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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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CHAPITRE TROISIEME

LA CLASSIFICATION DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

ET LA DISTICTION AVEC LES RESERVES

Bien qu'il soit assez difficile de les distinguer des réserves qui sont également des techniques conventionnelles de modulation de l'application des traités, nous allons tout d'abord procéder à une analyse systémique de la typologie des déclarations interprétatives qui, devons nous le mentionner comporte plusieurs variantes. Il s'agira tour à tour des déclarations interprétatives simples, des déclarations interprétatives conditionnelles, et enfin d'examiner la question délicate de la formulation des déclarations interprétatives tardives, avant de démêler l'écheveau de leur différenciation d'avec les réserves.

I- TYPOLOGIE DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Comme susmentionné, il existe trois types de déclarations interprétatives : les déclarations interprétatives simples, les déclarations interprétatives conditionnelles et les déclarations interprétatives tardives.

A- Les déclarations interprétatives simples

1) Définition

Une déclaration interprétative est un acte unilatéral, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un sujet de droit international (Etat ou Organisation internationale), par laquelle celle-ci vise à préciser ou à clarifier le sens ou la portée que le déclarant attribue au traité ou à certaines de ses dispositions. Il est très souvent difficile de distinguer les déclarations interprétatives unilatérales tant des réserves que d'autres déclarations faites au sujet d'un traité, souvent à l'occasion d'un de

l'expression d'un consentement à être lié de leurs auteurs. Cette distinction présente pourtant une grande importance pratique car, de celle-ci, dépend le régime juridique applicable à chacune de ces déclarations. A propos du problème de la qualification juridique des déclarations interprétatives, le rapporteur spécial de la Commission de droit international sur le sujet Alain Pellet a considéré que la qualification d'une déclaration par un Etat déclarant comme déclaration interprétative n'est pas conclusive, mais peut créer une présomption, surtout lorsque l'auteur de la déclaration qualifie certaines de ses déclarations comme « réserves » et d'autres comme « déclarations interprétatives ».

2) Remarques

Pendant longtemps, les réserves et les déclarations interprétatives n'étaient clairement distinguées ni dans la pratique des Etats, ni par la doctrine. Par ailleurs, le libellé ou les désignations données à une déclaration unilatérale, constituent in fine, un indice de l'effet juridique visé. Au demeurant, la formulation d'une déclaration interprétative simple peut, sauf disposition contraire du traité sur lequel elle porte, être formulée à tout moment. De même, la formulation conjointe d'une déclaration interprétative par plusieurs Etats ou Organisations Internationales n'affecte pas le caractère unilatéral de cette déclaration interprétative. En outre la déclaration d'un Etat ou d'une Organisation internationale au moment de l'adoption, de l'authentification du texte d'un traité ou de l'expression de son consentement à être lié par un traité n'affecte en rien son caractère équivoque à partir du moment le dit sujet de droit international est présumé par cet acte apporter ultérieurement des éclaircissements au sujet de son adhésion total au texte.

B- Les déclarations interprétatives conditionnelles

1) Principes

Une déclaration unilatérale, formulée par un Etat ou une organisation internationale à la signature, à la ratification, à l'acte de confirmation formelle, à l'acceptation ou à l'approbation d'un traité ou à l'adhésion ;ou lorsqu'un Etat fait une notification de succession à un traité, par laquelle cet Etat ou cette organisation subordonne son consentement à être lié par ce traité à une interprétation spécifiée du traité ou de certaines de ses dispositions constitue une déclaration interprétative conditionnelle. Les déclarations interprétatives conditionnelles ou non, apparaissent ainsi comme des « offres » d'interprétation, régies par le principe fondamental de la bonne foi, mais qui ne présentent en elles mêmes aucun caractère authentique obligatoire. Il arrive cependant fréquemment que leurs auteurs s'efforcent de leur donner une portée supplémentaire, qui les rapprochent des réserves, sans les y assimiler. Il en va ainsi lorsqu'un Etat ou une organisation internationale ne se borne pas à avancer une interprétation, mais en fait une condition de son consentement à être lié.

2) Formulation et confirmation

Il n'est pas rare qu'en formulant une déclaration, un Etat indique expressément que l'interprétation qu'il avance constitue la condition sine qua non à laquelle il subordonne son consentement à être lié. Dans ces cas, la déclaration doit être formulée par écrit aux Etats cocontractants et aux autres organisations internationales ayant qualité pour devenir parties au traité. Une déclaration interprétative conditionnelle portant sur un traité en vigueur qui est l'acte constitutif d'une organisation internationale ou qui crée un organe délibérant doit en outre être communiquée à cette organisation ou à cet organe. Faite lors de la signature d'un traité, une déclaration interprétative ne nécessite pas de confirmation ultérieure lorsqu'un Etat ou une organisation internationale exprime son consentement à être lié

par le traité. Par ailleurs, lorsqu'une déclaration interprétative conditionnelle est formulée lors de la signature d'un traité sous réserve de ratification, d'un acte de confirmation formelle d'acceptation ou d'approbation, elle doit être confirmée formellement par l'Etat ou l'organisation internationale qui en est l'auteur au moment ou il exprime son consentement à être lié par le traité. En pareil cas, la déclaration interprétative sera réputée avoir été faite à la date à laquelle elle a été confirmée.

C- Les déclarations interprétatives tardives

1) Double typologie

Au même titre que les réserves, les déclarations interprétatives peuvent être tardives. C'est le cas notamment pour les déclarations interprétatives conditionnelles tardives qui, comme les réserves, ne peuvent être formulées ou confirmées qu'au moment du consentement définitif à être lié. Mais ça peut l'être aussi s'agissant des déclarations interprétatives simples qui en principe peuvent être formulées à tout moment19(*), soit que le traité fixe un délai pendant lequel elles peuvent être faites, soit en raison des circonstances entourant leur formulation. Lorsqu'un traité dispose qu'une déclaration interprétative ne peut être faite qu'à des moments spécifiés, un Etat ou une organisation internationale ne peut formuler une déclaration interprétative conditionnelle de ce traité à un autre moment, à moins que la formulation tardive de la déclaration interprétative ne suscite aucune objection de la part des autres parties contractantes.

2) Déclaration interprétatives conditionnelles tardives

Un Etat ou une organisation internationale ne peut formuler une déclaration interprétative conditionnelle d'un traité après l'expression de son consentement à être

lié par le traité à moins que la formulation tardive de la déclaration ne suscite aucune objection de la part des parties contractantes.

II- RAPPORTS ENTRE LES DECLARATIONS INTERPRETATIVES ET

ET LES DOMAINES VOISINS

Il est opportun de pouvoir amorcer dans une première partie, la question de la distinction de des déclarations interprétatives et des réserves, bien que cette tâche soit assez délicate à effectuer compte tenu de la kyrielle d'éléments qui rentrent en ligne de compte. Puis, dans une deuxième partie, aborder toute la question des procédés alternatifs aux déclarations interprétatives.

A- La distinction entre les déclarations interprétatives et les réserves

Comme nous l'avons souligné plus haut, l'opération, assez subtile, tient tant à l'incertitude terminologique qu'à la variété de motifs conduisant les Etats à formuler les déclarations interprétatives. Le facteur téléologique, pourrait constituer nous semble t-il le critère le plus décisif de la distinction entre les deux déclarations unilatérales.

1) De la difficulté d'opérer une distinction entre les deux concepts

Comme l'exprime si bien Frank Horn, « the question of determining the nature of a statement is one of the very fundamental problems in reservations law20(*) » (« la question de la détermination de la nature d'une déclaration est l'un des problèmes les plus fondamentaux que suscite le droit relatif aux réserves »).Sa solution est compliquée entre autres par la diversité des objectifs poursuivis par les auteurs de ces déclarations et l'incertitude de la terminologie retenue. Dans l'hypothèse d'une déclaration interprétative, il s'agit en principe dans tous les cas, d'interpréter les

dispositions d'un traité. Dans certaines hypothèses, il s'agit, pour les représentants du pouvoir exécutif, de rassurer le parlement national sur la portée réelle d'un traité par lequel l'Etat s'engage. Bien souvent, cette préoccupation tient au souci d'avancer une interprétation compatible avec les dispositions du droit interne. Ce qui constitue l'un des motifs les plus fréquents à l'origine de telles déclarations. Tel est le cas, par exemple de la déclaration suisse au sujet de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection diplomatique internationale, y compris les agents diplomatiques21(*).

La formulation d'une déclaration interprétative peut également avoir pour objet de rappeler la position prise par un Etat lors de la négociation qui a abouti à la l'adoption du traité. On ne saurait dissimuler, finalement le fait que certaines déclarations unilatérales sont présentées comme étant interprétatives dans le but de contourner l'interdiction ou la limitation des réserves prévues par le traité sur lequel elles portent, ou résultant des règles générales applicables aux réserves. Ainsi, certains commentateurs ont noté que certaines déclarations interprétatives dont les Etats dotés d'armes nucléaires avaient assortis leurs ratifications du traité de Tlatelolco et ses protocoles relatifs à la dénucléarisation de l'Amérique latine dont l'article 27 interdit les réserves mais pas les déclarations interprétatives, constituaient en réalité de véritables réserves22(*). De même, la nature interprétative de certaines déclarations faites par les Etats au sujet de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer dont les articles 309 et 310 interdisent les réserves mais autorisent expressément les déclarations à condition qu'elles ne visent pas à exclure ou à modifier l'effet juridique des dispositions de la convention a été contesté par d'autres parties23(*) même lorsqu'une réserve est possible, il est certain que les Etats préfèrent souvent recourir à des déclarations dites « interprétatives » supposées rendre leurs réticences moins apparentes.

2) Aux obstacles tenant à l'incertitude de la terminologie

L'un des éléments les plus importants de la définition des réserves tient à son indifférence à la terminologie utilisée par les Etats ou les organisations internationales lorsqu'ils les formulent, ce que les conventions de Vienne de 1969 et 1986 mettent en évidence en définissant la réserve comme une déclaration unilatérale quel que soit son libellé ou sa désignation. Cette précision oblige absolument à s'intéresser au contenu des déclarations et à l'effet qu'elles visent à produire. Malheureusement, ces dispositions permettent aux Etats de jouer avec les libellés dans l'espoir de d'abuser leurs partenaires sur la nature réelle de leurs intentions. Baptisant « déclarations » des instruments qui constituent à l'évidence d'indiscutables réserves, ils espèrent endormir la vigilance des autres parties tout en atteignant les mêmes objectifs. Ou à l'inverse, pour donner plus de poids à des déclarations qui sont clairement dépourvus d'effet juridique sur les dispositions du traité, ils les appellent réserves, alors même qu'elles n'en sont pas au sens de la convention de Vienne.

D'autre part, alors qu'en français on ne rencontre guère d'autres appellations que « réserves » et « déclarations »24(*), la terminologie anglaise est beaucoup plus diversifiée puisque certains Etats anglophones en particulier les Etats Unis utilisent non seulement « reservation » et « interpretative declaration » mais aussi « statement », « understanding », « provisio », « interpretation », « explanation», etc. Du reste, les mêmes mots peuvent, de l'avis même de l'Etat qui les a employés recouvrir des réalités juridiques diverses. Ainsi le Cambodge avait, en acceptant les statuts de l'O.M.C.I, utilisé le mot « déclare » à deux reprises pour expliquer la portée de son acceptation. Face à la demande de clarification de la part du Royaume-Uni, il a précisé que la première partie de sa déclaration était une « déclaration politique » alors que la seconde constituait une réserve25(*). Comble de confusion, il arrive même

que certains Etats fassent des déclarations interprétatives en se référant expressément aux dispositions d'une convention relative aux réserves. Il en va ainsi d'une déclaration de Malte au sujet de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui fait référence à l'article 64 de cet instrument26(*).

De ce qui précède, nous estimons que la distinction fondamentale entre les déclarations interprétatives et les réserves tient à ceci que la réserve affecte la norme conventionnelle dans son application à l'Etat réservataire, alors que la déclaration interprétative opère dans la formulation. En définitive, les deux concepts opèrent plutôt du point de vue de leur objet.

En tout état de cause, toutes les déclarations interprétatives visent à interpréter les dispositions d'un traité. Cependant, si l'Etat ou l'organisation internationale qui les formule peut, dans certain cas, se borner à proposer une interprétation, dans d'autres, il entends l'imposer à ses cocontractants ou en tout cas, il en fait la condition de son engagement, ce qui conduit à distinguer deux catégories bien différentes de déclarations interprétatives. En d'autres termes si toutes les déclarations interprétatives visent à préciser le sens et le but des dispositions du traité auquel elles se rapportent, certaines ont en outre une fonction supplémentaire en ce sens qu'elles conditionnent l'acceptation du traité par l'Etat ou l'organisation internationale qui les formulent.

De ce qui précède, l'élément téléologique est le critère essentiel de distinction nous semble t-il entre les déclarations interprétatives et les réserves.

B- Les procédés d'interprétation des traités autres que les déclarations interprétatives

Pas plus que les réserves ne constituent pas le seul moyen à la disposition des parties contractantes pour moduler l'application des dispositions d'un traité, les déclarations interprétatives ne sont pas les seuls procédés par lesquels les Etats ou les organisations internationales peuvent en préciser ou en clarifier le sens ou la portée.

Si l'on laisse de côté les mécanismes d'interprétation par des tiers parfois prévus par le traité27(*) la diversité de ces procédés alternatifs est cependant moins grande en matière d'interprétation.

1) Les dispositions conventionnelles

Tout d'abord, il arrive très fréquemment que le traité précise l'interprétation qu'il convient de donner à ses propres dispositions. Tel est souvent l'objet des clauses contenant la définition des termes employés dans le traité28(*). En outre, il est très fréquent qu'un traité donne des indications sur la manière dont il convient d'interpréter les obligations incombant aux parties ; soit dans le corps du traité, soit dans un instrument distinct. En second lieu, les parties ou certaines d'entre elles, peuvent conclurent un accord aux fins d'interpréter un traité ou des clauses d'un traité précédemment conclu entre elles. Cette hypothèse est expressément envisagé par les articles 31, paragraphe 3 des conventions de Vienne de 1969 et de 1986 qui imposent à l'interprète de tenir du texte en même temps que du contexte de tout ultérieur survenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions. Ainsi, il peut arriver que l'interprétation d'un traité multilatéral soit « bilatéralisée ». Tel est le cas lorsqu'une convention multilatérale renvoie à des accords la fonction de préciser le sens ou la portée de certaines de ses dispositions. A cet effet, la convention de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale prévoit que les Etats ont la faculté de conclure des accords complémentaires aux fins de préciser les sens des termes « en matière civile ou commerciale », de déterminer les tribunaux aux décisions desquels la convention s'applique, de déterminer les sens des mots « sécurité sociale » et définir les mots « résidence habituelle ».

Par ailleurs, de préciser le sens du mot « droit » dans les Etats qui ont plusieurs systèmes juridiques.

* 19 Voir 5ème rapport de la Commission de droit international par le rapporteur spécial Alain Pellet. A/CN.4/508/Add4.

* 20 Horn, Frank, Reservations and Interpretative Declarations to Multilateral treaties, Amsterdam, 1988, p. 336.

* 21 Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général. Etat au 16 Décembre 1996, chap. XVIII.7, p. 765.

* 22 Pascal, Boniface, Les sources du droit du désarmement, Paris, Economica, 1989, pp.76 à 81.

* 23 Voir notamment les nombreuses objections faites à la déclaration des philippines in Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général. Etat au 31 Décembre 1996, chap.XXI. 6, pp. 873 à 876.

* 24 Ceci semble vrai pour l'ensemble de langues latines : en espagnol, on oppose « reserva » à « declaración  interpretativa», en italien « riserva » à « dichiarazione  interpretativa », en portugais, « reserva » à « declaração  interpretativa», et en roumain, « rezerva » à « declaratie interpretativa ».

* 25Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général, Etat au 31 Décembre 1995, chap. XII. 1, pp. 646 et 647.

* 26 Exemple cité par William, Schabas, commentaire de l'article 64 in Louis Edmond Petiti, Emmanuel Decaux et Pierre-Henri Imbert (Dirs), La convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, Paris, Economica, 1995, p. 926.

* 27 Denys, Simon, L'interprétation judiciaire des traités d'organisations internationales, Paris, Pedone, 1981.

* 28 Parmi de très nombreux exemples, l'article 2 des conventions de Vienne de 1969 et 1986, ainsi que l'article XXX des statuts du Fonds monétaire international.

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