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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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2/ Pacte corrupteur et finalités de la corruption

Le pacte corrupteur tend à obtenir que le corrompu accomplisse ou n'accomplisse pas un acte de sa fonction en contrepartie des versements effectués par le corrupteur. Pour se faire, le corrupteur emploiera différents modes opératoires dans le but d'obtenir un instant, le pouvoir de décision du corrompu. Concernant ce modus operandi, le législateur exigeait dans un premier temps le caractère occulte de la transaction. L'article L.152-6 du Code du travail énonçait que les faits de corruption devaient avoir été commis « à l'insu et sans l'autorisation de son employeur ». Depuis la loi de juillet 2005 cette exigence a disparu, la France entrant ainsi en conformité avec la décision cadre du conseil de l'Union Européenne. De plus, les articles 445-1 et 2 du Code pénal assimilant le fait de corrompre et d'être corrompu « directement ou indirectement », le mode de formulation de la proposition ou de la sollicitation de nature corruptrice ainsi que le mode de conclusion et d'exécution du pacte importent peu. Par conséquent, que les protagonistes du pacte agissent directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, n'aura aucune incidence sur la qualification pénale, et les auteurs se verront poursuivre pour corruption privée. Le législateur a donc posé le principe de l'indifférence des modes opératoires, laissant une fois encore une marge de manoeuvre plus grande pour les organes poursuivants.

D'autre part, il est une question qui a longtemps fait polémique au sein des institutions judiciaires, à savoir la question de l'antériorité du pacte corrupteur. En effet, le Code pénal exigeait pour la corruption dans le secteur public que « la proposition, la sollicitation ou l'agrément d'une contrepartie soit antérieur aux actes à accomplir ou à la renonciation à agir54(*) ». Une jurisprudence constante estimait de fait que les délits de corruption - publique ou privée - n'étaient caractérisés que si la convention passée par le corrupteur ou le corrompu avait précédé l'acte ou l'abstention qu'elle avait pour objet de rémunérer. D'où le caractère paradoxal de cette situation : la personne qui, après avoir accompli ou s'être abstenu d'accomplir un acte de sa fonction sollicitait ou agréait un avantage indu était prétendue à une impunité certaine. En revanche, pas d'impunité pour celui qui sollicitait ou agréait un avantage indu pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, même si en définitive il y renonçait. Autre difficulté de la situation : « la preuve de l'antériorité du pacte corrupteur se révélait assez aisée lorsque les dons avaient été remis par le corrupteur avant l'accomplissement de l'acte promis par le corrompu. La preuve en devenait plus difficile lorsque le pacte ne comportait qu'une promesse de don, promesse exécutée seulement après l'accomplissement de l'acte de la fonction55(*) ». Ces solutions ne pouvant plus perdurer, le législateur est intervenu afin de mettre un terme à ces différends juridiques. Par la loi du 30 juin 2000, la loi a introduit l'expression « À tout moment » au sein des articles 432-11 et 433-1 du Code pénal, mettant ainsi fin à la condition d'antériorité du pacte corrupteur. En revanche, les parlementaires avaient omis d'ajouter cette expression à l'ancien article L.152-6 du Code du travail, mais cette carence fut paliée avec l'intervention de la loi du 4 juillet 2005. Désormais, le pacte corrupteur en matière de corruption privée peut intervenir « À tout moment », ce qui permet une meilleure appréhension de ce délit56(*). Cependant, selon le magistrat Jacques Gazeaux57(*) : « L'obligation de prouver l'existence d'un tel pacte de corruption, antérieur ou non à l'acte ou à l'abstention qu'il avait pour objet de rémunérer est particulièrement difficile à satisfaire et constituent un obstacle important à la lutte contre la corruption, au sens strict du terme, dans le cadre des enquêtes pénales. En effet, par définition, la corruption est une pratique occulte et il apparaîtra souvent impossible de démontrer l'existence d'une corruption passée par le corrupteur et le corrompu ». Ainsi, malgré une volonté apparente du législateur de lutter contre ce phénomène, on aperçoit là toute la difficulté dans l'approche répressive de la corruption, de par le caractère secret inhérent à cette pratique.

Enfin, concernant la finalité du pacte corrupteur, rappelons que le but de ce pacte est que l'agent corrompu accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction. Plus précisément, la finalité de la corruption est que l'agent accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, mais également un acte facilité par sa fonction, tout en ayant agi en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Sur le fait que l'agent accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction. Le législateur a incriminé de façon équivalente l'acte ou l'omission de l'agent corrompu. Ainsi, que ce dernier fasse un acte positif, ou s'abstienne d'agir, est réprimé de la même façon, et cet acte tombe sous la qualification de corruption privée passive. La Cour de cassation58(*) allant même jusqu'à décider qu'il importait peu que le corrompu n'ait pas accompli lui-même l'acte de son activité dès lors qu'il entre dans ses attributions d'en proposer ou d'en préparer la réalisation. De plus, à défaut de distinction il apparaît clairement que l'acte qu'accomplit ou s'abstient d'accomplir l'agent corrompu peut être aussi bien un acte délictueux qu'un acte non délictueux. A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas d'un footballeur condamné pour corruption pour avoir « lever le pied » et « facilité le gain d'un match 59(*)». Celui d'un employé de banque, pour avoir accordé un découvert, un crédit ou un prêt60(*). Ou encore, celui d'un salarié cadre ayant pour fonction la gestion de syndicats de copropriété, de s'abstenir d'organiser la concurrence entre les sociétés en faussant les règles de la concurrence61(*).

Concernant ensuite l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte facilité par la fonction de l'agent. Lorsque dans un tel cas, l'acte est facilité par la fonction du corrompu, on parle alors de para corruption. Ces actes de corruption ne différant guère des actes de corruption, il peut tout aussi bien s'agir d'actes de nature positive ou négative, mais également d'actes délictueux ou non délictueux.

Le législateur a exigé également de la personne corrompu, qu'il agisse en violation des obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Les articles 445-1 et 2 érigent à cet effet la nécessité que l'agent privé ait agi en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Cette exigence de violation d'une obligation par le corrompu était déjà admise par la jurisprudence, qui affirmait que le délit de corruption peut se voir constitué non seulement lorsque les actes en questions se rapportent à la fonction de l'agent, mais aussi lorsque les actes se rapportent à son devoir professionnel, devoir qui lui impose ou lui commande de s'abstenir. Mais ce n'est réellement que sous l'impulsion du législateur communautaire, par le biais de la décision cadre du 22 juillet 2003 du Conseil de l'Union Européenne, que cette exigence est entrée dans notre droit positif. En conformité avec le droit Européen, la législation française en est désormais d'autant plus complète en ce qui concerne cette incrimination de corruption privée.

Une fois l'étude des éléments constitutifs achevée, il est logique que nous nous tournions vers les modalités de la répression en matière de corruption privée. Concernant ces modalités, nous pourrons nous apercevoir qu'une fois encore, la loi du 4 juillet 2005 élargit le champ d'application du délit, tout en facilitant la répression pénale à l'égard de l'auteur de l'acte.

* 54 Circulaire de présentation des nouvelles infractions de corruption active et passive dans le secteur privé issues de la loi n° 2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. CRIM 2006 04 G3/14-02-2006. NOR : JUSDO63017C.

* 55 Michel Veron : « Droit pénal des affaires », éd. Armand Colin, Compact, 6ème édition, p. 66.

* 56 Toutefois, des controverses concernant la suppression de la preuve de l'antériorité du pacte corrupteur émanèrent de la part des parlementaires lors du vote de la loi. Certains déclaraient en effet l'ineffectivité de cette suppression, proclamant que nonobstant celle-ci, l'ordre des éléments constitutifs du délit de corruption demeurait le même. La sollicitation après l'accomplissement de l'acte ne saurait être considérée être faite pour accomplir un acte qui l'est déjà.

* 57 Jacques Gazeaux : « La pratique judiciaire française en matière de lutte contre la corruption ». Article remis par le juge Jacques Gazeaux aux étudiants du Master II « Prévention et répression de la délinquance économique et financière et de la criminalité organisée » lors de son cours intitulé « Répression des délits financiers », du 29 novembre 2006 au Centre d'études des techniques d'ingénierie et financière (CETFI).

* 58 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 29 juin 2005. Jurisdata n° 2005-029608, Bulletin criminel 2005, n° 200.

* 59 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 avril 1997. Jurisdata n° 1997-000569, Bulletin criminel 1997, n° 45.

* 60 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 2001. N° 00-80.524.

* 61 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 juin 1999. N° 98-85-258.

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