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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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3.2. Une DTA directive

Comme son nom le rappelle, la Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes du Nord est une directive, « la DTA est donc d'abord un document d'affichage des politiques de l'Etat »157(*). Le caractère directif d'une directive explique une majeure partie des oppositions rencontrées par la DTA alpine : parfois qualifiée de « diktat » de l'Etat, la DTA provoque une réaction urticante auprès d'élus locaux dont l'opposition quasi-systématique à toutes procédures impulsées par l'Etat est globalement reconnue. Cette logique est peut-être exacerbée dans les territoires de montagne. L'existence même d'une DTA sur un territoire alpin est source de conflits. Dans un périmètre particulier et précis, elle pointe du doigt les dysfonctionnements d'un territoire, lui dit qu'il ne respecte pas les règles du jeu ou même certaines lois (Loi Littoral par exemple), et de part son échelle la DTA rend audible une gestion territoriale que l'Etat souhaite encadrer plus qu'ailleurs.

Déjà en 1988, un article de Jacques Manesse posait la question fatidique, Montagne : qui décide ?158(*). L'auteur relate que sur le terrain, tout encadrement administratif ou réglementaire est perçu comme une entrave au développement, voire, de façon plus idéologique, comme une atteinte à la liberté. Mais avant les lois de décentralisation, « la bonne foi et la bonne conscience des "victimes" pouvaient, jusqu'alors, et sans risque, s'exprimer dans un rituel sans surprise, et politiquement rentable, en dénonçant le centralisme et la bureaucratie »159(*). Encore aujourd'hui, cette idéologie du « on ne veut pas que les parisiens nous disent quoi faire chez nous » dont l'auteur parle perdure dans certaines vallées alpines, c'est donc plutôt en toute logique que la DTA a perdu son caractère opposable. Dans le cadre de la mise en oeuvre d'une autre directive, la Directive « Habitats Faune Flore » dite « Habitats » ratifiée par la France en 1996, l'Association nationale des élus de montagne (ANEM) avait déposé un recours au Conseil d'Etat en 2001 : « en 1998, une centaine de maires avaient déjà contesté cette limitation de fait de la libre administration de leur territoire »160(*).

Bien sur, ces oppositions ne sont pas sans paradoxe car l'on peut considérer que le produit économique alpin d'aujourd'hui, le ski, est entièrement le fruit d'une politique d'Etat, en l'occurrence le Plan neige. En revanche, comme le remarque J. Manesse, les élus locaux « montent à Paris » pour solliciter l'Etat contre la fermeture d'une école ou d'autres services publiques (bureaux de poste et hôpitaux par exemple), ou encore l'arbitrage de conflits locaux.

L'exemple de la Vanoise développé par Françoise Gerbaux161(*), « cas d'école de la mise en cause de l'administration traditionnelle territoriale par des conflits locaux » illustre la complexité de la gestion de l'espace montagnard. Si du point de vue temporel, il apparait logique que l'Etat, par sa permanence, garantisse le maintien des valeurs patrimoniales d'un « territoire d'exception » tel qu'est décrit le périmètre de la DTA des Alpes du Nord, du point de vue spatial cette préoccupation rentre inévitablement en conflit avec une logique locale de gestion pour laquelle l'espace constitue plutôt une opportunité de valorisation économique.

L'arbitrage de l'usage des sols traduit ainsi une opposition entre « nationale ou local », « protection ou développement » même si ces catégories ne sont pas aussi tranchées dans la réalité. La DTA alpine le répète d'ailleurs à plusieurs reprises et encourage à dépasser cette vision réductrice mais ces termes symboliques ont occulté ce qui devait être un réel objet de discussion. Les débats des parlementaires autour de l'article 5 sur les nouvelles DTADD ont pris parfois la tournure d'un affrontement quasi-religieux : la dénonciation d'un Etat qui impose sa vision, ses outils et ses règles du jeu en matière d'aménagement du territoire, une « logique de recentralisation » pour certains, ou encore un « Etat bolchévique » pour d'autres. Un débat qui met en avant la question permanente du partage des compétences territoriales et du rapport au droit et à la norme pour les collectivités, dans un contexte de réforme des collectivités territoriales.

Comme l'écrit ainsi Catherine Bersani dans son article au titre évocateur, La DTA ou le retour de l'Etat gendarme162(*), « la relation de l'Etat avec les élus est bien au coeur du débat, et plus largement le droit des citoyens à dire comment ils veulent habiter leur pays, et à vivre selon ce souhait. La démocratie est donc l'enjeu par excellence de la DTA. Assumer cette vocation impliquera encore beaucoup de travail [...] ».

Toutefois, l'opposabilité de cette DTA qui pouvait représenter un infléchissement supplémentaire des pouvoirs et des compétences locales n'a pas empêcher la région Rhône-Alpes de soutenir la démarche. Malgré le fait que cet échelon territorial monte en puissance et en capacité d'ingénierie territoriale notamment, la région a admis et appuyé la nécessité d'une intervention d'Etat en matière d'aménagement du territoire sur cet espace des Alpes du Nord. Sans doute que l'opposabilité induit alors une protection contre les pression locales plutôt qu'une contrainte dans l'exercice de ses pouvoirs.

* 157 Préfecture de région Rhône-Alpes, DTA Alpes du Nord, Présentation de la démarche, 17/07/98, Lyon, 6p.

* 158 MANESSE Jacques, Montagne : qui décide ?, op.cit.

* 159 Idem

* 160 Brève du Dauphiné Libéré du 06/06/01. La Directive Habitats doit s'appuyer sur la mise en place du réseau Natura 2000.

* 161 GERBAUX Françoise, La montagne en politique, L'Harmattan, 1994. Commentaire de l'ouvrage [en ligne]. Disponible sur : http://pweb.ens-lsh.fr/omilhaud/La_montagne_en_politique.doc (consulté le 20/04/10). L'affaire de la Vanoise concerne le promoteur de la station de Val-Thorens et les élus mauriennais qui revendiquent un accès Ménuires/Val-Thorens et pour cela, le déclassement d'une partie du parc national de la Vanoise ; ils rencontrent alors de violentes oppositions des « naturalistes » qui mettent en avant l'intangibilité des parcs. Un arbitrage est finalement demandé au président Pompidou qui autorisera les remontées mécaniques.

* 162 BERSANI Catherine, La DTA ou le retour de l'Etat gendarme, Etudes Foncières, juin 1999, n°83. Mme Bersani est inspecteur général de l'Equipement. Disponible sur : http://www.adef.org/site/1999/06/01/les-dta-ou-le-retour-de-letat-gendarme/#more-203 (consulté le 20/10/10)

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille