4.2. Trois stratégies
cumulatives pour construire les conditions d'une maîtrise
foncière
L'étude des trois terrains a montré des
démarches différentes pour appréhender la question
foncière dans les Alpes du Nord, et tenter d'y répondre.
L'objectif poursuivi était de montrer l'utilisation de certains outils
de maîtrise foncière dans un contexte local particulier, au
service d'un projet précis. Ces démarches, dont
l'efficacité ou le caractère novateur sont variables, servent
quoiqu'il en soit une politique foncière volontariste, ou ses
prémices, dans l'espace alpin.
De plus, les particularismes de chaque cas
étudié pourraient laisser penser que les démarches
entreprises ne sont pas -ou faiblement- transposables à d'autres
territoires. Et pourtant au contraire, ces trois terrains sont
représentatifs d'une grande partie du territoire des Alpes du
Nord : un territoire plutôt riche et très attractif à
Chamonix, un autre qui bénéficie d'une puissante structure
d'accompagnement (un PNR), et enfin, un dernier territoire qui ne
possède ni l'un ni l'autre et qui actionne ainsi d'autres leviers
d'action pour travailler cette question foncière. Chacun dans
leur style, ces territoires ont développé une démarche
pour maîtriser le foncier (ou tenter de le faire) qui leur est
propre.
Figure 31. Trois
stratégies cumulatives vers une politique foncière volontariste,
N. Moyon 2010
Bien qu'il n'y ait pas de recette miracle, les trois
« stratégies » qui vont être
déclinées servent cette quête de la maîtrise
foncière dans les Alpes du Nord. Ces
« stratégies » peuvent être cumulatives, elles
s'inspirent des trois cas d'étude et du ressenti formulé sur les
problèmes fonciers auprès des personnes rencontrées en
entretien.
4.2.1. Construire du
dialogue
Sur le thème du foncier peut-être plus que sur
d'autres sujets de l'aménagement et du développement territorial,
le dialogue, l'échange, la médiation révèlent les
conflits. Autour du foncier se cristallise souvent une forme de lutte opposant
les intérêts particuliers à l'intérêt
général : une situation difficile que la collectivité
est censée arbitrer. La sensibilisation permet de créer de
l'échange mais pas nécessairement de résoudre les
conflits : son action est intéressante car elle
créée, comme le dialogue, des conditions favorables à
l'élaboration d'un projet futur. Il ne s'agit donc pas de construire du
dialogue pour le dialogue lui-même, mais plutôt pour construire du
projet ou le mettre en oeuvre.
La stratégie est donc de construire un contexte
favorable à une future politique foncière, de lui offrir
en amont les conditions de sa réussite ; c'est un investissement
dans l'immatériel. La sensibilisation, l'animation, l'accompagnement, la
formation toutes ces démarches permettent d'impulser un dialogue
territorial. Cette stratégie est très
« utile » en vue de l'élaboration d'un PLU
volontariste par exemple, qui portera des principes forts d'économie
d'espace ou d'aménagement, des obligations d'insertion architecturale et
paysagère, etc.
Les moyens pour servir cette stratégie du dialogue sont
illimités, notamment en faisant intervenir des acteurs extérieurs
au territoire : des artistes, des formateurs, et pourquoi pas des
psychologues. L'intérêt est bien d'ouvrir un espace de dialogue,
d'aménager un moment propice à celui-ci (un
évènement festif par exemple) et de réussir à faire
échanger entre eux tous les acteurs d'un même territoire, de
l'élu à l'habitant, des techniciens aux agriculteurs, des
associations locales aux prestataires extérieurs.
La sensibilisation, l'animation, l'accompagnement ou la
formation sont nécessaires pour faire germer les idées, et donc
construire les projets ou les mettre en oeuvre. Cependant, cette
stratégie autour du dialogue n'a de sens que si elle s'inscrit dans un
projet plus vaste, dans une démarche de projet de territoire. Le
dialogue peut participer à la construction du projet dans un processus
participatif ou itératif, mais également à sa
réalisation.
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