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Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables

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par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise 2008
  

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Introduction générale

L'exécution de la loi de finances s'effectue suivant un ensemble de procédures et d'opérations. La phase administrative et comptable de cette exécution se traduit par des opérations de recettes (encaissements) et des opérations de dépenses (décaissements). Cette phase fait appel aux services de deux catégories d'agents de l'ordre administratif : les administrateurs de crédits et les ordonnateurs d'un côté et les comptables de l'autre. Le droit a ainsi entendu procéder à une division rationnelle des tâches dans le cadre de cette phase, mieux il consacrera une incompatibilité même des fonctions confiées à ces deux agents, donnant ainsi naissance à ce que l'on connaît sous l'appellation de principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables.

C'est pour la première fois avec les décrets des 24 vendémiaire et 17 frimaire an III (fin 1796 début 1797) pour les recettes et en 18221 pour les dépenses que ce sacro-saint principe du droit budgétaire a été inséré dans la législation française, avant d'être repris par d'autres pays notamment africains comme le Sénégal en 1912 (décret du 30 décembre 1912 portant régime financier - article 107), en 1966 (décret 66-45 8 du 17 juin 1966 portant RGCP - article 20) et enfin en 2003 avec le décret 2003-101 du 13 mars 2003 portant Règlement général sur la comptabilité publique. L'importance de ce principe va même justifier sa réaffirmation dans des directives des espaces communautaires économiques et monétaires, celles de l'UEMOA notamment2. L'article 15 du décret 2003-101 dispose à cet effet : « Les opérations relatives à l'exécution du budget de l'Etat et des autres organismes publics font intervenir deux catégories d'agents : d'une part les administrateurs de crédits et les ordonnateurs, d'autre part les comptables. Les fonctions d'administrateur et celles d'ordonnateur peuvent être cumulées ; les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public sont incompatibles ».

Les administrateurs de crédits, suivant l'article 17 alinéa premier du décret 2003-101, « constatent et liquident les recettes, proposent les engagements de dépenses et en préparent la liquidation ».

1 Ordonnance royale du 14 septembre 1822

2 Directive n°06-97 CM UEMOA portant règlement général sur la comptabilité publique

Les ordonnateurs sont, à la lumière de ce même article, ceux qui « prescrivent l'exécution des recettes, engagent les dépenses et en ordonnent le paiement ». On peut répertorier trois types d'ordonnateurs : les ordonnateurs principaux qui sont directement titulaires de la compétence d'attribution, les ordonnateurs bénéficiant d'une délégation générale de compétence (ordonnateurs secondaires) et les ordonnateurs ne disposant que d'une délégation simple (ordonnateurs délégués).

Le décret français n° 53-714 du 09 août 1953 dispose en son article premier : « Est comptable public tout fonctionnaire ou agent ayant qualité pour exercer au nom de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un établissement public, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniements de titres, soit au moyen de fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virements internes d'écritures, soit par l'intermédiaire d'autres comptables publics ». Il existe différents types de comptables publics qu'il est possible classer en trois catégories suivant l'article 29 du décret 2003-101 : les comptables directs du Trésor qui peuvent être des comptables principaux ou secondaires (Trésorier-payeur général, receveur percepteur), les comptables spéciaux qui sont des comptables secondaires (comptable des administrations financières) et les agents comptables qui ont en charge la comptabilité des établissements publics administratifs.

Dans notre étude, nous ferons abstraction de cette distinction entre administrateur de crédits et ordonnateur étant donné que ce sont des fonctions cumulables et que très souvent elles se confondent avec la personne d'une autorité administratrice de tout ou partie d'un organisme public. En plus, ce qui intéresse le principe, ce n'est pas l'existence de trois agents, mais la distinction de deux types de tâches3.

Des auteurs comme le docteur Christian BIGAUT4 soutiennent que ce principe pourrait être justifié par trois éléments : un contrôle mutuel (la séparation des fonctions fut d'abord le résultat de la méfiance du pouvoir législatif à l'égard de ceux qui étaient amenés à gérer les fonds), une unité d'action financière (comptabilités dépendent dans leur ensemble du ministère chargé des Finances) et la division du travail (permet de spécialiser les agents en tenant compte d'aptitudes différentes). Suivant l'analyse de monsieur BIGAUT, qui comme beaucoup d'auteurs défend l'idée même d'une transposition du principe de la séparation des pouvoirs en droit budgétaire, le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables suscite beaucoup d'intérêts. D'abord

3 Notons que l'article 15 du décret 2003-101 fait référence à « deux catégories d'agents »

4 Christian BIGAUT, Finances publiques - Droit budgétaire, Paris, 1995, p. 156

dans un souci d'efficacité et de transparence de l'exécution du budget, il est compréhensible que toutes les tâches ne se retrouvent pas entre les mains d'une même personne. D'autre part, la non soumission des uns à la hiérarchie des autres favorise une indépendance, mais aussi un étalage des niveaux de responsabilité et donc une efficience eu égard au contrôle effectué sur l'exécution du budget.

Néanmoins, ce principe aussi rigoureux se voudrait-il, ne saurait occulter le caractère imbriqué de ces deux types de tâches. Il faudrait tenir compte d'une certaine cohérence qui devrait exister dans l'exécution de ces différentes tâches, d'autant plus que l'article 20 du décret 2003-101 faisait référence à des « compétences différentes mais complémentaires ». Ce qui justifie que c'est le ministre chargé des Finances, lui-même ordonnateur, qui nomme ou propose pour nomination le comptable qui est un fonctionnaire.

L'autre argument de taille qui ne joue pas en faveur d'un cumul de ces deux fonctions est que les tâches sont consistantes pour être assurées par une seule et même personne. Ces mêmes raisons vont inciter le législateur sénégalais à procéder, à l'ère de la décentralisation à une application originale du principe dans le cadre de l'exécution du budget local. En effet, l'ordonnateur local en matière de dépenses qu'est le président de l'exécutif local (Président du Conseil régional, Maire, Président du Conseil rural suivant la collectivité locale en question) est à distinguer de l'ordonnateur local en matière de recettes, fonction que remplit le directeur général des impôts.

Ce principe n'est cependant pas resté indemne de toute critique. Selon ses détracteurs, il crée des blocages et des lenteurs voire parfois même des conflits. Et notons à cet égard que le système anglo-saxon n'est pas basé sur cette séparation ordonnateur - comptable5. Sous un autre angle, il confère une place importante au ministère de l'Economie et des Finances dont dépendent statutairement tous les comptables (nomination, décharge ou remise gracieuse).

En outre, en droit français, le principe est d'actualité, quand on sait que depuis l'entrée en vigueur en 2006 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 portant loi organique relative aux lois de finances, l'heure est à une nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables qui serait liée à ladite loi organique6.

5 René CELIMENE, Droit budgétaire et comptabilité publique au Sénégal, NEA, 1985, p. 51

6 Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE, « Plaidoyer pour assurer le succès d'une réforme », RFDA, mars - avril 2004, p. 398 et s.

Finances publiques et responsabilités : quelle réforme ? RFFP n°92, novembre 2005

Compte tenu de tous ces éléments, il y a lieu de s'interroger sur l'effectivité de la contribution du principe à une bonne exécution du budget ; en d'autres termes, quel est l'impact du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables sur l'exécution du budget ?

L'analyse d'une problématique ainsi posée nécessite a priori qu'on parvienne à appréhender la notion de séparation des ordonnateurs et des comptables. Ceci nous permettra d'avoir une vue panoramique du sujet et de procéder ainsi plus facilement à l'appréciation de la mesure et des limites de l'efficacité du principe. Dans cette perspective, il y a lieu de préciser que ce principe sous-entend la séparation des agents et des rôles qu'ils remplissent dans le cadre de l'exécution de la loi de finances. L'article 15 du décret 2003-101 va encore plus loin ; en effet cette impossibilité de cumul des tâches ne vaut pas seulement pour la même personne, mais même les conjoints ainsi que les ascendants et les descendants d'un de ces organes ne peuvent assumer concomitamment l'autre série de tâches. Ce qui intéresse le législateur, ce n'est pas seulement la division du travail, mais c'est aussi d'être sûr que ces deux agents qui sont censés se contrôler mutuellement ne seront pas tentés par des malversations qui pourraient être favorisées par leur proximité. D'un autre coté, la spécialisation voulue par le droit pour chaque organe va entraîner une autre distinction au niveau des responsabilités encourues. Il serait en effet aberrant qu'en vertu du principe, ces deux agents voient leur responsabilité engagée de la même manière ou encore que l'un d'eux endosse la responsabilité qui incombe à l'autre. Cette seconde distinction est donc une conséquence logique de la première. En somme, ce travail préalable s'articulera autour de la signification du principe.

Une fois ce travail fait, la seconde étape consistera à trancher la question de l'opportunité ou de l'importunité de ce principe dans l'exécution de la loi de finances. La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables présente en effet des atouts qui conduisent certains praticiens de la comptabilité publique à affirmer que ce principe recouvre dans l'exécution du budget, la même importance que la séparation des pouvoirs dans le droit constitutionnel ; il est donc facteur de démocratie. Cependant, limiter notre tentative de réponse à la problématique posée à ce premier aspect reviendrait à tenir pour lettres mortes le fait qu'au cours de l'histoire et dans son application, le principe a connu des critiques non moins importantes, justifiant ainsi des aménagements ou exceptions dans sa mise en oeuvre. Dans cette seconde étape, la première question qui nous vient à l'esprit

est bien entendu s'il n'y aurait pas une certaine limite à la pertinence ou à l'efficacité de la séparation de ces deux agents en droit budgétaire. En effet dans certains cas il arrive qu'il y ait interférence entre les deux tâches ou empiétement de l'un des organes sur le domaine de l'autre. Quelque pertinente que soit cependant l'idée d'une séparation des ordonnateurs et des comptables, il ne faut pas perdre de vue que ces agents concourent à l'exécution d'un même service ; de surcroît, ces aménagements qui ne sont que mineurs sont sous-tendus par des impératifs de facilitation et de rapidité de l'exécution de certaines opérations. Il serait peut-être même exagéré de s'exprimer en terme d'exceptions au principe, ce qui explique l'usage du vocable « assouplissements » dans certains ouvrages de droit financier7. Mais toujours est-il que c'est une partie de l'exécution du budget qui échappe à la règle de la séparation.

Dans notre démarche, nous n'avons pas la prétention de nous intéresser exclusivement au droit sénégalais, dés lors que le principe a vu le jour en France ; nous procéderons donc à une étude de droit comparé. D'autre part, la politique de décentralisation initiée par le Sénégal nous impose, à chaque fois que de besoin, de voir comment est-ce que le principe est appliqué dans l'exécution du budget local.

L'intérêt d'une telle problématique n'est pas des moindres. En effet, au-delà même de la pertinence ou de l'efficacité du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, c'est le problème de l'opportunité d'une disjonction des agents chargés de l'exécution du budget qui est à résoudre. En clair, il s'agit de savoir si cette exécution aurait été plus transparente, plus rapide, plus efficace et mieux contrôlée si les fonctions avaient été cumulées. C'est une interrogation à laquelle nous apporterons d'emblée une réponse négative avant de relativiser la véracité d'une telle position dans une certaine mesure.

De manière succincte, notre analyse s'articulera autour de deux axes : en premier lieu, nous nous intéresserons au contenu du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables (Première partie) avant d'en arriver dans un second temps à l'apport de la séparation, ce que l'on tentera de camper dans la portée du principe (Deuxième partie).

7 Mamadou DIOP, Finances publiques sénégalaises, NEA, Dakar, 1977, p.100

Première partie : Le contenu du principe de la

séparation des ordonnateurs et des comptables

Qu'est-ce que le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables ? Notre première tâche consistera à répondre à cette question.

Dans l'introduction, nous avons précisé que ce principe renvoyait à une séparation des acteurs qui étaient chargés de la réalisation des opérations de dépenses et de recettes contenues dans le budget. Cependant, l'innovation majeure du principe, ce n'est pas d'avoir distingué les différentes phases de la concrétisation de ces prévisions budgétaires, mais de les avoir confié à des agents différents.

Cette distinction implique que chacun de ces agents, en ce qui le concerne, soit responsable de cette concrétisation à la hauteur des opérations qui lui ont été confiée. Autrement dit, si le principe entend répartir les tâches, il prévoit aussi une répartition de la responsabilité de l'exécution du budget à la lumière de cette division des rôles.

Notre analyse sera en résumé orientée vers deux axes, en l'occurrence la séparation des fonctions (Chapitre I) et la séparation des responsabilités (Chapitre II).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci