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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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1.2. Entre handicaps et opportunités pour le territoire alpin

Au sens de la loi Montagne de 1985, les particularismes montagnards, formulés plutôt comme des « handicaps », deviennent constitutifs d'une véritable « spécificité montagnarde ». La proposition de loi de l'ANEM en 2003 reprend cette notion de « spécificité montagnarde » et propose la nouvelle définition suivante315(*) :

« L'article 3 de la proposition de loi introduit une nouvelle définition de la montagne. Celle-ci est présentée comme un territoire caractérisé par des modes de vie et d'occupation de l'espace, des activités économiques, des formes d'organisation sociale et des cultures originales, ainsi que par des écosystèmes particuliers représentant autant d'adaptations des sociétés ou espèces aux caractéristiques géographiques que sont l'altitude, la pente, le climat. La montagne est ainsi saisie dans son originalité et dans son identité profonde. Elle apparaît comme un « système » complexe, géographique, humain, biologique, qui exige d'être appréhendé dans son ensemble. Le fondement de l'intervention publique n'est donc plus le handicap à corriger mais le caractère spécifique d'un territoire, ce qui élargit considérablement le champ des politiques à mettre en oeuvre ».

A travers les entretiens, cette notion de « spécificité montagnarde » se confond avec l'idée d'une « spécificité alpine » que l'on tente de formuler. Les premiers éléments évoqués, impactant nécessairement la gestion de l'espace et donc la politique foncière à mettre en oeuvre, relèvent des caractéristiques physiques du territoire alpin : ils reprennent ainsi les termes de la définition de l'ANEM ci-dessus. Ces caractéristiques topographique et géographiques sont également reprises par les chercheurs qui reconnaissent eux-aussi leurs « effets induits » sur le foncier : « la région Rhône-Alpes, avec sa capitale lyonnaise et le Sillon alpin, font partie des régions présentant un tissu urbain dense et des phénomènes de desserrement urbain associés. S'ajoute à cela une topographie montagnarde qui réduit d'autant les surfaces facilement urbanisables. Ces différents éléments contribuent à donner une tonalité particulière aux enjeux fonciers dans ces territoires touristiques, même si ils restent le reflet de tendances lourdes aux échelons national comme européen »316(*). Cette « tonalité particulière » dont il est question peut laisser supposer que les enjeux fonciers nécessitent une politique foncière adaptée au territoire : en somme, passer « d'enjeux fonciers sur le territoires alpins » à « des enjeux fonciers alpins ».

Face au changement climatique, la CIPRA317(*) précise que les Alpes se caractérisent par des particularités qui doivent être prise en compte par le développement territorial et la protection du climat. Ainsi, ce sont principalement les risques naturels qui font peser une menace importante sur les populations locales, pour qui l'espace urbanisable est amené à se réduire de plus en plus. Cette question des risques naturels et de son impact sur la limitation de l'expansion urbaine pour protéger les populations (par la généralisation des Plans de Prévention des Risques) est un enjeu majeur des territoires alpins détaillé dans le projet de DTA des Alpes du Nord : couloirs d'avalanche, risques d'inondation, d'éboulement ou de glissement de terrain sont autant de facteurs qui participent fortement à diminuer le foncier disponible pour l'urbanisation.

Enfin, il apparait évident que la gestion courante d'un territoire montagnard, généralement plus vaste, discontinu et accidenté, subissant des contraintes géophysiques et climatiques, est plus coûteuse qu'en plaine (notamment pour les voiries et réseaux divers). Ces surcoûts demeurent des handicaps pour les collectivités en zone de montagne qui souhaitent par exemple ouvrir à l'habitat des espaces pentues, boisés ou en friche, pour répondre à la forte demande de logement.

Pourtant, si ces handicaps montagnards accroissent objectivement les difficultés de gestion de l'espace et participent à l'émergence d'enjeux fonciers spécifiquement alpins, dans notre « imaginaire aménageur »318(*) ils constituent des défis à relever, voire des opportunités pour marquer une singularité des « gens » et du territoire alpin (et pourquoi pas une spécificité).

Plusieurs ouvrages, séminaires ou colloques mobilisent de nombreux acteurs alpins selon une même dynamique que l'on peut essayer de résumer ainsi : « le territoire alpin est spécifique mais profitons-en pour développer une intelligence particulière aux problèmes rencontrés afin de les dépasser collectivement »319(*). Ainsi, les deux derniers colloques de la Facim (cimes 2007 et cimes 2009) s'intitulent respectivement, « la montagne, univers de tous les possibles ? » et « construire dans la pente, une opportunité ? » : les actes de ces deux colloques permettent d'illustrer l'idée selon laquelle, si une spécificité alpine existe, elle constitue en tout cas une opportunité de développement et d'innovation pour le territoire.

De même, dans son article Innovation et territoires: les effets contradictoires de la marginalité320(*), Frédéric Giraut invoque « la posture optimiste qui [...] se focalise sur les marges de manoeuvre offertes par la situation périphérique pour innover hors de standards qui régissent l'économie du centre, mais aussi hors des normes que le centre impose en son sein mais auxquelles la marge peut déroger [...] pour adapter les pratiques à ses difficultés ou problématiques propres, et parce que la dérogation n'y met pas en cause la cohérence du centre et peut donc y être tolérée, ce qui en fait des espaces d'expérimentations (Antheaume & Girut, 2002) ». Dans la littérature, Louis Allie321(*) remarque que la montagne apparaît sous la métaphore de « laboratoire de la diversité » en reprenant ainsi le titre d'un ouvrage collectif, et poursuit : « comme tout ce qui est grand, écrit Le Bras, la montagne a une dimension d'universalité: c'est un lieu d'innovation, un laboratoire (...). L'idée de laboratoire renvoie aussi à l'idée de produit à étudier. On retrouve à cette occasion la revendication de SPÉCIFICITÉ du milieu et de la société montagnarde ».

« Spécificité montagnarde », « opportunité » et « expérimentation » semblent être des notions clés qui éloignent les caractères handicapants de ces mêmes territoires alpins. Ainsi, c'est peut-être parce que les acteurs locaux sont pris dans une dualité d'appréciation qu'il est difficile de saisir, à travers les entretiens réalisés, dans quelle mesure des « enjeux fonciers alpins » et une « spécificité alpine en matière de politique foncière » peuvent globalement faire sens.

* 315 ANEM, Pour la Montagne, op. cit., p.5

* 316 MARCELPOIL E. (coord.), Nouvelles pratiques touristiques en zone de montagne : vers un renouvellement des pratiques de gestion foncière ? op.cit., pp.61-62

* 317 CIPRA, Spatial planning in climate change, a background report of CIPRA, Compact No 02/2010, p.4

* 318 CHALAS Yves (sous la dir. de), L'imaginaire aménageur en mutation. Cadres et référents nouveaux de la pensée et de l'action urbanistique, L'Harmattan, Paris, 2004, 340 p.

* 319 Le 2ième forum des « ONG montagne » organisé à l'Institut de géographie alpine de Grenoble le 30/04/10 par la CIPRA France, le REEMA, l'IGA et la GTA était teinté de cet état d'esprit comme en témoigne son intitulé : « vers une intelligence collective et territoriale ? »

* 320 GIRAUT Frédéric, Innovation et territoires: les effets contradictoires de la marginalité, In Semaine alpine 2008 : innover dans les Alpes, RGA, Editions du Fournel, L'Argentière La Bessée, s.l.n.d., pp.6-8

* 321 ALLIE Louis, op. cit., p.48

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