans loi qui assure ce mécanisme.

Sous-section 1 - le droit de divulgation.

La jurisprudence affirme la nécessité de subordonner la livraison de l'oeuvre commandée à l'expression de l'assentiment de l'auteur à s'en séparer, c'est-à-dire à l'exercice du droit de divulgation. Ainsi conçue3, cette prérogative va au-delà du rôle purement négatif qui lui a parfois été assigné. Par ailleurs, pour que sa mise en oeuvre puisse faire l'objet d'un contrôle judiciaire, les manifestations de la volonté du créateur devront nécessairement être extériorisées et dépasser le for intérieur de l'auteur.

Le problème des rapports entre les droits patrimoniaux et le droit de divulgation de créateur a suscité, en doctrine, et dans la jurisprudence des opinions contradictoires, au sujet de l'utilité et du bien fondé de la reconnaissance de cette prérogative. L'existence des droits de reproduction et de représentation, dont l'auteur est titulaire. L'exécution forcée et les dommages et intérêts en cas où est utilisé le droit de divulgation ?

A- La conception restrictive du droit de divulgation.

S. STROMHOLM4 adopte la position la plus extrême, puisqu'il va jusqu'à remettre en cause l'existence même du droit de divulgation, en tant que prérogative autonome. Il considère, en effet, que le contenu du droit de divulgation << coïncide nécessairement pour la plus grande partie avec celui du droit exclusif d'exploitation »5. En réalité, pour S. STROMHOLM, entre les hypothèses qui relèvent de la liberté de création, celles qui correspondent à l'exercice du monopole patrimonial de l'auteur sur son oeuvre, et celles pour lesquelles le droit de repentir entre en jeu, il n'y a guère de place pour une prérogative autonome ; ainsi, la solution affirmée par la cour de cassation, dans l'affaire Whistler6 << la convention par laquelle un peintre

3 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz, 2004. Lyon, 17 juillet. DP1845. P. 110

4 STROMHOLM (S) : Le droit moral de l'auteur en droit allemande, français et scandinave, 1e partie, 1967. P. 8 et 158

5 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur, Econmica, 2005.P. 405.

6 Cass. Civ.1, 14 mars 1900, << Eden c. Whistler », DP, 1900-1-497, << Les conventions qui portent sur des oeuvres de l'esprit sortent des catégories normales du droit, à cause de l'influence qu'exerce sur elles le droit moral ». P-Y GOUTIER. P. 248.

Aussi Trib. Civ. Charolles, 4 mars 1949, Gaz. DA, 1950, P. 83. Paris, 14 mars 1962, D. 1963. P. 104.

s'engage à exécuter un portrait, moyennant un prix déterminé, constitue un contrat d'une nature spéciale, en vertu duquel la propriété du tableau n'est définitivement acquise à la partie qui l'a commandé, que lorsque l'artiste a mis le tableau à sa disposition et qu'il a été agréé par elle » .

H. MAZEAUD7, quant à lui, n'attribue au droit de divulgation qu'une portée purement négative. Ce qui correspondrait à son exercice positif, n'est rien d'autre, selon lui, que l'exercice du monopole d'exploitation. Le droit de divulgation ne permettrait donc à l'auteur que de se refuser à se séparer de son oeuvre : << le droit de divulgation, droit moral, consiste dans la faculté pour l'artiste de garder secrète son oeuvre, de la modifier, de l'achever et même de la supprimer >>8.

B- Le rejet de la conception restrictive du droit de divulgation.

A l'opposé de ces positions restrictives, se situe l'opinion de H. DESBOIS qui prête au droit de divulgation un contenu essentiellement positif. Cet auteur considère, en effet, que c'est l'exercice de cette prérogative qui fait accéder l'oeuvre au domaine de la patrimonialité et qui révèle, en quelque sorte, l'existence des droits patrimoniaux. Dans cette perspective, l'oeuvre non divulguée ne serait que le prolongement de la personne. DESBOIS affirme ainsi : << c'est en exerçant le droit de divulgation que l'auteur investit son oeuvre d'un droit patrimonial dans la mesure nécessaire à l'exploitation qu'il permet >> 9.

La décision de divulguer précède nécessairement celle d'exploiter l'oeuvre ; elle est la décision morale, intellectuelle, prélude nécessaire à la décision patrimoniale10.

Le droit de divulgation selon H. DESBOIS a un contenu positif, autant que négatif. La décision de communiquer l'oeuvre au public n'a pas une signification exclusivement patrimoniale ; elle a une portée morale avant d'être pécuniaire, ou, en tout cas, autant que pécuniaire11.

La mise en évidence du contenu positif du droit de divulgation n'a pas seulement un intérêt
théorique. D'ailleurs, le cas du contrat de commande montre qu'il est nécessaire de dissocier

7 MAZEAUD Henri : le droit moral des artistes sur leurs oeuvres et son incidence, à propos de l'arrêt de la cour d'Orléans rendu dans l'affaire Pierre PERNNARD, D, 1959,chron. XX, n°9.

8 17 février 1988, RIDA, octobre 1989, P. 325.

9Institut de recherche en propriété intellectuelle DESBOIS Henri : La propriété intellectuelle en question Paris : Litec, DL 2006. P.112.

10 Cass. 1re civ. 5 juin 1984, BULL, civ. 1er n°184, RIDA, avril 1985, p. 150. Cass. Civ 1er, 25 février 1997, BULL. civ.1, n° 73, P. 47.

11 DP 193-2-88, 6 mars 1931, obs. M. Nast. << La propriété littéraire et artistique comporte pour celui qui en est titulaire, un droit qui n'a rien de pécuniaire, mais qui, attaché à la personne même de l'auteur ou de l'artiste, lui permet, sa vie durant, de ne livrer son oeuvre au public que de la manière et dans les conditions qu'il juge convenable >>.

le droit de divulgation des droits patrimoniaux de l'auteur12, qu'il s'agisse du monopole d'exploitation ou du droit de propriété corporelle sur le support matériel de l'oeuvre. En effet, en l'absence du droit de divulgation, les règles du droit commun imposeraient à l'auteur de livrer l'oeuvre, dès son achèvement. Ainsi, même si le transfert du droit moral coïncide dans le temps, il est certain que ce résultat n'est possible qu'en raison de l'existence du droit de divulgation du droit moral que tient la dérogation au droit commun des contrats13.

En effet, l'auteur a un droit spécifique pour décider de détacher ou non son oeuvre de sa personne. Le cocontractant ne peut donc pas obtenir l'exécution forcée de la commande, puisque l'article 1142 du Code civil suffirait à l'exclure.

C'est pourquoi, il faut discuter l'idée répandue en doctrine14 et conforme à une jurisprudence15 qui date d'avant la consécration légale du droit de divulgation selon laquelle on doit appliquer la règle commune d'après laquelle, à défaut d'exécution, le commanditaire a droit à un équivalent, sous la forme de dommages et intérêts. Par contre un courant16 dit, que l'auteur exerce un droit subjectif que lui accorde la loi pour défendre sa personnalité. L'interférence du droit d'auteur ne permet pas de faire comme si la solution appartenait au droit commun. Autrement dit, l'auteur qui refuse d'exécuter ou de livrer l'oeuvre doit restituer à son commanditaire les avances et les frais que celui-ci a exposés mais qu'il ne doit pas de réparation au-delà (sauf à démontrer le caractère frauduleux du refus17).

C- L'épuisement du droit de divulgation.

- Il est vrai qu'une partie de la doctrine soutient l'idée que le droit de divulgation serait épuisé par son premier exercice de sorte que l'attribut se limiterait au pouvoir de briser, une fois pour toute, le secret, comme en droit des brevets. Malheureusement, cette lecture n'a de fondement ni dans la théorie générale du droit moral, ni dans les textes. Le droit du commanditaire producteur n'emporte, en droit d'auteur français, aucun monopole de distribution. Dépourvu de fondement sur le terrain patrimonial, l'épuisement du droit est déplacé et contre-productif sur le terrain moral. Déplacé, car il applique une construction économique à un attribut extra-patrimonial. Contre-productif, car en réduisant le droit de divulgation au pouvoir de rompre le

12 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz, 2004. Lyon, 17 juillet. DP1845. P. 111.

13 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur, Econmica, 2005. P. 409. Dans l'affaire Whistler, le peintre qui avait fait, sur commande, le portrait de Lady Eden avait finalement refusé de le livrer et était allé jusqu'à le modifier, en remplaçant le visage de Lady Eden par celui d'un autre modèle. C'est au contraire de l'article 1142 du Code civil.

14 LUCAS André et Henri-Jacques :Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e édition, Paris : Litec, 1994. N° 388. FRANCON André : Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle Paris. Litec, 1999, P. 221.

15 Cass. Civ.1, 14 mars 1900, << Eden c. Whistler ». Paris, 4 mars 1949, D. 1949, obs

16 P-Y. GOUTIER << la délivrance n'est plus seulement l'exécution de son obligation par l'auteur, mais l'expression de son droit ». F. POLLAUD-DULIAN : P. 410

17 FRANCON André : Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle, Paris. Litec, 1999, P. 221.

secret - ce que, à peu de choses près, garantit déjà le droit commun - il mine le contrôle du couple culturel, dont les intérêts sont défendus par le créateur, au profit d'une emprise accrue des intérêts de l'exploitant18.

- C. CARON a noté : « Si un dessaisissement du support matériel de l'oeuvre constitue un indice d'exercice du droit de divulgation, force est de constater qu'il ne saurait suffire. En effet, outre que la propriété incorporelle est indépendante de la propriété corporelle, il faut également un élément moral, c'est-à-dire une volonté de divulguer, afin que le droit de divulgation soit considéré comme exercé et donc épuisé »19.

Sous-section 2 - le droit à la paternité :

Le droit à la paternité est le droit le plus naturel de l'auteur. Il lui permet à la foi d'imposer le respect de la mention précise de son nom à chaque utilisation de l'oeuvre, comme le maintien dans l'anonymat.

A- Le fondement.

Nous savons qu'un auteur a le droit de conserver l'anonymat s'il ne veut pas être connu du public. De même, s'il le souhaite, il peut parfaitement se réfugier derrière un pseudonyme qu'il aura librement choisi. De tels choix découlant de l'exercice même du droit de paternité, ne portent nullement atteinte à l'inaliénabilité du droit moral. Toute autre hypothèse dans laquelle un commandité s'engage à l'égard du commanditaire à ne jamais révéler sa paternité.

18 GAUDRAT Philippe et SARDAIN Frédéric: De la copie privée (et du cercle de famille) ou des limites au droit d'auteur. Comm. Com. Electr n° 11, Novembre 2005, étude 37.

19 CARON Christophe : Droit de la propriété intellectuelle, La Semaine Juridique Edition Générale n° 1, 11 Janvier 2006, I 103.

C'est le cas bien connu du « nègre », le terme anglais est ghostwriter. L'histoire nous enseigne que de telles pratiques ont de nombreuses fois servi la cause des plus illustres auteurs, tel Auguste RENOIR ou Alexandre DUMAS qui, débordé par les commandes passées par avance avec les éditeurs, n'arrivait pas à satisfaire ses engagements sans avoir recours à un apanage d'écrivains de talents travaillant pour son compte en silence20.

B- Pour la question de la renonciation du droit de paternité :

Avant la loi du 11 mars 1957, il n'était pas certain que de tels engagements devaient être tenus pour nuls, cela d'autant que la thèse inverse était fréquemment relayée en doctrine21 et consacrée en jurisprudence22 « l'auteur légale d'une oeuvre n'est pas forcément son créateur effectif et l'éditeur qui justifie avoir acquis des artistes auquel il a commandé et fait exécuter les dessins tous les droits de reproduction de leur oeuvre, est fondé à s'en dire l'auteur légal et à poursuivre les tiers en contrefaçon ».

Mais l'esprit de la loi 1957 commande l'annulation des renonciations du droit. Du fait de la consécration expresse de l'inaliénabilité du droit moral en cette loi. Par contre des théories admettant les renonciations au droit de paternité ont encore vu le jour23.

H. DESBOIS considère que la renonciation au droit de paternité sont vocables du moment que l'auteur conserve la possibilité de revenir à tout moment sur son engagement en révélant au grand jour sa paternité24. La thèse de la renonciation a eu un certain écho en jurisprudence. En 2007, la cour de cassation en a admit le principe25.

C- La paternité d'une oeuvre, un signe distinctif ?

Le professeur GINSBURG écrit « il n'y a pas que l'auteur. Il y a également son public. Envers celui-ci, le nom de l'auteur fonctionne comme une marque de fabrique. Le nom de l'auteur est en fait un véritable signe distinctif qui permet aux consommateurs éventuels des oeuvres de l'esprit d'opérer un choix entre oeuvres sur la base de leurs expériences antérieures avec d'autres oeuvres du même auteur, ou bien sur la base de la renommée de l'auteur ».

20 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur, Econmica, 2005. P. 420.

21 Pouillet, Eugène : Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Paris : Marchal et Billard, 1894.P.121

22 Paris, 29 novembre. 1932, Ann. Propr. ind, 1935, P. 204.

23 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété littéraire artistique, Presse universitaire, Paris, 2007. P. 230 et s.

24 DESBOIS Henri : Etudes de propriété intellectuelle, Paris : Dalloz, 1974, P. 63

25 Cass. 1er civ. 13 février. 2007, N° 05-12.016, Bulletin 2007 I N° 60 p. 54

Alors être auteur, c'est le prétendre. La thèse relativise le principe de l'inaliénabilité du droit de paternité car une fois assimilé à un véritable signe distinctif, on ne voit pas pourquoi ce droit ne pourrait valablement circuler entre titulaires successifs. L'assimilation de la paternité à un signe distinctif nous apparaît assurément dangereuse. Faciliter la transmission du droit de paternité, c'est attaquer de plein fouet l'intangibilité des attributs même de la personne.

Frédéric POLLAUD-DULIAN écrit << comme le nom et sans doute l'image font l'objet de droit dualiste : un droit de personnalité originel et qui est l'essentiel auquel vient parfois s'ajouter un droit patrimonial, lorsque le titulaire cède ou concède le droit d'utiliser commercialement son nom ou une image de lui-même. Les deux sortes de droits sont distinctes et coexistent >>26.

Il est devenu courant aujourd'hui de se référer aux principes qui gouvernent la propriété industrielle pour attaquer avec force la discipline personnaliste sous l'idée de l'association entre les deux disciplines (comme nous allons voir dans la deuxième partie de cette étude). Une association selon B. KHALVADJIAN n'est pas raisonnable : l'objectivité propre à la propriété industrielle s'oppose en tout point à la subjectivité fondatrice du droit d'auteur27.

Enfin, même au niveau de la propriété industrielle le commanditaire doit respecter le droit moral de paternité du commandité, et respecter aussi la destination et la nature de l'oeuvre commandée. Certes le contrat de commande donne la titularité patrimoniale au commanditaire, par contre celui-ci est obligé de respecter le droit moral de l'inventeur. On trouve ce système plus fort aux Etats unis qui donne le droit de paternité de l'inventeur une position unique28 plus importante à ce qui est attribué à l'auteur, au contraire de la France.

Sous-section 3 - Le droit de repentir et le droit de suit: A- Le droit de repentir

Une fois l'oeuvre entre les mains de l'acquéreur, le commandité a remplis ses engagements. Et il se peut que, à la réflexion, il ne soit pas pleinement satisfait de son oeuvre et souhaite la retirer de la circulation. Quelles solutions fournit de ce point de vue le droit d'auteur ?

Parmi les prérogatives extrapatrimoniales, l'article L 121-4 du CPI crée un droit de repentir
ou de retrait qui permet à l'auteur de reprendre sa parole. Le texte limite l'exercice de ce droit

26 POLLAUD-DULIAN : Droit moral et droit de la personnalité. JCP 1994,1, 3780, N° 16.

27 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 70

28Le droit de protéger les brevets est très important du fait de cette inscription dans la constitution. On met en place un monopole limité dans le temps pour les auteurs et inventeurs. Mais on a mis l'accent sur les inventeurs, plus que sur les auteurs. Les brevets sont au coeur de l'exécutif américain. Le droit revient à celui qui invente et non à celui qui dépose aux USA. On a le << First to invent >>, c'est le premier qui invente qui peut déposer un brevet et donc il faut pouvoir le prouver.

aux rapports entre le cessionnaire des droits d'exploitation et l'auteur. Lorsque, par exemple, un écrivain cède à un éditeur le droit de publier son manuscrit, il peut revenir sur sa décision à la double condition d'indemniser le cessionnaire pour le préjudice causé29 et de lui offrir par préférence d'exploiter l'oeuvre s'il change d'avis et se résout finalement à diffuser son oeuvre30. Un auteur qui reviendrait sur son engagement parce qu'il a trouvé un éditeur lui concédant des droits plus intéressants ne pourrait faire jouer ce texte et sa responsabilité serait alors plus lourdement engagée.

La question se pose par ailleurs de savoir si le texte s'applique en cas de vente du support matériel, ce qui fragilise grandement la position de l'acquéreur du bien et mettrait à mal les règles de la possession. Mais l'article L 121-4 du CPI vise les relations de l'auteur avec les acquéreurs de droits d'exploitation et non avec l'acquéreur du support matériel. Il n'a donc pas vocation à s'appliquer31.

La question qui se pose est alors de savoir si le contrat peut aménager par anticipation l'exercice des droits de retrait sans se heurter automatiquement au principe de l'inaliénabilité du droit moral ? le professeur SIRINILLI va répondre « si le législateur a voulu protéger l'auteur contre ses errements au moment où celui-ci écrit son oeuvre- au point d'instaurer dans l'article L.121-4 CPI un régime dérogatoire à la force obligatoire des contrats a fortiori a-t-il voulu le protéger au moment où il renonce inconsidérément à ce droit de revenir sur ses erreurs »32.

Ce droit ne concerne que le contrat de commande d'oeuvre d'art pur, par contre un commandité titulaire de droit moral sur un logiciel, une invention ou un dessin et modèle, il ne peut pas se fonder sur le droit de repentir pour retirer son oeuvre après la publication ou la livraison. C'est une exception qui assure la domination de la conception économique du marché sur la conception de droit personnaliste33.

29 Certains auteurs critiquent l'obligation d'indemnisation préalable (A. IONASCO, op. cit., p. 47 ; dans le même sens, COLOMBET, op. cit.,

o o

n 167). D'autres y voient une garantie supplémentaire pour le commanditaire (A. et H.-J. LUCAS, op. cit., n 474 ).

30 HUGUET André : L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur, étude sur la loi du 11 mars1957, Paris, LGDJ, 1962. P. 78

31 GAUDRAT Philippe : Propriété littéraire et artistique (1° propriété des créateurs). septembre 2007. Répertoire de droit civil (c) Editions Dalloz. 2009.

32 SIRINELLI Pierre : Propriété littéraire et artistique. Paris Dalloz, 2004. P. 258.

33 GAUDRAT Philippe : Propriété littéraire et artistique (1° propriété des créateurs). septembre 2007. Répertoire de droit civil (c) Editions Dalloz. 2009.

B- Le droit de suite.

Le droit de suite est un droit patrimonial qui obéit à des règles particulières34. En dépit de son caractère pécuniaire, l'auteur ne peut le céder à titre gratuit ou onéreux, non plus qu'il puisse y renoncer. On a cherché, pour protéger l'auteur, à prévenir toute tentation qu'il aurait d'en retirer un profit immédiat. Cela n'empêche pas que ce droit soit transmissible et puisse être exercé à la mort de l'auteur par les héritiers. L'article 123-7 du CPI exclut cependant du bénéfice du droit de suite les légataires (y compris le légataire universel) et les ayants causes, quels qu'ils soient.

Les critiques qui s'expriment aujourd'hui à propos du droit de suite ont notamment porté sur ses titulaires. On a fait valoir que la majorité des sommes perçues à ce titre ne bénéficiait qu'à un petit nombre d'héritiers. A également été mise en cause la transmission de ce droit à des parents éloignés. Le droit de suite est temporaire et s'éteint soixante-dix ans après la mort de l'auteur, en application de la directive communautaire prévoyant l'allongement de la durée de protection des droits.


· Le taux applicable au droit de suite

Le pourcentage reversé au titulaire du droit de suite représente aujourd'hui 3% du prix de vente, qui est à la charge du vendeur, taux jugé excessif par les professionneles du marché de l'art. Ils suggèrent qu'il soit éventuellement calculé différemment selon la valeur de l'oeuvre et moyennant certains mécanismes compensateurs. D'autres propositions ont été faites qui, cette fois, remettent en cause la nature même du droit de suite et proposent de lui substituer une forme de domaine public payant, dont une part des ressources pourrait être consacrée à des actions d'intérêt général en faveur des plasticiens35.

Section 2 La prohibition des cessions globales d'oeuvres futures.

Antérieurement à la loi de 1957, en l'absence de texte prohibant les cessions globales d'oeuvres futures. La jurisprudence a parfois été saisie d'affaires dans lesquelles se posait la question de la validité de telles conventions et la doctrine36, pour sa part, s'y est intéressée, même si ses développements ne sont pas toujours exempts d'une certaine obscurité. L'avènement de la loi de 1957 a conduit à la consécration de la prohibition des cessions

34 Selon l'arte L. 122-8 du CPI « les auteurs d'oeuvres originales, graphiques et plastiques ( ) bénéficient d'un droit de suite, qui est un

droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une oeuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayant droit, lorsqu'intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art. Par dérogation ce droit ne s'applique pas lorsque le vendeur a acquis l'oeuvre directement de l'auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 € »

35 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006.

36 Trib. Civ. Seine. 25 mai 1897. Ann. Prop. Indu. 1900. P. 60

globales d'oeuvres futures. Toutefois, la signification de l'article L.131-1 du CPI pose qu'en principe « la cession globale des oeuvres futures est nulle ».

L'article L.131-1, dont l'objectif est de soulager de l'inquiétude quant à la sauvegarde des intérêts tant moraux que patrimoniaux des créateurs37, est d'une interprétation délicate. En effet, le sens et la portée de cette disposition ont été abondamment discutés en doctrine sans qu'un accord ait pu être trouvé sur la signification exacte qu'il convient de lui attribuer. Même son application aux contrats de commande n'est pas à l'abri des controverses.

Sous-section 1 - la définition classique de l'article L.131-1.

Les divergences de la doctrine sur l'interprétation de cette disposition semblent, de même, trahir un certain désarroi38. Afin d'en déceler la signification, tentons de reprendre l'analyse de la définition classique de cette article ainsi que son influence sur le contrat de commande.

A- La notion de la cession globale.

La thèse d'HUGUET : A propos du mot global, il faut tout d'abord écarter l'interprétation suivant laquelle il serait synonyme de total et embrasserait à la fois toutes les oeuvres à venir d'un auteur et tous les droits portant sur celles-ci39.

Proposer une telle interprétation de l'article L.131-1 reviendrait à le priver de signification : en effet, une cession si générale se présente rarement, et une prohibition si vague est, de toute façon, facile à contourner. L'intention du législateur n'a donc pu être celle-ci.

La thèse de DESBOIS : La prohibition de l'article L.131-1 doit pouvoir s'entendre comme la cession d'un ensemble indéterminé d'oeuvres futures est nulle. Cette interprétation suppose que la cession globale est nulle. Toutefois, est licite la stipulation, par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un commanditaire pour ses oeuvres futures de genres nettement déterminés ; la doctrine de la relation logique de l'article L.131-1 avec l'article L.132-4 relatif au pacte de préférence en matière d'édition40.

Les représentations de la doctrine négligent de prendre en compte le fait que ces deux textes concernent des domaines différents.

37 Rappelons que l'arte. 1130, al. 1er du C.civ dispose que « les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation ».

38 Le Tarnec, Alain : Manuel de la propriété Littéraire et artistique / 2e édition. / Dalloz / 1966. P. 111

39 HUGUET André : L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur : étude sur la loi du 11 mars 1957, Paris : LGDJ, 1962. P. 111.

40 Ce droit est limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première oeuvre ou à la production de l'auteur réalisée dans un délai de cinq années à compter du même jour. KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008, P 121. H.DESBOIS : P. 648. F&P-B GREFFE. P. 186.

L'article L.132-4 intéresse une hypothèse particulière, celle du pacte de préférence en matière d'édition41. La liberté intellectuelle de l'auteur n'est pas restreinte par le pacte de préférence. Au contraire, l'article L.131-1 vise une série indéfinie de cas dans lesquels l'auteur aura pu s'engager à créer vis-à-vis de son cocontractant42.

Rares sont les décisions de justice qui ont été amenées à se prononcer sur l'existence d'une cession globale43, mais il est devenu un courant qui laisse aux juges de refuser ou admettre l'argumentation fondée sur la prohibition de la cession globale d'oeuvres futures.

B- La notion d'oeuvres futures.

La majorité de la doctrine s'accorde à considérer que la prohibition de l'article L.131-1 ne concerne que les droits d'exploitation sur les oeuvres futures. Par une sorte d'ellipse, la formule d'oeuvres futures se référerait exclusivement aux cessions portant sur des droits patrimoniaux et non sur les oeuvres elles-mêmes. Un créateur qui s'engagerait dés lors à céder la propriété corporelle de ses prochaines oeuvres, ne pourrait pas jouir de la protection instituée à l'art. L.131-1 du CPI. En ce cas, le droit commun des contrats retrouve normalement à appliquer44.

En revanche, prétendre que les supports matériels sont exclus du champ de l'article L.131-1 semble pour un courant de la doctrine arbitraire et les arguments avancés au soutien de cette thèse peu convaincants. La législation sur le droit d'auteur serait surtout destinée à répondre strictement aux problèmes posés par des cessions de droits et non par des cessions d'oeuvres. Même si cette affirmation est exacte, il n'en reste pas moins vrai que de nombreuses dispositions concernent le statut de l'oeuvre45.

Après avoir tenté de dégager les traits dominants qui caractérisent la prohibition instituée par ce texte et surtout d'en dégager les fondements, nous examinerons quelle peut être son incidence sur la validité des contrats de commande.

C- L'incidence de la définition sur la validité des contrats de commande.

L'application de cette disposition à de telles conventions a été contestée par Desbois qui
restreignait le champ de l'article 33 de la loi de 1957 aux cas dans lesquels l'auteur a cédé ses

41 A travers ce pacte, l'auteur fait la promesse de céder un certain nombre de ses oeuvres futures ou sa production à venir pendant un nombre d'années donné. Mais, d'une part, cette cession n'a lieu que s'il crée. D'autre part, il n'a pris aucun engagement sur le contenu ou la nature des oeuvres à réaliser.

42 P-Y GOUTIER : P. 572 et s.

43 Paris, 26 juin 2002, PI avril 2003, n° 7, P. 175.

44 H. Desbois, Le droit d'auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978, p. 646.

A. Huguet, Ordre public et contrat d'exploitation du droit d'auteur : LGDJ, 1961, p. 133

45 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété littéraire artistique, Presse universitaire, Paris, 2007. P. 574.

oeuvres futures sans contracter d'obligation de créer. Selon lui, en effet, l'auteur « ne peut prendre l'engagement de réaliser les oeuvres dont il cède les droits qu'après mûre réflexion, alors qu'il serait plus volontiers enclin à conférer l'exclusivité relativement à des oeuvres qu'il ne s'engage pas à réaliser »46

Selon S. DENOIX, il semble paradoxal de réserver l'application de l'article L.131-1 aux hypothèses dans lesquelles l'auteur reste libre de toute obligation de produire, et d'exclure du domaine de cette disposition celles dans lesquelles l'auteur promet d'exécuter des oeuvres dont il cède généralement les droits. En effet, dans le premier cas, seuls sont en cause les intérêts économiques de l'auteur. Dans le second, au contraire, s'ajoutent à ceux-ci des intérêts intellectuels et moraux liés à l'obligation de création.

En plus, la lettre même de l'article L.131-1 ne suggère nullement une telle exclusion et, à vouloir ainsi restreindre le champ d'application de ce texte, on risque fort de priver de l'unité qu'il peut présenter à titre de directive générale et de le vider de son sens.

En outre, l'opinion de DESBOIS ne pourrait se justifier que par l'idée, d'ailleurs sous-jacente à son argumentation, que la conclusion d'un contrat de commande est toujours exclusive d'indétermination47. Or, l'observation des faits dément cette analyse. Il ne semble donc pas que ces contrats doivent, par principe, échapper à la règle posée par l'article L.131-1 la difficulté qu'ils soulèvent est ailleurs.

Sous-section 2 - la définition moderne de l'article L.131-1.

L'article L.131-1 du code de la propriété intellectuelle pose le principe de la prohibition des cessions globales d'oeuvres futures, dans un souci de protection des intérêts des créateurs. Au premier abord, une telle disposition ne paraît pas devoir intéresser le contrat de commande et l'on voit mal quelle commande globale pourrait mettre en péril les intérêts du créateur. Pourtant, à l'examen, on s'aperçoit que les créateurs indépendants sont à la frontière du contrat de travail et du contrat de commande et qui ont pour objet un nombre élevé d'oeuvres. Il arrive même que de telles conventions ne soient définies que par leur durée, sans que les oeuvres commandées soient individualisées au moment de la formation de l'accord de volontés48.

46 DESBOIS : cit. P. 649.

47 LUCAS André : Droit d'auteur et création salariée, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 03-2008, N°36.

48 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 117.

A- La thèse de l'indétermination des oeuvres.

Suite aux thèses classiques, un courant de la doctrine49 a avancé l'idée d'assimiler les cessions globales à des cessions d'un ensemble indéterminé d'oeuvres futures. Mettant alors en doute les enseignements tirés de l'analyse des travaux préparatoires, elle rejette l'idée de définir la prohibition de l'article L.131-1 du CPI << à partir de seuils fixés à l'avance auxquels le juge serait tenu de se soumettre »50. Selon elle, au contraire, le juge doit apprécier le caractère global de la cession en tenant compte principalement du << degré de précision dans la définition de l'obligation de création des oeuvres à réaliser »51. Par conséquent, un auteur << pourra s'engager à produire pendant une durée déterminée, même longue, ou bien à exécuter en nombre d'oeuvres, même élevé ; si les parties ont convenu un minimum de précision de ces créations à venir et de leur destination, leur accord ne saurait être censuré »52.

Son raisonnement se base essentiellement sur l'analyse de la jurisprudence contemporaine. Il semble que depuis 1957 les juges ont tendance à écarter l'application de l'art L.131-1 du CPI dans des cas où justement les oeuvres futures font l'objet d'un degré de précision suffisant. Mais il n'est pas sur qu'il y ait là la raison déterminante de la mise à l'écart de la disposition par le juge.

B- L'application jurisprudentielle vis-à-vis du contrat de commande.

Comment rechercher la manière dont il faut mettre en oeuvre l'article L.131-1 dans le domaine des contrats de commande ? Deux décisions rendues, l'une par la cour d'appel de Paris, l'autre par la cour de cassation fournissent à cette question des éléments de réponse.

Dans un arrêt, du 10 juin 198653, la cour d'appel de Paris a sanctionné, en vertu de l'ancien article 33 de la loi de 1957, une convention conclue avec l'auteur M. de MONTPEZET pour rédiger différents ouvrages qui, s'ils avaient pour caractéristique commune purement fortuite d'être à prétention autobiographique, étaient pourtant totalement indépendants les uns des autres, les personnes ayant inspiré ces différents écrits étant elles-mêmes étrangères les unes aux autres.

Dans l'affaire MONTPEZET, l'objet du contrat n'imposait pas l'indétermination dont
l'obligation de l'auteur était empreinte : chaque ouvrage, successivement, aurait pu donner

49 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999. P. 137. Cette opinion dépende la thèse ancienne de S. Strömholm, Le droit moral de l'auteur en droit allemand, français et scandinave : t. 1, p. 160, Stockholm, 1967.

50 DESBOIS : cit. P. 653.

51 MOUSSERON Jean-Marc et SCHMIDT-SZALEWKI Joanna : Les créations d'employés, Litec, 1990, p. 273

52 Cass. 1er civ. 6 nov. 1979, n° 77-16.001, Publication, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N. 271

53 CA Paris, 10 juin 1986, RIDA n° 133, juillet. 1987, P. 193.

lieu à un accord séparé entre les parties ; l'exigence de détermination aurait été ainsi respectée. Seules des motivations d'ordre pratique, et, vraisemblablement, des préoccupations de nature financière, de la part de l'éditeur, ont dicté la globalité des termes de la convention.

Au contraire, dans la seconde affaire - Cabut c. Société Dargaud- la cour de cassation54a approuvé la cour d'appel « Dès lors qu'une Cour d'appel relève que le contrat écrit, par lequel un auteur cédait à une société d'édition, à la suite d'une commande, le droit de reproduire une série d'histoires et de gags illustrés qu'il s'engageait à écrire et à illustrer aux fins de publication régulière dans un journal, à raison d'une ou plusieurs planches, et destinés ensuite à être publiés en album, individualisait chacun des droits cédés, déterminait la date de cession, définissait d'une façon précise le domaine d'exploitation des droits cédés quant à l'étendue, la destination et la durée, fixait la rémunération de l'auteur et comportait une cession par l'auteur à la société d'édition du droit de réunir en recueil les planches dessinées qui paraîtraient, cette juridiction a pu sans admettre que la publication dans le journal devrait être assimilée à un écrit, considéré qu'il avait satisfait aux exigences de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957.

La juridiction qui retient qu'une cession de droits ne portait que sur des histoires, commandées par une société d'édition à un auteur et ayant le même personnage principal, et que l'auteur pouvait cesser sa collaboration au journal reproduisant ces histoires, sous réserve de livrer normalement jusqu'à sa fin l'épisode en cours, a pu considérer qu'il n'avait pas été contrevenu aux dispositions de l'article 33 de la loi du 11 mars 1957, qui prohibe la cession des oeuvres futures ».

De l'analyse de ces décisions, deux conclusions de portée générale peuvent être tirées.

Tout d'abord, l'hypothèse où la détermination des oeuvres à réaliser ne sera jamais que relative. Il relèvera alors de l'appréciation des magistrats de considérer, dans chaque espèce, si les intérêts de l'auteur sont assez protégés55.

Puis, l'indétermination qui est susceptible d'affecter un contrat de commande trouve avant tout sa source dans la délimitation de la mission créatrice de l'auteur. Ainsi, ce n'est ni la durée de l'engagement, ni le nombre d'oeuvres qu'il aura promis de réaliser qui, en euxmêmes, créeront les conditions de l'annulation du contrat, mais l'insuffisance des stipulations contractuelles relatives à la nature du travail de création qui, le cas échéant, en sera la cause56.

54 Cass, 1er civ. 6 novembre. 1979, RIDA, N° 103, juillet, 1980. P. 167.

55 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 115.

56 Le commandité pourra s'engager à produire pendant une durée déterminée, même longue, ou bien à exécuter un nombre d'oeuvres, même
élevé ; si les parties ont convenu avec un minimum de précision de ces créations à venir et de leur destination, leur accord ne saurait être

Enfin, on trouve que la définition moderne de l'article L.131-1 est plus acceptable par la jurisprudence que les autres, aussi une décision de la cour de cassation daté de 8 novembre 1989 a assuré cette thèse57.

La question des oeuvres futures concernant le dessin et modèle :

Il est admis que la prohibition légale de cession d'oeuvre future ne s'appliquait pas au contrat de commande relatif aux dessins et modèles, pour plusieurs raisons, les oeuvres, si elles ne sont pas encore créées sont du moins individualisées au moment du contrat, le contrat de commande est en générale passé pour une pluralité d'oeuvres si ce n'est de la totalité de la production future d'un artiste est interdite. Puis l'auteur bénéficiaire d'un contrat de commande conserve son entière liberté de création en dehors du contrat58.

Enfin, à propos du contrat de commande concernant le commandité qui n'a pas la qualité d'auteur, tant qu'il est soumis toujours au droit commun, on applique l'article 1130 du code civile « les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation » donc c'est au contraire de l'article L.131-1du CPI.

Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de l'aspect
créateur.

Parallèlement avec la loi, la jurisprudence va interpréter toujours l'ambiguïté de la loi au profit de la conception protectrice de la partie présumée faible. Dans le contrat de commande même s'il n'y a pas précision expressément claire, le juge recourt à une interprétation large, et aussi aux règles de l'analogie, afin de donner au commandité une position unique, soit au niveau de l'écriture du contrat soit au niveau de la détermination de la rémunération.

Section 1 L'exigence de l'écrit.

Bien que le droit français ne distingue pas, par rapporte de l'exigence de l'écrit, entre l'oeuvre pure et simple et l'oeuvre appliquée, mais dans la pratique, la jurisprudence a fait une nuance dans la lecture de deux oeuvres selon leur finalité soit industrielle ou soit pour l'exposition. Elle se contente par le commencement de preuve par l'écrit pour la première alors qu'elle exige l'écrit dans la deuxième.

Sous-section 1 - L'aspect d'oeuvre pure et simple. A- Le principe.

La loi ne soumet la conclusion du contrat de commande d'oeuvres à aucun formalisme. A cet égard, l'article L131-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que << Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution. Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du Code civil sont applicables ».

L'écrit n'est donc pas obligatoire ; Le contrat de commande sera valablement formé par la rencontre de volonté des parties, l'artiste acceptant de réaliser l'oeuvre et le commanditaire d'en payer le prix59.

Dans ce cas, et même sans écrit, l'auteur et le commanditaire sont liés par un contrat et sont tenus l'un envers l'autre de réaliser leur engagement et de respecter leurs obligations contractuelles, en l'occurrence, la réalisation de l'oeuvre et le paiement du prix convenu. A défaut, ils engagent leur responsabilité. Certains n'ont parfois pas conscience que, même sans

59 La première chambre civile de la Cour de cassation a écarté, dans un arrêt en date du 21 novembre 2006, l'obligation de respecter le formalisme des cessions prévue à l'article. L. 131-3 du CPI dans l'hypothèse des contrats non prévus par l'article L.131-2 CPI.

A. Lucas : << La cession d'exploitation sur des modèles n'était soumise à aucune exigence de forme ».

COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philippe : Contrats civils et commerciaux, 8e édition Dalloz, 2007.

écrit, ils sont liés par un véritable contrat et qu'ils sont dès lors tenus d'exécuter leurs obligations contractuelles60.

Il peut dès lors s'avérer nécessaire de rapporter la preuve de l'existence du contrat de commande. Ici, les dispositions du Code civil sont applicables, et plus précisément les articles 1341 à 1348. Pour prouver l'engagement, un écrit est nécessaire lorsqu'une somme supérieure à 1500 € est en jeu. Toutefois, cette exigence est amoindrie puisqu'en cas de commencement de preuve par écrit ou d'impossibilité matérielle ou morale de rapporter un écrit, la preuve par présomption ou par témoins est admise61.

B- Le débat de la doctrine.

Faire réfléchir l'auteur. Exigence d'un écrit. S'il est vrai que la plupart de nos contrats sont consensuel, depuis la rupture d'avec les lourdeurs romanises, il n'en est pas moins vrai que le législateur contemporain a multiplié les exceptions, exigeant, dans les cas où il est préférable de faire réfléchir la partie présumée juridiquement et économiquement faible, par rapport à l'autre, qu'il soit passé un écrit 62.

L'article L. 131-2 soulève la question, devenue classique, de l'interprétation de son champ d'application. On s'est interrogé, en effet, pour savoir quels étaient les contrats régis par la règle de l'écrit qu'institue ce texte. La doctrine est aujourd'hui unanime pour considérer que cette disposition, dérogatoire au droit commun des contrats, est d'interprétation stricte, bien que la nature des motivations qui l'inspirent incite à en étendre la portée à l'ensemble des contrats de droit d'auteur. Toutefois, il faut reconnaître que les conditions strictes qu'imposent les dispositions relatives à exiger l'écrit comme condition de preuve dans tous les cas, même ceux qui ne sont pas visés par l'article L.132-2, alinéa 163.

Dans le cadre des contrats de commande auxquels est attachée une cession de droits patrimoniaux, l'application de ces diverses dispositions aura des conséquences différentes selon le type d'exploitation auquel la convention conclue entre les parties destine l'oeuvre commandée. S'il s'agit d'un contrat de commande d'édition, la cession des droits devra, bien entendu, être soumise à la condition de l'écrit, posée par l'article L.131, alinéa 1 ; il en sera de même pour tous les contrats visés par cette disposition.

60 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux. 10e édition Paris, Montchrestien 2005. P. 87. 88.

61 André et Henri-Jacques LUCAS : Traité de la propriété littéraire et artistique : 3e édition. Litec, 2006. P. 435.

62Colombet, Claude : La portée des autorisations d'exploitation en matière de contrats relatifs au droit d'auteur, Dalloz, 1995. P. 64 FRANCON André : La liberté contractuelle dans le domaine du droit d'auteur, D. 1976 chron, P. 55.

VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 145

63 Art. 3 al. De la loi du mars 1952 : « les cessions ou autorisations de reproduction ne peuvent être présumées. Elles doivent résulter d'un écrit assorti de tous moyens propres à identifier la création originale dont la reproduction est cédée ou autorisée »

Un avis dit que l'article L.131-3, alinéa 2, autorise en outre l'échange des consentements par télégramme, à condition que les mentions essentielles du contrat, i,e étendue exacte de la cession, y figurent, ce qui montre la liaison intime entre forme et fond. Avec l'introduction des articles 1316 et 1108-1 et 1369-10 du code civil, autorisant tant l'écrit que la signature électroniques, il est clair que le contrat d'auteur peut être conclu par E MAIL. Notons encore qu'un échange de lettres vaut contrat, si toutefois elles sont précises64.

Un avis qui soulève la bonne foi du commandité « Même superprotégé par l'article L.131-2, l'auteur ne saurait se retrancher de mauvaise foi derrière l'absence d'écrit ; par conséquent, son cocontractant sera admis à faire sa preuve à l'aide des « reines » du droit probatoire privé : l'aveu et le serment, émanant de l'auteur, dont l'on sait qu'ils sont si puissants, qu'ils peuvent suppléer dans tous les cas l'écrit »65.

Par contre un avis avec raisonnement dit « Quoi qu'il en soit, il est conseillé de conclure le contrat de commande par écrit. Etablissant la preuve de l'existence du contrat de commande, il permet aux parties de fixer les conditions de son exécution. Il limite ainsi toute équivoque sur l'étendue des obligations contractuelles respectives de l'auteur et du commanditaire66 ».

Les preuves de l'exigence de l'écrit.

- Dans le cas d'ailleurs où des contrats visés par l'article 131 du CPI et où le contrat de commande n'a pas été formalisé mais reste valable, il subsiste le problème de la preuve du contenu du contrat, alors que l'article L.131-3 exige un certain nombre de mentions obligatoires et que l'article L.131-4 sur le prix suppose que celui-ci soit stipulé par écrit. Il ne serait pas très logique, après avoir admis que le commanditaire puisse faire sa preuve de la convention, qu'on la taxe aussitôt de nullité faute d'absence de détermination constaté par l'écrit67.

- A supposer le contrat valable, le partenaire de l'auteur ne pourra de toute façon prétendre qu'aux modes d'exploitation qu'il aura clairement et expressément reçus : c'est la règle de l'interprétation restrictive de la cession, posée avec toute la lumière possible, par l'art. L.131-3. Cette règle vient écarter le droit commun de l'art. 1602 du Code civil. Par conséquent, aux formules vaines et dangereuses, pleines de

64 CORNU Marie. MALLET-POUJOL Nathalie : Droit, oeuvres d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006. P. 145. TGI Paris, 8 septembre. 1998, RIDA, juillet 1999, P. 318. A&H-J LUCAS : P. 436.

65 FLOUR Aubert et Savaux, Les obligations, vol, 1, 12e édition, 2006 n° 310.

66 MESTRE Jacques : L'approche par le juge du formalisme légale, RTD civ. 1988, P.329.

67ALEXANDRA Touboul : le contrat de commande d'une oeuvre d'art en droit privé, Cycle information, Droit§Culture. 2006 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur, Econmica, 2005. P. 676.

<< notamment..... » ou << d'etc » en outre, le contrat, pas plus que la loi, ne saurait être interprété littéralement68.

- C'est vrai qu'ainsi, l'entreprise sans écrit risque paradoxalement d'être mieux traitée que celle qui est dotée d'un contrat formel, mais incomplet, ce qui conduit parfois à la nullité. En ce cas, le contrat serait considéré comme valable mais devrait être cantonné à un certain minimum, ne serait-ce qu'en application de la règle d'interprétation stricte des cessions, les droits dérivés restant à l'auteur selon la théorie de la partie faible dans le contrat69.

Donc il faut ajouter que le consentement personnel et donné par écrit de l'auteur est obligatoire pour tous les contrats70.

Si l'écrit est obligatoire dans la doctrine. Alors, un contrat de commande dépourvu d'écrit. Nullité ou irrecevabilité ?

Puisque la loi spéciale se montre aussi énergique et qu'elle risquerait de faire double emploi avec l'article 1341 du code civil, l'on pourrait en inférer que l'écrit est requis ad validitatem, à peine de nullité (mais relative, au seul bénéfice de l'auteur, libre d'y renoncer si le contrat ne lui est finalement pas défavorable)71. L'exclusion expresse du droit commun s'expliquerait ainsi parfaitement. Ce n'est pourtant pas la solution de la jurisprudence : dès avant la loi de 1957, elle avait posé que ad probationem. Dans des hypothèses, il est vrai, où c'était l'auteur qui cherchait à se prévaloir du contrat, ce qui laisse entière la question de son invocation par le partenaire économique. Dans le premier cas, en effet et pour peu que le cocontractant soit commerçant, il suffit d'avoir recours à la théorie des actes mixtes, permettant à la personne civile de faire sa preuve par tous moyens, de sorte que l'existence d'un contrat, fût-il verbal, pourra être prouvée72.

La solution, qui après tout, peut s'autoriser de l'absence de directives dans l'article L.131-2
(et du caractère limitatif de l'exclusion du code civil : article 1341-1348) doit être approuvée
en ce qu'elle laisse au juge toute latitude pour apprécier la bonne foi de l'auteur, trompé ou au

68 Le formalisme (écrit, mentions, rémunération) doit s'appliquer à la commande, faute de quoi les exigences du code seraient trop facilement tournées. (Est-il exclu en matière de commande ? pas sûr) Il profite à l'auteur, même s'il a conclue par l'intermédiaire d'un mandataire (qui ne fait que le représenter). P-Y GOUTIER. P. 537.

69 HUGUET André : L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur : étude sur la loi du 11 mars 1957, Paris : LGDJ, 1962 André et Henri-Jacques LUCAS: P. 435.

70 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 201. A. LUCAS : A. Lucas : Propr. Intell. 2007, n° 22, p. 93.

71 Il convient de noter à égard que l'art.28 du projet d'ordonnance de 1945 avait érigé l'écrit en condition de validité des contrats des cessions de droits d'auteur : << le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessible à titre onéreux. - Toutes les conditions de la cession doivent, être à peine de nullité du contrat, stipulées par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exploitation -

72 FRANCON André : La propriété littéraire et artistique, Paris : PUF, 1979, P. 80.

CARON § FRANCON André : La liberté contractuelle dans le domaine du droit d'auteur, D. 1976 chron, P. 55.

Le Tarnec, Alain Manuel de la propriété Littéraire et artistique / 2e édition. / Dalloz / 1966. P. 108.

GOUTIER Pierre-Yves : Propriété littéraire artistique, PUF, 2007, P. 519

contraire roué. Mais il faut bien voir qu'on est à un cheveu de l'application des modes de preuve imparfaits, voire au-delà, puisqu'il s'agit de se fonder essentiellement sur des comportements.

Cependant, il faut être réaliste : d'abord, le serment décisoire déféré en justice à son adversaire n'est pas vraiment une procédure courante73... . Ensuite, l'aveu judiciaire - reconnaître pour vrai un fait que votre adversaire vous oppose devant le juge - ne l'est pas tellement plus74.

Sous-section 2- L'aspect d'oeuvre d'art appliqué.

Suivant l'article L.131-2 du CPI « les contrats de représentation, d'édition ou de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit ».

Mais il est clair que ces dispositions ne visent exclusivement que la matière théâtrale (contrats de représentation) ou littéraire (contrat d'édition) et les oeuvres audiovisuelles.

La nécessité d'un écrit ne peut en conséquence concerner les arts appliqués et d'ailleurs l'alinéa 2 de l'article L.123-2 du CPI mentionne que « dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil sont applicables ».

Ce qui signifie que dans tous les autres cas, il suffira de se conformer aux règles du droit commun75.

Donc. En ce qui concerne les arts appliqués, la cession d'un dessin ou d'un modèle n'était conditionnée par aucune formalité ; la cession peut même résulter d'un accord verbal76.

Mais si la rédaction d'un écrit n'est en conséquence pas exigée, cela signifie seulement que les intéressés seront dispensés d'établir un écrit spécial et rien d'autre mais il importe de savoir que les modes de preuve réglementés par le code civil prévoient au moins la production d'un commencement de preuve par écrit dont les documents les plus variés pourront tenir lieu tels que des correspondances, des factures, des quittances, etc77.

Jugé notamment qu'interprétant l'intention des parties et appréciant les éléments de preuve
versés aux débats (en l'espèce des factures), les juges du fond n'ont fait qu'user de leur

73 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 155.

74 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété littéraire artistique, PUF, Paris, 2007. P. 520 Cass. 1er civ. 21 novembre 2006, D 2007, N° 05-19.294.

75 P-B&F GREFFE: Traité des dessins et modèles, 8 édition, Litec 2008.

76 CA Versailles, 31 octobre 1996 : JCP E 1997, chorn. Dessins et modèles

77 RAYNARD Jacques, ANTONMATTEI Paul-Henri : Droit civil contrats spéciaux, Litec 5e édition, 2007. P. 316. Cass, 3e civ, 15 novembre 2000, Bull, III, n° 172.

pouvoir souverain en retenant qu'elle lui avait commandé et réglé, et qui a été utilisé ultérieurement par la société des Pompes Guinard78.

La cour de Paris (4 ch. 28 octobre 1981) a décidé que la cession du droit de reproduction d'une oeuvre n'a pas à être constatée par écrit, qu'en l'espèce, les parties ayant la qualité de commerçant, la preuve de la cession pouvait être apportée par tous les moyens en application de l'article 109 du code de commerce.

Aussi jugé que L'article L 131-3 du Code de Propriété Intellectuelle ne visent que les contrats prévus à l'article L 131-2 du même code à savoir les contrats de représentation, d' édition et de production audiovisuelle. L'exigence de l'écrit n'est pas nécessaire ainsi que le pose cette dernière disposition pour les autres contrats qui relèvent en terme de preuve de l'application des articles 1341 à 1348 du code civil79.

La cour de cassation par un arrêt du 27 mai 1986, qui met un terme à toute discussion sur la question de savoir si un écrit était ou non nécessaire, a jugé qu'il ne pouvait être reproché à un arrêt « d'avoir débouté un commandité de sa demande tendant à obtenir une participation sur l'ensemble des recettes perçues par une société et trois sociétés d'édition en raison de l'exploitation de ses créations, dés lors qu'il relève que par une convention de louage d'ouvrage dont l'exécution pendant quinze ans n'a donné lieu à aucune contestation de la part de l'auteur, la société avait confié à celui-ci, moyennant rémunération de son temps de travail, la réalisation des dessins dont elle avait besoin pour l'instruction des techniciens de sa marque, et dont l'auteur savait ainsi dès l'origine de cette convention elle-même qu'ils ne lui étaient commandés que pour être reproduits, la cour en ayant exactement déduit que, dans une telle espèce, la facturation des objets livrés emporte nécessairement cession du droit de reproduction et qu'elle vaut manifestation expresse et écrite de la volonté du cessionnaire »80.

Jugé encore que la cession du droit d'utilisation de pictogrammes constituant des signes distinctifs d'identification de produits est présumée, du fait de la nature et l'objet de ces créations, résultent de leur seule fourniture au client lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une réserve expresse et précise permettant à ce dernier de connaître l'exacte consistance de ce qui lui est fourni81.

78 Cass. Com, 8 février 1983 N° 80-14.682 Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale N. 54

79 TGI de Paris 3ème civ, 19 septembre 2007, Dalloz jur. gén, N° 06/01258

80 Cass, 1er civ, 27 mai 1986, Dalloz jur. gén, N° 83-17.106

81 CA Versailles, 20 novembre 1997, Dalloz jur. gén, N° 1995-9054. Bulletin 1986 I N° 143 p. 143.

Enfin, même si le législateur ne demande pas l'écrit comme condition de validité du contrat de commande dans les propriétés industrielle. Par contre, il demande l'écrit et l'inscription de la cession dans un registre82, pour que la cession soit opposable aux tiers83. Cette publicité prévue par le législateur joue le même rôle de l'écriture dans le droit d'auteur.

Section 2 - La détermination de la rémunération du commandité.

Le contrat d'entreprise n'exige pas la détermination du prix, par contre, la jurisprudence demande la détermination du prix au niveau du contrat de commande, même si le prix n'est pas déterminé dès la formation du contrat, elle a donné à l'auteur le droit de déterminer le prix. De plus la loi a assuré au commandité un droit de rémunération proportionnelle en cas d'oeuvre appliquée. Nous allons examiner la détermination du prix en étudiant les deux genres d'oeuvres.

Sous-section 1- la commande d'oeuvre d'art pure.

Le plus souvent, le commandité d'une oeuvre pure et simple à des fins non-commerciales, et le commanditaire se sont entendus sur un prix qu'ils ont prévu dans le contrat et qui ne peut normalement être modifié. Mais il arrive aussi que les parties n'aient pas pris soin de le faire ou qu'elles aient implicitement laissé au commandité la faculté de déterminer le montant de sa rémunération. Il résulte alors de l'absence de détermination de prix, que la jurisprudence interprète toujours l'intention des parties dans le contrat au profit de l'auteur84.

A- Le prix fixé dès la formation du contrat.

Dans la plupart des cas, dès le moment de la conclusion du contrat, le commandité et le commanditaire s'accordent sur le prix, contrepartie de la prestation de l'auteur. Il arrive, en effet que le commanditaire verse à l'auteur, au moment de la conclusion du contrat, un prix préalable (disparu du droit commun, réapparu dans le droit spécial85), complété ultérieurement par une rémunération supplémentaire : les honoraires destinés à rémunérer l'activité créatrice et les droits d'auteur sont alors confondus.

Dans l'hypothèse où le prix est fixé dès l'origine, il est de principe que les parties ne puissent
revenir sur cet accord et que le juge n'intervienne pas pour le modifier. Il arrive cependant

82 L. 513-3 « tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé n'est opposable aux tiers que s'il a été inscrit dans un registre public, dit registre national des dessins et modèles »Le registre d'I.N.P.I pour les brevets, les marques et les dessins et modèles.

83 L.512-4 pour les dessins et modèles. L.613-9 pour les brevets. L.714-7 pour les marques du CPI. A&H-J LUCAS : P. 437.

84 GOUTIER Pierre-Yves : Propriété littéraire artistique, PUF, 2003.P.403

85 De quelques considérations teintées d'inquiétude sur la dispense de prix préalablement déterminé, dans tous les contrats d'entreprise. Pierre-Yves Gautier. RTD Civ. 1994 p. 631.

que soit exceptionnellement reconnu au juge un pouvoir de révision du prix, au profit de l'auteur, en prenant en considération la théorie de la partie faible dans le contrat.

Sur la question de la possibilité de modifier le prix par les parties de contrat ?

L'intangibilité du prix déterminé par les parties lors de la conclusion du contrat repose sur le caractère obligatoire des engagements contractuels, affirmé par l'article 1134 du code civil86 ; elle découle de la condamnation de la théorie de l'imprévision. Cette technique de fixation du prix, au moment de la conclusion du contrat, correspond notamment à la pratique du marché à forfait, qui présente, pour les contractants, l'avantage de la sécurité, mais a pour contrepartie une certaine rigidité87. En effet, il résulte du marché à forfait que « les travaux convenus (et leurs compléments nécessaires pour respecter les règle de l'art) ne peuvent donner lieu qu'au paiement du forfait, même si leur exécution s'est avérée beaucoup plus coûteuse que prévu pour l'entrepreneur à raison de difficultés extérieures et imprévisibles88 ».

S'il apparaissait que le commanditaire demandait des apports complémentaires au projet initial de la commande, et que l'auteur acceptait d'y procéder, le prix pourrait être modifié par un avenant au contrat89. La difficulté, en la matière, peut être, alors, de distinguer ce qui n'excède pas les suites normales du contrat, et ne justifie pas un complément de prix, de ce qui correspond à une demande nouvelle de la part du client et appelle une rémunération supplémentaire.

Hormis les cas dans lesquels un travail supplémentaire est demandé par le commanditaire, le prix tel qu'il est fixé dans le contrat est normalement immuable. Il peut en être autrement lorsque le juge exerce exceptionnellement une faculté de révision du prix, alors même que les parties se sont entendues sur le montant de la rémunération, et si le juge trouve que les intérêts généraux de l'auteur sont menacés. Nous n'oublions pas la possibilité de l'auteur de poursuivre le commanditaire par le droit de suite, si les conditions sont remplies, comme nous allons les trouver ci-dessous90.

B- Le rôle du juge en cas d'absence de précision de prix dès la formation.

1) En cas d'absence de détermination : Si les parties ont omis de prévoir un prix, au moment de la conclusion du contrat, ce dernier n'est pas nul pour autant et les contractants

86 Art 1134 du Code civil « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

87 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P.83

88 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux. Paris, Montchrestien 2005. P. 108.

89 La modification du prix demande un nouvel accord écrit des partis, car il y aurait un changement d'objet (art, 1271-1, 1273 du Code civil). P-Y GOUTIER : P. 550.

90 GUADET : inexistence, nullité et annulabilité du contrat essai de synthèse, mars 2006

peuvent s'en remettre au juge qui déterminera le montant de la rémunération de l'entrepreneur. Cette solution est devenue classique91. Elle a été adoptée pour le contrat de commande dans une affaire Edwards c. Boldini, sans même que la qualification de contrat d'entreprise y ait été évoquée92.

Le juge de fonds dans l'affaire d'Edwards c. Boldini va élargir la conception de l'indétermination du prix afin d'assurer la protection de la partie présumé faible dans la relation contractuelle, dans l'espèce, l'indétermination du prix ne se déduit pas seulement de l'absence totale de prévision à ce sujet, dans le contrat, mais également d'une simple incertitude quant à l'accord des parties sur un montant donné. Soulignons, d'ailleurs, que, conformément au droit commun, c'est à celui qui se prévaut d'un accord sur une certaine somme qu'il revient de l'établir93.

2) En cas d'excessivité du prix : Lorsque le commandité fixe unilatéralement le prix après l'exécution de sa prestation, il peut arriver que le commanditaire le juge excessif. Ce dernier peut-t-il contester devant le juge cette excessivité ? Cette question, qui se pose lorsque les parties n'ont rien prévu dans le contrat au sujet de la rémunération, doit être soigneusement distinguée de celle que soulève le pouvoir de révision du juge quand les contractants se sont entendus sur un prix au moment de la conclusion de leur accord94.

Le juge ne peut se contenter de pallier le silence des parties, il doit aussi en présence d'un prix excessif, fixé unilatéralement par l'entrepreneur, avoir le pouvoir de réduire le prix ce qui semble donc devoir être le complément nécessaire de la faculté de la fixer, en l'absence de stipulation du contrat sur ce point. Cette opinion paraît être partagée par M. MALAURIE95 et AYNES qui écrivent que : << le juge devrait toujours pouvoir, même dans le marché sur facture (et pas seulement pour les professions libérales)96, procéder à une révision du prix,

91 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 98

92 Dans cette espèce, le peintre, qui avait accepté d'exécuter un portrait, contestait le prix de 60 000 francs qu'Edwards se proposait de lui payer, pour son tableau. Boldini soutenait que ce prix n'avait fait l'objet d'aucune convention entre les parties et n'acceptait de se séparer de l'oeuvre que contre le paiement d'une somme de 300 000 francs. Le Tribunal civil de la Seine, saisi par le commanditaire, désigna des experts pour fixer le prix dû << en tenant compte de la notoriété de l'artiste, de la valeur de sa signature, de l'importance du tableau et des prix généralement demandés par Boldini de la valeur intellectuelle de l'oeuvre » Trib. Civ. Seine. 28 juin 1924.

93 << il semble bien résulter des explications fournies que ce prix ne pouvait s'appliquer à la toile telle qu'elle a été définitivement conçue et exécutée ;qu'aucune justification des prétentions respectives des parties n'a été apportée de part ni d'autre ; qu'il en résulte nécessairement que le prix du tableau est resté indéterminé » Trib. Civ. Seine. 28 juin 1924.

94 Nous savons pourtant depuis les célèbres arrêts de l'assemblée plénière du premier 1 décembre. 1995, que l'indétermination du prix dans les contrats-cadres de la distribution n'est plus une cause d'annulation du contrat. Les juges ont pris acte en ce domaine de la difficulté pratique pour les parties de s'entendre par avance sur la fixation d'un juste prix. L'indétermination du prix dans le contrat servait en outre trop fréquemment les intérêts du contractant faible souhaitant se dérober à ses obligations. Une nouvelle vision du droit de contrats est née, plus orientée autour de son exécution que de sa formation ; l'abouchement d'un monde contractuel essentiellement fonction du comportement loyal des parties, plus que des seules stipulations expresse du contrat Ass. Plén. 1 décembre 1995, Bull. civ. n° 9, R. P. 290. Le prof J. MESTRE << la solution n'est pas transposable à l'indétermination du prix dans le contrat d'auteur, puisqu'à la différence du domaine de la distribution, la loi impose sur le fondement d'un texte particulier la mention du prix dans le contrat d'auteur ».

95 MALAURIE, Philippe : Cours de droit civil. Tome VIII, Les contrats, spéciaux civils et commerciaux. Paris : Cujas, c1999. P. 393.

96 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999, P. 54

afin que le client ne soit pas à la merci de l'artisan qui dans le cadre de la conception créatrice, a possibilité de déterminer le prix>>.

Un arrêt de la cour de cassation, rendu le 3juin 198697, paraît pourtant réserver ce pouvoir judiciaire d'arbitrage du prix aux contrats d'entreprise conclus par les professions libérales. La Cour suprême a ainsi affirmé, au sujet de la rémunération d'un expert-comptable, que « les tribunaux peuvent, quand une convention a été passée en vue de l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires, réduire ces derniers lorsqu'ils paraissent exagérés, pourvue qu'ils n'aient pas été versés en connaissance du travail effectué et après service fait >>. Cette solution, qui a été présentée par M. BENABENT98 comme « un nouveau pas >> franchi par la jurisprudence, semble, au contraire, conforme à la position traditionnelle des tribunaux en matière de contrat d'entreprise « on ne voit pas très bien pourquoi, dans cet arrêt, les juges ont voulu la limiter à l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires. En tout état de cause, il ne faut sans doute pas exagérer la portée de cette limitation car les termes de la décision relatifs aux modalités de fixation du prix par les parties ne sont pas dénués d'ambiguïté. D'ailleurs, on aurait ainsi peine à croire que les juges aient cherché à remettre en cause la solution traditionnelle du contrat d'entreprise, que l'on peut donc tenir pour acquise >>.

Enfin, l'application de la règle de l'absence de condition de détermination du prix dans le contrat de commande, le défaut de prévision au sujet de la rémunération du commandité ne fait pas encourir la nullité au contrat de commande. L'auteur pourra alors, le cas échéant fixer le prix à l'issue de la période d'élaboration de l'oeuvre, et bien souvent, en cas de désaccord, le juge affirme le montant déterminé par le commandité, sous n'importe quel fondement mais généralement dans la logique protectrice de l'auteur en tenant compte du fait que l'auteur est la partie faible dans le contrat.

97 Cass. 1er civ. 3 juin 1986, n° 85-10.486, Publication, Bulletin 1986 I N° 150 p. 151.

98 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux. Paris, Montchrestien 1993. P. 322.

Sous-section 2- la commande d'oeuvre d'art appliqué.

La vie économique d'une oeuvre suppose l'intervention de nombreux intermédiaires - distributeurs, sous-cessionnaires étrangers et autres- aux attitudes commerciales absolument différentes. Négociant dans l'avenir avec eux, le commanditaire originaire doit dès à présent anticiper leurs comportements afin de s'engager avec l'auteur en des termes réalisables et profitables. L'éventuel échec commercial d'une oeuvre est aussi un risque à minimiser. Au moment où le commanditaire s'engage avec l'auteur, rien ne peut lui assurer que l'oeuvre sera reçue favorablement par le public. Cette incertitude se répercutera nécessairement sur le montant de la rémunération.

A- Le fondement.

1) La rigidité du droit français : Animé d'un fort souci de protection des intérêts de l'auteur, le législateur français a choisi de limiter la liberté contractuelle. Il impose de façon impérative au commanditaire un mode de rémunération particulier, la rémunération proportionnelle. L'auteur doit donc être intéressé par principe au succès de son oeuvre et n'être rémunéré sur la base d'un forfait anticipé que de façon exceptionnelle. Le juge, interprète de la loi, a également fait en sorte que l'exploitant n'ait pas même la possibilité d'aménager comme il l'entend les modalités de la rémunération : la détermination de la rémunération est soumise à des exigences d'ordres publics draconiens. Il faut ajouter que le commanditaire s'expose à de sévères sanctions si le contrat ne respect pas les règles en la matière.

Le législateur français préfère le principe de la rémunération proportionnelle à celui de la rémunération forfaitaire. C'est avant tout l'idée qu'il faut protéger le lien intime qui unit l'auteur à son oeuvre. Le législateur a également pris en compte que la rémunération forfaitaire est inadéquate à l'imprévisibilité du succès de l'oeuvre. Il a craindre que le commanditaire en profite en versant au commandité une rémunération trop faible99.

2) La critique : ne suffisait-il pas au législateur d'introduire en droit positif un système de révision efficace pour échapper aux difficultés liées à une rémunération forfaitaire trop

99 LUCAS André : Résiliation judiciaire d'un contrat d'édition entre un éditeur et un auteur, La Semaine Juridique Edition Générale n° 42, 20 Octobre 1999, II 10181.

basse ? Le législateur français pour assurer la sécurité et des transactions trop facilement remise en cause. Son texte a perdu en clarté. Il n'est pas certain100.

Même avec le fort souci de protéger le commandité, le législateur de 1957 ne pouvait pas perturber trop gravement la loi du marché et les enjeux qui y sont attachés. Même avec un taux minimum le propos reste excessif. Il était inconcevable, que le législateur enraye trop gravement en 1957 le jeu de la négociation contractuelle. Pour atténuer le principe d'ordre public (rémunération proportionnelle), le législateur a laissé à la liberté contractuelle, la détermination de l'assiette imposé en sanctionnant toute clause manifestement préjudiciable aux intérêts de l'auteur101.

B- Les exceptions (Possibilités d'opter pour le forfait).

Ces possibilités dont nous allons voir qu'elles sont des exceptions sont renfermées dans les paragraphes 2 et suivants de l'article L.131-4 du CPI

« Toutefois, la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :

1° la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée ; 2° les moyens de contrôler l'application de la participation font défaut ;

3° les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre ;

4° la nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'oeuvre, soit que l'utilisation de l'oeuvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité ».

C- Le défaut de rémunération proportionnelle.

La nullité est la sanction normalement encourue. Mais la nullité est-t-elle absolue ou relative ?

A la manière des autres règles régissant la conclusion des contrats d'auteur, la règle de la rémunération proportionnelle est animée du souhait de protéger l'auteur, partie supposée faible. Il ne fait donc aucun doute pour la doctrine dominante qu'il y a là une nullité relative.

100 MORIEL Josselin-GALL : les contrats d'exploitation du droit de propriété littéraire et artistique, Paris : Joly, 1995, n°208

101 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : P. 85. P-Y GOUTIER : P. 551.

La jurisprudence est d'ailleurs sur ce point fixée102.

Un courant de la doctrine a avancé une thèse différente, il a considéré que l'article L.131-4 du CPI est une règle d'ordre public de direction, dont la violation entraîne la nullité absolue du contrat103.

Sous-section 3 - La commande de recherche.

En ce qui concerne le contrat de commande de recherche. L'exigence de détermination du prix ou de l'obligation du prix proportionnel seront soumises au droit commun, par conséquent on applique les règles du contrat d'entreprise104 .

Il est depuis longtemps admis que l'exigence d'un prix déterminé est écartée pour le contrat d'entreprise (louage d'ouvrage), où- malgré les termes de l'article 1710105- le juge peut compléter après coup le contrat en fixant le prix sur lequel les parties ne se sont pas expliquées. En plus la cour de cassation avait donné à cette exception une extension remarquable en décidant qu'elle s'appliquait à tous les contrats créant une obligation de faire : « dans les contrats n'engageant pas une obligation de donner, l'accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel de la formation de ces contrats >>106.

Aussi la cour de cassation a affirmé la décision de première instance en rappelant « qu'il résulte des dispositions de l'article 1787107du Code Civil que la commande de travaux d'ordre intellectuel, qui s'analyse en un contrat d'entreprise, est présumée conclue à titre onéreux ; qu'à défaut d'accord entre les parties sur le montant des honoraires dus, sans incidence sur la validité du contrat, il appartient au tribunal de les fixer en fonction des éléments de l'espèce»108.

La cour suprême a sanctionné la cour d'appel qui dit « faute d'un prix déterminé ou même
déterminable, le contrat de commande n'existait pas >>109, en rappelant qu'en matière de

102 Cass. 1er civ. 11février 1997, n° 95-11.239, Publication, Bulletin 1997 I N° 54 p. 35. RIDA juillet. 1997, P. 279.

Cass. 1ère civ, 13 février 2007, PI avril. 2007, P. 207, n° 23.

103 BECOURT Daniel : Réflexion sur le contrat d'édition, Gaz. Pal. 11 et 12 août 2000, P.1377. P-Y GOUTIER : P. 553.

104 Ann. propr. ind. 1990. 65. Le contrat d'entreprise n'exige pas l'accord préalable des parties sur le montant exact de la rémunération qui n'est pas un élément essentiel de la validité du contrat. Dans le silence ou l'obscurité des conventions, il appartient au juge de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause.

105 « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles >>.

106 Cass. 1ère civ, 24 novembre 1993, Bull.civ. 1er n° 339.

107 « Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière >>.

108 Cass. 1ère civ. 24 Février 1987, D.88 p 97. N° 84-14.790 Bulletin 1987 I N° 70 p. 51.

109 CA. Paris, 26 avril 2006 afferme le jugement du TGI 3ème ch, 3ème section, 12 janvier 2005. Chouchou et Loulou de la Cour. COTTINPERREAU Florence.

louage d'ouvrage, l'indétermination de la rémunération de l'entrepreneur n'affecte pas la validité du contrat de commande.

Aussi, la clause dans le contrat qui donne le droit au commandité de déterminer le prix est nulle, sous le prétexte, qu'elle est une clause potestative110.

Par contre, le commandité en remplissant les conditions de l'oeuvre originale, peut bénéficier de la détermination proportionnelle du prix sur le fondement de l'article L.131-3 du CPI. Cette solution rend compte au commandité de sa position protégée par le droit d'auteur.

110 A. BENABENT : P. 114. L'interprétation de la clause potestative au niveau de la propriété industrielle par la jurisprudence est plus stricte par rapport de droit d'auteur.

Constats et propositions

Toute d'abord, le droit de divulgation ne serait pas épuisé par son premier exercice, comme en droit des brevets. Apparemment le principe de l'épuisement de droit n'a de fondement ni dans la théorie générale du droit moral, ni dans les textes. Le droit du commanditaire producteur n'emporte, en droit d'auteur français, aucun monopole d'exploitation. Dépourvu de fondement sur le terrain patrimonial, l'épuisement du droit est déplacé et contre-productif sur le terrain moral, comme nous avons vu dés l'étude du droit de divulgation.

Puis, le souci de protéger le commandité gêne la projection dans l'avenir de l'exploitant. Directement parfois, lorsque la liberté contractuelle est expressément encadrée par des limites incompressibles. Indirectement sinon, quand, même en l'absence de précisions légales, l'intérêt de protection suscite le doute sur la validité de la commande.

Alors, dans les solutions proposées :

1- Il est essentiel d'encourager l'exploitant à faire de son contrat de commande un véritable outil de gestion de l'avenir. Ce dernier doit apprendre à se questionner sur les risques inhérents à la relation contractuelle et à exploiter en conséquence au maximum l'espace de liberté contractuelle. Un litige né de la réception d'une oeuvre commandée inutilisable peut être anticipé dés la rédaction du contrat de commande.

2- La prise en compte forte des usages et renforcer le pragmatisme de la décision judiciaire. Nous allons observer la capacité des usages et du juge à dépasser le cadre strictement entendu de la loi pour protéger de façon équilibrée les parties des contrats dans l'exigence de l'écrit ou la détermination de la rémunération en avance.

3- La protection du commandité, intérêt fondateur, mais le rapprochement de droit de contrat de commande et du droit commun des contrats a tout intérêt à puiser dans le droit commun des contrats des instruments lui permettant d'éviter l'application pure et dure des règles spéciales. Il le fait déjà de façon ponctuelle à l'image de l'applicabilité de l'art. 1135111 du code civil et de la théorie de l'abus de droit112. L'épuisement du droit de divulgation, lorsqu'il est affirmé par les juges, aussi l'exigence de loyauté dans l'univers des contrats d'auteur notamment lorsqu'il est question de formalisme.

4- La possibilité d'accepter des exceptions non exhaustives à la prohibition des cessions globales d'oeuvres futures, avec la détermination de la durée et la quantité des oeuvres concernées.

111 « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ».

112 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz, 2004, P. 109.

5- L'extension du domaine de l'application de la règle de l'écrit 131-2,131-3 du CPI à toutes les cessions de droit113.

6- En effet, la détermination du prix par le commandité est toujours une source d'insécurité, que les professionnels chercheront normalement à éviter114.

7- Elargir la possibilité de révision à l'hypothèse d'une rémunération proportionnelle, en cas de prévision insuffisante de rémunération.

113 M. VIVANT, B. KHALVADJIAN : P. 145.

114 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006.

Deuxième partie : la logique de l'investissement.

Historiquement, le créateur de l'art invente en tant qu'il en croit, en cherchant toujours un intérêt pécuniaire pour survivre. Dès le début il y a avait coexistence entre l'oeuvre de l'esprit et le résultat financier, mais il reste un équilibre entre les deux conceptions. Sous ce constat le législateur et suivi par la jurisprudence, ils étaient conduits à édicter des règles spéciales, protégeant l'auteur ou le créateur dans l'opération contractuelle, sous le prétexte « l'auteur est la partie faible ». De plus en plus, il y aura eu un triomphe de nouvelle logique, c'est la logique de l'investissement, dans laquelle, le créateur est devenu un commerçant, il a intégré la vie des affaires, il n'invente plus pour survivre mais pour avoir le plus possible de gain, sous le nouveau constat du créateur qui devient un entrepreneur avec toutes les conséquences de cette description, la jurisprudence derrière la loi seront invitées à limiter la protection prévue à l'auteur en absence du fondement ayant eu existence auparavant.

On va étudier les positions de la jurisprudence et loi en deux chapitres suivants : Chapitre 1 : La titularité des droits patrimoniaux.

Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre les parties.

Chapitre 1 : La titularité des droits patrimoniaux.

« En l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant participé à l'élaboration de l'oeuvre, les actes d'exploitation commerciale sous le nom d'une personne morale constitue des actes de possession de nature à faire présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que la personne morale est titulaire sur cette oeuvre, quelle que soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle se l'auteur »115.

Cette décision de la cour de cassation avec les articles L.131-2, L131-3, L.113-2 et L.113-5 vont faire une exception au niveau de l'aspect créateur au profit de l'exigence de l'exploitation et du marché116. Nous allons les présenter en deux sections en montrant le rapprochement effectué entre la conception personnaliste et la propriété industrielle sous toujours l'exigence de la vie des affaires ou de la fabrication et de la diffusion117.

Section 1 Le fondement juridique. Sous-section 1 - L'oeuvre collective.

L'article L.113-2, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle définit l'oeuvre collective dans les termes suivants : « est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgation sous sa direction et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ».

L'article L.113-5, pour sa part, précise le régime auquel est soumise cette catégorie d'oeuvre. Il dispose que : « l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur ». Bien que la loi fasse référence à une personne physique ou morale, les oeuvres collectives naissent, la plupart du temps, à l'initiative de personnes morales, qui

115 Cass. 1er civ, 24 mars 1993, VIVANT, les grands arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 125.

116 Arrêt Aréo, civ. 1er, 11mai 1999, VIVANT, les grands arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 132. « La personne morale bénéficie de la présomption de la titularité à condition d'exploiter l'oeuvre sous son nom. L'exploitation s'entende, par exemple, de l'exploitation commerciale ». DE CANDÉ Patrice : Le dessin et modèle communautaire non enregistré (DMCNE). - Un oublié des praticiens français. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008, étude 21.

117 Cass. 1er civ. 13 octobre, 1998. VIVANT, les grands arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 132.

s'adressent à plusieurs auteurs - employés ou commandités - dans la perspective de réunir leurs contributions diverses au sein d'un ensemble unique.

A- Quelle est la relation entre la qualité de commandité et le promoteur d'une oeuvre collective?

1) La définition de l'oeuvre collective : Une des questions les plus épineuses que soulève le régime de l'oeuvre collective est celle de la détermination de son critère distinctif. La jurisprudence a connu, en effet, des évolutions, réservant à l'oeuvre collective une place plus restreinte << en définissant l'oeuvre collective justement en contrecoup de l'oeuvre de collaboration >> 118, ou, au contraire, plus étendue << une communauté d'inspiration et un concert entre les membres de l'équipe n'excluent pas nécessairement l'existence d'une oeuvre collective >>119.

Cette création de la loi du 11 mars 1957, dans la mesure où elle investit des droits sur l'oeuvre d'une personne autre que le créateur réel, est avant tout une fiction. Fiction120, la notion d'oeuvre collective doit avoir une raison d'être qui justifie que le législateur y ait eu recours. Celle de l'article L.113-5, plus qu'au souci de reconnaître le travail de la volonté d'épargner à celle-ci les embarras liés à l'acquisition des droits patrimoniaux relatifs aux différentes contributions, nécessaire à l'exploitation de l'ensemble121.

Le caractère fictif, de l'oeuvre collective se manifeste par le fait que l'initiateur de celle-ci apparaît comme le titulaire originaire des droits. L'article L.113-2, alinéa 3, du CPI définit l'oeuvre collective. Mais ce n'est que l'article L.113-5 qui précise que la personne physique ou morale sous le nom de laquelle l'oeuvre collective est divulguée est << investie des droits de l'auteur >>.

La doctrine reconnaît unanimement que c'est directement sur la tête de l'initiateur de l'oeuvre collective que naissent les droits sur celle-ci122. En effet, Cette idée se rapprochait de la conception américaine du droit d'auteur selon laquelle les créateurs d'une oeuvre cinématographique, ou, aujourd'hui plus largement, audiovisuelle, sont des salariés du

118 Cass. 1er civ, 17 mai 1978, D 1978. P. 661. Noté par Frédéric Pollaud-Dulian OEuvre collective. Titulaire des droits. Articles L. 111-

1, alinéa 3 et L. 113-2, alinéa 3 du CPI RTD Com. 2005 p. 83.

Cass. Civ 1er 21 mai 2002, RIDA, janvier 2003, P. 358.

119 Cass. 1er civ, 21 octobre 1980, n° 79-12.222, Publication, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N. 265.

120 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 172.

121 POLLAUD-DULIAN Frédéric. N° 366. DESBOIS Henie, N° 124

122 M. Gautier écrit, ainsi << la loi prescrit ici que les droits sur l'oeuvre vont directement naître dans le patrimoine du cocontractant, sans passer par celui de l'auteur. En effet, il y a fiction de la loi, forgée dans un souci d'efficacité >>.P.573 Lucas, André, Henri-Jacques. N° 207. DESBOIS Henri : n° 124. A. Françon, P. 195.

producteur. Ce dernier devient dès la création de l'oeuvre l'auteur de celle-ci selon la théorie des « Works made for hire ».

Si c'est bien cette intention qu'il faut lui prêter, on peut se demander pourquoi le législateur ne s'est pas borné à reconnaître à l'initiateur de l'oeuvre collective la titularité originale des seuls droits patrimoniaux, à l'exclusion des prérogatives morales d'auteur. Cette solution, outre qu'elle aurait permis d'éviter l'amalgame entre les droits de l'initiateur de l'oeuvre collective et ceux d'un véritable créateur, aurait, sans doute, contribué à faciliter la délimitation de la catégorie du contrat de commande123.

L'idée d'instituer, au profit de l'initiateur de l'oeuvre collective, une présomption irréfragable de cession des droits d'exploitation sur les différentes contributions pourrait, alors, répondre à cette objection. Simple cessionnaire des prérogatives patrimoniales des auteurs, l'initiateur de l'oeuvre collective serait, à l'égard de la définition du contrat de commande, dans une situation comparable, par exemple, à celle de la personne morale à laquelle la réalisation d'une oeuvre de collaboration a été ordonnée124.

2) La notion du promoteur (initiateur) : Reste alors une difficulté à résoudre. Il s'agit de déterminer si le statut hybride, élaboré par le législateur à l'intention de l'initiateur de l'oeuvre collective rapproche davantage celui-ci d'un auteur ou, au contraire, d'un cessionnaire direct des droits d'exploitation sur l'oeuvre.

Au stade de la commande stricto sensu, il apparaît que la situation de l'initiateur de l'oeuvre collective est comparable à celle de l'auteur. Titulaire des prérogatives morales, cette personne pourrait, le cas échéant, invoquer son droit de divulgation pour refuser de livrer l'oeuvre à son cocontractant. Certes, une telle éventualité est peu probable et l'exercice du droit de divulgation par une personne morale semble bien théorique, mais il suffit qu'il soit possible pour que l'on puisse légitimement rapprocher de l'auteur l'initiateur de l'oeuvre collective et songer à qualifier de contrat de commande la convention que celui-ci conclut avec un client.

Toutefois, les interrogations et les doutes que suscite l'application, aux initiateurs d'oeuvres collectives, des règles destinées à protéger l'auteur, lors de la cession de ses droits patrimoniaux, sont révélateurs des risques d'incohérence que contient en germe cette notion. Ils contribuent à expliquer que le regroupement, au sein de la catégorie du contrat de

123 GASNIER Jean-Pierre : Présomption cherche fondement textuel. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008, comm. 81.

124 F. POLLAUD-DULIAN : Droit moral et droit de la personnalité. JCP 1994,1, 3780, N° 16.

commande, des conventions tendant a la création d'une oeuvre collective ne s'opère pas sans forçage125.

B- La théorie de DENOIX DE SAINT MARC concernant l'oeuvre collective.

Une interrogation subsiste, relativement a l'étendue des prérogatives patrimoniales acquises par l'initiateur de l'oeuvre collective. L'entreprise est-elle investie de la totalité des droits patrimoniaux sur l'oeuvre ou bien ne détient-elle que les droits strictement nécessaires a l'exploitation, telle qu'initialement prévu ? La considération de la raison d'être des oeuvres collectives fournit la réponse a cette question. En effet, cette catégorie a été instituée pour éviter a l'initiateur de l'oeuvre d'avoir a obtenir des différents contributeurs la cession de leurs droits : il faut en déduire que la personne morale qui est a l'origine de la création de l'oeuvre doit bénéficier des droits les plus étendus sur celle-ci126.

Tout en adhérant a cette présentation, P-Y GOUTIER émet cependant une réserve : « l'entrepreneur n'a pas forcément tous les droits dérivés (ainsi, adaptation de l'oeuvre littéraire a la télévision, ou inversement), encore moins de merchandising, ou alors des rémunérations correspondantes (devront être) prévues dans le contrat initial »127. Cette précision nous semble équitable pour les auteurs.

Ainsi, l'auteur, engagé dans les liens d'un contrat de commande, en vue de l'élaboration d'une oeuvre collective, s'il voit ses droits tant moraux que patrimoniaux sur l'oeuvre collective amputés, peut cependant retrouver la jouissance de ses prérogatives, a l'occasion d'une exploitation indépendante de sa contribution personnelle.

S'il est arrivé que la loi ait ainsi assuré un arbitrage entre les intérêts de l'auteur et ceux de son cocontractant, tel n'est pourtant pas toujours le cas. Il peut alors être utile, notamment lorsque l'auteur ne dispose d'aucune prérogative déterminée pour assurer sa protection, de rechercher un équilibre entre les parties au contrat de commande.

125 Si le commandité revêt normalement la qualité d'auteur et bénéficie, a ce titre, des dispositions protectrices du droit de la propriété littéraire et artistique, différentes circonstances viennent perturber cet ordre naturel des choses. Tout d'abord, le commanditaire, par ses directives ou ses interventions, peut apporter a l'élaboration de l'oeuvre une contribution suffisamment précise pour que la qualité de coauteur doive lui être reconnue. Il arrive, ensuite, que le commanditaire obtienne du commandité une renonciation a son droit de paternité. Dans une telle hypothèse, il n'apparaître comme auteur qu'aux yeux du public et ne pourra pas, pour autant, jouir des prérogatives qui sont attachées a cette qualité. Enfin, la personne morale initiatrice d'une oeuvre collective, qui jouit des prérogatives morales reconnues aux auteurs, paraît devoir être en mesure, le cas échéant, de revêtir la qualité de commandité, même si ses intérêts ne peuvent être pris en considération dans les mêmes termes que ceux des auteurs, personnes physiques.

126 GASNIER Jean-Pierre : La personne morale présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple malheureux. Propriété industrielle, 3 mars 2007.

127 Les contributeurs, quant a eux, qui ont la qualité d'auteur réel, ne sont nécessairement dépourvus de toutes prérogatives. Certes, ils sont démunis de leurs droits sur l'oeuvre dans sa globalité, mais on peut se demander s'ils ne sont pas autorisés a exploiter séparément leur propre contribution. Une telle conception découlerait de l'article L.121-8, alinéa 2, qui offre aux auteurs d'articles de journaux la faculté d'exploiter séparément leurs contribution, sous réserve de ne pas faire concurrence au journal. Elle consisterait a reconnaître que cette faculté, doit être étendue a tous les auteurs qui participent a l'élaboration d'une oeuvre collective, la même réserve devant alors leur être appliquée. P-Y GOUTIER: P. 577.

La jurisprudence va aller plus loin dans la logique du marché, pour qu'elle donne au commanditaire (le promoteur) le droit de modifier l'oeuvre ou la contribution du commandité dans l'oeuvre collective de sorte qu'elle soit harmonisée avec la finalité du contrat et l'exigence de l'exploitation128.

Enfin, la jurisprudence, pour renforcer l'aspect commercial de l'oeuvre collective, précise également que l'exigence de l'écrit ne concerne que les rapports entre l'auteur et le cessionnaire. De sorte que les contrats liant deux auteurs, ceux liant une personne morale aux auteurs des différentes contributions incorporées à une oeuvre collective, n'ont pas à être passés par écrit129.

Sous-section 2 - Les oeuvres de commande pour publicité. A- Le fondement juridique.

Les articles L132-31 à L 132-32 CPI contiennent des règles particulières relatives aux oeuvres de commande pour la publicité.

Dans le cas d'une oeuvre de commande utilisée pour la publicité, le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne, sauf clause contraire130, cession au producteur des droits d'exploitation de l'oeuvre, dès lors que ce contrat précise la rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre en fonction notamment de la zone géographique131, de la durée de l'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du support.

Un accord entre les organisations représentatives d'auteurs et les organisations représentatives des producteurs en publicité fixe les éléments de base entrant dans la composition des rémunérations correspondant à différentes utilisations des oeuvres132.

La durée de l'accord est comprise entre un et cinq ans.

Les stipulations peuvent être rendues obligatoires pour l'ensemble des intéressés par décret.

128 Paris, 26 juin 1991, GP, 1992. 2. 566

129 Paris, 4 mars 1982, Dalloz 1983, IR, P. 92

130« Permettre à l'auteur de limiter la portée de la cession prévue au profit du producteur, en particulier quant aux droit cédés, quant au domaine d'exploitation et quant aux modes d'exploitation, c'est-à-dire quant aux procédés de communication au public ». RIDA n° 128, avril 1986, P. 37.

131 COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philippe : Contrats civils et commerciaux, 8e édition Dalloz, 2007. P. 721.

132 LUCAS, André, Henri-Jacques :Traité de la propriété littéraire et artistique,2eédition Paris : Litec, 1994. P. 541.

A défaut d'accord conclu soit avant le 4 avril 1986133, soit à la date d'exploitation du précédent accord, les bases des rémunérations visées au deuxième alinéa de l'article L.132-31 CPI sont déterminées par une commission présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la cour de cassation et composée, en outre, d'un membre du Conseil d'Etat désignée par le ministre chargé de la culture et, en nombre égal, d'une part, de membres désignés par les organisations représentatives des auteurs et, d'autre part, de membres désignés par les organisations représentatives des producteurs en publicité.

La question essentielle que fait surgir ce texte est de savoir s'il est ou non d'ordre public. Certains auteurs 134répondent par la négative.

B- L'interprétation stricte.

1) Est-ce que la commande pour une publicité peut contenir les oeuvres destinées à la publicité ?

Dans sa séance du 9 octobre 1986, le conseil supérieur de la propriété industrielle a émis un avis selon lequel, notamment, les signes soumis aux dispositions de la loi du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce et de service n'étaient pas concernés par l'article 14 de la loi du 3 juillet 1985.

L'article 132-31 ne concerne donc que les oeuvres de commande pour la publicité, c'est-à-dire les oeuvres destinées à la publicité, la définition de cette dernière étant entendue au sens strict135.

Jugé « que ce texte concerne les oeuvres de commande utilisées pour la publicité, les éléments d'identification de l'entreprise voire d'une association tels que la marque, le sigle, le logo utilisés à des fins de publicité sont exclus du domaine de l'article 14 »136.

L'article L.132-31 du CPI ne concerne que les oeuvres de commande pour la publicité et ne peut donc être invoqué lorsque la création en cause est destinée à constituer un élément d'identification d'une entreprise et de ses produits.

Dans ce dernier cas, toutefois, l'agence qui a reçu sa rémunération pour la réalisation de ce signe distinctif qui a contribué en connaissance de cause à l'obtention du droit privatif recherché par l'annonceur, n'est pas fondée, nonobstant la réserve quant aux droits de

133 « En l'absence de la stipulation d'une rémunération, la présomption de cession des droits ne pourrait intervenir » DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999. P. 191.

134 A&H-P LUCAS : P. 538 et s.

135 D. COHEN : P. 142

136 TGI Paris, 3ème ch, 2sect, 27 mars 1992

propriété intellectuelle imprimée sur son papier commercial, à prétendre que l'exploitation de sa création doit être limitée à la durée des relations contractuelles la liant à l'annonceur137.

2) Est-ce que la commande pour une publicité peut contenir le support matériel ?

Il a été jugé que la réalisation d'une oeuvre de commande pour la publicité n'emporte pas, sauf preuve contraire, à la charge du producteur en publicité, transfert de la propriété de l'objet matériel lorsque la commande ne porte que sur la cession des droits d'exploitation de l'oeuvre.

C'est en conséquence à tort que pour débouter une société de sa demande tendant à l'indemnisation du défaut de restitution des clichés photographiques originaux réalisés sur commande aux fins de reproduction pour des travaux de publicité, un arrêt énonce que des bons de commande ne mentionnent pas l'obligation de restituer les originaux. En effet, se déterminant ainsi, sans rechercher si la cession par l'auteur à l'annonceur du droit de reproduction des photographies ne s'accompagnait pas de celle de la propriété des clichés originaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision138.

On va assurer enfin que l'application de l'article 131-31 du CPI devient l'exception. Il ne concerne que l'hypothèse où le cessionnaire entend acquérir tous les droits pour toutes utilisations. Si les droits acquis sont au contraire limités, ce qui est dans le domaine de la publicité le cas le plus général, ce sont alors les règles du droit commun telles qu'elles sont élaborées par le livre 1du CPI qui pourront être invoquées et appliquées, l'oeuvre pouvant être alors cédée définitivement et forfaitairement pour l'utilisation convenue. En pratique, il est rare sinon exceptionnel qu'une agence ou un annonceur acquiert tous les droits d'utilisation et c'est une des raisons pour lesquelles depuis 1985, les tribunaux n'ont eu que de rares occasions de faire application des dispositions de l'article 131-31.

Section 2 - l'interprétation doctrinale et jurisprudentielle.

De plus en plus fréquemment, des sociétés font appel aux services de créateurs indépendants pour concevoir de nouveaux dessins ou modèles ou une invention qu'ils lanceront sur le marché. Malheureusement, dans la plupart des cas, le contrat de commande ne contient aucune clause organisant la cession de droits de propriété incorporelle, dans ces conditions, une fois le dessin et modèle réalisé, payé et livré, qui, du créateur ou de commanditaire, doit être considéré comme étant investi de ces droits ?

Sous-section 1- La titularité des droits sur le dessin et modèle. A- Dessins et modèles communautaire.

L'article 14 du règlement n° 6/2002 dispose en son premier alinéa que « le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit >>. Le troisième alinéa de ce même article prévoit cependant que << lorsqu'un dessin ou modèle est réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou sauf disposition contraire de la législation nationale applicable >>. Cette rédaction, en l'état du cumul avec le droit d'auteur peut soulever quelques interrogations139.

Une demande de décision préjudicielle a été présentée à propos de cet article par le juge de Mercantil n° 1 d'Alicante (Espagne) le 28 janvier 2008140. La juridiction commerciale interroge la Cour afin de savoir si << Les expressions »salarié" et »employeur" utilisées à l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 6/2002 doivent (...) être interprétées largement (par conséquent, dans les relations contractuelles civiles ou commerciales), une personne (l'auteur) s'oblige à réaliser, pour une autre, un dessin ou modèle, pour un prix déterminé, et [si] en conséquence, [on doit] considérer que ce dessin ou modèle appartient à la personne qui le commande, sauf convention contraire ? >>141.

J-P GASNIER a noté << La question est importante et la solution qui sera adoptée ne sera pas sans conséquence. En effet, pour le cas où le renvoi à la législation nationale serait jugé pertinent, le droit espagnol prévoit que les dessins ou modèles créés dans le cadre d'un contrat de travail et ceux résultant d'un contrat de commande connaissent un sort identique en l'absence de convention contraire, à savoir que l'oeuvre appartient à l'employeur ou au commanditaire et non à l'auteur. Mais, dans cette hypothèse d'une application de la législation nationale par renvoi de l'article 88, paragraphe 2, n'y aurait-il pas contradiction si la réponse à la seconde question posée revenait à juger que les relations nées d'un contrat de travail et celles nées d'un contrat de commande sont distinctes et doivent être traitées distinctement ? >>142.

139 V. P. De Candé, L'attribution du droit aux dessins ou modèles : l'interprétation des dispositions du règlement communautaire au regard du droit français, intervention présentée le 19 oct. 2007 lors du colloque La protection du design en Europe : questions d'actualité : à paraître PUAM 2008.

140 (aff. C-32/08 : JOUE n° C 92, 12 avril. 2008, p. 14)

141 GASNIER Jean-Pierre, MEUNIER-COEUR Isabelle. Actualités européennes des dessins ou modèles. Propriété industrielle n° 9, Septembre 2008, alerte 128.

142 J-P GASNIER, I. MEUNIER-COEUR : Actualités européennes des dessins ou modèles. Propriété industrielle n° 9, Septembre 2008, alerte 128.

La Commission a jugé utile de prévoir le cumul du droit d'auteur et du droit spécifique, sans peut-être en envisager toutes les conséquences. Rappelons en outre que l'adoption du droit spécifique harmonisé et du titre unitaire des dessins ou modèles communautaires a été décidée en raison du constat fait d'une incapacité à harmoniser le droit d'auteur au sein de l'Union européenne. La réponse à une question préjudicielle relative au seul titre unitaire pourrait-elle avoir pour conséquence d'harmoniser incidemment un droit certes cumulable, mais néanmoins distinct ? La solution adoptée, qui ne pourra concerner que les seuls dessins ou modèles communautaires, puisque la directive ne prévoit aucune disposition équivalente, pourrait-elle avoir des répercussions sur les dessins ou modèles nationaux ? Voilà des questions qui, à ce jour, demeurent ouvertes et dont la réponse ne manquera pas d'intérêt143.

B- Dessins et modèles nationaux.

Poser le problème de la titularité des droits dans le cadre d'un contrat de commande pourrait a priori sembler étrange, tant la loi apporte à cette question une réponse nette. En effet, on a vu qu'en l'absence de stipulations contractuelles spécifiques, lorsqu'une personne commande à un créateur indépendant un dessin ou modèle et le rémunère en conséquence, le commanditaire n'acquiert que la propriété de l'objet matériel mais ne bénéficie pas des droits incorporels attachés à cette oeuvre144.

Toutefois, malgré la clarté des articles L .111-1 et L.111-3, il arrivera aux juges d'estimer que par la délivrance matérielle du dessin ou modèle, l'auteur avait également entendu céder son droit de reproduction et de représentation.

1) Le principe (l'exigence d'une cession expresse): En l'absence de convention

expresse de cession de droits de propriété incorporelle, les tribunaux n'ont souvent d'autre alternative, dans la rigueur des principes, que de juger que la transmission de support matériel de l'oeuvre n'a pas entrainé le transfert du droit de propriété intellectuelle. La jurisprudence considère ainsi que la somme versée au créateur ne couvre que le travail de conception du dessin ou modèle mais n'inclut pas la cession des droits incorporels attachés à cette oeuvre145.

· << Les honoraires versés au créateur indépendant correspondent à des honoraires, et non pas à un droit de reproduction »146 .

· « Il ressort des documents versés aux débats que les sommes réclamées par J.-P. Raymonde auraient été nécessairement d'un montant supérieur si elles avaient inclus la cession du droit de reproduction. J.-P. Raymonde doit donc être déclaré bien fondé à demander réparation de préjudice subi du fait que l'exploitation de ses oeuvres au mépris de ses droits »147

Or, le commanditaire pense souvent de bonne foi avoir acquis les droits d'auteur sur le dessin ou modèle qu'il a commandé et payé, alors qu'en réalité il n'a obtenu que sa propriété matérielle. Les commanditaires qui se trouvent dans cette situation s'exposent alors à une action en contrefaçon. Ils risquent d'avoir à payer des dommages et intérêts pour avoir effectué des actes d'exploitation que l'auteur n'avait pas préalablement autorisés, ou pour avoir cédé des droits d'auteur dont ils ne se trouvaient pas investis.

· << attendu qu'aux termes de l'article L.111-3, la propriété incorporelle définie par l'article

L .111-1 est indépendant de la propriété de l'objet matériel, l'acquéreur de cet objet n'est investi du fait de cette acquisition d'aucun droit ; attendu ainsi que la société Albatros en achetant les clichés litigieux à Roger Desreumaux n'a acquis que la propriété de l'objet matériel ; que elle ne bénéficie donc pas des droits attachés à l'oeuvre et notamment du droit de reproduction ; que elle reconnait cependant avoir cédé à la société N. deux photographies en vue de leur reproduction pour une compagne publicitaire , ce que elle ne pouvait manifestement pas faire ; que ce faisant, elle a commis un acte matériel de contrefaçon »148

145 F. GREFFE et P-B. GREFFE. P. 327.

146 TGI Paris, 11 juillet 1985, Melka, RDPI 1986, n° 3, p. 124

147 CA Paris, 6 février 1989, Dalloz, 19 octobre 1990, n° 1180/89, CDA 89, n° 16, P. 11.

148 CA Douai 19 septembre 1994, Groupe Albatros c. Roger Desreumaux. D. COHEN : P. 145 et s.

2) La théorie de la cession implicite vis-à-vis de la finalité de l'art : La jurisprudence exposée ci-dessus peut se comprendre pour les oeuvres d'art pur. Lorsqu'une personne commande à un artiste une peinture ou une sculpture, il parait raisonnable de considérer qu'en l'absence de contrat de cession des droits d'auteur, le commanditaire pourra accrocher son tableau dans sa demeure ou installer la sculpture dans son jardin, mais en aucun cas se livrer à une exploitation industrielle de l'oeuvre commandée ou céder des droits de reproduction149.

En revanche, cette solution est beaucoup moins justifiée lorsque le dessin ou modèle commandé relève de l'art industriel car le commanditaire n'a pu commander un dessin ou modèle qu'en vue de l'exploiter et, par voie de conséquence, le reproduire150.

Par conséquent, dans certains cas, en effet, la jurisprudence considère que par l'effet du contrat de commande, le créateur a implicitement mais nécessairement cédé ses droits d'auteur au commanditaire151.

Cette forme de raisonnement est fondée sur des considérations simples. On verra ultérieurement qu'un contrat de cession de droits d'auteur sur un dessin ou modèle ne doit pas obligatoirement être constaté par écrit (il peut tout aussi bien s'agir d'un contrat verbal). L'écrit n'étant pas exigé, les juges peuvent, au vu de l'environnement contractuel liant les parties, déterminer la commune intention des cocontractants et cette commune intention deviendra alors un élément du contrat152.

Dans ces conditions, il arrivera que les juges parviennent à la conclusion selon laquelle le consentement de l'auteur pour la reproduction de l'oeuvre résultait nécessairement des relations commerciales qui existaient entre les parties153. Bien entendu, la cession implicite des droits d'auteur au profit du commanditaire ne peut s'appliquer de manière absolue. Tout dépend des circonstances et des faits propres à chaque cas d'espèce154.

Certes la jurisprudence accepte la théorie de la cession implicite sous la domination du
raisonnement du marché, mais elle délimite cette cession par des conditions pour reconnaitre

149 GREFFE François : Preuve de la cession des droits de reproduction et de représentation. Propriété industrielle n° 4, Avril 2007, comm. 33.

150 Un jugement du 26 juin 1998, le tribunal de grande instance de Paris (Gaz. Pal. 25-26 nov. 1998) rappelle, en effet, que dans le domaine des oeuvres des arts appliqués notamment, cette exigence, celle formulée par l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'était « ad probationem » et qu'en « l'absence d'un tel écrit, il importait de rechercher au vu des écrits échangés entre les parties, si l'auteur avait entendu procéder à une cession de tout ou partie de ses droits ».

151 CA Paris, 14 février 2002, 1er ch, Havilande, G. François et G. Pierre-Baptiste. P. 325.

152 GASNIER Jean-Pierre : La personne morale présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple malheureux. Propriété industrielle n° 3, Mars 2007, comm. 22.

153 CA Paris, 4ème cha, 11ocrobre 2006, SA Albin Michel c/ De Jouvenel des Ursins.

154 Caron, Droit d'auteur et droits voisins : Litec 2006, n° 198, p. 148.

la cession implicite des droits de propriété incorporelle sur le dessin et modèle commandé

155 :

1°) la nécessité d'un commencement de preuve

Pour interpréter la volonté des parties sur la cession des droits d'exploitation du dessin ou modèle commandé, encore faut-il que les juges aient à leur disposition certains documents qu'ils pourront analyser, et qui leur permettront ainsi de déceler la commune intention des parties. Cela pourra découler :

- De l'économie du contrat de commande lui même ;

- De la production de commencement de preuve donc les documents les plus variés pourront tenir lieu, tels que factures156, correspondances ou bons de commandes.

2°) la connaissance par le créateur de l'usage qui serait fait du dessin et modèle commandé

Il est jugé que « les logos et maquettes litigieux ont été créés sur commande et pour le compte de la société, des factures ayant été émises pour le travail de création et de recherches, l'auteur ayant eu connaissance de ce que ces logos et maquettes étaient utilisés à des fins commerciales, s'agissant de l'utilisation du nom de la société déclinée avec des adjonctions et déposées à titre de marque. Il est ainsi établi d'une part, que les travaux ont été effectués pour le compte de la société et d'autre part, que l'auteur avait connaissance de l'usage qui en était fait ; il se déduit de ces observations que contrairement à ce qu'il prétend, l'auteur a consenti à la cession de ses droits dans les termes de l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle s'agissant d'une exploitation à des fins commerciales pour la durée de protection de marques »157.

Confirmant le jugement entrepris, la cour relève, d'une part, qu'il est établi que les travaux avaient été effectués pour le compte de la société Latitude et, d'autre part, que l'appelante avait connaissance de l'usage commercial, notamment à titre de marques, qui en était fait. Elle en déduit, de façon surprenante, que l'appelante a « consenti à la cession de ses droits dans les termes de l'article L. 131-3 s'agissant d'une exploitation à des fins commerciales pour la durée de protection des marques158.

155 ss Cons. const., déc. n° 2006-540 DC, 27 juill. 2006 : RTD civ. 2006, p. 791 et s. GASNIER Jean-Pierre : La personne morale présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple malheureux. Propriété industrielle, 3 mars 2007.

156 CA Paris, 18 mars 1987, RIDA 87, n° 134, P. 208. D. COHEN : P. 145 et s

Il doit apparaitre clairement que l'auteur savait, des l'origine, que le dessin ou modèle n'avait été commandé que pour être reproduit, de sorte que, dans ce cas, la facturation de la création emportera nécessairement cession de droit de reproduction. Le principe en a été posé par un arrêt de la cour de cassation de 27 mai 1986 qui opposait M. CASADAMONT, créateur indépendant, à la Regie nationale des usines Renault :

· « par une convention de louage d'ouvrage qui a été exécutée , la Régie a confié à M. Casadamont moyennant rémunération de son temps de travail, la réalisation de dessin dont elle avait besoin pour l'instruction de ses techniciens, et dont l'auteur savait ainsi, dès l'origine, par cette convention elle-même, qu'ils ne lui étaient commandés que être reproduits ; que la cour en a exactement déduit que, dans une telle espèce, la facturation des objets livrés emporte nécessairement cession de droit de reproduction et que elle vaut manifestation expresse et écrite de la volonté du cessionnaire »159

Et la jurisprudence postérieure a confirmé cette solution160.

D'une manière générale, la jurisprudence retiendra la cession implicite du droit d'auteur par le seul effet du contrat de commande dès lors qu'il sera établi que l'oeuvre de commande a été exécutée afin d'être reproduite industriellement, et que l'auteur a effectué sa création en pleine connaissance de cause.

· « interprétant l'intention des parties et appréciant les éléments de preuve versés aux débats (en l'espèce des factures), les juges du fond n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain en retenant qu'Aschler avait cédé à la société Addor ses droits sur la reproduction du dessin que elle lui avait commandé et réglé »161

Cette jurisprudence s'explique également par la notion de cause du contrat de commande, c'est-a-dire le but poursuivi par les parties. Le contrat de commande serait sans cause si l'on ne pouvait déceler aucune raison ayant conduit le commanditaire à agir de la sorte, c'est-àdire à disposer pour les besoins de son entreprise du dessin ou modèle qu'il a commandé et payé.

159 Cass. civ. 27 mai 1986, D, n° 83-17.106, Publication, Bulletin 1986 I N° 143 p. 143.

160 « attendu que l'absence d'écrit comportant une clause expresse de cession des droits de reproduction ne saurait permettre à la société Bradeford de prétendre que la société Dupré n'était pas titulaire d'un tel droit ; qu'en effet, aux termes d'une jurisprudence constante, lorsque l'oeuvre commandé est destinée, dans la commune intention des parties, à être reproduite en nombre, il y a nécessairement cession implicite du droit de reproduction, par dérogation des articles L.111-1 et 111-3. Qu'en l'espèce, l'acquisition par la société Dupré de l'aquarelle « la vieille ferme normande « était manifestement destinée à la reproduction sur des assiettes ; elle a emporté transfert du droit de reproduction en faveur de la société Dupré ».TGI Bordeaux, 11 décembre 1995, SA Henri Dupré c. Sa Matthey

161 CA Paris, 4e ch., sect. B, 27 oct. 2006, Sté André SA c/ Sté de droit espagnol Diseno Magoblan, Sté Bruno Frisoni SAS et B. Frisoni : Juris-Data n° 2006-316776 ; PIBD 2007, n° 843, III, p. 35.

Cette jurisprudence est en outre conforme avec l'article 1157 du code civil disposant qu'un contrat doit s'entendre dans le sens où il produit effet, et non dans celui où il n'en aurait aucun. Ainsi, << lorsque l'oeuvre a été commandée pour être reproduite à de nombreux exemplaires, la cession ne se comprend pas sans cette reproduction multiple, l'article 1157 du code civil disposant qu'un contrat doit s'entendre dans le sens oil il produit effet »162

Enfin, la cession implicite du droit d'exploitation résultant d'un contrat de commande doit être limitée à la seule utilisation de l'oeuvre qui faisait l'objet de la commune intention des parties au moment de la conclusion du contrat. L'auteur peut ainsi s'opposer à toute utilisation de sa création qui n'est pas conforme à la destination spéciale que les parties avaient entendu lui donner163.


· « attendu que l'association n'apporte pas la preuve que D. Broc lui a cédé ses droits sur cette affiche pour l'utiliser à d'autres fins que pour son exposition ; que elle ne pouvait donc pas l'utiliser en dehors de l'opération pour laquelle elle avait été commandé »164.

Sous-section 2 - La titularité de droit sur de brevet.

La présomption de la titularité de droit concernant le brevet est toujours au profit de celui qui fait le dépôt165, et le déposant peut être désigné dans différents types de contrat dont les principaux sont le contrat de commande et le contrat de sous-traitance. Ce qui nous concerne dans cette étude est le contrat de commande.

A- L'invention de commande.

Elle est réalisée en exécution d'un contrat aux termes duquel une personne a demandé à une autre de concevoir l'invention pour son compte, contrat généralement appelé << contrat de recherche ».

Ce contrat apparaît toujours comme une variété de contrat de louage d'ouvrage ou d'<< entreprise » par lequel une personne, le client, confie à une autre personne, l'entrepreneur, l'exécution de travaux scientifiques ou techniques dont le résultat est indéterminé ou déterminable mais incertain parce qu'il n'est pas compris dans l'état des connaissances166.

162 Tribunal. Com. Seine, 21 février 1976. D. COHEN : P. 145 et s

163 D. COHEN : L nouveau droit des dessins et modèles 2002 ED. ECONOMICA

164 CA Paris, 8 décembre 1980, RIDA 81, n°108, p. 175

165 RAYNARD Jacques : LE TIERS AU PAYS DU DROIT D'AUTEUR. Publicité et opposabilité de la propriété littéraire et artistique, La Semaine Juridique Edition Générale n° 21, 26 Mai 1999, I 138

166 CAYRON Jocelyne : cours de la création immatérielle pour les étudiants de M2 PI et NT, 2008.

B- Les résultats de la recherche.

Qu'il vise une prestation unilatérale de recherche ou la collaboration scientifique entre les parties, le contrat inscrit toujours à la charge du ou des entrepreneurs, l'obligation de mettre les résultats issus des travaux à la disposition du bénéficiaire. Deux situations peuvent se présenter : Celles où le contrat prévoit le recours au brevet et celles où le contrat ne prévoit pas un tel recours au profit du bénéficiaire. Les parties au contrat peuvent parfaitement prévoir que le droit au brevet sera attribué au bénéficiaire des résultats, et si le débiteur de cette obligation ne s'exécute pas, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle167.

Le créancier du droit contractuel au brevet pourra aussi, invoquant L.611-8 al.1, exercer l'action en revendication du brevet dont il a été dépossédé en violation d'une obligation contractuelle168.

L'entrepreneur a tout d'abord une obligation de faire : c'est l'obligation de communiquer les connaissances qui ont été obtenues par l'exécution des travaux commandés. Cette obligation couvre, en principe, tous les résultats issus de la recherche objet du contrat. Parfois des clauses particulières viennent aménager l'engagement de l'entrepreneur soit dans un sens restrictif, soit le plus souvent dans un sens extensif. Ainsi en est-il de l'obligation d'assistance technique qui accompagne l'obligation de communication.

Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre les parties.

Le dynamisme du marché reposant sur l'idée de circulation, la propriété ne doit pas être figée. On perçoit donc l'opposition fondamentale entre la conception juridique créatrice de la propriété considérée comme absolue et la conception économique, la première reposant essentiellement sur la liberté de la non-exploitation et le droit direct sur l'oeuvre de la propriété, la seconde exigeant l'obligation d'utilisation de ce droit, ce qui diminue l'aspect protecteur du droit moral sur le terrain d'un contrat portant une cession explicite ou implicite169.

L'idée du marché va limiter la liberté du commandité sous l'influence de l'idée du marché, aussi elle va demander des conditions renforçant la logique de l'investissement et assurer l'équilibre des intérêts entre les deux partie dans le contrat.

Section 1 La restriction du droit absolu du créateur.

En ce qui concerne la propriété industrielle, le créateur n'ayant pas la qualité d'auteur, il n'a pas les caractéristiques uniques du droit moral170. Il est soumis dans ses relations contractuelles aux règles du contrat d'entreprise, ces règles obligent l'entrepreneur en vertu du contrat à faire ou à ne pas faire sous la contrainte de l'exécution forcée ou l'astreinte.

Pour cette raison, et compte tenu de notre étude concernant la spécificité du contrat de commande dans la propriété intellectuelle, nous allons à présent discuter les contraintes relatives au contrat de commande dans sa spécificité, en laissant de côté les cas dans laquelle nous appliquons les règles du contrat d'entreprise171.

Sous-section 1 - la restriction conventionnelle.

Le commanditaire exprime de façon plus ou moins précise ce qu'il attend du contrat. Jusqu'à quel point admettre qu'il dicte ses volontés ? On s'est demandé si, en son principe, l'intervention d'un tiers, serait-il cocontractant, n'était pas incompatible avec le droit d'auteur dans la mesure où l'activité du créateur postule l'indépendance et la maîtrise du choix créateur. A l'appui de cette thèse, l'argument du droit moral de l'auteur avait notamment été

169 ABELLO Alexandra, FRISON-ROCHE Marie-Anne : Droit et économie de la propriété intellectuelle, L.G.D.J, 2005. P. 4.

170 Ce droit donne l'auteur la possibilité de refuser l'exécution de contrat sans contrainte de l'exécution forcé

171 L'obligation essentielle de l'entrepreneur d'exécuter la prestation qui lui a été demandée en respectant les modalités convenues. Alors les parties dans le contrat peuvent préciser le délai de l'exécution, source fréquence de litiges et la nature de l'obligation, de moyen ou de résultat. Par conséquent, le commandité est invité à respecter les clauses de contrat.

mis en avant. Mais, comme l'a rappelé la cour de cassation, cette prérogative ne préexiste pas à l'oeuvre172, car le code de la propriété intellectuelle investit l'auteur de droits du fait de sa création. C'est donc lorsqu'elle prend forme, même si elle n'est pas définitive, que naît le droit moral173.

A- Les obligations acceptables par rapport de sa nature.

Le contrat peut-il faire naître des contraintes de nature à brider l'élan et l'inspiration créatrice du commandité ? La cour de cassation l'a admis à propos d'une commande d'oeuvre audiovisuelle pour laquelle l'auteur peut « au préalable librement consentir par convention à limiter sa liberté de création et s'engager en particulier à obéir aux impératifs d'une commande » 174.

Alors, les obligations vont-elles à l'encontre de l'activité créatrice et de la nécessaire indépendance qui doit y présider ?

La réponse mérite d'être nuancée car Il existe une variété de clauses définissant la commande à créer.

Des clauses générales peuvent laisser au commandité une liberté totale de création en ne précisant que le type d'oeuvre à créer.

Des clauses précises limiteront en revanche la liberté de création du commandité. Le commanditaire peut en effet imposer au commandité un certain nombre de contraintes. Outre le type, le format, le sujet ainsi que la manière de le traiter peuvent être imposés au commanditaire au moment de la conclusion du contrat.

Le contrat détermine donc le degré de la liberté de création et d'immixtion du commanditaire dans l'exécution de l'oeuvre.

C'était reconnaître que la création peut exister quoique réalisée dans un cadre contraint. Il est, dès lors, naturel que le commandité qui accepte la commande en respecte les obligations. Sa position d'auteur ne le soustrait pas à la règle de la force obligatoire des contrats175.

Point de vue jurisprudentiel.

Les directives ne doivent pas entraver de façon significative le créateur, car alors la convention pourrait être frappée de nullité. De quelle façon apprécier cet excès ?

172 Cass. 1er civ, D, 8 novembre 1989, n° 87-10.440.

173 S DENOIX DE SAINT MARC: P. 199.

174 Cass, 1er civ, D, 7avril 1987, n° 85-12.101, Bulletin 1987 I N° 124 p 93 (En l'espèce, l'état Gabonais avait passé commande à une société de télévision d'un film sur le Gabon destiné à en assurer la promotion et publicité. Une clause du commanditaire. Les auteurs avaient négligé de le consulter. Le fait était compréhensible, car leur reportage était assez critique sur le Gabon. Reprochant une constante volonté de dénigrement et des images tendancieuses, l'état gabonais soutenait que l'oeuvre était sans rapport avec ce qui avait été convenu).

175 S DENOIX DE SAINT MARC : P. 204.

Le degré de précision de l'oeuvre imposé au commandité par le commanditaire peut-il être considéré comme abusif ? Certaines conventions déterminent avec soin l'oeuvre à créer, jusque dans les formes, proportions, volumes, matériaux. La validité de ces accordes ne semble pas remise en doute, le commandité y ayant consenti librement176. Dans l'affaire de la sculpture commandée à l'artiste SCRIVE, le contrat indiquait « la hauteur, la dimension et l'espacement de ses divers éléments, le tout devant être exécuté en plastique armé coloré »177. Souvent, ces précisions ne font que reprendre des éléments tirés des projets ou propositions émanant exclusivement du commandité, au moment de la conclusion du contrat, auxquels le commanditaire donne son aval178. Mais quand bien même celui-ci interviendrait dans la description de l'oeuvre future, le contrat ne serait pas pour autant ébranlé.

Tout au contraire, la contrainte pèse de façon manifestement abusive lorsque le commandité
est soumis à des rythmes de production insupportables. Les juges ont estimé qu'une
convention imposant une cadence de production excessive était frappée de nullité absolue179.

M. SAVATIER souligne à quel point le contrat reflétait jusque dans ses termes et son langage le mépris pour l'art que pouvait avoir le marchand. << Il est inadmissible que, dans les obligations d'un artiste, l'esprit soit expressément réduit à une valeur marchande. Négliger le reste, c'est oublier que la loi y voit le principal du contrat »180. Dans une autre affaire, les juges ont décidé que « la cession des oeuvres futures par un peintre est licite dès lors qu'elle est limitée dans le temps et qu'elle ne s'accompagne pas d'exigences incompatibles avec le droit moral de l'artiste »181. C'est donc au cas par cas que le juge se penchera sur l'équilibre entre liberté de création et attentes du commanditaire, sachant que la jurisprudence n'est pas très abondante en la matière. Le fait peut être mis sur le compte de l'absence de réel conflit. Il arrive aussi que ce genre d'incidents trouve une issue à l'écart de la voie contentieuse, sur le terrain de la transaction.

B- Les obligations acceptables par rapport de sa qualification.

La considération que Le logiciel, spécifique et développé par un prestataire pour être utilisé par un client, est juridiquement un contrat d'entreprise. Même l'étendue des obligations devra être définie dans les clauses du contrat, et toutes les prestations associées au logiciel, telles que maintenance, formation, conseil, etc. peuvent être analysées comme des contrats

176 CA Paris, 11 juin 1997, RIDA, n°174, octobre 1997, P. 255.

177 TGI Paris, 14 mai 1974, RIDA, 1975 P. 219.

178 S. STROMHOLM : P. 320, n° 178.

179 << Comme contraire aux principes qui régissent la propriété intellectuelle, une telle convention entravant ainsi la liberté créatrice du commandité, tenu à respecter un rendement déterminé, ce qui est de nature à compromettre gravement la qualité de son oeuvre, sa réputation et son avenir ».CA Aix, 23 février 1965, D. 1966, P. 166. SAVATIER. RTD com. 1965.

180 SAVATIE René : Le droit de l'art et des lettres. R. Pichon et R. Durand-Auzias1953. N°. 168. P. 122

181 Cass. 1er civ, 19 janvier 1970, D. 1970. J. 483.

d'entreprise. Une telle qualification nous dit que le contrat peut comporter des clauses prévoyant l'étendue des droits accordés : soit la totalité des droits au profit du client, ce qui correspondra à une cession de droits incorporels ; soit une partie des droits accordés au profit du client, ce qui pourra correspondre à une concession de droits incorporels assimilable à un louage.

Le législateur a diminué la protection du commandité en soumettant le contrat de commande de logiciel aux droits communs, tant que nous somme sur le terrain du contrat d'entreprise, l'entrepreneur dans ce contrat doit respecter les conditions du contrat sans aucune liberté de création.

Sous-section 2 - La restriction extérieure de la volonté des parties.

Un certain nombre d'autres éléments peuvent éventuellement peser sur le créateur dans l'exercice de son travail et qui, cette fois, trouvent leur source en dehors du contrat de commande. L'oeuvre doit parfois se plier à des exigences diverses, respecter les règles d'urbanisme ou le délai de création ou livraison de l'oeuvre. Elle est parfois prohibée des prérogatives en raison de sa finalité.

A- Liberté de création et règles d'urbanisme en général.

L'oeuvre considérée en tant qu'objet matériel appartient à d'autres catégories juridiques plus générales. C'est un bien mobilier (pour les tableaux) ou immobilier (sculpture fixées au sol, création architecturale). S'agissant d'oeuvres d'art ayant une implantation fixe, il faut se demander si les règles d'urbanisme ont vocation à s'appliquer. S'agit-il d'une construction soumise en tant que telle aux règles du permis de construire ?

L'article L421-1 du code de l'urbanisme prescrit que : « quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire ».

B- Liberté de créer et temps de création.

Si il y a un délai pour réaliser une oeuvre d'art, si ce délai est raisonnable, le commandité devra le respecter, sauf arrangement avec son cocontractant, ce qui arrive fréquemment.

D'une part la jurisprudence dit « est délicat d'imposer à un artiste de faire une oeuvre dans un temps déterminé car il n'est pas toujours maître de son inspiration »182.

182 Trib, civ, Charolles, 4 mars 1949, Gaz. Pal. 1949. 2. 176.

D'autre part la cour d'appel en examinant la clause du délai dans un contrat de commande a souligné « est licite le contrat par lequel le créateur s'engage à fournir périodiquement un nombre déterminé d'oeuvres pendant une certaine durée »183.

Si le principe d'une obligation contractuelle de créer dans un certain délai est admis, le procédé de l'astreinte consistant à impartir un délai sous contrainte pécuniaire est en revanche exclu184.

Par conséquent, ce n'est pas la volonté des parties qui détermine le délai ou sa correspondance avec l'inspiration du créateur, mais c'est le juge de fonds et selon les faits, cas par cas.

C- La délimitation de l'application du droit de suite.

L'article L.122-8 al 2 « on entend par oeuvres originales au sens du présent article, les oeuvres créées par l'artiste lui-même et les exemplaires exécutés en quantités limitées par l'artiste lui-même ou sous sa responsabilité ».

La cour d'appel a définit l'oeuvre originale qui bénéficie du droit de suite comme « qui a été créée de la main même de l'artiste, qui est sa reproduction personnelle ou qui est la reprise par un procédé technique spécial d'une oeuvre préalablement et matériellement conçue par l'artiste lui-même » 185.

La cour rappelle que « dans la mesure où la loi institue un droit exorbitant de droit commun contraignant la propriété légitime d'un objet à payer à l'auteur ou à ses héritiers un droit lorsqu'il l'aliène, ce droit devrait être interprété strictement ».

Un avis doctrinal après le rejet de cette décision par la cour de cassation186 va élargir la définition de l'oeuvre originale « l'oeuvre qui aura été réalisée à partir des dessins de l'artiste ou de ses marquettes, selon ses instructions et sous son contrôle, de telle sorte que dans son exécution même, l'oeuvre porte l'empreinte de sa personnalité et se distingue par là d'une simple reproduction »187.

Il est nécessaire de dire que vis-à-vis de contrat de commande concernant la propriété industrielle, où le droit moral de créateur ne donne au commandité la même position protectrice de l'auteur, l'idée du marché domine ce domaine de la propriété pour qu'elle laisse à la liberté des parties, le choix de déterminer la nature du contrat et les obligations

183 CA Paris, 15 novembre 1966, D.1967.483.

184 CA Paris, 4 juillet 1865, DP, 1865. 2. 201.

185 CA Paris, 28 janvier. 1991, RIDA, 1991, P. 141.

186 Cass. 1er civ. 13 octobre 1993, D 1994, jurispr. P. 138.

187 F.GREFFE, P-B GREFFE: P. 373.

conventionnelles conformément au droit commun, sans prise en compte, de la qualité de créateur.

Par conséquent le contrat de commande, selon sa finalité, va s'encadrer en deux manières :

1. la commande d'oeuvre qualifié comme une oeuvre originale, donc le commandité a la qualité d'auteur, on applique les règles de contrat de commande en droit d'auteur.

2. l'oeuvre n'est pas originale, en ce cas on applique les règles communes des contrats.

Section 2 L'obligation d'exploitation à la charge du commanditaire.

Il est une particularité de la cession, en propriété intellectuelle, exorbitante du droit commun, qui doit être marquée et que l'on retrouvera dans l'étude du contrat de commande : ce n'est pas parce que le commanditaire acquiert régulièrement les droits qu'il pourra en faire ce qu'il voudra, en premier en n'exploitant pas et s'assoupissant : il devra mettre l'oeuvre en valeur : le contrat de commande étant consentie avec charge d'exploitation pour le partenaire économique188.

A la vérité, les transferts de droit, en propriété intellectuelle, sont pour la plupart d'essence fiduciaire, le commandité conservant un intérêt fondamental à la mise en valeur de la chose189.

Ce qui a de nombreuses conséquences, notamment quant à l'obligation d'exploitation, la détermination du prix d'accès à l'oeuvre par le public.

L'art. L.131-3 al. 4 dispose que le cessionnaire exploitera l'oeuvre « conformément aux usages de la profession >> et versera une rémunération proportionnelle aux recettes.

Sous-section 1- Le droit d'auteur.

En ce qui concerne le problème de l'existence d'une obligation d'exploitation de l'oeuvre commandée, à la charge du commanditaire, il semble qu'il soit lié aux préoccupations qu'inspirent les intérêts moraux et patrimoniaux des auteurs. Il est constaté, que le souci dont peut être animé le commandité. Un point de vue économique dit : « si la rémunération qui constitue la contrepartie de la cession est assise sur les recettes, l'absence d'exploitation prive l'auteur de sa rémunération et son engagement perd sa cause >>190.

188 P-Y GOUTIER. P. 542.

189V.HASSLER: RTD com, 1984. 581. P-Y GOUTIER : P. 542. 190 A. HUGUET. F.POLLAUD-DULIAN : P.593.

A- L'obligation d'exploitation dans le cadre du contrat de commande.

Les situations imposant une obligation d'exploitation au cessionnaire des droits patrimoniaux sont limitées au contrat de production audiovisuelle et au contrat d'édition191. Elles ont donc une portée, certes étendue mais qui n'est pas pour autant absolument générale, car elle est limitée à ces deux catégories de contrats. A ce sujet. S. STROMHOLM écrit : << dans le texte français, l'obligation de publier est un élément de la définition du contrat d'édition, ce qui fait échapper à l'application directe des dispositions susnommées >>192. Donc, toutes les conventions qui ne contiennent pas de stipulations explicites sur un tel devoir ou ne comportent pas d'éléments permettant d'y voir une promesse implicite, elles ne seront pas concernées par cette obligation.

Si l'auteur a, généralement, un intérêt, à la diffusion de son oeuvre, cet intérêt n'est protégé par aucune des prérogatives d'ordre moral dont il dispose. Ainsi, le droit de divulgation, qui permet à l'auteur de rester maître du moment où il se sépare de son oeuvre pour la diffuser dans le public, ne l'autorise pas pour autant à exiger du cessionnaire des droits patrimoniaux qu'il exploite l'oeuvre193.

S.STROMHOLM écrit : << le créateur intellectuel qui exécute une commande s'est mis au service d'un but précis, poursuivi par son cocontractant et connu, normalement, de l'auteur. S'il est possible de dire qu'il est, à la publication d'un ouvrage, en quelque sorte le serviteur de l'oeuvre -....- la situation, dans les cas qui nous occupent, est inverse : c'est l'auteur qui a accepté la servitude du but, intellectuel ou strictement utilitaire, fixé par son cocontractant >>194.

Concernant la cession pure et simple, si une cession pure et simple n'est pas possible, l'obligation d'exploiter du cocontractant de l'auteur apparaît certaine. Le seul doute susceptible de subsister concernerait alors le contenu et l'étendue de cette obligation.

Juridiquement : ni la nature du droit d'auteur français, ni aucune disposition législative expresse n'exclut tout à fait la conclusion de cessions pures et simples. Or, on peut penser que si le législateur avait souhaité prohiber ce type de convention, qui laisse au cessionnaire la même latitude qu'à l'auteur quant à l'exploitation des droits, il lui aurait été facile de le faire

191 ALLEAUME Christophe : Conditions requises pour que l'exploitation d'une oeuvre au sein d'une compilation soit de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur. La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 3, 18 Janvier 2007, 1085.

192 S. STROMHOLM. P. 277,

193 S.STROMHOLM. P. 281.

194 S. STROMHOLM: P. 401.

en établissant une règle générale dans ce sens195. Toutefois, une telle stipulation contractuelle n'est acceptable que si la cession fait l'objet d'une rémunération forfaitaire, et non proportionnelle.

Constaté aussi qu'il est difficile d'apprécier de manière exacte le domaine des cessions pures et simples et de savoir dans quelle mesure et dans quelles circonstances l'auteur pourrait les consentir. Le cas échéant, les juges seront souvent tentés de sanctionner de telles conventions pour infraction aux règles d'ordre public qui s'appliquent aux modèles contractuels voisins comme, par exemple, le contrat d'édition196.

De ces diverses constatations. S. DENOIX DE SAINT MARC197 a avancé un point de vue vis-à-vis du contrat de commande : << Si la cession qui accompagne le contrat de commande stricto sensu n'entrait ni dans le moule du contrat d'édition, ni dans celui du contrat de production audiovisuelle, et ne comportait aucune stipulation relative à l'obligation d'exploitation du commanditaire, il faudrait, nous semble-t-il, en déduire que celle-ci est implicitement prévue par les parties ».

B- La justification de l'obligation d'exploitation.

Le contrat de commande comme un contrat d'exploitation a une nature assez particulière, car l'auteur reste, en principe, intéressé au sort de son oeuvre, car il conserve toujours au moins son droit moral, puisqu'il contracte pour que son oeuvre soit communiquée au public et que sa rémunération dépend généralement de l'exploitation.

Ainsi, l'article L.131-4, alinéa 1er pose en principe que l'auteur doit être rémunéré proportionnellement aux recettes d'exploitation. A et H-J Lucas 198écrivent qu'il est << dans la ligne » de la législation sur le droit d'auteur << qu'en principe les cessionnaires assument, comme tels, l'obligation de mettre en valeur les droits qui leur sont transmis : ils sont des agents de diffusion et ont le devoir de ne pas sacrifier les intérêts des créateurs aux leurs. ( .....) La cession au sens de la loi du 11 mars 1957, est essentiellement une modalité des contrats d'exploitation, un moyen de réaliser la diffusion, à laquelle sont vouées les oeuvres, qui portent toutes un message (.....) Il demeure que le cessionnaire, comme tel, ne peut pas en principe se réclamer de la faculté discrétionnaire d'exploiter ou non l'oeuvre ».

195 A. Lucas et H.J. Lucas P. 432. N° 520

196 A. Lucas et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique : 3e éd., 2006, n° 678 et s.

197 S. DENOIX DE SAINT MARC : P. 242.

198 A. Lucas et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique : 3e éd., 2006, n° 678.

Par conséquent, chaque fois que le cocontractant dispose d'une cession exclusive, il lui incombe une obligation d'exploitation, nonobstant toute clause contraire. Dans les autres cas, l'obligation d'exploiter s'impose aussi, chaque fois que la rémunération est proportionnelle aux recettes199, faute de quoi l'engagement de l'exploitant est purement potestatif. Rien n'interdit par ailleurs, d'assortir le contrat qui prévoit une rémunération forfaitaire, d'une stipulation d'obligation d'exploiter. Compte tenu des discussions existant sur cette question, l'auteur a tout intérêt à faire insérer une clause précisant ou rappelant l'obligation d'exploiter à la charge de son cocontractant.

Aussi une nouvelle interprétation relève de la distinction qui est faite entre les éléments essentiels, naturels et accidentels du contrat. C'est alors la qualification d'élément naturel qui semble devoir s'imposer, au sujet de l'obligation du commanditaire d'exploiter l'oeuvre. Ainsi, qualifier l'obligation d'exploiter l'oeuvre d'élément naturel du contrat de commande lato sensu, conduit à dire que, sauf manifestation de volonté contraire des parties, le contrat emporte cette obligation, à la charge du commanditaire, cessionnaire des droits200.

Qu'il s'agisse de la question de l'obligation d'exploitation, des clauses de rétraction ou de celles par lesquelles le commanditaire se réserve la faculté de demander à l'auteur de modifier l'oeuvre qu'il a créée, un équilibre doit être recherché entre les intérêts des contractants. Pour sa part, l'abandon de la liberté de création, à laquelle le contrat de commande contraint l'auteur, trouve sa contrepartie dans la nécessité, pour le commanditaire, de respecter cette prérogative. Dans toutes ces hypothèses, les intérêts du créateur sont mis en balance avec ceux de son cocontractant.

Enfin, une partie de la doctrine propose d'ailleurs d'étendre l'obligation d'exploitation à l'ensemble des contrats d'auteur dans la loi201.

Sous-section 2 - Le droit de propriété industrielle. A- La définition de l'obligation d'exploitation.

Il faut ici distinguer entre l'élément patrimonial du droit d'auteur et le droit des brevets car ils
n'entretiennent pas la même relation quant à l'obligation d'exploiter qui se situe à des degrés
divers. Dans ces deux cas, le droit est temporaire, mais la différence est fondée sur le fait que

199 F. POLLAUD-DULIAN : P. 594.

200 Une telle manifestation de volonté pourrait tout simplement prendre la forme suivante : « le commanditaire n'endosse aucune obligation d'exploiter l'oeuvre commandé » S. DENOIX DE SAINT MARC : P. 243.

201 Ch. Caron, Droit d'auteur et droits voisins : LexisNexis Litec, 2006, n° 397 ; P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique : PUF, 2007, n° 459

l'on n'est pas obligé d'exploiter son droit de la même façon. En ce sens, les droits d'auteur seraient une propriété plus personnaliste que le droit des brevets qui serait une propriété plus utile.

Il résulte de l'article 2262 du code civil que le droit de propriété ne disparait pas par la non-exploitation : il est imprescriptible, alors que les droits de propriété intellectuelle, et particulièrement les droits de propriété industrielle, sont soumis à la prescription extinctive qui suppose la disparition du droit du fait de la non-exploitation prolongée d'une marque peut mener à la déchéance de la marque, l'inventeur ou le cessionnaire qui n'exploite pas son invention, il est aussi menacé par la licence obligatoire, sous certaines conditions.

B- L'application sur le contrat de commande :

En ce qui concerne le contrat de commande : Normalement le commanditaire enfin est un cessionnaire ; donc il ne contracte à l'égard du cédant, aucune obligation d'exploiter. Devenu propriétaire du brevet, il exploite ou n'exploite pas sous réserve du risque d'une licence obligatoire.

Il existe cependant des cas où le cessionnaire est tenu d'exploiter en vertu d'une obligation contractuelle souscrite à l'égard du cédant. Il en est ainsi lorsque le prix de la cession est fixé sous la forme d'une redevance proportionnelle au volume de production. Si le cessionnaire n'exploite pas, alors le contrat de commande doit être résolu à ses torts.

Mais en l'absence d'une clause de minimum d'exploitation, l'obligation d'exploiter est une obligation de moyen ; c'est donc au cédant de prouver la faute du cessionnaire en cas de non exploitation par ce dernier.

Section 3 L'indemnisation du commanditaire s'il n'y a pas de livraison.

Si l'auteur a le droit de divulguer l'oeuvre, ainsi que celui de retirer l'oeuvre après sa divulgation, par conséquent, il n'est pas obligé de verser une indemnisation dans ces deux cas, car il utilise son droit. Par contre, ce mécanisme est au contraire du principe d'équité de l'opération contractuelle. Nous allons exposer les deux hypothèses dans le droit d'auteur d'une part, et le droit de propriété industrielle d'autre part.

Sous-section 1 - Le droit d'auteur.

Si, à une certaine époque, une partie de la doctrine a pu mettre en doute la nécessité d'imposer, en toutes circonstances, une obligation d'indemnisation à la charge de l'auteur202, il semble que la jurisprudence n'ait jamais manifesté de véritable hésitation à ce sujet et que la doctrine contemporaine se soit jointe à ce point de vue. Ainsi, l'auteur, outre la restitution du prix qui aura pu lui être payé, est tenu de verser des dommages et intérêts au commanditaire. Pourtant, il peut paraître paradoxal que le commandité qui ne fait qu'exercer son droit de divulgation, lorsqu'il refuse de livrer l'oeuvre, soit tenu de verser des dommages et intérêts à son cocontractant. En effet, l'existence de cette obligation n'est pas subordonnée à la négligence ou à la mauvaise foi de l'auteur, dans l'exercice de son droit ; son refus seul suffit. Ceci est, d'ailleurs, de nature à alléger de manière significative la charge probatoire qui pèse sur le commanditaire : celui-ci n'a qu'à établir l'inexécution de l'obligation de livraison de l'auteur, sans devoir apporter la preuve délicate d'un comportement défectueux. Cette particularité de l'obligation d'indemnisation qui pèse sur l'auteur a été à l'origine de la diversité des analyses qui ont été proposées pour déterminer son fondement. Certaines de ces analyses n'emportent pas la convention. D'autres, au contraire, paraissent à même de fonder l'obligation du commandité d'indemniser le commanditaire déçu.

A- L'interprétation protectrice de l'auteur de l'article 32 de la loi 1957.

S. STROMHOLM dit « Dans les cas où une commande a été passée d'une oeuvre. Si l'écrivant ou l'artiste refuse d'achever l'oeuvre commandée ou de livrer l'oeuvre achevée, il faut rechercher s'il a de justes motifs pour son refus ; dans ce cas, il ne devra payer à l'acheteur que l'équivalent des dépenses faites par celui-ci, c'est-à-dire l'indemniser pour le tort réel »203.

R. SAVATIER et H. DESBOIS considéraient que les hypothèses dans lesquelles le commandité refuse de divulguer l'oeuvre, s'inséraient, au moins pour certaines d'entre elles, dans le champ de l'article 32, actuel article L.121-4 du CPI. Ce texte, qui prévoit le principe et les modalités d'application du droit de retrait et de repentir, dispose, notamment : « nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire ».

H. DESBOIS estimait que le commandité qui refuse de se séparer d'une oeuvre qu'il s'est engagé à créer, et dont il a cédé les droits d'exploitation au commanditaire, exerce son droit de repentir. Pour asseoir sa conviction, il s'appuyait sur les termes mêmes de l'article 32, dont il jugeait qu'ils imposaient cette interprétation. L'application de l'article 32 au contrat de commande se limitait donc, dans la conception de Desbois, aux cas dans lesquels le commandité, qui refuse de divulguer l'oeuvre, a cédé au commanditaire les droits d'exploitation.

R. SAVATIER, dans son commentaire de la loi de 1957, puisqu'il suggérait d'inclure dans le champ de ce texte jusqu'aux hypothèses dans lesquelles l'auteur ne cède au commanditaire que le support matériel de l'oeuvre, à l'exclusion de tout droit d'exploitation204. Il citait, à titre d'exemple, l'affaire Whistler205. Toutefois, ce faisant, M. SAVATIER semblait davantage exprimer un souhait que prétendre décrire le champ de l'article 32, tel qu'il découle de la définition légale qui en est donnée206.

Toutefois, ces opinions ne peuvent être retenues. En effet, le commandité, ayant cédé ses droits patrimoniaux d'auteur, serait tenu à l'obligation d'indemniser son cocontractant préalablement à l'exercice de sa prérogative, comme l'exige l'article L.121-4, au titre du droit de retrait et de repentir. Un tel résultat serait inéquitable autant qu'injustifiable.

B- La nouvelle interprétation doctrinale.

Sur le problème du fondement de l'obligation de l'auteur d'indemniser son cocontractant, on a plusieurs justifications doctrinales :

Tout d'abord, il ne faut pas négliger une considération qui en est sans doute la justification principale. L'équité et le principe de bonne foi dans l'exécution des contrats, prévus par les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, imposent que le dommage infligé au commanditaire par le refus de livraison soit réparé, que la perte qu'il subit soit compensée, même si celle-ci ne trouve pas source dans un comportement illicite de la part de l'auteur207. A. TOUBOUL invoque, ainsi, un argument d'équité ou, en tout cas, de modération et d'équilibre. Elle écrit : « Le commanditaire n'a ni à souffrir des scrupules de l'artiste ni à subir les aléas de la création. Il est alors communément admis que l'artiste doit rembourser les sommes qui auraient déjà été versées, et réparer le préjudice subi par le commanditaire du fait

204 Il écrivait, en effet : « à la vérité, l'article32 a tort de ne viser que « l'exploitant ». Tout bénéficier d'une promesse faite sur l'oeuvre peut souffrir, même lorsqu'il n'a en rien la qualité d'exploitant, du droit de repentir ».

205 L'affaire Whistler : mentionnée ci-dessus P. 7.

206 S. DENOIX DE SAINT MARC : P. 165.

207 A. BENABENT : P. 263. N° 283.

du non livraison de l'oeuvre. Le refus de divulguer, bien qu'il ne soit pas constitutif d'une faute contractuelle, oblige donc l'artiste à verser des dommages et intérêts >>208.

Aussi, le fait que le seul défaut de livraison soit suffisant à contraindre l'auteur à verser des dommages et intérêts au commanditaire, a éveillé l'idée que le commandité était peut-être titulaire d'une obligation de résultat. En effet, quelle que soit la légitimité de ses scrupules moraux, celui-ci, dès lors que l'inexécution de l'obligation de livraison est avérée, est tenu au versement d'indemnités, sauf, le cas échéant, à établir le cas fortuit ou la force majeure. Une telle conception, a priori, peut surprendre, dans la mesure où le commandité, qui refuse de livrer la commande, ne fait qu'exercer un droit que lui reconnaît la loi et paraît, dès lors, ne pouvoir être en faute. A l'égard de la loi, le commandité ne fait qu'exercer une prérogative qui lui est attribuée, en sa qualité d'auteur. Mais il reste que vis-à-vis de son cocontractant, il défaille dans l'obligation qu'il devait assumer, il commet une faute qui consiste en l'inexécution de son engagement, et, à ce titre, il doit réparation.

En tout état de cause, la qualification d'obligation de résultat, en la matière, doit être retenue car elle est évocatrice de la vigueur de l'obligation d'indemnisation de l'auteur. Dès lors qu'il invoque son droit de divulgation pour refuser de livrer l'oeuvre, le commandité est, en effet, tenu de verser des dommages et intérêts à son cocontractant209.

Cette qualification répond aussi à l'idée de répartition des risques. En effet, de même que l'auteur ne pouvait se refuser à exécuter ou à achever l'oeuvre, sauf à être tenu de dommages et intérêts à l'égard de son cocontractant, de même ne peut-il s'opposer à la livraison de l'objet commandé, sans indemniser le commanditaire de son préjudice.

M.VIVANT dit « l'exercice du droit de retrait pourrait donner lieu au jeu d'une peine contractuelle >>210.

Sous-section 2 - Le droit de propriété industrielle.

En ce qui concerne le contrat de commande dans le domaine de la propriété industrielle, le commandité, sur le fondement de propriété industrielle, ne bénéficie pas du droit de divulgation ou du droit de repentir. Sauf, si le commandité dans le cas où, celui-ci confie à créer un dessin ou modèle industriel, bénéficiant de la théorie du cumul de droit, remplissant la condition de l'originalité de l'oeuvre et par conséquent ayant la qualité d'auteur. En ce cas, le commandité peut utiliser son droit de divulgation en cas de non-livraison, son droit de

repentir en cas de livraison. En l'espèce, on peut poser la question de l'indemnisation211. Sinon il est soumis dans ses relations avec le commanditaire au droit commun des obligations et aux règles de contrat d'entreprise, l'absence de précision de la situation juridique du créateur de l'oeuvre industrielle dans les textes du code de la propriété intellectuelle.

Par conséquent, en cas d'inexécution, un reflexe naturel conduit à envisager la responsabilité civile de l'entrepreneur212, la voie de la restitution et les dommages-intérêts est chronologiquement la sanction la plus appropriée.

En dépit de la formulation de l'article 1142 du code civil : « toute obligation de faire ou ne pas faire résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution d'une obligation de la parte du débiteur ».

La sanction de principe de l'inexécution d'une obligation -selon un courant de la doctrine- ne s'exprime pas dans l'allocation de dommages-intérêts, mais dans l'exécution forcée, ce que nous ne trouvons pas en cas de contrat de commande d'oeuvre d'esprit213.

Ainsi, il faut déterminer le contenu du contrat afin de savoir la nature de l'obligation de l'entrepreneur, si c'est une obligation de résultat ou de moyen.

Alors qu'en présence d'une obligation de résultat, l'entrepreneur défaillant peut s'exonérer qu'en invoquant un cas de force majeure. La jurisprudence autorise l'entrepreneur à se libérer par la preuve de son absence de faute. Il s'agit alors d'une obligation de résultat atténuée214.

Par contre P-H. ANTONMATTIE et J. RAYNARDE proposent une distinction fondée sur la nature de la prestation. L'obligation est de moyen en présence d'une prestation intellectuelle. Il en est ainsi pour les professionnels et les créateurs215.

Par conséquent, le commandité selon ce point de vue est toujours sous la présomption de l'obligation de moyen dans le domaine de la propriété industrielle, il peut éviter la responsabilité par la preuve de l'absence de sa faute.

211 TGI. Arrêt No-rôle : 05/0314,02/02/2006. « Attendu que le contrat de designer textile conclu entre les parties est un contrat de commande de créations de modèles par Madame X... en vue de leur exploitation par la société VIASTEL, ce qui suppose que ces créations soient originales et ne constituent pas qu'une déclinaison des créations antérieurement cédées par l'auteur comme le soutient la défenderesse ».

212 Puisque nous somme sur le terrain de l'application des règles spéciales de contrat d'entreprise, alors le commandité devient l'entrepreneur confié à exécuter l'obligation.

213 COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philipe : Les contrats civils et commerciaux. Dalloz 2000. p. 72.

214 Cass. 1er civ. 20 juin 1995 : Bull. civ. 1. N° 263. V. Cass. 1er civ. 2 février 1994. Bull. civ. 1. N° 41.

215 P-H. ANTONMATTIE et J. RAYNARDE : P. 323.

La conclusion de la deuxième partie

En ce qui concerne l'oeuvre collective B. KHALVADJIAN 216 constate que le législateur n'a pas pris parti plus nettement pour l'une des deux branches suivantes : recourir à la technique de la fiction et assimiler l'initiateur de l'oeuvre collective à un véritable créateur ou rejeter tout risque de rapprochement aventureux et se borner à établir une présomption irréfragable de cession des droits patrimoniaux au profit de la personne visée aux articles L.113-2, alinéa3 et L.113-5 du code de la propriété intellectuelle.

S. DENOIX DE SAINT MARC217 a dit « Nous retrouvons ici la question, de la mise en oeuvre des dispositions générales du code de la propriété intellectuelle relative à l'exploitation des droits, dans les rapports entre la personne morale, cessionnaire directe des droits patrimoniaux, et le sous-cessionnaire de ceux-ci ».

Généralement, l'examen de la nature du droit de propriété intellectuelle français révèle que celle-ci n'impose pas une obligation d'exploitation au cessionnaire des droits patrimoniaux du créateur. Certes, l'analyse des dispositions législatives autant que la consultation de la doctrine contemporaine des textes du code de la propriété intellectuelle font apparaître l'existence d'un courant favorable à la consécration d'une telle obligation. Cependant tous les arguments avancés au soutien de cette thèse ne semblent pas également pertinents. C'est pourquoi, sous réserve de limiter cette solution aux hypothèses dans lesquelles la rémunération du commandité est forfaitaire, il paraît possible de proposer qu'une stipulation contractuelle expresse en ce sens puisse autoriser le commanditaire, cessionnaire des droits patrimoniaux, à ne pas exploiter l'oeuvre.

Constats et propositions générales

- En effet, la propriété intellectuelle est bien un droit de propriété, même si elle apporte un autre éclairage sur la propriété ordinaire, un droit par ailleurs lui-même en pleine mutation. Ce qui est le plus remarquable est l'irruption de la pensée économique dans une matière que l'on veut encore << romantique ». Il faut aujourd'hui se détacher de la conception postrévolutionnaire de la propriété : la propriété n'est plus ce qu'elle était, elle n'est plus le droit absolu permettant de se soustraire aux autres et de les exclure. L'absolutisme ne correspond plus à une définition économique, ni même juridique de la propriété, car aujourd'hui, force est de constater que le développement de la pensée utilitariste nous conduit vers une vision plus fonctionnaliste du droit de propriété qui correspond, dans une certaine mesure, à une propriété partagée.

Cette vision plus fonctionnaliste et plus économique de la propriété correspond bien à la propriété intellectuelle aujourd'hui, puisque la propriété intellectuelle peut être envisagée comme une propriété de marché, qui ne se pense pas seulement dans l'intérêt de son titulaire, mais aussi dans l'intérêt des tiers. Il y a donc bien un enjeu de régulation qui pose un problème moins libéral que ce que l'on pense traditionnellement.

- De plus en plus, nous constatons la diminution de l'aspect créateur du commandité avec l'intégration de ce dernier dans la vie des affaires. Il n'y a plus de droit absolu sur la commande intellectuelle, le commanditaire peut modifier l'oeuvre pour qu'elle convienne à l'exigence de commerce sans l'autorisation de l'auteur. Au début nous avons accepté cette situation comme une exception vis-à-vis de l'oeuvre collective, puis l'extension de l'exception concernant la distinction entre oeuvre d'art pure et autre appliqué (l'application de cette distinction est codifiée dans le droit belge218). Enfin, la jurisprudence suivie par la doctrine évoque que << en présence d'un contrat de création de site web portant sur une prestation unique visant à réaliser un site web (qui serait exploité ensuite de manière autonome par le

218 La loi générale du 30 juin 1994 réglemente assez strictement les contrats relatifs au droit d'auteur. Les articles 3 à 5 prescrivent des règles générales applicables à l'ensemble des conventions portant sur l'exploitation des droits patrimoniaux. Il est ainsi précisé qu'à l'égard de l'auteur, tous les contrats se prouvent par écrit (art. 3, § 1er, al. 2) et que les dispositions contractuelles relatives au droit d'auteur ou à ses modes d'exploitation sont de stricte interprétation (art. 3, § 1er, al. 3). La cession des droits ne se présume pas. Elle ne peut pas être déduite d'un contrat de commande en exécution desquels l'oeuvre serait créée (art. 3, § 3). En règle générale, le contrat doit en outre préciser, pour chaque mode d'exploitation, la rémunération de l'auteur, l'étendue et la durée de la cession (art. 3, § 1er, al. 4) et, s'il peut emporter cession des droits relatifs à des oeuvres futures pour un temps limité et des genres d'oeuvres déterminés (art. 3, § 2), il ne peut prévoir la cession des droits concernant des modes d'exploitation encore inconnus (art. 3, § 1er, al. 5). Ces trois dernières dispositions, et les restrictions qu'elles impliquent, ne s'appliquent toutefois pas lorsque l'oeuvre est créée en exécution d'un contrat de commande relevant de l'industrie non culturelle ou de la publicité (art. 3, § 3, al. 3). Des dispositions particulières régissent complémentairement le contrat d'édition (art. 25 à 30) et le contrat d'exploitation (art. 31 à 32). Léon Ingber, Marie-Françoise Dubuffet, Alain Renard : Chronique de droit civil belge. RTD Civ. 1996 p. 739

commanditaire), sans préciser le sort des droits d'auteur. Dans ce cas, la nature de l'oeuvre commandée aurait pu, faute de précision contractuelle, être retenue comme un élément indicatif d'une autorisation de reproduire et modifier le site web afin de permettre son utilisation conformément aux besoins du commanditaire. Dans ce même schéma contractuel, la présence d'une clause de réservation de droits dans les conditions générales n'aurait, selon la jurisprudence219, pu suffire à écarter la possibilité de reproduire ou modifier le site, car cela reviendrait à empêcher l'usage de l'oeuvre commandée conformément à sa destination bien connue des parties »220.

- Le contrat de commande peut être un véritable outil de l'exploitation dans la vie des affaires, et ceci sans pour autant sacrifier l'intérêt de protection du commandité. Le législateur lui-même encourage la thèse, ayant préservé l'application, hors les cas spécialement réglés, du droit commun des obligations et en facilitant parfois la remontée des droits du commandité vers l'exploitant ; comme nous allons voir dans la deuxième partie.

La question posée était celle de savoir si le contrat de commande est apte ou non à remplir une des fonctions communément attendues du contrat : maîtriser l'avenir. Au terme de nos développements, la réponse demande plusieurs solutions.

- la prise en compte de l'aspect commercial au niveau du contrat de commande, qui va le faire relever de la propriété intellectuelle dans sa conception étroite comme propriété absolue pour être une propriété de marché.

- La prise en compte forte des usages et renforcer le pragmatisme de la décision judiciaire. Nous allons observer la capacité des usages et du juge à dépasser le cadre strictement entendu de la loi pour protéger de façon équilibrée les parties des contrats dans la présomption de la titularité de droit à l'égard des tiers, qui affirme l'équilibre entre la protection du commandité et les exigences de l'exploitation.

- Nécessité de préciser et conforter par voie législative ce qui est constaté et jugé par la jurisprudence.

- La sortie automatique d'une relation contractuelle suite à l'exécution du contrat, la détermination préalable du montant de l'indemnisation en cas de non-exécution. L'éventuel allégement de sa responsabilité, le recours obligatoire aux modes de règlement amiable des litiges.

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Lexisnexis & JurisClasseur : http://www.lexisnexis.com/

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Revue internationale du droit d'auteur : http://www.la-rida.com/ Le site des avocats : www.avocats.com

Index

Introduction 1

La nature juridique du contrat de commande. 9

A - Contrat d'entreprise ou vente de choses futures : 9

B - contrat d'entreprise et contrat de travail 9

C- Le contrat de commande : contrat administratif ou de droit privé 10

Première partie : la logique de la création. 11

Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect créateur. 12

Section 1 - Le droit absolu du créateur sur l'invention. 13

Sous-section 1 - le droit de divulgation. 13

A- La conception restrictive du droit de divulgation. 13

B- Le rejet de la conception restrictive du droit de divulgation. 14

C- L'épuisement du droit de divulgation. 15

Sous-section 2 - le droit à la paternité : 16

A- Le fondement 16

B- Pour la question de la renonciation du droit de paternité : 17

C- La paternité d'une oeuvre, un signe distinctif ? 17

Sous-section 3 - Le droit de repentir et le droit de suit : 18

A- Le droit de repentir 18

B- Le droit de suite. 20


· Le taux applicable au droit de suite 20

Section 2 - La prohibition des cessions globales d'oeuvres futures. 20

Sous-section 1 - la définition classique de l'article L.131-1. 21

A- La notion de la cession globale. 21

B- La notion d'oeuvres futures. 22

C- L'incidence de la définition sur la validité des contrats de commande. 22

Sous-section 2 - la définition moderne de l'article L.131-1. 23

A- La thèse de l'indétermination des oeuvres. 24

B- L'application jurisprudentielle vis-à-vis du contrat de commande. 24

La question des oeuvres futures concernant le dessin et modèle : 26

Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de l'aspect créateur. 27

Section 1- L'exigence de l'écrit. 27

Sous-section 1 - L'aspect d'oeuvre pure et simple. 27

A- Le principe. 27

B- Le débat de la doctrine. 28

Sous-section 2- L'aspect d'oeuvre d'art appliqué. 31

Section 2 - La détermination de la rémunération du commandité. 33

Sous-section 1- la commande d'oeuvre d'art pure. 33

A- Le prix fixé dès la formation du contrat. 33

Sur la question de la possibilité de modifier le prix par les parties de contrat ? 34

B- Le rôle du juge en cas d'absence de précision de prix dès la formation. 34

1) En cas d'absence de détermination : 34

2) En cas d'excessivité du prix : 35

Sous-section 2- la commande d'oeuvre d'art appliqué. 37

A- Le fondement 37

1) La rigidité du droit français 37

2) La critique : 37

B- Les exceptions (Possibilités d'opter pour le forfait). 38

C- Le défaut de rémunération proportionnelle. 38

Sous-section 3 - La commande de recherche. 39

Constats et propositions 41

Deuxième partie : la logique de l'investissement 43

Chapitre 1 : La titularité des droits patrimoniaux. 44

Section 1- Le fondement juridique. 44

Sous-section 1 - L'oeuvre collective. 44

A- Quelle est la relation entre la qualité de commandité et le promoteur d'une oeuvre collective ? 45

1) La définition de l'oeuvre collective : 45

2) La notion du promoteur (initiateur) : 46

B- La théorie de DENOIX DE SAINT MARC concernant l'oeuvre collective. 47

Sous-section 2 - Les oeuvres de commande pour publicité. 48

A- Le fondement juridique. 48

B- L'interprétation stricte. 49

1) Est-ce que la commande pour une publicité peut contenir les oeuvres destinées à la publicité ? 49

2) Est-ce que la commande pour une publicité peut contenir le support matériel ? 50

Section 2 - l'interprétation doctrinale et jurisprudentielle. 50

Sous-section 1- La titularité des droits sur le dessin et modèle. 51

A- Dessins et modèles communautaire. 51

B- Dessins et modèles nationaux. 52

1) Le principe (l'exigence d'une cession expresse): 53

2) La théorie de la cession implicite vis-à-vis de la finalité de l'art : 54

Sous-section 2 - La titularité de droit sur de brevet. 57

A- L'invention de commande. 57

B- Les résultats de la recherche. 58

Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre les parties. 59

Section 1- La restriction du droit absolu du créateur. 59

Sous-section 1 - la restriction conventionnelle. 59

A- Les obligations acceptables par rapport de sa nature. 60

Point de vue jurisprudentiel. 60

B- Les obligations acceptables par rapport de sa qualification. 61

Sous-section 2 - La restriction extérieure de la volonté des parties. 62

A- Liberté de création et règles d'urbanisme en général. 62

B- Liberté de créer et temps de création 62

C- La délimitation de l'application du droit de suite. 63

Section 2- L'obligation d'exploitation à la charge du commanditaire. 64

Sous-section 1- Le droit d'auteur. 64

A- L'obligation d'exploitation dans le cadre du contrat de commande. 65

B- La justification de l'obligation d'exploitation. 66

Sous-section 2 - Le droit de propriété industrielle. 67

A- La définition de l'obligation d'exploitation. 67

B- L'application sur le contrat de commande : 68

Section 3 - L'indemnisation du commanditaire s'il n'y a pas de livraison. 68

Sous-section 1 - Le droit d'auteur. 69

A- L'interprétation protectrice de l'auteur de l'article 32 de la loi 1957. 69

B- La nouvelle interprétation doctrinale. 70

Sous-section 2 - Le droit de propriété industrielle. 71

La conclusion de la deuxième partie 73

Constats et propositions générales 74

Bibliographie 76

Index 81

Le contrat de commande dans les propriétés intellectuelles

Résumé en Français

Le contrat de commande dans les propriétés intellectuelles, qui consacrait la logique de la création par le passé, aujourd'hui en raison, des exceptions par le législateur ou de l'interprétation jurisprudentielle, influencé par le grand courant de la doctrine, a délimité la marge de la protection du commandité. On constate au fur et à mesure, l'augmentation de la conception économique dans le contrat sous prétexte que le créateur n'est plus la partie présumée faible qui demande toujours l'intervention du législateur afin de le protéger. Le créateur s'est intégré dans la vie des affaires, il a investi les transactions commerciales dans le domaine des dessins, modèles ou marques, rendant son travail plus proche de celui de commerçant que de partie civile. Par conséquent on constate une coexistence entre deux aspects - économique et créateur -, par exemple le droit de divulgation ou de repentir sont affrontés par l'obligation de l'indemnisation par le commandité, l'exigence de l'écrit par la théorie de la cession implicite, la délimitation du droit de suite sur l'oeuvre originale, la présomption de la titularité du droit et le droit de commanditaire de modifier l'oeuvre collective ou le logiciel pour être convenue à sa finalité commerciale.

Resume in English

Commissioning Contract in intellectual property that had scarified the logic of the creation for a period of time. Today, because exceptions by the legislature or the judicial interpretation, influenced by the doctrine, it has decrease the margin of protection requested. We observe as the increase of the economic conception in the contract on the ground that the creator is no longer the part civil presumed weak, and he demand always the intervention by the legislature to protect hire. The entrepreneur has included in the course of trade, it made the transactions in the field of Designs or Marques, and his work is closer to trader for part civil. Therefore there is a coexistence between two aspects, example the Right Of Disclosure or Repentance are faced with the obligation of compensation by the entrepreneur, the writing requirement by the doctrine of implicit transfer, the delimitation of The Resale Right on the original work, The presumption of authorship of the right and the right of entrepreneur to amend the work or the software to be agreed at its commercial purposes.






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo