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Les droits du patient au Maroc: quelle protection?

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par Kawtar BENCHEKROUN
Faculté des sciences juridiques,économiques et sociales de Salé, université Mohammed V - Master en droit médical et de la santé 2009
  

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Paragraphe3 :  le lien de causalité.

Pour déterminer quand une faute peut être considérée comme la cause du dommage, il est fait appel à la théorie de l'équivalence des conditions. En vertu de cette théorie, chaque faute sans laquelle le dommage ne se serait pas produit doit être considérée comme la cause du dommage.

L'application des règles rigides de cette théorie a pour conséquence que le dommage ne doit pas être la conséquence directe de la faute. La cause indirecte du dommage est suffisante pour engager la responsabilité. Un exemple pourra mieux clarifier cette règle, c'est celui du médecin qui abandonne une aiguille opératoire dans le corps du patient. A cause de cette négligence, il se trouve contraint à effectuer une deuxième opération pour ôter l'instrument. Pendant cette intervention un risque opératoire se développe et le patient en meurt. Le décès du patient a un lien de causalité avec la faute initiale du médecin, parce que le risque opératoire et donc le dommage ne se seraient pas produits sans sa négligence.146(*) A cet égard, il convient de voir à qui incombe la charge de la preuve du lien de causalité, ainsi que les différents cas d'exonération ou de partage de la responsabilité médicale.

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Sous- paragraphe1 : La preuve du lien de causalité.

La charge de la preuve qui repose sur le patient est décrite en général comme assez lourde. Différents patients ont subi des dommages suite à une faute médicale mais ne peuvent pas exercer leur droit à une indemnisation dans la pratique. Le droit de la responsabilité fait donc défaut dans une de ses fonctions les plus importantes, c'est-à-dire l'indemnisation des victimes qui y ont droit.

Toutefois, pour dégager sa responsabilité, le médecin peut être amené lui même à prouver son innocence ; d'ailleurs, c'est ce qui a été retenu par la jurisprudence marocaine dans l'affaire suivante : un patient, admis dans un hôpital pour subir une opération chirurgicale sur son oeil droit, s' est réveillé après en découvrant qu' il a totalement perdu la vue de cet organe. Saisi de cette affaire et après expertise, le tribunal de première instance de Marrakech a donné gain de cause au patient, jugeant en sa faveur d'une indemnité pour le dommage qu il a subi. Après recours du médecin auprès de la cour d'appel, celle-ci avait affirmé que :« ...le médecin qui évoque son irresponsabilité sous prétexte que le dommage est dû a des causes étrangères à son acte, n' a pas prouvé qu'il avait pris toutes les précautions et mesures nécessaires pour dégager sa responsabilité conformément à l 'article 78 du D.O.C ...».147(*)

En France, et dans un but de protection du patient et en même temps de sévérité accrue de la responsabilité du médecin, le juge se basera souvent sur des présomptions de fait, et en particulier sur le critère du cours normal des choses. Lorsqu'une certaine faute conduit à un certain dommage sur la base de règles d'expérience ou selon le cours normal des choses, le juge peut conclure que, lorsque cette faute et le dommage se produisent, le lien de causalité existe entre ces deux facteurs. La valeur probatoire des présomptions de fait est appréciée souverainement par le juge de fait. Tel est le cas du sang périmé administré à un patient qui peu après développe des complications infectieuses. Ici, le juge doit considérer le lien de causalité entre les deux événements comme suffisamment certain, étant donné qu'une transfusion de sang périmée apporte des réactions de ce type selon le cours normal des choses. Donc la thèse selon laquelle la cause des dommages est inconnue est réfutée.

Toutefois, l'utilisation de présomptions de fait ne signifie nullement qu'un lien de causalité "probable" ou "possible" suffise pour fonder une responsabilité. Il arrive fréquemment que le dommage se serait produit de toute façon comme conséquence normale de la maladie ou de l'accident. C'est le cas du cancer, surtout lorsqu'un médecin échoue dans l'établissement du diagnostic de cette maladie chez le patient à cause d'une faute de diagnostic ou parce que les examens nécessaires n'ont pas été effectués, où laisse libre cours au cancer à cause d'un traitement erroné. Dans ce cas, le cancer se trouve déjà dans un stade terminal, la faute du médecin n'engagera évidemment pas sa responsabilité. Vu que le patient serait décédé. En tous cas la faute médicale n'a pas exercée d'influence sur le processus de la maladie par hypothèse. En d'autres termes, une intervention correcte du médecin n'aurait rien changé.148(*)

Sous -paragraphe 2 : Les cas d'exonération ou de partage de la responsabilité médicale (La Cause Etrangère).

En règle générale, le médecin est seulement débiteur d'une obligation de moyens. Cela signifie, que le patient doit prouver la faute du médecin, le dommage encouru et le lien de causalité entre les deux.

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Si une obligation de résultat repose sur le médecin et lorsque le résultat promis n'a pas été atteint, la preuve d'une "cause étrangère" constitue alors la seule possibilité pour le médecin d'échapper à sa responsabilité.

Traditionnellement, on accepte trois formes de "cause étrangère": la faute d'un tiers, la faute du patient et la force majeure.

1-la faute d'autrui.

Le médecin peut tenter de détourner sa responsabilité en invoquant la faute d'un tiers. La notion de "tiers" vise ici deux hypothèses :

D'une part, les préposés du médecin(infirmiers,sage femme...), dans ce cadre, la cour suprême de Rabat a posé une règle générale :« ...le médecin , ne peut être tenu pour les faits des infirmiers de l'hôpital chargé des soins post-opératoires que dans la seule mesure où il existe entre lui et eux un lien de subordination. Ce lien existe si le chirurgien peut donner des ordres et des instructions à l'infirmier sur la manière de remplir ses fonctions mais non s'il se borne à prescrire des soins d'usage courant dont l'application se fait normalement hors de sa présence et de sa surveillance».149(*)

D'autre part, un tiers qui est complètement étranger aux soins médicaux du patient, l'exemple typique est la situation dans laquelle la victime d'un accident de la circulation, dû à la faute d'un conducteur imprudent, est admis à l'hôpital et y est opéré. L'intervention se termine mal et le patient décède. Lorsqu'on ne peut reprocher aucune faute au médecin, les choses sont relativement simples. Les ayants droit de la victime doivent intenter leur action contre le conducteur automobile fautif et non contre le médecin. Le lien de causalité entre la faute de conduite et le décès est établi, vu que le sinistre ne se serait pas produit sans cette faute, comme il s'est produit in concreto. De plus, l'intervention d'un fait non fautif d'un tiers ne peut pas rompre le lien de causalité entre la faute (de conduite) et le dommage (le décès)150(*).

2- La faute propre du patient

Le médecin pourra invoquer dans certains cas la faute propre du patient comme défense. Le comportement du patient est également soumis à la norme de diligence générale. Le médecin, doit alors démontrer que le patient n'a pas agi comme aurait agi un patient normalement diligent, placé dans les mêmes circonstances. Si cette faute est la cause unique du dommage et le médecin prouve en réalité que la faute propre du patient présentait les caractéristiques de la cause étrangère pour lui, le patient doit supporter le dommage lui-même.

Parfois, le médecin contribue aussi au dommage. Il y a alors concours de la faute du médecin et de la faute du patient préjudicié. Ce concours conduit, désormais, à un partage de la responsabilité. Dés lors, le médecin doit répondre de l'intégralité du dommage et après avoir indemnisé le patient, il pourra intenter une action récursoire contre ce dernier.

Parmi les fautes du patient on peut citer : l'information incomplète ou erronée donnée au médecin, les fautes propres pendant le traitement, et enfin la faute propre de patients mineurs et handicapés psychiques.151(*)

a-. L'information incomplète ou erronée de la part du patient.

L'information incomplète ou même contradictoire du patient ne constitue pas de faute en soi. Pour déterminer si un patient a commis une faute, il faut vérifier si un patient normalement diligent, placé dans les mêmes circonstances que la personne concernée, savait ou devait savoir que l'information était significative et devait être communiquée.

Le médecin, de son côté, doit agir ici avec la prudence nécessaire. En sa qualité d'expert, il devra, dans certaines circonstances, compléter l'information du patient avec des questions spécifiques ou des examens de diagnostic plus approfondis. 152(*)

Au Maroc, le problème se pose en de termes très particuliers. Le D.O.C dans l' article 82 énonce : « celui qui de bonne foi, et sans qu' il y ait faute lourde ou imprudence grave de sa part, donne des renseignements dont il ignore la fausseté n'est tenu d 'aucune responsabilité envers la personne qui est objet de ces renseignements :

1- lorsqu' il y avait pour lui ou pour celui qui a reçu les renseignements un intérêt légitime à les obtenir ;

2- lorsqu' il est tenu par suite de ces rapports d'affaires ou d'une obligation légale de communiquer les informations qui étaient en sa connaissance."

Toutefois, le médecin doit traiter avec prudence les réponses du patient. Car, il est possible qu'un patient se trouve dans une situation d'angoisse ou de stress avant une opération et soit tellement perturbé qu'il ne peut plus répondre (correctement) à certaines questions. Il n'est pas inimaginable qu'un patient ne comprenne pas la portée exacte des questions plutôt techniques ou formulées vaguement. Dans ces circonstances, c'est plutôt le médecin qui commet une faute, en raison d'un défaut d'habiliter quant au questionnement.

b- La faute propre pendant le traitement

Un patient commet une faute par imprudence lorsqu'il veut descendre à l'improviste de la table d'examen, sans demander l'aide du médecin ou d'un infirmier. La faute propre du patient se manifeste aussi clairement lorsqu'il se laisse soigner par un médecin ivre. Car un patient normalement prudent refuserait d'être soigné par un médecin ivre, du moins en l'absence d'un état de nécessité. Si le patient sait ou doit savoir que son médecin est ivre, il commet une faute en se laissant soigner par lui. Un partage de la responsabilité en est la conséquence.

c- La faute propre des patients mineurs et handicapés psychiques.

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Les handicapés psychiques ne peuvent en général pas être rendus responsables de leurs actes. S'il apparaît, au moment des faits, qu'il y a un défaut d'imputabilité, le comportement du patient qui a contribué à son dommage ne pourra pas lui être opposé en tant que faute.

Cependant, lorsque le malade mental occasionne un dommage à un tiers alors qu' il est placé par contrat sous la surveillance ou l' entretien d' un établissement psychiatrique privé, la responsabilité de ce dernier est fondée sur une obligation contractuelle. Par conséquent, la victime du dommage, étant étrangère au contrat liant le malade mental et le tiers gardien, n'a qu'une action de nature délictuelle contre celui-ci pour faire valoir ces droits.153(*)Dans ce sens l'article 85 du D.O.C dispose :" on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre...

Le père, la mère, les autres parents, ou conjoints répondent des dommages causés par les insensés, et autre infirmes d'esprit, mêmes majeurs s'ils ne prouvent :

-qu'ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire ;

-ou que l'accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime...

La même règle s'applique à ceux qui se chargent, par contrat, de l'entretien ou de la surveillance de ces personnes. '"

Quant au mineur, et dans le cadre de la responsabilité extra-contractuelle, il convient de faire une distinction entre les enfants sans discernement et les enfants ayant une capacité de discernement ou de jugement compte tenu de différents facteurs, comme l'âge de l'enfant, le développement physique et mental, le milieu et l'éducation, la nature du comportement dommageable... Pour les très jeunes enfants, on accepte généralement qu'ils ne doivent pas répondre de leur comportements dommageables. Selon l'article 85 du D.O.C, le père et la mère après le décès de son mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

3 : la force majeure

Un événement ne constitue une force majeure que lorsqu'il rend impossible l'exécution de l'obligation. Cette "impossibilité" ou cet "événement insurmontable" doit être interprétée raisonnablement, dans le sens d'une impossibilité normale, humaine154(*). En deuxième lieu, le débiteur qui invoque cette "force majeure" doit prouver que l'inexécution de l'obligation n'est due à aucune faute. En d'autres termes, la personne assignée en responsabilité doit démontrer qu'il s'est comporté comme on peut l'attendre d'une personne normalement raisonnable placée dans les mêmes circonstances. D'après l'article 95 du D.O.C " il n'y a lieu a responsabilité civile ...lorsque le dommage a été produit par une cause purement fortuite ou de force majeure, qui n'a été ni précédée, ni accompagnée, d'un fait imputable au défendeur."

Ainsi, on peut citer comme cas de force majeur, les risques médicaux imprévisibles qui se produisent pendant une intervention opératoire, à des réactions d'hypersensibilité du patient à certains produits, par exemple, une allergie rare à un médicament ou encore lorsque certaines anomalies corporelles, rares et non découvrables après un examen, donnent lieu à un sinistre après un traitement diligent. Il est également important dans ce cas d'examiner si le médecin n'avait pas pu éviter les risques par exemple en appliquant une autre thérapie. Si cela est le cas, l'acte ou l'événement qualifié de situation de force majeure est imputable au médecin. 155(*)

Sous--Section3 : la responsabilité pénale médicale.

La médecine ne saurait être exercée efficacement sans porter à chaque instant une atteinte volontaire ou involontaire à l'intégrité corporelle des patients. En pratique, dans le domaine médical, les actions de cette nature restent peu nombreuses. En établissement de santé publique, la mise en oeuvre de la responsabilité pénale peut concerner toute personne qui y exerce une fonction, quelle que soit celle-ci. Le cas du médecin est le fréquemment cité.

Pour engager la responsabilité pénale du médecin, il faut l'existence d'une faute médicale. Celle-ci n'a pas été définie par le législateur marocain qui s'est contenté d'énumérer les articles 432 et 433 du code pénal, ayant désormais, une portée générale puisqu'ils sanctionnent toutes les défaillances humaines qui causent des conséquences préjudiciables aux personnes156(*).

A cet égard, quelles sont les infractions pénales qui peuvent être commises par le médecin ?

* 146 YVES-HENRI LELEU ET GILLES GENICOT « le droit médical, aspect juridique de la relation médecin-patient », édition de boek&larcier 2001, Bruxelles, p : 131

* 147 - Arrêt de la cour d appel de Marrakech du 4/11/2003, dossier civil n°01/4/1501 , qui a fait l objet d un pourvoi en cassation devant la cour suprême, arrêt n°91 du 12/1/2005.

* 148 -Thierry vansweevelt « la responsabilité civile du médecin et de l'hôpital » édition Bruylant, 1996, Bruxelles, p : 102

* 149 -voir arrêt de la cour suprême n°100 du 12 février 1963. ; voir également la décision dut TPI de fés n°1712 rendu le 02/04/d2004 dossier n°02/2123

* 150 -Catherine poley Vincent, op cit, p : 29

* 151 - Thierry vansweevelt , op cit, p: 590-591 

* 152 -Idem, p : 590

* 153 -EL HILA ABDELAZIZ :"le problème de l'irresponsabilité civile du malade mentale", mémoire pour l'obtention du diplôme d'étude supérieur en science juridique, 1985/1986 ; p : 216

* 154 -voir article 269 du D.O.C

* 155 -selon l'article 94 du D.O.C : " il n'y a pas lieu à responsabilité civile, lorsqu'une personne, sans intention de nuire , a fait ce qu'elle avait le droit de faire...cependant , lorsque l'exercice de ce droit est de nature à causer un dommage notable à autrui et que ce dommage peut être évité ou supprimé, sans inconvénient grave pour l' ayant droit, il y a lieu à responsabilité civile, si on n' a pas fait ce qu il fallait pour le prévenir ou pour le faire cesser."

* 156 - l'article 218 du Code d'Hammourabi dispose : « Si un médecin opère un homme pour une blessure grave avec une lancette de bronze et cause la mort de l'homme, ou s'il ouvre un abcès à l'oeil d'un homme avec une lancette de bronze et détruit l'oeil de l'homme, il aura les doigts coupés ».

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite