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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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B : Etat des lieux des entreprises françaises

Afin de savoir si la lutte contre la corruption au sein de l'entreprise requiert une véritable légitimité, il apparaît nécessaire de se demander si ce phénomène existe effectivement dans les entités. Pour quantifier le niveau de risque de corruption au sein de telle ou telle entité, des études ont été menées par des organismes, nous éclairant ainsi sur la mesure de ce phénomène. Tel est le cas de l'étude réalisée par le département « Fraud Investigations and Dispute Services » (FIDS) d'Ernst & Young17(*). Contrairement aux autres études qui se basent sur des données communiquées par les cadres dirigeants, celle-ci s'appuie essentiellement sur la perception des salariés vis-à-vis de la fraude, les pots de vin et la corruption. Outre cette originalité, l'évaluation a pour mérite de comparer les résultats de la France au reste de l'Europe, nous donnant ainsi une vision élargie du phénomène. A titre d'exemple, à la question « En 2006 s'est il produit un cas de fraude, de corruption ou de pots de vin dans ma société ? » un quart des salariés interrogés confirment l'existence de suspicion de fraude dans leur société. Cette moyenne est légèrement plus élevée que la moyenne Européenne. Les salariés français estiment donc que leur entreprise est particulièrement exposée au risque de corruption. Cette vision des salariés doit être pris au sérieux, car ces salariés, qui représentent la matière première de l'entreprise en terme de production, sont peut être les plus aptes à déceler les différentes fraudes se produisant dans leur structure.

Une autre étude méritant notre attention est celle effectuée par EthiFrance et Transparence International France18(*). Ethifrance est une société anonyme qui a acquis le statut d'agence indépendante d'analyses financières spécialisée dans l'évaluation de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour les investisseurs. Cette société s'est associée à la section française de Transparency International, dans le but de réaliser un bilan sur les politiques et procédures anticorruption de grandes entreprises françaises. Cette étude se base sur l'exploitation d'un questionnaire adressé aux entreprises de l'indice SBF 12019(*). Nous noterons cependant la faible implication de la plupart des sociétés dans cette initiative, une vingtaine d'entres elles seulement ayant renvoyé une réponse. Ces vingt réponses ont donc fait l'objet d'une synthèse qui peut être résumée comme suit :

· « 50 % des entreprises qui ont répondu ont eu à gérer des problèmes de corruption ;

· 58 % des entreprises du panel citent la fonction achat comme étant la plus particulièrement exposée ;

· 37,5 % des entreprises indiquent avoir fait l'objet de tentatives d'extorsions dans certains pays - 29 % en Asie, 21 % en Afrique, 17 % en Amérique du Sud et Europe de l'Est ;

· 58 % des entreprises du panel indiquent avoir mis en place un dispositif d'alerte ;

· 58 % du panel disent ne pas être concernées par les centres off-shore ;

· 50 % des entreprises du panel considèrent que la corruption est un risque susceptible d'avoir des conséquences financières significatives ».

De par cette synthèse, on constate que les entreprises sont confrontées à ce risque de corruption, active ou passive, dans l'exercice de leur activité commerciale. Pour se prémunir de ce risque omniprésent, ces firmes ont dans « 92 % » des cas, formalisé une politique anti-corruption. Autre preuve de bonne volonté des entreprises, 92 % d'entres elles sont signataires du Pacte Mondial des Nations Unies. Point négatif en revanche, seulement 29 % envisageaient de publier en 2006, une bonne pratique illustrant son 10ème principe.

D'autre part, une évaluation qui dépasse le seul secteur de la corruption a été effectuée par la société PricewaterhouseCoopers20(*). Cette étude conclut à une augmentation de la fraude dans le monde. Plus précisément, il ressort de cette enquête que près d'une entreprise française interrogée sur deux21(*) déclare avoir subi des actes de criminalité au cours des deux dernières années, étant précisé que le terme fraude englobe des infractions non habituellement recensées sous la rubrique « corruption ». Au rang des fraudes les plus fréquentes réside le détournement, la contrefaçon, l'usage de faux et l'escroquerie...la corruption n'arrive, elle, qu'en 4ème position en comptabilisant 17 % de taux de fréquence. Cette moyenne reste toutefois supérieure à la moyenne européenne qui se situe aux alentours de 14 %. En outre, le rapport souligne qu'aucun secteur n'est épargné par ces différentes fraudes, mais que celles-ci sont plus répandues dans les grandes entreprises, du fait du sentiment d'anonymat engendré par le nombre élevé d'employés. De plus, l'enquête soulève un point relativement inquiétant, à savoir le fait que le risque de fraude semble sous-estimé par les sociétés. En effet, 58 % des entreprises françaises interrogées pensent qu'elles ne vont probablement pas subir de fraude dans les cinq années à venir, alors que seulement 20 % estiment que le risque de survenance est probable. Cet argumentaire qui consiste à affirmer que son entreprise n'est pas exposée au risque de corruption nous amène à nous interroger sur la réelle volonté de ces sociétés à lutter contre ce phénomène. En effet, pourquoi une entreprise lutterait contre la corruption, alors même qu'elle ne s'estime pas exposée à ce risque ? Pourtant, soutenir une argumentation de la sorte c'est se mettre en marge de la réalité, car cela revient à nier les risques quotidiens auxquels est soumis l'entreprise. La grande question alors est de savoir pourquoi une société peut tenir de tel propos, s'estimant « hors d'atteinte », alors qu'il en va tout autrement.

Enfin, nous évoquerons l'étude réalisée par les cabinets Control Risks et Simons & Simons22(*). D'après cette enquête, il apparaît que « 43 % des sociétés interrogées affirment avoir été victimes de corruption. Plus de trois quarts affirment avoir perdu des contrats en raison de la corruption au cours des cinq dernières années et un tiers des personnes interrogées estiment que la situation va s'empirer23(*) ». Ces résultats s'appuient sur une consultation réalisée auprès de 350 sociétés issues de sept pays - Allemagne, Brésil, Etats-Unis, France, Chine, Pays-Bas, Royaume-Uni. L'enquête ajoute que 10 % des entreprises interrogées témoignent que le montant des pots de vin peut représenter jusqu'à la moitié de la valeur du contrat. Plus inquiétant pour le développement des pays pauvres, plus de 35 % des entreprises interrogées disent avoir été découragées d'investir dans des pays pâtissant d'une mauvaise réputation. Autre élément alarmant, seul 24 % des entreprises françaises forment leurs cadres à la prévention de la corruption. En outre, l'enquête précise qu'une entreprise française sur trois a perdu un marché au cours des douze derniers mois en raison du refus de versements d'une commission illicite. Cette dernière donnée démontre bien une des conséquences négatives de la corruption, à savoir une perte économique, en l'espèce du fait de la non attribution d'un marché en raison du refus de rentrer dans le cercle vicieux des pratiques corruptrices.

A la vue de tous ces éléments, force est de constater que le risque de corruption est véritablement présent au sein des entreprises françaises. En effet, pratiquement toutes les études citées font ressortir le fait que la plupart des sociétés - environ 50 % - ont été confrontées directement au phénomène de corruption. Les salariés, qui tiennent une place de premier rang pour constater les fraudes, déclarent également pour un quart d'entre eux des suspicions de fraude dans leur entité. Il faut regretter cependant la réticence de certains grands groupes à répondre à ce genre d'initiative privée qui tendent à mesurer l'ampleur de la corruption. Pour preuve, seul 20 entreprises sur 120 ont répondu au questionnaire envoyé par EthiFrance et Transparency International France. Cette faible participation peut faire penser que les entreprises non communicantes, usent de méthodes à la limite de l'illégalité, et qu'il convient par conséquent de les taire. Ce n'est toutefois que supposition, et l'inexistence de données concernant ces firmes silencieuses ne doit pas être interprétée comme une présomption de culpabilité à leur encontre. Hormis cela, ces différentes études démontrent que le risque de corruption existe bien aussi bien dans les entreprises étrangères que Françaises. Même sous estimé par les principaux acteurs, ce phénomène reste une menace constante pour les firmes. Chaque société peut être confrontée à ce danger, ce qui à terme peut s'avérer véritablement néfaste pour les ressources de l'entité. De cette omniprésence de la corruption dans l'environnement des entreprises doit émaner une conscience collective, une réelle volonté de lutte contre ce phénomène. Et cette volonté devient d'autant plus grande, lorsqu'on s'aperçoit des conséquences extrêmement préjudiciables que cette corruption engendre, non seulement sur l'entreprise, mais aussi sur les sociétés et les hommes.

* 17 Enquête FIDS Ernest &Young : « Dénoncer les abus liés à la fraude, aux pots de vin et à la corruption. Multinationales : perceptions pour la France », 2007.

* 18 Ethifinance et Transparency International France : « Etude sur la prévention de la corruption dans les grandes entreprises françaises », juin 2006.

* 19 Lancé le 8 décembre 1993, l'indice SBF 120 est composé de 40 valeurs de l'indice CAC 40 auxquelles s'ajoutent 80 valeurs du premier marché.

* 20 PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

* 21 Selon le rapport, près de 47 % des entreprises françaises ont été victimes d'actes de criminalité économique au cours des deux dernières années contre 43 % il y a deux ans.

* 22 Control Risks est une société de conseil spécialisée dans la prévention de la corruption. Simons & Simons est un cabinet d'avocats international.

* 23 Lettre d'information trimestrielle de Transparence-international (France), n° 31, décembre 2006, p. 8. Disponible sur le site www.transparence-france.org

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld