MASTER RECHERCHE MENTION DROIT ECONOMIQUE INSTITUT
DE DROIT DES AFFAIRES
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE
POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE
Le déséquilibre significatif dans les
relations commerciales codifié à l'article L442-6,I, 2°
du Code de commerce
Présenté et soutenu par Cédric
Dubucq le 22 Juin 2011
SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR FREDERIC BUY MAITRE DE
CONFERENCES A LA FACULTE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE III
Je souhaiterais, au seuil de ce mémoire, remercier
chaleureusement ma famille, qui a eu la patience et la tendresse de
m'accompagner durant ces moments studieux ...
Je souhaiterais également remercier mon directeur de
mémoire pour sa disponibilité et ses
lumières...
Sommaire
Première partie: Le mode d'emploi du
déséquilibre significatif des pratiques restrictives de
concurrence
Titre 1 La délimitation du
périmètre du déséquilibre significatif
Chapitre 1 Propos introductifs concernant
l'insaisissabilité du champ d'application lié aux incertitudes de
l'influence consumériste
Chapitre 2 L'absence de négociation comme
condition préalable
Chapitre 3 Vers une assimilation du partenaire commercial
à la relation commerciale
Titre 2 Une protection paradoxalement supérieure
au droit consumériste Chapitre 1 Une appréciation contractuelle
globale privilégiée Chapitre 2 Une application clause par clause
possible
Chapitre 3 Des dispositions assistant les juridictions et
encourageant la promotion du texte
Seconde partie: Les solutions prospectives pour le
déséquilibre significatif Titre 1 Pour une l'autonomie de notre
« déséquilibre significatif »
Chapitre 1 Les conditions d'exonération du
partenaire en situation de supériorité
Chapitre 2 Pour l'admission mesurée du
déséquilibre financier
Chapitre 3 Le refus de l'admission de la théorie
de l'imprévision par le truchement des pratiques restrictives de
concurrence
Titre 2 Pour l'abrogation de l'article et le
renouvellement du droit commun face au droit spécial
Chapitre 1 Le constat du déclin du droit commun
face aux droits spéciaux Chapitre 2 Vers un droit commun des clauses
abusives
Chapitre 3 Pour un élargissement de la violence
économique actuelle Chapitre 4 Un contrôle de
proportionnalité en droit civil comme alternative à la
réception de la violence économique
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
Bull. Bulletin
Bull. crim Bulletin criminel
CA Cour d'appel
Cass. Ass. Plen. Cour de cassation réunie en
assemblée plénière
Cass. crim Chambre criminelle de la cour de cassation
Cass. com Chambre commerciale de la cour
de cassation
C. com Code de commerce
C. pén Code pénal
C.pr.pén Code de procédure pénale
C. civ Code civil
CEPC Commission d'examen des pratiques commerciales
D Dalloz
DGCCRF Direction Générale de la Concurrence, de
la consommation et de la Répression des Fraudes
D. aff Recueil Dalloz affaires
Ed Édition
Fasc Fascicule
Gaz. Pal Gazette du palais
--Ibid Ibidem
JCP Jurisclasseur
LGDJ Librairie générale de droit et de
jurisprudence
LPA Les petites affiches
Obs Observation
op.cit opere citado
--Précit Précité
--
Rep. Com. Répertoire commercial
Dalloz
--Rev. Sociétés Revue des sociétés
--RLDA Revue Lamy Droit des Affaires
--RSC Revue des sciences criminelles
--RTD civ Revue trimestrielle de droit civil
--RTD Com Revue Trimestrielle de droit commercial
--T. corr Tribunal Correctionnel
--T.G.I Tribunal de Grande Instance
Introduction
Le doyen Guy Canivet soulignait à juste titre que la
législation en droit de la concurrence était pour le moins
instable, en pleine mutation, d'aucuns disaient même qu'il était
éphémère1.
La multiplication des réformes depuis l'ordonnance du
1er décembre 1986, aujourd'hui codifiée dans le Code de commerce
, n'a pas faibli. Les lois Sapin du 29 janvier 1993, Galland
du 1er juillet 1996 2 , loi sur les nouvelles régulations
économiques du 15 mai 2001, Dutreil du 2 août 2005, et
Chatel du 3 janvier 2008, se sont succédées pour
retrancher et surtout ajouter des dispositions de plus en plus techniques. Mais
toutes avaient le même dénominateur commun, à savoir
encadrer les relations commerciales et moraliser les rapports industriels et
commerciaux, sous la bannière séduisante de la modernisation,
opium des gouvernants.
Cette exception culturelle3 peut, de prime abord,
étonner; nous savons en effet que depuis le 1er décembre 1986, le
principe de la liberté des prix a été proclamé,
mais le législateur, dans un souci sans doute plus éthique voire
dogmatique, a étoffé, dopé cet ordre public
économique.
Cette évolution s'est effectuée subrepticement,
masquée par des réformes toujours plus promptes à
protéger la partie faible. Cette volonté de l'état de s'
immiscer dans les rapports contractuels est ici apparente et plus que jamais
évidente.
1G. Canivet, L'histoire sans fin des lois
éphémères, in Mélanges en l'honneur d'Y. Serra,
Dalloz 2006, p. 69; M. Malaurie-Vignal, Une loi provisoire, une loi pour rien,
CCC no 2, février 2008, comm. 40.
2 au titre éloquent : loi sur la loyauté et
l'équilibre des relations commerciales qui a instauré de nouveaux
délits civils à l'article 36 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 tel que l'obtention d'avantages avant la passation de
commandes sans engagement d'achat proportionné, Article 36-3°,
Ordonnance du 1er décembre 1986.
3D. Fasquelle, Quel avenir pour les pratiques restrictives de
concurrence ? Le titre IV au regard des exemples étrangers : une
exception française ?, in Vingtième anniversaire de l'ordonnance
du 1er décembre 1986, Colloque AFEC, éd.Litec, p. 111.
Ainsi, hormis le « grand »4 droit de la
concurrence5 qui a vocation de sanctionner l'atteinte au
fonctionnement du marché, il existe un « petit » droit de la
concurrence, en marge du droit des marchés : les pratiques restrictives
de concurrence.
Les « garde-fous », jugés nécessaires
pour encadrer la liberté toujours susceptible de
dégénérer, sont issus des ordonnances du 30 juin 1945, et
portent sur le contenu et la communication des conditions
générales de vente, les règles de facturation,
l'interdiction de revente des produits de discrimination et de multiples
pratiques commerciales.6
La différence fondamentale entre le « grand »
et le « petit » droit de la concurrence repose sur le fait que,dans
ce dernier, les pratiques restrictives sont prohibées per se,
sans avoir à caractériser une atteinte au
marché7.
Ces lois, une fois proclamées, ont été
passées « au peigne fin » par deux commissions
successives8.
Ces éminents juristes et économistes ont
observé que la nature des textes adoptés constitue une des causes
de la hausse des prix pratiquée par les distributeurs. Dès lors,
pour relancer l'activité économique , la loi Galland a
été abrogée et la liberté tarifaire et de
négociation instaurées en les dispositions du Code de commerce ,
faisant ainsi obstacle à la libre négociation des conditions
commerciales.9
La loi Chatel du 3 janvier 2008 s'y est immédiatement
attachée en modifiant substantiellement le régime de la revente
à perte.
La loi de modernisation de l'économie10 du 4
août 2008 a repris pèle-mêle un certain nombre de mesures
inspirées par les rapports sollicités et complétées
au fil du débat
4 L. Idot, « L'empiètement du droit de la concurrence
sur le droit du contrat »,RDC, 2004, p. 882.
5 entente et abus de position dominante : articles L. 420-1 et L.
420-2 du Code de commerce
6 L'article L. 442-6 du Code de commerce comportait
déjà après la loi de janvier 2008 , dix pratiques
interdites et trois clauses prohibées
7V. J. Rochfeld, obs. RTD civ. 2001, p. 671 ; S. Retterer, La
restauration de l'équilibre des relations commerciales entre
fournisseurs et distributeurs dans la grande distribution, D. 2003, p. 1210
8 le rapport de la Commission Canivet et la Commission de
libération de la croissance française (rapport Attali) (ajouter
biblio)
9 Rapport CLCF, propositions de décisions 202, 203, 204 et
D. Mainguy, À propos des propositions du rapport Attali et des projets
de réforme du droit de la concurrence, D. 2007, p. 3019.
10 Loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de
l'économie, JORF no 0181 du 5 août 2008, p. 12471.
parlementaire11. Dans cette loi que certains
esprits chagrins12 désignent comme « fourretout
»,on découvre la création du statut d'auto-entrepreneur , la
généralisation de la distribution du livret A dans tous les
réseaux bancaires,des incitations fiscales stimulant la recherche et le
développement ainsi que d'autres mesures visant à «
mobiliser la concurrence comme nouveau levier de
croissance».13
Cette réforme qui stimule la doctrine, passionne les
juristes et inquiète les distributeurs face aux impressionnantes
sanctions prévues; elle comporte des conséquences
considérables ,sur les rapports de la grande distribution d'une part
,mais également sur les rédacteurs d'hier et d'aujourd'hui qui
devront désormais composer avec cet outil qu'est l'article
L442-6,I,2° du Code du commerce .
Cet article dispose qu' « engage la responsabilité
de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice
causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou
personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de
soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des
obligations créant un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties ».
Pour permettre de comprendre les tenants et les aboutissants
de cet article, il parait nécessaire de tenter, autant que faire se
peut, d'appréhender la volonté du législateur au moment
où il a rédigé celui-ci.
Pétri de bonnes intentions ,le gouvernement voulu
combattre ce que le Doyen Ripert appelait « l' aléa du contrat
», à savoir le déséquilibre
contractuel14.
S'agissant de la raison qui a poussé l'état
providence à se mêler des relations économiques et
y coroller des conséquences juridiques, plusieurs pistes peuvent
être avancées.
11 Le projet de loi comportait 43 articles; la loi
promulguée contient 175; M. Chagny, « Mobiliser la concurrence et
les entrepreneurs, etc.»; À propos du projet de loi de
modernisation de l'économie, JCP, éd. G, no 20, 14 mai 2008, Act.
319.
12 En ce sens, i-C Fourgoux. , Concurrence: la loi de
modernisation de l'économie du 4 août 2008, une
révolution prometteuse mais ténébreuse, Gaz. Pal.,
14-16 septembre 2008
13M. Behar-Touchais, De la sanction du déséquilibre
significatif dans les contrats conclus notamment avec la grande distribution,
RLDC 2008, Actualités
14La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e
éd. 1949, no 85, p. 152, cité par P. Cramier, Essai sur la
protection du contractant professionnel LPA 2000, no 118, p. 7.
Les débats parlementaires15 nous ont permis
de mieux comprendre ce qui a animé les rédacteurs du texte, aux
contours, disons le d'emblée, relativement
indéfinis16. Deux arguments, ont convaincu le
législateur d'agir. D'abord l'abrogation des discriminations, et
ensuite, l'encadrement de cette nouvelle liberté de discriminer.
La loi LME a suivi une partie des recommandations du rapport
Hagelsteen afin de rendre plus efficace la protection du partenaire commercial
défavorisé.
Le législateur a choisi de tourner le dos au dogme de
l'interdiction des pratiques discriminatoires ancré dans notre droit
depuis un décret du 24 juin 195817.
Dépénalisée en 1986, l'interdiction de
prix discriminatoires a constitué, jusqu'à la loi LME, un
délit civil.
L'article L. 442-6-I-1 du Code de commerce prévoyait
que le fait de « pratiquer à l'égard d'un partenaire
économique ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement,
des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non
justifiées par les contreparties réelles » engage la
responsabilité de son auteur en raison du désavantage ou de l'
avantage dans la concurrence engendré pour ce partenaire.
Malgré son abrogation,ce texte a toujours
été appliqué avec rigueur par les juridictions. Les
pratiques considérées comme discriminatoires étaient
particulièrement larges
15Le secrétaire d'État Luc Chatel a
expliqué, lors des débats parlementaires (2e séance du 12
juin 2008) que « (...) la négociabilité n'est pas la loi de
la jungle. Nous avons prévu des garde-fous pour cette disposition, qui
s'inspire du rapport de Madame Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne
présidente du Conseil de la concurrence. Nous l'avions consulté
à ce sujet et lui avions demandé de préparer un texte
proposant plus de liberté dans la négociation, tout en assurant
des garanties pour les fournisseurs. Voila pourquoi (...) nous vous proposons
de renforcer l'abus de puissance d'achat, de donner au juge la
possibilité de rechercher les déséquilibres significatifs
entre droits et obligations, de relever le plafond de l'amende civile,
d'instaurer des astreintes et la publication des jugements, et de renforcer le
rôle de la CEPC. La présence de ces garde-fous laisse à
penser que ce texte est de nature à accroître la transparence du
système ».
16Le secrétaire d'État Luc Chatel a
expliqué, lors des débats parlementaires (2e séance du 12
juin 2008) que « (...) la négociabilité n'est pas la loi de
la jungle. Nous avons prévu des garde-fous pour cette disposition, qui
s'inspire du rapport de Madame Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne
présidente du Conseil de la concurrence. Nous l'avions consulté
à ce sujet et lui avions demandé de préparer un texte
proposant plus de liberté dans la négociation, tout en assurant
des garanties pour les fournisseurs. Voila pourquoi (...) nous vous proposons
de renforcer l'abus de puissance d'achat, de donner au juge la
possibilité de rechercher les déséquilibres significatifs
entre droits et obligations, de relever le plafond de l'amende civile,
d'instaurer des astreintes et la publication des jugements, et de renforcer le
rôle de la CEPC. La présence de ces garde-fous laisse à
penser que ce texte est de nature à accroître la transparence du
système ».
17Article 37 de l'ordonnance no 45-1483 du 30 juin 1945.
et variées18. La chambre commerciale de la
Cour de cassation considérait que le non-respect des conditions
générales de vente établissant la discrimination
19 ou tout avantage tarifaire sans contrepartie engageait la
responsabilité de son auteur « sans qu'il y ait lieu pour
l'administration ou pour l'opérateur, qui n'a pas
bénéficié de ces mêmes avantages, de
démontrer l'existence du préjudice que ces pratiques illicites
ont causé» 20
L'intention initiale était qu'associée à
l'obligation de communication des conditions générales de vente,
l'interdiction de discrimination pouvait constituer une protection du
fournisseur à l'encontre de demandes trop pressantes de ses
clients21. Au fil du temps, l'interdiction de discrimination,
associée à l'interdiction de revente à perte, a eu des
effets pervers et la législation jugée scélérate a
conduit les entreprises à afficher des prix plus élevés
pour ne pas subir les « foudres » de la loi. En effet, le prix qui
apparaissait sur la facture était en apparence non discriminatoire mais
comprenait comme contrepartie les services rendus par les distributeurs afin
d'ajuster le prix convenu entre les parties22.
La seconde raison était que le législateur
à souhaité au travers de cette disposition protéger, dans
un souci éthique, la partie la plus faible dans une négociation
libérée et par là même, sujette à certains
abus.
C'est donc l'idée de faire marcher les pratiques
commerciales sur deux jambes, que sont le libéralisme économique
d'une part et la moralisation des échanges d'autre part.
S'agissant de la liberté des négociations, la
loi LME a abrogé purement et simplement l'article L. 442-6-I-1. Cette
orientation est globalement approuvée, même si une partie de la
doctrine regrette « la combinaison du maintien des dispositions actuelles
sur la facturation avec des dispositions de la loi Chatel partiellement
amendées»23.
Cette abrogation est lourde de conséquences. Elle signifie
que tout producteur est désormais libre de négocier ses prix sans
avoir à justifier d'aucune contrepartie (volume, service...).
18 A. Targa, La notion de discrimination abusive, Rev. Conc.
Consom. 19/1995, no 83, p. 54.
19
Cass. com., 25 mars 2003, pourvoi no
01-01.482.
20
Cass. com., 6 avril 1999, RJDA 7/99, no
848.
21 J. Zoughi, Nouveau regard sur la transparence tarifaire: un
instrument de protection du fournisseur contre la grande distribution,
thèse Aix-en-Provence, 23 mars 2007.
22Avis Cons. conc., 18 octobre 2004.
23Avis Association française de la concurrence (AFEC), 24
avril 2008, sur le projet de loi LME et la réforme du titre IV du Code
de commerce .
C'est donc une négociation de « gré
à gré» 24 qui s'instaure, client par client,
« à la tête de celui-ci » si l'on ose dire...
Les éléments de négociation pourront
porter sur tous les paramètres de la vente ou de la prestation de
services entre les parties sans restriction (remise sur facture, ristourne,
condition de livraison, exclusivité, etc...).25
La question est désormais de savoir quel va être
l'impact pratique de cette abrogation sur le comportement des acteurs de la
distribution. C'est l'utilisation de cette nouvelle liberté de
négocier qui va être étudiée. Le législateur
souhaite ainsi organiser une nouvelle « course à la
négociation » en favorisant les meilleurs et dissuadant les autres
de s'aligner automatiquement sur les conditions les plus
favorables26. Qui a dit que l'égalité était
l'utopie des indignes 27?
On peut également se demander si le gouvernement ne
souhaite pas, par cette disposition, contraindre à utiliser une
liberté (les adeptes de l'oxymore en seront pour leurs frais...). L'abus
serait alors constitué soit lorsqu' il n'y aurait pas eu de
négociation, soit lorsque cette liberté de négocier aurait
dégénéré au profit du cocontractant le plus
armé, le plus puissant, le plus retord...
Contrairement à l'ancien article L. 442-6, I, 2°,
b) du Code de commerce , dont la mise en oeuvre supposait la
démonstration d'une «relation de dépendance » ou d' une
« puissance d'achat ou de vente », la nouvelle règle
n'énonce aucune condition préalable sous la forme d'une
disparité de forces entre les contractants. De plus, cet article peut
s'appliquer à chaque relation entre professionnels, qu'ils soient
acheteurs, vendeurs ou prestataires de services. La disposition a donc vocation
à protéger le « partenaire commercial» et non le
distributeur stricto sensu.
A la lecture de cet article, la doctrine s'est
étonnée, qualifiant la disposition de «séisme
24 J.-C. Grall, Présentation des principales dispositions
du projet LME : affirmation du principe de libre négociabilité
des tarifs, RLC 7-2008, no 16 ; C. Vilmart et E. Leguin, La loi de
modernisation de l'économie : une tentative encore inachevée de
modernisation du droit français de la concurrence, JCP, éd. E,
nos 31-34, 31 juillet 2008, 1997 ; P. Arhel, Loi de modernisation de
l'économie : une nouvelle réforme du droit de la concurrence,
Petites Affiches no 158 du 7 août 2008, p. 3.
25M. Cousin, La négociabilité des tarifs et des
conditions de vente après la LME : quels garde-fous? JCP E no 43, 23
octobre 2008, p. 2288
26 art. L. 442-2-II-d modifié par l'article 93 LME
27 Mme de Girardin, née Delphine Gay (24 janvier 1804 - 29
juin 1855), Lettres parisiennes, 25 mars 1841
juridique28 », « machine à broyer du
droit »29, « bonne à tout faire30 »
ou encore « révolution certes prometteuse mais
ténébreuse »31.
Ces expressions qualifiant l'article L442-6;1, 2° peuvent,
dans premier temps, plonger l'étudiant modeste dans des abîmes de
perplexité32.
Cette étude va essayer de démontrer les risques
et périls d'une application trop généreuse de ce texte
particulièrement large et aux contours encore indéfinis.
Nous souhaitons que la révolution soit discrète,
mesurée et saine pour tenter de contrecarrer l'adage d' Alexis de
Tocqueville selon lequel « le moment le plus dangereux pour un
gouvernement est, d'ordinaire, celui où il commence à se
réformer»33.
S'agissant de la conformité avec la norme
suprême, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa
décision du 13 janvier 2011, que le dispositif n'était pas
contraire aux libertés fondamentales garanties par la
constitution.34 Il a d'ailleurs été relayé que
le ministre de l'Économie et le secrétaire d'État
chargé du commerce se sont félicités de cette
décision35. Celle-ci révèle que l'article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce était suffisamment clair et
précis, au regard du principe de légalité des
délits et des peines applicables aux sanctions para-pénales des
pratiques restrictives.
Une des questions brûlantes de ce texte phare est
l'emprunt à l'article L. 132-1 du Code de la consommation du «
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties». Cette notion de « droits et d'obligations » embrasse
toutes les obligations contractuelles
28 M. Béhar-Touchais, Le séisme tranquille du
Rapport Hagelsteen, Revue Lamy Concurrence, 04-2008, no 15. 29E. Claudel,
« Réformes du droit français de la concurrence: le grand jeu
? », RTD com. 2008, p. 714-715
30 M. Chagny, « Une (r)évolution du droit
français de la concurrence? » À propos de la loi LME du
4 août 2008, JCP G, no 42, 15 octobre 2008, I, p. 196
31J-C. Fourgoux « La loi de modernisation de
l'économie du 4 août 2008, une révolution prometteuse mais
ténébreuse », Gaz. Pal., 14-16 septembre 2008
32V . par ex. les incertitudes mentionnées par M.
Malaurie-Vignal, « Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce
apporte-t-il de nouvelles limites à la négociation contractuelle
? », Contrats, conc. consom., nov. 2008, no 11, p. 12 et s., spéc.
p. 15-18
33 A. De Toqueville, « De la démocratie en
Amérique », Biographie, Préface et Bibliographie par F.
FURET, 2 vol.,Garnier-Flammarion Paris, 1981
34 D. 2011, p. 415, note Y. Picod.
35 :
www.economie.gouv.fr.
notamment les clauses pénales, les clauses limitatives,
les clauses de garantie ect...
Si le premier réflexe36 est de se tourner
vers les solutions et l'expérience du droit de la consommation, il
convient toutefois d'être prudent et mesuré face à cette
analogie.
En effet, les rapports entre producteurs et distributeurs ont
montré que les contrats conclus entre professionnels reflètent
souvent la domination d'une des parties sur l'autre. Or, le droit de la
consommation destiné à protéger une catégorie
précise de contractants n'a pas été conçu pour
protéger les victimes de la dureté des relations
économiques37, mais bien pour contrecarrer les pratiques des
professionnels qui faisaient figurer dans leur contrat d'adhésion des
clauses marquant l'empreinte de la domination.
Une autre question qui se pose est alors de savoir si ce
déséquilibre doit englober la substance- même du contrat et
permettre ainsi un contrôle du prix, ce qui constituerait une mini
révolution. Les débats devant le Parlement semblent inclure ces
conditions tarifaires, dépassant le droit de la consommation et
introduisant ainsi une limite à la liberté des
négociations.
Si le vent de l'équilibre contractuel et de la bonne
foi, matrice des obligations, souffle depuis quelque temps sur le droit des
contrats, cet article porte un nouveau coup à l'intangibilité des
conventions. Et Loysel qui énonçait qu' « on lie les boeufs
par les cornes et les hommes par les paroles » est peut-être en
train de se retourner dans sa tombe...
Cet article sera envahissant ,non seulement pour les
rédacteurs qui verront se dresser de nouveaux obstacles sur le chemin
sinueux de la validité des contrats, mais également pour certains
contractants qui verront leur partenaire dénoncer un contrat qui
deviendra un instrument de libération de leur obligation...
On se demande même si le législateur a
correctement mesuré les effets et conséquences de ce texte
adopté dans « un souci de simplification et d'effectivité
», selon la formule du projet de loi , c'est-à-dire afin
d'alléger les dispositions effectivement complexes de l'article L. 442-6
I, 2° du Code de commerce .
Le salut viendra sans doute de la CEPC, que les parties pourront
solliciter 38 et qui
36M. Behar-Touchais «Que penser de l'introduction d'une
protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?» : RDC
2009, p. 1258.
37 V. en ce qui concerne les relations entre professionnels, Les
clauses abusives entre professionnels, dir. D. Mazeaud, op. Cit.
38 Commission d'examen des pratiques commerciales
instaurée par l'article L. 440-1 du Code de commerce et saisine pour
avis introduit dans l'article L. 442-6-III.
éclairera les juridictions afin de trier le bon abus de
l'ivraie.
Le rôle que va jouer le contrôle administratif de
la DGCCRF nous fournit une autre raison d'être optimiste sur l'avenir de
ce texte.
Les cocontractants victimes de déséquilibre
significatif n'agiront sans doute pas de leur propre initiative car, si l'autre
partenaire commercial a fléchi les conditions contractuelles de son
partenaire qui les a acceptées, il sera particulièrement
délicat, en pratique, de dénoncer à posteriori ces
conditions négociées auparavant. Courageux mais pas
téméraires...
C'est donc grâce à l'insistance, voire l'action
directe de l'administration aux lieux et victimes que reviendra sans doute une
majorité des décisions.
A ce titre, la Cour de cassation vient, le 8 juillet dernier,
de valider au regard de l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, l'article L. 442-6 du Code de commerce. Dans sa
rédaction antérieure,cet article prévoit que le ministre
de l'Économie peut agir pour faire cesser les pratiques, constater la
nullité des clauses et demander la répétition de l'indu
39 . Le montant de l'amende civile qui, aujourd'hui, peut être
sollicitée est toujours de deux millions d'euros mais peut
désormais être « portée au triple du montant des
sommes indûment versées».
Une autre interrogation que soulève ce texte est la
place dont dispose le droit commun pour appréhender les
déséquilibres contractuels. Ce texte, visant à moraliser
les relations, pose en filigrane la question de l'utilité d'un droit
spécial par rapport au droit commun des contrats.
Le droit de la concurrence envisage les forces et faiblesses
des contractants là où le droit civil envisage l'individu comme
un être libre et autonome. Nous verrons en quoi cette distinction n'est
plus totalement surannée, notamment à la veille d'une refonte du
droit des contrats inspirée par certains projets 40 qui
apparaissent ,à certains égards, particulièrement
innovants.
Le droit commun, souhaite par cette modernisation, se frayer un
chemin entre les différents droits spéciaux toujours prompt
à réduire l'angle de tir du droit commun.
39
Cass. com., 8 juillet 2008, pourvois nos
07-16.761 et 087-13.350.
40v. notamment R. Cabrillac, Le projet de réforme du droit
des contrats. Premières impressions,art.cit. ; M. Fabre-Magnan,
Réforme du droit des contrats : un très bon projet, JCP G 2008.
I. 199 ; A. Ghozi et Y. Lequette, La réforme du droit des contrats :
brèves observations sur le projet de la Chancellerie, D. 2008, p. 2609 ;
J. Mestre, Une très heureuse initiative, RLDC, octobre 2008, p. 3 ; D.
Mazeaud, Réforme du droit des contrats : haro, en Hérault, sur le
projet !, D. 2008, p. 2675.
Le risque majeur de ce texte est qu'il est source d'une grande
insécurité juridique.
Plusieurs questions constitueront les fils rouges de notre
étude: comment comprendre notre déséquilibre significatif?
Est il différent son jumeau consumériste? Doit il
appréhender toute la surface du contrat? Comment souhaiter qu'il
évolue dés demain, à l'aune d'une réforme du droit
des obligations.
Car, si l'intention est noble, le danger de cette
réforme est qu'elle est porteuse d'un certain nombre de questions, parmi
lesquelles celle de l'intelligibilité de la loi.
Le bouleversement d'un certain nombre de principes est
susceptible d'être une nouvelle source d'insécurité
juridique. La parole et la signature du contrat seraient ainsi
reléguées au second plan, et l'appréciation du juge
servirait ,elle, à contrebalancer une liberté parfois
hypothétique ou théorique.
Nous établirons d'abord un véritable mode
d'emploi de ce texte, et verrons, au travers de cette analyse, l'influence
réelle mais mesurée qu'exerce le droit de la consommation sur les
pratiques restrictives de concurrence (première partie).
Il s'agira ensuite d'étudier la manière dont
nous souhaitons voir évoluer le déséquilibre demain, soit
a travers le maintien du texte avec dans ce cas un plaidoyer pour une
réelle autonomie du déséquilibre significatif dans les
relations professionnelles. Soit l'abrogation pure et simple de cette
disposition. Cette solution reviendrait à s'en tenir au droit commun,
étouffé actuellement par les droits spéciaux, qui pourrait
certainement demain se voir doter de dispositions permettant de mieux lutter
contre les injustices contractuelles (seconde partie).
Première partie: Le mode d'emploi du
déséquilibre
significatif des pratiques restrictives de
concurrence
Ce nouveau texte offre des perspectives larges et relativement
incertaines. Cette première partie aura comme objet d'abord d'enfermer,
du mieux possible, notre déséquilibre dans un
périmètre établi (Titre 1). Nous verrons ensuite la
protection qu'offre ce texte, par ses sanctions, son mécanisme
procédural mais surtout par le fait que le déséquilibre
peut porter sur l'objet-même du contrat (Titre 2).
Titre 1 La délimitation du
périmètre du déséquilibre significatif
A notre sens, deux marqueurs permettent de délimiter ce
texte, aux contours indéfinis (Chapitre 1). Nous verrons qu'il
conviendra d'appliquer ce texte lorsque le contrat n'a pas été
préalablement négocié (Chapitre 2). Enfin, il sera
nécessaire, pour appliquer le texte, de prouver que le rapport s'inscrit
dans le cadre d'une relation commerciale, telle que définie par
l'article L442-6,1;5° dont les contours ont été
précisés par la jurisprudence (chapitre 3).
Chapitre 1 Propos introductifs concernant
l'insaisissabilité du champ d'application liée aux incertitudes
de l'influence consumériste
Cette protection est novatrice, d'abord par son inspiration
consumériste, en effet, la rédaction de l'article se calque
sémantiquement sur le droit de la consommation. On déplorera
l'imprécision de ces termes juridiques, dont l'utilisation est d'abord
destinée à lutter contre des pratiques économiques. C'est
sans doute la limite d'une législation bâtie dans l'urgence,
d'aucuns parlerons de précipitation, où « le
législateur économique n'est plus un législateur juridique
» 41.
41 B. Oppetit, Philosophie du droit, Dalloz, coll. «
Précis », 1999, no 87, p. 106.
Rappelons, en guise de préambule, que les clauses
abusives entre professionnels ne sont pas nées le 4 aout
200842 puisque l'ancien article L. 422-6. énonçait
dans son second paragraphe la nullité de certaines «clauses ou
contrats ».
Certaines clauses étaient déjà
considérées, dans le même texte, comme entrainant la
responsabilité de leurs auteurs ainsi que la nullité ,celle-ci
pouvant également être sollicitée par le ministre
chargé de l'Économie ou le Ministère Public.
Mais la transposition des termes du droit de la consommation
dans le Code de commerce n'est pas sans poser de difficultés. La
doctrine elle-même est divisée et, si certains prêchent pour
la symétrie du droit de la concurrence avec le droit de la
consommation43, il ne faudrait pas tomber dans ce « panneau
» séduisant44.
La « diffusion » du droit
consumériste45 est significative dans la mesure où les
objectifs des deux textes sont identiques, à savoir protéger la
partie la plus faible dans la relation contractuelle46.
Cependant une application semblable ferait craindre une
«protection généralisée » des professionnels qui
deviendrait paradoxalement et injustement plus importante que la protection
dont bénéficient les simples consommateurs. 47.
En ce qui nous concerne, il nous semble que le
parallèle sémantique doit nécessairement entrainer un
certain nombre de conséquences parmi lesquelles la transposition des
abus dégagés par le droit de la consommation et la
création d'une autorité dont la mission serait
précisément d'apprécier et d'unifier ces
abus48.
42V. des «clauses abusives » entre professionnels Dir.
Ch. Jamin et D. Mazeaud, op. Cit.
43 Voir ainsi Malaurie Vignal, art. pré.cit : « La
réforme [de la loi LME] ne signifie pas que le professionnel est un
consommateur. Mais l'adoption d'une notion commune avec le droit de la
consommation traduit une unité fondamentale de la relation
fournisseur-distributeur-consommateur... », une sorte de « droit de
la consommation bis » L. Roberval et D. Fasquelle, Concurrences n° 2,
2008, chr. 125.
44M. Behar-Touchais «Que penser de l'introduction d'une
protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?» art.
cit.
45En ce sens, D. Ferrier et D. Ferré, préc., p.
2237 ; plus nuancée, M. Malaurie-Vignal, préc. ; M. Cousin,
préc.
46 Voir le rapport de Jean-Paul Charié n° 908,
déposé le 22 mai 2008, indiquant que la nouvelle rédaction
« renforce l'effectivité de la sanction de l'exploitation abusive
d'un rapport de force par l'une des parties en soumettant celle-ci à des
sanctions civiles dès lors qu'elle soumet ou tente de soumettre son
partenaire commercial à des obligations créant un
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties. Elle est d'ailleurs inspirée du Code de la consommation et des
dispositions relatives à l'interdiction des clauses abusives, qui visent
à empêcher les abus de puissance contractuelle dans le cadre d'une
relation marquée par un fort déséquilibre entre le
consommateur isolé d'un côté et l'entreprise de l'autre
».
47 M. Chagny, art. préc. , allant même
au-delà de celle des consommateurs , F. Buy, Entre droit spécial
et droit commun : l'article L. 442-6 I, 2o du Code de commerce , LPA
2008, no 252 . ; M. Behar-Touchais, art. préc.
48 V. le dossier « Cycle de conférences de la
Cour de cassation. Droit de la concurrence et droit de la consommation
» : complémentarité ou divergences ?, RLC,
octobre-décembre 2006, p. 134 et s., et spéc. D. Mazeaud, Le
droit de la consommation est-il un droit social ou un droit économique
?, p. 136.
L'importation de la technique et de l'esprit
consuméristes constitue une première étape et non une
finalité. En effet, ce texte, tel qu'il est rédigé offre
une protection plus importante au partenaire commercial qu'au consommateur et
nous verrons que la mise en oeuvre du déséquilibre significatif
ne s'appliquera pas exactement de la même manière que chez son
(faux)jumeau du droit de la consommation.
Enfin, l'analyse juridique à laquelle nous nous livrons
semble nébuleuse car ce déséquilibre n'est pas
canalisé par une liste de clauses abusives. Ce même
déséquilibre, laissant les magistrats et les juristes « dans
la nature », renvoie à des notions extrêmement
hétérogènes. La difficulté résidera donc
dans le fait d'appréhender ces différentes notions et de voir si
oui ou non elles doivent tomber sous le couperet du déséquilibre
significatif.
Chapitre 2 L'absence de négociation comme
condition préalable
Avant cette loi dite LME, un argument pratique consistait
à dire que depuis longtemps, les clauses abusives fleurissent dans les
contrats entre professionnels49. Jacques Ghestin avait
précisé que la rédaction unilatérale d'une grande
partie des contrats permettait « l'insertion de clauses abusives
»50, ce qui soulevait « un grave problème
législatif »51.
Nous dresserons d'abord le postulat que, dans la grande
distribution surtout, mais de manière générale, il existe
une infériorité inhérente à la vie des affaires.
Une grande partie des contrats est ainsi rédigé par une seule des
parties au contrat (Section 1). Il nous semble également que, si le
législateur a supprimé la condition de dépendance
économique et l'a remplacée par le terme « soumettre »,
cette soumission ne sera présente que lorsque le contrat n'aura pas
été négocié (Section 2).
Enfin, le contexte contractuel particulier de la distribution
(Section 3) justifie que la
49 G. Virassamy, Les relations entre professionnels en droit
français, in La protection de la partie faible dans les rapports
contractuels. Comparaisons Franco-belges, ss dir. M. Fontaine et J.
Ghestin, LGDJ, 1996, p. 479 et s.
50 Traité de droit civil sous la direction de J. Ghestin,
Les obligations. Le contrat, formation, par J. Ghestin, LGDJ, 2e
éd, 1988, n° 74 et s.
51 ibid.
protection ne puisse être invoquée qu'en
présence de contrat d'adhésion.
Section 1 De l'infériorité du partenaire
à la convoitise de la protection consumériste
Dans l'immense majorité des situations que l'on
retrouve dans la vie des affaires, un des deux agents est en
infériorité juridique, technique et
économique.52 Le droit de la consommation est donc apparu
comme un objet de convoitise par les professionnels désireux d'obtenir
une protection souhaitable et nécessaire. Dès lors,il
paraît injuste de refuser la protection à ces agents qui
réussiraient à démontrer leur incompétence, leur
situation de dépendance et l'absence de pouvoir de
négociation.53.
La raison est tout simplement que le consommateur a comme
point commun avec certains professionnels de ne pas s'attarder sur le contrat
en lui même vu qu'il n'a pas les moyens de négocier ni la
volonté de tendre une relation dans laquelle la susceptibilité du
contractant puissant est évidemment plus importante.
Ce n'est donc pas par manque de connaissance ou de diligence
mais généralement parce que la modification du contrat est
impossible ou encore qu'un des deux contractants se montre trop pressé
54.
Car, disons -le clairement, en l'absence de pouvoir de
marché qui pourrait faire présumer un abus de position dominante,
seule l'idée d'unilatéralité55 dans la
rédaction traduit la puissance d'un cocontractant sur l'autre.
Deux possibilités peuvent dés lors être
admises. On pourrait , demain, soit limiter la protection à la clause
non négociée, soit être plus restrictif et limiter la
protection à la clause figurant dans un contrat d'adhésion.
C'est, à notre sens, la seconde hypothèse qui devrait être
privilégiée. C'est d'ailleurs celle qui a été
retenue à l'article 10 du projet de la Chancellerie, alinéa 2
56 définissant le contrat d'adhésion comme
étant « celui dont les stipulations
52 qui est irréfragablement présumée par
rapport à leur cocontractant professionnel), d'autre part leur «
inaptitude à la négociation contractuelle » J.-L. Aubert,
obs. ss Cass. civ. 1re, 28 avr. 1987, préc. ; dans le même sens,
V. Ch. Jamin, pré. Cit.
53 En ce sens, V. J. Kullmann, eod. loc., sp. p. 32.
54 M.-S. Payet, Droit de la concurrence et droit de la
consommation, thèse Paris, Dalloz, 2001 , n° 97 et s., p. 160 et s.
; J. Rochfeld, Cause et type de contrat, LGDJ, 1999, n° 37 et s.,
p. 35 et s. Et v. déjà, G. Berlioz, Le contrat d'adhésion,
LGDJ, 1973.
55 V. not. L'unilatéralisme et le droit des obligations,
sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Économica, 1999.
56A. Ghozi et Y. Lequette, La réforme du droit des
contrats : brèves observations sur le projet de la Chancellerie,
essentielles, soustraites à la discussion, ont
été unilatéralement déterminées à
l'avance ».
Le principe demeure dans l'avant-projet de réforme
dirigé par Pierre Catala57. Cet avant-projet prévoit
certes que « le défaut d'équivalence des prestations n'est
pas une cause de nullité des contrats commutatifs ». Mas par
exception, l'article 1122-2 prévoit « que cependant, la clause qui
crée dans le contrat un déséquilibre significatif au
détriment de l'une des parties peut être révisée ou
supprimée à la demande de celle-ci, dans les cas où la loi
la protège par une disposition particulière, notamment en sa
qualité de consommateur ou encore lorsqu'elle n'a pas été
négociée ».
L'absence de négociation d'une clause justifierait ainsi,
en présence d'un déséquilibre significatif, sa mise
à l'écart.
Section 2 Le fondement de cette présomption :
la liberté souhaitée par la suppression de la condition
préalable de dépendance économique
L'ancien article L. 442-6, I, 2o, b) du Code de
commerce prévoyait qu'engageait la responsabilité de son auteur
« le fait d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il
tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant
à des conditions commerciales ou obligations injustifiées
».
Une remarque préliminaire s'impose concernant la
suppression de toute référence à l'«état de
dépendance » et à la «puissance d'achat ou de vente
».
En effet, si l'on compare la genèse du présent
article avec celle du droit de la consommation, ce dernier a également
rejeté la référence antérieure à la
«puissance économique » 58. Doit- on parler de
coïncidence où d' « atomes crochus » entre les deux
suppressions de cette condition préalable, ou bien doit -on y voir le
souhait de supprimer toute barrière et obstacle pouvant enrayer la mise
en oeuvre du texte ?
Ceci étant, la suppression de la condition «
préalable » dans le nouveau texte de l'article L. 422-6 I
2o, permettrait-elle de sanctionner tout «
déséquilibre significatif entre les
art. cit.
57Catala P., Rapport sur l'avant projet de réforme du
droit des obligations et de la prescription, Doc. fr., 2005. 58 Cependant,
l'affirmation de cette disparition dans le droit de la consommation doit
être nuancée , V. F. Buy, art. préc. citant D. Mazeaud,
L'abus de dépendance en droit des contrats, in Mélanges P.
Didier, Économica, 2008, p. 325 et s., spéc. p. 345
entre les parties », quelles que soient la nature et
l'intensité du rapport entre les parties? Et, par conséquent,
doit- on y voir un (nouveau) rapprochement avec son alter ego du droit de la
consommation ou bien serait- ce un mauvais réflexe59?
Autrement dit ,la suppression de cette condition de
dépendance économique ouvrirait -elle la porte à un
«contrôle judiciaire sans limite des contrats entre professionnels
»?60
A contrario, la notion de « dépendance »
continuera-t-elle à être utilisée comme un indice
permettant d'apprécier, avec d'autres, si le déséquilibre
doit ou non être sanctionné ?
Ce serait, à notre sens, oublier qu'à la
différence de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, l'article
L. 442-6 du Code de commerce évoque le fait de « soumettre (ou de
tenter de soumettre...) » des obligations susceptibles de créer le
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties.
Ce verbe « soumettre », guère commenté
par la doctrine,61 semble néanmoins réintroduire une
condition davantage subjective et s'éloigner ainsi de la rive
consumériste.62
Le dictionnaire Larousse nous éclaire sur ce terme
davantage utilisé en droit pénal : «Soumettre », mot
ambivalent, ne se définit-il pas, dans son acceptation courante, comme
le fait de «ranger sous sa puissance, sous son autorité
...»?
Les mots ont un sens et l'introduction du verbe «
soumettre »doit ,à notre avis, être analysé comme le
fait de contraindre ou d'exercer une pression afin de ne pas trahir le terme
soigneusement choisi.
Le fait de tenter de soumettre est tout aussi étonnant,
la tentative semble entrer dans le domaine du droit civil, traditionnellement
dévolu au droit pénal63.
Doit -on, là aussi, procéder à l'importation
des techniques pénalistes pour appréhender la tentative de
déséquilibrer le contrat ?
59 M. Behar-Touchais, pré. cité.
60 Chagny, art. préc.
61voir cependant M. Behar-Touchais, art. préc., et D.
Ferrier, art. préc. F. Buy art. préc.
62 Même si, il est vrai que l'ancien texte contenait la
même terminologie (« en soumettant... »). Mais sa portée
était éclipsée par la référence à
l'état de dépendance, ce qui d'ailleurs confirmait le sens
particulier et « subjectif » à donner à ce mot.
63 Art. 121-4 du Code pénal.
Un fait positif64 sera alors requis, on pense sans
doute aux négociations, qui devront être antérieur à
la signature du contrat. Au delà des querelles doctrinales et
intellectuelles que l'on ne retrouvera sans doute pas en pratique (on voit mal
un cocontractant assigner pour tentative de déséquilibre sur la
base de négociations avortées...), c'est tout de même la
marque en creux de la proclamation législative ,d'une gravité
à ce point néfaste qu'il faille nécessairement lutter
contre ces pratiques avant même qu'elles aient eut lieu.
Rappelons, pour en finir avec l'analogie pénaliste, que
seuls sont punissables les délits et les crimes, les contraventions ne
pouvant être réprimées qu'à condition d'être
tentées65...
Quoi qu'il en soit ,cette différence oppose ici
radicalement le droit des pratiques restrictives de concurrence avec le droit
de la consommation. La référence à un
élément « subjectif et personnel» est en effet
étrangère au droit de la consommation.
En ce qui concerne le droit consumériste, c'est la
clause en elle même qui contraint ou soumet. En effet, : « ... sont
abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet... » 66 .
Dans ce cas, ce qui diffère est que c'est la clause en
droit de la consommation qui peut soumettre le consommateur à un
déséquilibre. Il suffit de lire les clauses figurant dans
les listes du décret du 18 mars 2009 pour s'en convaincre. Celles-ci
reprennent des termes tels
que , dans les clauses noires 10e (« soumettre...
»), 11e (« subordonner »), 12e («
imposer... ») ou dans les clauses grises, les clauses 8e
(« soumettre... ») ou 10e (« entraver... »).
Mais pour les consommateurs, c'est la clause qui contraint,
alors qu'entre professionnels, c'est la partie qui impose la clause...
De plus,cette analyse sémantique et juridique
correspond parfaitement à la volonté politique de l'époque
de faciliter la qualification de l'abus par le juge sans reproduire la
même difficulté que le précédant texte en faisant de
la dépendance économique un véritable
préalable67.
64Conte et Maistre du Chambon, Droit pénal
général, 5è éd., no 373 p
173
65Conte et Maistre du Chambon, op.cit. p184
66 C. consom., art. L. 132-1
67Notes Bleues de Bercy, n° 348 (1er au 15 mai 2008), Projet
de loi de modernisation de l'économie, p. 24. M.Luc Chatel quelque peu
emporté dans son élan, évoquera même les « abus
de position dominante », Audition 6 mai 2008, Assemblée Nationale,
Commission des affaires économiques, de l'environnement et du
territoire, compte rendu n° 47.
En effet, Christine Lagarde, avec ce texte, a cherché
à introduire un « système de sanction plus dissuasif pour
empêcher les abus de puissance d'achat ou de vente »68,
et remédier ainsi au peu de succès de l'abus de dépendance
économique en jurisprudence.69
Les sanctions étaient en effet peu nombreuses et le
mécanisme alors en place ne permettait pas une sanction efficace des
abus entre professionnels70. La jurisprudence avait assimilé
la notion de dépendance à celle de « dépendance
économique », au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce
71.
Pour compléter l'analyse, la CEPC a clairement
interprété le nouveau texte en ce sens comme le montrent en
particulier les réponses aux questions figurant dans l'avis du 22
décembre 2008 : on y trouve les mots révélateurs d'«
exiger », «imposer », « contrainte (...) ».
De plus, la Direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et la
Commission d'examen des pratiques commerciales précisent que la preuve
d'une simple puissance d'achat ou de vente n'est pas
exigée72.
A contrario, si l'on ne retenait pas cette analyse, des
partenaires commerciaux en parfaite égalité économique
pourraient (par extraordinaire) se prévaloir de l'article L. 442-6, I,
2°. Le contrôle du déséquilibre significatif serait
ainsi purement objectif et la situation des contractants serait
indifférente.
Pour résumer, on n'exigerait plus une condition de
dépendance économique, afin de
68 C. Lagarde, Projet de loi de modernisation de
l'économie, document Agir pour la croissance et l'emploi,
communiqué le 28 avril 2008, mesure n° 16.
69 Rapport de Marie-Dominique Hagelsteen, La
négociabilité des tarifs et des conditions
générales de vente, 12 février 2008, p. 29 ; M. Chagny, Le
contrôle des abus dans la négociation, Rapport de la Commission
d'examen des pratiques commerciales 2007-2008, Annexe 10, p. 142 et s.
70 Voir ce sur point le Rapport de la Commission d'examen des
pratiques commerciales (CEPC), 2006-2007, p. 153 s. La CEPC considère
que « la dépendance économique est l'une des formes
possibles de la relation de dépendance, elle n'en est pas l'unique
variété. La disposition envisage, non pas la dépendance
économique, mais la «relation de dépendance », notion
plus large qui englobe d'autres formes de dépendance, telle qu'une
dépendance technique ou contractuelle ».
71Rapport de la CEPC 2007-2008, page 137. Voir également,
Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi
n° 06- 14981 ; 29 janvier 2008, pourvoi n° 07-13778, ou Cour d'appel
de Versailles, 11 mai 2006, n° 05/00760.
72 «Questions/Réponses de la DGCCRF sur l'application
de la LME du 28 nov. 2008», Déséquilibre significatif et
autres pratiques abusives, cité dans le dossier documentaire de la
décision n° 2010-85 QPC ; CEPC : «Questions : les abus dans la
relation commerciale» (notion de déséquilibre significatif)
:
www.cepc.bercy.gouv.fr.
favoriser la caractérisation du délit. Ceci
étant, l'emploi du terme « soumettre » entraine un certain
nombre de conséquences.
D'abord le fait que le juge interprète le contrat, ce qui
est une première différence avec le droit de la consommation.
Et ce n'est qu'après avoir établi que le contrat
est un contrat d'adhésion qu'il sera envisageable de détecter les
clauses qui sont suspectes.
Nous souhaitons ainsi éviter l'incursion probablement trop
importante du Ministre dans l'exercice de la liberté
contractuelle73.
Section 3 La justification de cette présomption
par un contexte contractuel singulier
Deux éléments supplémentaires permettent
de comprendre en quoi il est important de limiter certains excès de
liberté. L'objet de négociation porte principalement sur les
conditions générales de vente d'une part, et la «convention
unique» de l'article L. 441-7 d'autre part. Ces deux conventions vont
avoir une influence majeure sur la qualification d'un éventuel abus.
Nous verrons l'évolution de la législation des conditions
générales de vente et de la convention unique (§1 et 2).
A. Les conditions générales de vente: berceau
de la négociation
Les conditions générales de vente sont
définies théoriquement comme le « socle » de la
négociation74. Rappelons d'abord que cette disposition a
été conçue en considération des conventions annexes
à la convention principale de fourniture de produits ou de services,
suspectées, dans le secteur de la grande distribution, d'abriter des
flux financiers soustraits à la pression des principaux concurrents.
Pratiquement,c'est donc sur base de ce document que sera
fondée l'appréciation qualifiant l'abus entre professionnels. Le
paradoxe étant que l'objet même de la « négociation
» est de pouvoir s'en écarter alors que c'est à ce moment
que pourra être analysé l'abus.
Ainsi, la CEPC a déjà exprimé l'avis que
l'on ne peut pas écarter les CGV avant toute
73 En ce sens . M. Chagny, art. cité; M. Malaurie-Vignal,
art. préc.
74 art. L. 441-6 du Code de commerce
négociation ni écarter par principe les CGV en
faisant primer systématiquement les conditions de l'acheteur
75.
La commission estime que « les CGV constituent un document
de référence particulièrement probant pour
appréhender toute exigence formulée par l'un des contractants
susceptible de
relever de la notion de « déséquilibre
significatif » au sens de l'article L. 442-6 I 2o...
»76.
Signalons qu'en l'état antérieur du droit,
l'affirmation de la place particulière des CGV était aussi
liée à la transparence nécessaire pour éviter les
risques de discrimination 77. On mesure cette fois encore
l'ambigüité de l'abrogation de la non discrimination par la loi
LME.
B. La nécessité d'une convention
récapitulative
Autre particularisme étranger au droit de la consommation
: la convention unique imposée par l'article L. 441-7 du Code de la
consommation. Séquelle de l'ancienne législation, cette
convention doit reprendre les « conditions de l'opération de vente
des produits ou des prestations de services telles qu'elles résultent de
la négociation commerciale dans le respect de l'article L. 441-6 »
ainsi que « ... les autres obligations destinées à favoriser
la relation commerciale... » alors que l'ensemble de ces «obligations
concourent à la détermination du prix convenu ».
Le principe de non discrimination ayant été
abrogé, il paraissait en effet étrange de garder ce texte qui
pouvait apparaître comme une ineptie ,compte tenu de l'évolution
de la législation.
En effet, dans la mesure où les professionnels peuvent
établir leurs prix, client par client, comment justifier un lien formel
entre le prix et les éléments « qui y concourent »? Il
n'en est cependant rien car l'idée de ce texte est de justifier le prix
par une contrepartie suffisante « à tout le moins globale »
78.
75 CEPC, Questions / Réponses, avis du 22 décembre
2008 et réponses complémentaires, avis n° 09-05. :
audelà du texte de l'article L. 441-6,
76 Avis de la CEPC n° 08-06 relatif à la
légalité de pratiques qui seraient mises en oeuvre par certains
distributeurs à l'égard de leurs fournisseurs et avis de la CEPC
du 22 décembre 2008.
77 J.-P. Tran Thiet, Concurrences, n° 1-2004, p. 66 78D.
Ferré, Journal des Sociétés, n° 6/01/2009
Le choix , lors des Travaux Préparatoires de la loi LME
,du terme « obligation » plutôt que « contrepartie »
conduit à faciliter l'appréciation de l'abus qui peut être
appréhendé globalement.
Cette vision très « contractualiste » a voulu
éviter de retourner aux pratiques le plus souvent occultes des marges
arrières partiellement liées à une approche « ligne
à ligne » du contrat79.
Section 4 Les conséquences de cette
présomption
Il n'y a, dans ce texte, plus aucune référence
au droit du marché , mais uniquement à l'examen de
l'équilibre contractuel , comme c'est le cas en droit de la
consommation.
Le tribunal de commerce de Lille80 voudrait que les
négociations commerciales industrie-commerce soient tout simplement de
véritables négociations de l'ensemble du contrat. Le tribunal
pose d'ailleurs « le principe de réciprocité entre
distributeur et fournisseur», principe qui, selon lui, doit être
recherché « dans la négociation ».
La question posée est celle-ci : l'article L. 442-6, I,
2°, du Code de commerce ne s'appliquerait-il que si le contrat entre
professionnels était un contrat d'adhésion?
La lettre du texte, sanctionnant le fait: « de soumettre
ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations
créant un déséquilibre significatif dans les droits et
obligations des parties» irait, a priori, dans ce sens.
Dans la mesure où la négociation entre les deux
partenaires est établie, le préalable à l'application du
texte ne sera pas rempli, et la partie qui s'estime lésée ne
pourra alors se prévaloir du texte.
Cette observation doit sans doute être
relativisée car il n'y a qu'un jugement de première instance qui
a nourrit cette conclusion.
Ceci étant, ce préalable permettrait de restituer
les lettres de noblesse à l'intangibilité des
79 Rapport n° 908 déposé le 22 mai 2008 par
Jean-Paul Charié rapport pré. Cit.
80N. Mathey
T. com. Lille, 6 janv. 2010 : Juris-Data no
2010-000338 Contrats, conc. consom., no 3-2010, comm. 71, p. 21, note.
contrats et au principe du consensualisme.
La Commission considère que l'abus en cas de « commun
accord » doit être exclu81 ».
Dans la mesure où aucune négociation n'existe,il
ne nous semble pas absurde que l'on prenne en compte le piédestal sur
lequel sont parfois placés les partenaires commerciaux; le droit
rejoindrait ainsi l'éthique et la morale.
Le corollaire de cette condition est que de nombreux contrats de
distribution (en réseau notamment82 ) devraient alors
être réécrits.
Qu'en sera-t-il du contrat de franchise, du contrat de
fourniture exclusive voire du contrat de distribution sélective qui sont
pour l'essentiel des contrats d'adhésion? Ces partenaires imposent
certaines clauses au franchisé alors que celui-ci ne peut pas
véritablement les négocier.
Y aura-t-il déséquilibre significatif par le
seul fait que le contrat aura été un contrat d'adhésion,
ou bien le fait que ce contrat soit d'adhésion sera il une simple
présomption ? Et si dans le contrat, bien que faisant l'objet de
négociation sur certains aspects, mais rédigé par le seul
concédant, est prévue une clause de pouvoir unilatéral du
concédant de fixer le prix des contrats cadres, cette clause de pouvoir
unilatéral n'emportera-t-elle pas, par essence, un
déséquilibre significatif?
Cet article remettrait ainsi en cause la jurisprudence bien
établie des arrêts d'assemblée plénière du
1er décembre 1995 pour les contrats cadres.
En définitive, il convient d'être prudent sur les
règles et les barrières à définir à
l'entrée de l'application qui peut s'avérer dévastatrice
sur le plan de la sécurité juridique.
Il nous semble qu'un contrat dont la preuve est rapportée
qu'il a été négocié ne peut subir les foudres du
texte.
A contrario, un contrat d'adhésion rédigé
par un seul des cocontractants apparaitrait comme un indice pouvant entrainer
le triomphe de cette action. Par conséquent, il
81.Avis de la CEPC, 22 décembre 2008.
82Voir le rapport de Jean-Paul Charié pré. Cit.,
indiquant que la nouvelle rédaction « renforce l'effectivité
de la sanction de l'exploitation abusive d'un rapport de force par l'une des
parties en soumettant celle-ci à des
sanctions civiles dès lors qu'elle soumet ou tente de
soumettre son partenaire commercial à des obligations créant un
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties. Elle est d'ailleurs inspirée du Code de la consommation et des
dispositions relatives à l'interdiction des clauses abusives, qui visent
à empêcher les abus de puissance contractuelle dans le cadre d'une
relation marquée par un fort déséquilibre entre le
consommateur isolé d'un côté et l'entreprise de l'autre
». ent
semblerait relativement fantaisiste de réduire à
néant juridiquement tous les contrats d'adhésion ou les clauses
de pouvoir unilatéral.
Chapitre 3 Vers une assimilation du partenaire commercial
à la relation commerciale
L'auteur de la pratique restrictive résultant du
déséquilibre significatif doit être un partenaire
commercial de la victime.
On aura noté tout d'abord que le domaine ratione
personae du texte est vaste puisque l'on vise des relations entre un
commerçant (ou un artisan) et l'un de ses partenaires commerciaux.
Cette notion non définie doit elle se comprendre comme
« la relation commerciale » ou bien doit-on y voir une autre
acception? Nous verrons que le partenaire commercial devra être
assimilé à la relation commerciale, notion que l'on retrouve sous
le 5° du même article concernant la rupture brutale des relations
établies(Section 1). Pour de multiples raisons qui sont relatives
à l'hétérogénéité des relations
commerciales la protection sera bilatérale (Section 2), de nouveaux
contrats, par rapports à ceux visés par la rupture brutale,
seront en ligne de mire du texte (Section 3).
Section 1 L'importation des solutions concernant la
notion de relation commerciale de la rupture abusive
En réalité, afin d' analyser ce que doit
être un « partenaire commercial » et ce malgré l'absence
de précision, il semble raisonnable d'adopter les solutions retenues par
la jurisprudence concernant la relation commerciale contenue dans le même
article L. 442-6.
La différence entre partenaire et relation étant si
mince qu'à notre sens aucune distinction ne sera formulée sur ce
terrain.
Contrairement à la malheureuse référence
du Conseil constitutionnel qui ,dans sa décision du 13 janvier
20183, rapporte que le texte s'apprécie pour les contrats
conclus entre fournisseur et distributeur, le contrôle instauré
par l'article L.442-6, I, 2° a un champ
83 Cons. const., 13 janv. 2011 n° 2010-85 QPC Éts
Darty et Filo
d'application bien plus large84.
Le domaine du droit commercial peut être conçu
aussi bien de manière objective comme étant le droit des
activités commerciales, que de de manière subjective comme
étant le droit des commerçants. Ces deux critères se
combinent l'un l'autre, ainsi qu' un acte est commercial en raison de la
personne qui le pratique et qu'inversement le caractère commercial de
l'activité peut dépendre des actes accomplis dans le cadre de
cette mission.
La Cour d'Appel de Paris a ainsi estimé que la clause
du contrat de prestation de service conclu entre une société et
son conseil , stipulant que «toute action en responsabilité contre
le conseil devra être intentée dans les trois mois de
l'événement dommageable» ,crée un
déséquilibre significatif et doit être
annulée85.
On se référera donc à la jurisprudence
relative à la rupture brutale d'une relation commerciale, au terme de
laquelle l'article L. 442-6, I, 5° est mis en oeuvre quel que soit le
statut juridique de la victime86. Il s'agit ici d'une conception
généreuse quant au champ d'application qui est retenu, refusant
l' application trop étroite de ce critère particulièrement
flou fourni par le législateur.
Ce dernier a souhaité embrasser toutes les relations
d'affaires susceptibles de s'établir entre professionnels.
L'exigence d'une relation commerciale permet toutefois
d'exclure de la protection certains professionnels coupables de la rupture,
à l'instar du médecin en relation avec une clinique87
ou du notaire en sa qualité d'emprunteur auprès d'une caisse
d'épargne;88 en revanche, les architectes, bien que non
commerçants, sont couverts par cette notion89.
Le caractère commercial a toutefois été
établi, à l'égard d' une relation entre une
société qui
84Ce qui amène les auteurs à parler de
«protection des professionnels»: R. Saint-Esteben, art. préc.,
p.1275; Y. Utzschneider et A. Lamothe, «Que penser d'une règle de
protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?»: RDC
2009, p.1264.
85 CA Paris, 14 déc. 2010, n°08/09544. même si
l'arrêt ne se fonde pas sur exclusivement sur l'article L. 442-6, I,
2° qui en outre ne prévoit pas expressément la sanction de
la nullité.
86
Cass. com., 6 févr. 2007
(association) : Bull. civ. 2007, IV, n° 20 -
Cass. Com., 16 déc. 2008
(architecte) : Bull. civ. 2008, IV, n° 208.
87 l'article 19 du Code de déontologie médiale
prohibant expressément la pratique de la médecine comme un
commerce
Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi
n° 06-16.774, RLC 2007, T. 4
88
Cass. com., 20 janvier 2009, pourvoi
n° 07-17136, D. 2009, AJ, p. 369, obs. E. Chevrier
89
Cass. com., 16 décembre 2008, JCP G
2009, II, 10034, note A.-L. Archambault
exploitait l'activité du Musée des arts forains et
une association ayant pour objet la promotion de manifestations d'intermittents
du spectacle90.
Section 2 La protection bilatérale du texte
On pourrait, de prime abord, s'interroger sur la
nécessité de protéger (d'aucuns diront assister) au moins
aussi bien un professionnel qu'un consommateur.
Le droit de la distribution91 encadre des relations
très hétérogènes où il est parfois
compliqué de dire qui, du fournisseur ou du distributeur a une emprise
sur son partenaire.
On pourrait d'abord soutenir que le fournisseur est un
professionnel qui dans certains cas, en sait parfois plus que le distributeur.
Par contre, le fournisseur est souvent en infériorité
économique; il arrive cependant que celui-ci, s'il distribue un produit
dont il a l'exclusivité, ne soit pas en état
d'infériorité. C'est d'ailleurs pour cette raison que le
législateur a jugé utile d'offrir un texte protéiforme qui
peut être saisi par n'importe quel opérateur économique.
En définitive, nous pensons qu'à défaut
de ce texte régissant les rapports entre commerçants, il serait
sans doute plus judicieux, soit d'envisager un droit spécial de la
grande distribution, soit de laisser au droit commun le soin de régler
ces rapports.
Section 3 Vers des nouveaux contrats
suspectés
Le contrôle du déséquilibre significatif,
en raison de sa généralité, devrait sans doute conduire
à soumettre au droit des pratiques restrictives des contrats n'ayant pas
jusqu'ici fait l'objet d'un fort contentieux au titre des articles L.442-6 et
suivants, tels que les les opérations de crédit ou les contrats
d'assurance92.
90
Cass. com., 6 février 2007, JCP E
2007. 2303, obs. G. Decocq ; JCP E 2008. 1638, n° 2, obs. D. Mainguy ; RTD
civ. 2007, p. 343, obs. J. Mestre et B. Fages ; Contrats, conc. consom., 2007,
comm. 92, obs. M. MalaurieVignal.
91 On verra néanmoins que ce texte n'a pas seulement
à régir ces rapports
92 Dans ce sens, Armand DADOUN, « Faut-il avoir peur du
«déséquilibre significatif» dans les relations
commerciales ? » Petites affiches, 13 avril 2011 n°73, P.17
Nous pensons qu'une telle solution pourrait être rendue
au visa de l'article L. 442-6-I2°. Néanmoins, un arrêt
étonnant émanant de la Cour d'Appel de Paris a jugé que
«ne constitue pas une relation commerciale au sens de l'article L.
442-6-I-5° les relations entretenues entre une banque et un de ses clients
dès lors que le texte ne concerne que les abus dans les relations
commerciales en matière de vente »93. Cet arrêt
pourrait sans doute être censuré par les hauts magistrats et les
contrats contenant des clauses de déchéances croisées
seraient en ligne de mire des pratiques restrictives de
concurrence94.
En définitive,ce sont tous les contrats d'affaires qui
sont susceptibles d'être passés au crible, depuis les contrats de
référencement jusqu'aux accords de distribution exclusive ou
sélective conclus par un industriel avec les membres de son
réseau (contrats de concession exclusive, de distribution
sélective et de franchise) en passant par les contrats d'achat-vente de
produits ou de fourniture de prestations de services, les accords de
production, les contrats de sous-traitance ou encore les contrats de
communication de savoir-faire, licences sur droits intellectuels, etc...
Nous venons de tracer les contours et les limites du texte.
Celles-ci tiennent principalement aux contrats qui sont librement consentis
d'abord, et aux relations qui ne sont pas considérées comme
commerciales au sens de l'article L442-6,1,5°. Nous allons
désormais définir l'intensité de la protection. Nous
verrons que le paradoxe de ce texte est, qu'à l'heure actuelle, les
professionnels sont mieux protégés que les consommateurs.
93 CA Paris, 2 juill. 2009 : n° 07/20043.
94La Cour de Cassation a ici usé de son pouvoir autonome
pour reconnaître qu' «Est abusive la clause d'un contrat de
prêt immobilier prévoyant la résiliation du contrat de
prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure
à ce contrat, envisagée en termes généraux et
afférente à l'exécution de conventions distinctes» :
Cass. 1re civ., 27 nov. 2008 : Bull. civ. 2008, n° 475; RTD civ. 2009,
116, obs. B. Fages; RLDC 2009/57, n° 3287, obs. Maugeri. V.
également : Cass. 1re civ., 1er févr. 2005 : Bull. civ. 2005,
n° 60.
Titre 2 Une protection paradoxalement supérieure
au droit consumériste
Si les racines et l'inspiration de cet article sont
puisées dans le droit de la consommation, une analyse approfondie montre
que le Code de commerce va désormais plus loin que la protection des
clauses abusives dans la lutte contre les déséquilibres
contractuels. Une imitation stricte du droit de la consommation aurait
vraisemblablement été inopportune et, si le législateur a
cru bon d'oublier de préciser le mode d'emploi de cet article, nous nous
apercevons que l'intensité du niveau de protection offerte par ce texte
est davantage supérieure que son voisin consumériste.
Nous verrons que le déséquilibre peut porter sur
le contrat en lui-même (Chapitre 1) sans pour autant être exclusif
d'une application de l'article clause par clause comme le prévoit
actuellement le droit de la concurrence (Chapitre 2)
Chapitre 1 Une appréciation contractuelle
globale privilégiée
La singularité des relations entre professionnels et la
rédaction relativement ambivalente sont deux facteurs qui nous laissent
penser que le déséquilibre significatif doit être
appréhendé avec un autre regard que celui avec lequel on
l'envisage en droit de la consomamtion.
Ceci étant, pour valider le dispositif, le Conseil
Constitutionnel a estimé que l'article était conforme au principe
de légalité car la jurisprudence issue du droit de la
consommation était suffisamment claire et précise (Section 1).
Nous verrons pourquoi il convient d'être prudent et mesuré face
à cette appréciation (Section 2). Ce déséquilibre
financier, inspiré du droit des pratiques restrictives de concurrence,
pourra être invoqué par la partie lésée (Section
3)
Section 1 Le contre-pied du conseil constitutionnel et
son étonnante interprétation
S'il paraît relever du bon sens que la notion de
déséquilibre significatif doit s'apprécier distinctement
en droit des pratiques restrictives et en droit de la consommation, la
décision du Conseil Constitutionnel du 13 janvier 2011 s'éloigne
d'un tel raisonnement95.
95J.-L. Fourgoux, «Déséquilibre significatif
: une validation par le Conseil constitutionnel qui marie droit de
la concurrence et droit de la consommation en matière de clauses
abusives» : Contrats, conc. consom., mars 2011,
Le Conseil constitutionnel a en effet validé l'article
L. 442-6, I, 2° , l'estimant suffisamment clair et précis au regard
du principe de la sécurité juridique et de la
légalité des délits et des peines, arguant du fait que la
jurisprudence a suffisamment précisé les contours de cette notion
en droit de la consommation.
S'agit-il donc d'un « appel du pied »des sages
invitant le juge commercial à calquer les solutions applicables en
droit de la consommation à des contrats conclus entre professionnels?
Si cette solution a le mérite de la simplicité
(simplisme?) ,elle peut laisser perplexe voire pantois le juriste. La
décision du 13 janvier 2011 est en effet étonnante en ce qu'elle
ne fait référence qu'à la jurisprudence pour
apprécier la précision et la clarté de la notion de
déséquilibre significatif.
Un mot sur la possibilité de juger valable une
disposition relative au principe de la sécurité juridique au
regard de la jurisprudence d'un autre article issu d'un autre droit.
Selon la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
le terme « loi » englobe à la fois le « droit
écrit et le droit non écrit », ce qui inclut la
jurisprudence96 . Cependant, la Cour de Strasbourg a eu l'occasion
de juger qu'une jurisprudence pouvait ne pas être suffisante pour
suppléer à l'absence de loi écrite97. Cette
décision semble en définitive assez peu compatible avec les
principes et les décisions relevées par la Cour de Strasbourg.
Comme il a déjà été
précisé, le Code de la consommation prévoit, à la
différence du Code de commerce , une série de clauses
baptisées « noires » et « grises »
dénonçant un certains nombre de clauses qui sont
irréfragablement présumées abusives et simplement
présumées abusives.
Or, c'est un décret du 18 mars 2009 qui a
précisé ces contours, et non la jurisprudence.
La véritable question que pose cette décision est
de savoir si' il faut considérer que la
étude 5.
96 CEDH, 26 avr. 1979, n°6538/74, Sunday Times
97 CEDH, 24 avr. 1990, Kruslin (procédure d'écoutes
téléphoniques) : D. 1990, II, 353, note J. Pradel.
référence au droit consumériste pour
juger de la constitutionnalité du délit induit
nécessairement une volonté d'interpréter le
déséquilibre « commercialiste » à l'identique du
droit de la consommation?
Est- ce un message envoyé en creux ou un moyen de
valider le dispositif coûte que coûte, quitte à bafouer une
certaine orthodoxie juridique? Aucune certitude encore mais sans être
doté d'un art divinatoire, plusieurs arguments plaident en faveur d'une
certaine dissociation dans l'appréhension du déséquilibre
entre les deux droits ,celui de la consommation et celui des pratiques
restrictives de concurrence.
Section 2 Les raisons d'une interprétation
fallacieuse du conseil constitutionnel
En guise de préambule, dans la mesure ou le conseil
constitutionnel désirait réellement instiller le droit de la
consommation dans ce déséquilibre que nous souhaitons singulier,
n'aurait-il pas été plus simple et plus direct pour le conseil de
valider le dispositif en y incluant une réserve d'interprétation?
Cette possibilité aurait eu le mérite de guider, demain, les
magistrats sur la manière de sanctionner le
déséquilibre.
Dans la négative, on peut légitimement supposer
que les Sages ont voulu laisser le soin à la jurisprudence de dessiner
ce que sera le déséquilibre de demain.
De plus, les clauses abusives issues du droit de la
consommation visent à éradiquer les «clauses» dans les
contrats conclus avec des professionnels qui « ont pour objet ou pour
effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du
consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties au contrat ».
Cette protection induit nécessairement un examen ligne
à ligne du contrat98, ce qui a d'ailleurs conduit à
l'établissement des listes de clauses abusives «noires» ou
« grises », issu du décret du 18 mars 2009. Avant ce
décret, une liste indicative et non exhaustive de clauses
considérées comme abusives était annexée à
l'article L. 132-1 précité.
Pour les professionnels en revanche, l'article L. 422-I 6;
2° ne vise pas les «clauses» mais de
98 Ceci n'empêche cependant pas l'obligation, pour
déterminer le caractère abusif d'une clause au regard de
l'article L. 132-1, de se référer « ... à toutes les
circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les
autres clauses du contrat », ... ou même aux clauses contenues dans
un autre contrat lié au précédent. Pour autant, il s'agit
toujours d'apprécier l'impact d'une clause donnée.
manière générale les «obligations
».
Il s'agit d' une des innovations majeures et
conséquentes de ce texte. En effet, contrairement au dispositif
consumériste, le Code du commerce semble bien autoriser un
contrôle global des déséquilibres ,qu'ils soient
économiques ou juridiques 99.
Si son homologue consumériste exclut
expressément l'appréciation de l'« objet principal du
contrat » et surtout de l'« adéquation du prix ou de la
rémunération au bien vendu ou au service offert
»100, rien n'est indiqué ce qui permet d'envisager
sérieusement le déséquilibre à l'échelle du
contrat.
Même si certains en doutent 101 , il semble
évident que la loi LME ait visé avant tout le
déséquilibre financier et économique du contrat 102.
Ainsi, l'article L. 132-1, alinéa 2 du Code de la
consommation dispose que « l'appréciation du caractère
abusif (...) ne porte ni sur la définition de l'objet principal du
contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération
au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient
rédigées de façon claire et compréhensible
».
A contrario, le fait que l'article L. 442-6, I,
2° ait été adopté pour « remédier aux
abus possibles de la nouvelle libre négociation des prix en
matière commerciale »103invite à penser que le
déséquilibre significatif pourrait précisément
porter sur le prix »104.
Ce déséquilibre financier est admis car c'est
essentiellement le coeur des négociations entre
professionnels105. Et puisque, comme cela a été
rapporté dans les débats parlementaires,le législateur
souhaite « s'attaquer » à l'abus qui résulterait de la
nouvelle liberté dont bénéficie les professionnels, c'est
donc logiquement que le déséquilibre sur l'objet même du
contrat
99 En ce sens M. Béhar-Touchais, art. préc. ; F.
Buy, art. cité; M. Chagny, art. cité; M. Malaurie-Vignal, art.
cité; M. Pichon de Bury et C. Minet, art. préc.
100 C. consom., art. L. 131-1
101 Voir par exemple M. Cousin, qui évoque un «garde
fou incertain contre les déséquilibres financiers », in
la négociabilité des tarifs et des conditions de vente
après la LME : quels garde-fous ?, op.cit.
102 F. Buy, art. cité: M. Chagny, art. préc.
103 M. Behar-Touchais, «Que penser de l'introduction d'une
protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?» : RDC
2009, p. 1258. V. aussi C. Lucas de Leyssac et M. Chagny, «Le droit des
contrats, instrument d'une forme nouvelle de régulation
économique ?» : RDC 2009, p. 1271.
104 M. Behar-Touchais, «Que penser de l'introduction d'une
protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?»
pré.cit. V. aussi C. Lucas de Leyssac et M. Chagny, «Le droit des
contrats, instrument d'une forme nouvelle de régulation
économique ?» : RDC 2009, p. 1271.
105v. les obs. critiques sur ce point de M. Malaurie-Vignal,
« La CEPC se prononce sur la légalité de certaines pratiques
de distributeurs », Contrats, conc. consom. 2009, comm. 43).
peut être apprécié.
L'article L. 422-6, I, 4°intègre d'ailleurs comme
abus potentiels les prix et conditions de vente106.
Plusieurs questions restent en suspens, qu'en sera-t-il de
l'office du juge dans son appréciation ? Ce dernier pourra-t-il
rechercher le «juste prix »107, ou bien se contentera-t-il
d'un« abus manifeste »? Aucune certitude n'est de rigueur, nous
développerons la manière dont nous souhaiterions voir
évoluer cet aspect dans la seconde partie.
Section 3 Une mini-révolution inspirée du
droit de la concurrence
D'une certaine manière , il est relativement
étrange d'autoriser la lésion et d'admettre le
déséquilibre financier alors que l'objet du texte est la
protection contractuelle de la partie. On va voir que , si le droit de la
concurrence a toujours eu comme souci de s'immiscer dans le prix à
travers différents textes, il en est différemment pour le droit
commun. En effet, pour celui-ci, la lésion ne constitue pas, sauf
exception, une cause d'anéantissement du contrat et seul le prix
dérisoire peut être un motif de nullité. Il en est tout
autrement dans le droit de la concurrence.
Ce dernier condamne encore civilement la revente à
perte mais également la pratique des prix prédateurs prescrite
à l'article 10-1 nouveau de l'ordonnance de 1986 prohibant « les
offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas
par rapport aux coûts de production, de transformation et de
commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet
ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou
d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou
l'un de ses produits ».
Si le prononcé d'une telle condamnation supposait ,
auparavant ,que soit établie l'existence d'une entente ou celle d'une
position dominante108 , il en est différemment depuis cette
réforme.
C'est donc, on le voit, une démarche tout à fait
inédite et ambivalente qu'a réalisée le
106 « ... conditions manifestement abusives concernent les
prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les
services...
107 M. Cousin, art.
» préc. ,
108J. Mestre, Manuel de Droit commercial, LGDJ, 23e éd.,
avec la collaboration de M.-E. Tian-Pancrazi, 1997, n° 84-1
législateur à travers ce texte. Le droit des
pratiques restrictives de concurrence a en effet, a travers ce dispositif ,
puisé à la fois dans le droit de la concurrence et dans le droit
de la consommation en vue de rééquilibrer les relations.
En conclusion, par cette extension du
déséquilibre, le consommateur, par essence faible et dont le
déséquilibre est sans doute inhérent au statut, voit son
champ de protection inférieur à celui du professionnel qui peut
voir le déséquilibre porter sur l'objet même du contrat
!
Chapitre 2 Une application clause par clause
possible
En l'absence de disposition légale contraire, il n'y a,
à notre sens, aucune raison de ne pas tenir compte de toutes les clauses
du contrat conclu entre professionnels pour qualifier le
déséquilibre.
Section 1 Le jugement de Lille précurseur
Doit-on exclure une application qui se rapprocherait du droit de
la consommation et qui donnerait au juge la possibilité de
procéder à un examen clause par clause ?
Rien n'est moins sûr et un jugement rendu par le
tribunal de commerce de Lille109 nous éclaire sur
l'application du texte par les magistrats de première instance.
Ce n'est pas faire injure à la juridiction Lilloise que
de dire, en préambule, qu'il convient de relativiser et analyser ses
enseignements avec la mesure adéquate face à un jugement d'un
tribunal de première instance.
La méthode utilisée par le tribunal montre que le
déséquilibre s'apprécie en l'espèce
109. T. com. Lille, 6 janv. 2010 :
Juris-Data n°2010-000338 ; Lettre distrib., janv. 2010, note J.-M. Vertut
; Contrats, conc. consom., n° 3-2010, comm. 71, p. 21, note N. Mathey.
clause par clause, et non en référence à
l'équilibre global de l'opération économique
escomptée par les parties110.
Ce jugement nous énonce que chaque obligation mise
à la charge d'une partie est examinée par rapport à sa
contrepartie et non par rapport à l'ensemble des obligations
assumées par les parties.
Cette méthode contrasterait avec l'article L. 132-1 du
Code de la consommation qui dispose que « le caractère abusif d'une
clause s'apprécie en se référant, au moment de la
conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa
conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il
s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre
contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats
dépendent juridiquement l'une de l'autre ».
Au-delà de l'abstraction du contexte, condition que
l'on retrouvait dans les textes mais qui, en pratique, ne faisait pas l'objet
d'un examen au cas par cas, c'est néanmoins une approche
consumériste de l'article L. 442-6, I, 2° qu'ont faite les juges du
premier ressort.
Les avis de la CEPC, y compris postérieurement à
la loi LME, vont d'ailleurs dans ce sens et montrent que cette approche «
individuelle » de la clause peut être utilisée.
On pense ici à la clause par laquelle un distributeur a
tenté d'exiger le maintien de sa marge pendant la durée du
contrat ou encore celle que l'on trouve dans certaines conventions post
LME, par laquelle les parties reconnaissent que leur contrat ne
crée pas de déséquilibre significatif, ce qui bien entendu
ne saurait lier le juge, sauf à ruiner l'effet de la loi111.
Cette démarche s'analyserait en plus comme contraire à la bonne
foi contractuelle.
Il existe en effet des situations où l'on
considère qu' une clause à elle seule peut
déséquilibrer si gravement la convention qu'il n'est pas utile de
procéder à une appréciation globale
spécifique112.
110 En ce sens, J.-M. Vertut, note préc. Contra : N.
Mathey, note
préc. Comp. T. com., 14 oct.
2009, rapporté supra n° 10
111Pour des exemples d'autres clauses abusives par
elles-mêmes, voir M. Cousin, art. préc.
112Nous verrons dans la seconde partie qu'il s'agit en
réalité de l'application pure et simple du droit commun des
obligations du type de la jurisprudence « Chronopost ». À cet
égard, voir notamment D. Mazeaud, Clauses limitatives de
réparation, les quatre saisons, D. 2008, n° 26, chron. 1776.
En résumé, cette analyse consumériste
pourrait tout à fait être utilisée par ce texte comme le
montre le premier jugement du tribunal de commerce de Lille.
Nous verrons ensuite que, si l'approche « globale »
pourra s'imposer lorsqu'il s'agira de relever un déséquilibre
financier, les stipulations « juridiques », à l'image de
celles visées dans les listes des «clauses abusives »
pourraient également relever de ce texte.
Section 2 L'importation des différents types
d'abus consuméristes
Nous venons de voir que même sans la liste des clauses
abusives du droit de la consommation, une approche clause par clause est
possible.
Il nous paraît donc évident, dans cette
hypothèse, de faire un rapprochement avec les clauses abusives. En
effet, le droit de la consommation a déjà une certaine
expérience en la matière113 et il nous paraît
justifié de puiser dans cette expérience afin de dégager
deux types d'abus.
On distinguera ici, parmi les abus qui se nichent dans les
clauses, ceux qui donnent un pouvoir unilatéral et ceux qui donnent un
avantage sans réciprocité.
§1 ) Le pouvoir unilatéral du partenaire
économique
La plupart du temps, le distributeur souhaite échapper
à une législation impérative contraignante,non pas en la
combattant de front mais en la contournant et en répercutant cette
contrainte sur le fournisseur. Il est d'ailleurs intéressant et
paradoxal de constater que c'est parfois plus la législation que la
liberté qui suscite l'abus.
En droit de la consommation sont considérées
comme abusives notamment certaines clauses de pouvoir unilatéral du
professionnel, ainsi que d'autres clauses offrant un avantage au professionnel
sans réciprocité ni simple contrepartie pour le consommateur.
On les retrouve avec quelques réserves dans le jugement du
tribunal de Lille.
Le tribunal condamne d'abord le pouvoir unilatéral du
grand distributeur en reprochant à
113 v. X. Lagarde, « Qu'est-ce qu'une clause abusive?
», JCP G 2006, I, n 110, qui distingue les clauses qui menacent
l'économie du contrat, et les clauses qui octroient un avantage au
professionnel
Castorama d'avoir «imposé de manière
unilatérale à ses fournisseurs des pénalités de
retard à un taux journalier de 1 % ; que même assorti d'un plafond
de 10 % ce taux est exorbitant et peut être qualifié d'usuraire
» 114. Le tribunal reproche également au grand
distributeur d'avoir imposé le paiement par virement : Castorama «
a donc imposé de manière unilatérale ce choix »
115.
En l'espèce, il semble s'agir moins d'une clause de
pouvoir unilatéral stricto sensu que d'un contrat
d'adhésion, déséquilibré. Est-il
déséquilibré parce qu'il est un contrat d'adhésion
où l'est-il en du fait d'être un contrat non négocié
? Répondre à cette question reviendrait sans doute à
savoir qui, de la poule ou de l'oeuf, est sorti le premier.
On le voit particulièrement à propos de la
clause imposant le virement quand le tribunal de commerce de Lille constate que
« ce choix n'a pas fait l'objet de négociations avec ses
fournisseurs » 116.
La décision 117 reproduit la clause du
contrat qui stipule que : « le fournisseur adressera un avoir, pour chaque
acompte ainsi que pour le solde, et effectuera leur règlement par
virement, au plus tard le dernier jour concerné. Par dérogation
à toute autre disposition portant sur ce point, tout retard de paiement
des sommes dues à leur échéance par le fournisseur, au
titre du présent accord, entraînera de plein droit et sans
qu'aucune mise en demeure soit nécessaire, l'application d'une
pénalité de 1 % du montant réglé par jour
ouvré de retard, sans que cette pénalité puisse
excéder 10 % du montant réglé (...). Cette
pénalité pourra être déduite de plein droit des
règlements du fournisseur ».
Il n'est donc pas démontré que le fournisseur n'a
pas accepté le contrat, bien au contraire.
§2) L'avantage sans réciprocité ni
simple contrepartie
En droit de la consommation, les clauses donnant un avantage
au professionnel sans réciprocité ni simple contrepartie pour le
consommateur sont des clauses abusives dont la présomption est
irréfragable.
114 v. jugement, p. 18 in fine et 19, al. 1er
115 v. jugement, p. 20
116 v. jugement, p. 20
117 v. jugement p. 14
Le tribunal de commerce de Lille s'est inspiré de cette
analyse en relevant que le « principe de réciprocité
s'applique entre distributeur et fournisseur ».
Le Tribunal énonce que « les pratiques de
Castorama concernant le paiement d'acomptes mensuels (...) ne sont pas
réciproques ; qu'elles sont sans contrepartie et nettement
défavorables aux fournisseurs ; que leur ampleur est
caractérisée ; qu'elles s'appuient sur un rapport de
dépendance lié à la puissance d'achat du distributeur ;
qu'elles sont abusives ; que le déséquilibre ainsi
provoqué en défaveur des fournisseurs est significatif
»118.
S"agissant des délais de paiement, le tribunal
relève que « les délais de paiement pratiqués par
Castorama pour payer ses fournisseurs et ceux exigés par les
fournisseurs pour les règlements des acomptes révèlent un
différentiel de deux à trois mois défavorable au
fournisseur ; que ces délais ne sont pas réciproques »
119.
En définitive, une telle appréciation manifeste
une certaine convergence entre le droit de la concurrence et le droit de la
consommation.
Les articles R. 132-1 et R. 132-2 portant liste des clauses
présumées abusives révèlent en effet à de
nombreuses reprises que c'est l'absence de réciprocité d'un droit
ou d'un devoir qui signe le caractère abusif d'une clause 120.
Pour guider son analyse, le juge pourrait être
tenté de s'inspirer de la typologie des clauses abusives existante en
droit de la consommation. Sur ce fondement, on peut avancer que les contrats
où aucune contrepartie n'est offerte à l'un des partenaires
pourraient caractériser un « déséquilibre
significatif ».
Il s'agit toutefois d'un cas extrême, voisin de
l'absence de cause. En effet, une clause qui obligerait l'une des parties
à exécuter ses obligations alors que son partenaire
n'exécuterait pas les siennes pourrait aussi être
considérée, soit comme manifestant un «
déséquilibre
118 v. jugement, p. 21
119 v. jugement, p. 18
120 (Exemples : art. R. 132-1, 8° : «Reconnaître
au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le
contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au
consommateur» ; art. R. 132-1, 1° : «Prévoir un
engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur, alors que
l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une
condition dont la réalisation dépend de sa seule
volonté».
significatif », soit comme un engagement dépourvu de
cause.
Citons comme exemple de clauses que l'on retrouve dans les
contrats de distributions et qui donnent un avantage sans contrepartie: les
clauses d'exonération de garantie, les clauses de délai au
détriment du consommateur, les clauses relatives à la preuve ou
encore les clauses de résiliation ou de déchéance du terme
au détriment du consommateur, clauses de charges ou de frais pesant sur
le consommateur, etc...121
Enfin, une clause peut être considérée
comme abusive alors que le déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties ne traduit pas une rupture d'équilibre
de l'obligation principale ou de l'opération convenue.
On pense ainsi à une clause renversant la charge de la
preuve 122 ce qui est tout à fait envisageable dans un
contrat entre professionnels.
On songe également à une clause attribuant
exclusivement au consommateur les risques en cas fortuit ou de force majeure
123.
Dans ces hypothèses, les difficultés de
rattachement de la théorie des clauses abusives à l'objet du
contrat sont manifestes et il conviendra alors à la CEPC de faire preuve
de l'audace nécessaire pour faire en sorte que ces clauses soient
abusives pour les consommateurs et ne le soient pas pour les professionnels.
Chapitre 3 Des dispositions assistant les juridictions et
encourageant la promotion du texte
Pour lutter contre l'inertie du monde des affaires à se
saisir du texte (Section 1), le législateur a souhaité
réorganiser judiciairement les organes afin de permettre une
réelle
121 M. Béhar-Touchais, « Bilan de l'activité
récente de la Commission des clauses abusives », RLDA 2006/8,
n° 462
122 Cass. civ. 1re, 1er février 2005, Contrats, conc.
consom. 2005, comm. 99, obs. G. Raymond ; D. 2005, p. 640, obs. V.
Avena-Robardet ; RDC 2005, p. 719, obs. D. Fenouillet.
123 Cass. civ. 1re, 10 février 1998, JCP G 1988, I, 155,
obs. Ch. Jamin ; JCP G 1998. II. 10124, note G. Paisant ; D. 1998, p. 539, note
D. Mazeaud.
effectivité de la protection (Section 2).
Section 1 Le constat du peu de succès actuel du
texte
En liminaire de ces quelques observations, il semble
nécessaire de relever que le déséquilibre significatif
entre commerçants est pour l'instant discret dans les prétoires.
Il y a trois raisons à ce phénomène.
D'abord, celui qui pourrait s'en plaindre ne le fait pas
devant les tribunaux pour la raison évidente qui ne désire pas
paraître, aux yeux du partenaire, comme revendicatif et
procédurier au regard des conditions acceptées au
préalable.
Ensuite, on constate l'absence d'association de consommateurs
ou d'équivalent pour réclamer l'éviction de certaines
clauses dans les contrats litigieux. Ces associations ont un rôle
important dans le démantèlement de certains contrats comportant
pléthore de clauses abusives. La reconnaissance du droit français
de leur droit d'agir a ainsi permis d'avoir un véritable contre-pouvoir
face aux industriels et puissants commerçants.
Actuellement, on ne retrouve pas ce genre d'organe en droit de
la distribution, pour l'instant...
Enfin, le succès de l'article L. 442-6, I,
5o, du Code de commerce concernant la rupture des relations
commerciales établies tient surtout au fait qu'il est utile une fois la
relation consommée.
En effet, dés lors que toute chance de repartir ensemble
est anéantie, il reste la voie contentieuse et l'issue est alors
nécessairement conflictuelle.
Notre déséquilibre porte sur l'exécution
du contrat et, dans cette optique, le conseil qui est souvent sagement
donné est de préférer d'autres alternatives à la
voie contentieuse, et, a fortiori, dans le cas où
l'asymétrie est importante entre les deux partenaires. En effet seuls
les partenaires qui sont certes inférieurs par certains aspects, mais
disposent en contrepartie d'une monnaie d'échange ou de moyens de
pression sur d'autres aspects commerciaux, peuvent utiliser ce texte avec
sérénité. Ce sont au final ceux qui en ont le moins
besoin, qui auront à user (et abuser) demain de cette disposition.
Section 2 Le souci de promouvoir le texte par une
réorganisation judiciaire
Afin d'assister les juridictions et d'harmoniser le
déséquilibre sur l'ensemble du territoire, une commission
d'examen des pratiques commerciales a été créée
(§1). Dans le même sens, on a souhaité une
spécialisation des juridictions pour dynamiser ces dispositions,
rassembler les plaideurs autour de spécialistes et assurer par
conséquent l'effectivité de la protection offerte (§2).
§1 La Commission d'examen des pratiques
commerciales, nouvel outil régulateur d'abus
A. La Commission d'examen des pratiques commerciales, guide
des juridictions
La Commission d'examen des pratiques commerciales peut être
saisie pour avis par une juridiction 124et peut également
émettre des recommandations125.
Il serait donc de bon aloi pour le juge de s'inspirer des avis
de la CEPC rendus en la matière afin non seulement de voir sa
décision revêtue d'une certaine légitimité, mais
également d'unifier les décisions rendues afin, de rendre moins
vivaces les différences d'appréciation de jurisprudences
locales.
La CEPC a fourni un certain nombre d'exemples de pratiques qui
pourraient tomber sous le coup de la nouvelle disposition. La commission a
estime que le fait d' obtenir la signature d'un contrat
pré-rédigé traduirait un déséquilibre
significatif126.
Est également abusif le fait d' utiliser sa puissance
d'achat pour demander systématiquement à
124 Article R. 132-6 du Code de la consommation : « La
Commission peut être saisie pour avis lorsque, à l'occasion d'uns
instance, le caractère abusif d'une clause contractuelle est
soulevé (...) ».
125 Article L. 132-4 du Code de la consommation.
126 Avis de la CEPC n° 09-05 complétant les
questions-réponses du 22 décembre 2008 sur la mise en oeuvre de
la loi de modernisation de l'économie.
son fournisseur une baisse de prix au seul motif qu'il a vendu
son produit à un distributeur concurrent127.
Est également prohibé le
dé-référencement brutal des produits dont un concurrent
annonce avoir bloqué le prix de revente si le fournisseur n'accorde pas
une compensation financière permettant de s'aligner128
Il en est de même du fait d' exiger de
bénéficier des mêmes avantages financiers que ceux obtenus
en 2008 ,sans y attacher de contrepartie équivalente à celles
pour lesquelles ils avaient été accordés au cours de
l'exercice précédent129 ou d'imposer à son
fournisseur une déduction sur facture de ristournes conditionnelles si
l'obligation qui les conditionne n'a pas été
exécutée et vérifiée.130
Cette liste censurant un certain nombre de pratiques
singulières que l'on ne retrouve qu'en droit de la distribution n'est
évidemment pas exhaustive.
Cette commission est, selon un éminent auteur,«
une source de textes généraux et impersonnels
»131.
La Cour de Cassation132 a rappelé que les
recommandations de la Commission des clauses abusives ne lient pas les
juridictions, de sorte que la méconnaissance n'engendre pas un motif de
Cassation de la décision. En résumé, la commission n'est
pas une source de droit.
Cette réserve de droit ne doit pas faire oublier qu'en
réalité, le juge n'hésitera pas, en cas de doute, à
saisir cette commission et à suivre ces recommandations.
Cette coopération entre les juges judiciaires et les
autorités administratives s'inscrit dans un mouvement plus large, citons
notamment l'exemple du rôle croissant dévolu aux commissions de
surendettement des particuliers qui, progressivement, empiètent sur les
fonctions et les compétences du juge de
l'exécution133. Un auteur a même souligné que
les
127 Avis de la CEPC n° 09-05, préc.
128 Avis de la CEPC n° 09-05, préc.
129 Avis de la CEPC n° 08-06, préc.
130 Avis de la CEPC n° 08-06, préc.
131 L. Leveneur, La commission des clauses abusives et le
renouvellement des sources du droit des obligations, in Le renouvellement
des sources du droit des obligations, préc., p. 155 et s.
132 Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996, D. 1997. Somm. 174, obs. Ph.
Delebecque ; JCP 1997. I. 4015, n° 1, obs. Ch. Jamin ; RTD civ. 1997. 424,
obs. J. Mestre.
133 sur cette question, V. les opinions différentes
exprimées après l'entrée en vigueur de la loi du 8
févr. 1995, sp. G. Paisant, JCP 1995. I. 3844 et D. Mazeaud, RTD imm.
1995. 228.
créations de commissions engendraient un rapport «
triangulaire » entre les deux parties et les différentes
commissions créées pour la défense de la partie faible.
134
Il paraît évidemment indispensable, pour les
acteurs du commerce, de suivre attentivement les précieux avis de la
Commission qui jouera, à n'en pas douter ,un rôle
prépondérant dans l'avenir de la jurisprudence ...
B. La procédure: un simple avis qui ne lie pas le
juge
L'article L. 442-6, III, alinéa 6 du Code de commerce
prévoit que les juridictions «peuvent consulter la Commission
d'examen des pratiques commerciales (CEPC) prévue à l'article L.
440-1 sur les pratiques définies au présent article et
relevées dans les affaires dont celles-ci sont saisies».
Cette décision de saisir la Commission n'est pas
susceptible de recours de la part des parties au litige. La Commission
bénéficie,pour faire connaître sa décision, d'un
délai maximum de quatre mois à compter de la date de sa saisie
.
L'instance est alors suspendue, jusqu'à l'avis de la
Commission ,soit à l'expiration du délai de quatre mois, à
l'exception des mesures urgentes ou conservatoires nécessaires pouvant
être prises.
Rappelons qu'il s'agit d' un simple avis donné par la
Commission, qui,théoriquement ne lie en aucun cas le juge qui pourra
, cas par cas, estimer la mesure abusive ou non.
C. Une garantie pour la sécurité
juridique
On le voit, La CEPC va avoir fort à faire pour
préciser les contours de cette notion floue de «
déséquilibre significatif ».
134 Bureau, Remarques sur la codification du droit de la
consommation, préc., n° 23 et 24 ; V. aussi Carbonnier, Droit
civil, t. IV, Les obligations, PUF, coll. Thémis, 20e éd., 1996,
n° 8
Cette commission aura un rôle juridique considérable
sur ce que seront, demain, les clauses abusives entre professionnels.
On sentira sans doute l'inspiration de l'expérience des
clauses abusives dans ce domaine sans pour autant être certain que la
liste noire et grise ait une influence décisive.
La mission la plus importante sera de faire en sorte que la
lésion qui sera probablement retenue ne soit pas une création
génératrice d'une trop grande insécurité
juridique.
L' atteinte ne pourra être démesurée et le
juge devra évidemment tenir compte de la force obligatoire des contrats,
et par conséquent de la sécurité juridique.
Il nous semble intéressant de rappeler ce qu'est
,réellement, la sécurité juridique.
Ainsi selon F. Luchaire, elle est « un
élément de la sûreté » qui, à ce titre
« a son fondement dans l'article 2 de la Déclaration de 1789
»135. La sécurité juridique constitue, en effet,
une notion générale, liée à celles de
non-rétroactivité de la règle, de confiance
légitime, d'interdiction des validations
législatives136. Il a été jugé que le
souci d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui
découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789
constitue un objectif de valeur constitutionnelle.
Le législateur doit (ou devrait...) adopter des
dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques
afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation
contraire à la Constitution ou contre le risque
d'arbitraire137.
Ainsi même si la disposition a déjà
été reconnue conforme à la constitution, il ne nous
paraît pas insensé d'imaginer un nouvel examen par les Sages de
cette disposition.
En effet, selon l'interprétation qui sera faite demain
du « déséquilibre significatif », le
Conseil Constitutionnel pourrait sans doute estimer que cette nouvelle
interprétation, qui n'avait pas
135Et ce, même si F. Luchaire estime qu'en invoquant
l'article 16 de la Déclaration de 1789, c'est bien la
sécurité juridique qui se trouve «implicitement»
protégée. V., La sécurité juridique en droit
constitutionnel français, Cahiers du Conseil Constitutionnel, n°
11, 2001, p. 67.
136C'est-à-dire des lois prises par le
législateur afin de modifier rétroactivement l'état du
droit, en vue de mettre des actes juridiques «à l'abri d'un risque
de nullité ou de péremption sans avoir à distinguer selon
que ces actes relèvent des relations de droit privé ou des
rapports de droit public». O. Schrameck, Les validations
législatives, L'actualité juridique, droit administratif, 1996,
p. 369.
137 Cons. const., 29 juillet 2004, n° 2004-500 DC, Loi
organique relative à l'autonomie financière des
collectivités territoriales, op. cit., cons 12 et 13.
anticipée, constituera un fait nouveau.
Et ce fait nouveau, cette interprétation nouvelle que
n'avait sans doute pas anticipée le Conseil Constitutionnel (cette
position est confortée lorsque l'on lit les motifs de la décision
se référant à la jurisprudence consumériste)
pourrait ainsi amener les sages a statuer sur cette évolution.
La liberté constitutionnelle et l'impératif de
sécurité juridique pourraient ainsi s'ériger, à
moyen ou long terme, comme des obstacles aux interprétations futures.
§ 2 L'utiité et les limites d'une
spécialisation des juridictions
Il est à noter la volonté du législateur
de spécialiser les juridictions commerciales chargées d'appliquer
l'article L. 442-6.Cette volonté est animée par le souci
d'encourager les juridictions à se saisir de ce texte. La loi LME a
souhaité cette spécialisation à l'instar du « grand
» droit de la concurrence qui connaissait déjà un
regroupement de juridictions (8 tribunaux de commerce , une seule Cour d'Appel)
138.
Ce souci de spécialiser les juridictions a pour
conséquence d'augmenter le nombre de dossiers traités et de
rendre les magistrats plus réactifs aux nouvelles réformes. Nous
notons une double limite cependant à cette préoccupation
très moderne de centralisation des juridictions ;d'abord, la
spécialisation retenue ne porte pas sur les autres articles pouvant
être appliqués dans ce genre de contentieux ,à savoir les
prix imposés, les conditions générales de ventes ou encore
la facturation sous la forme d'un contrat unique.
Ensuite, le texte étudié fourni un nombre
impressionnant de pratiques commerciales qualifiées de restrictives.
Notre article devrait en effet devenir dès demain « le siège
de la protection des professionnels contre les clauses abusives
»139, et la sanction du « déséquilibre
significatif » devrait concerner un nombre de contrats trop
conséquent pour envisager une spécialisation des juridictions.
Si le succès du déséquilibre significatif
se fait encore attendre, on notera que la sanction de la rupture brutale des
relations commerciales a rencontré un succès judiciaire
époustouflant.
138 Décret du 30 décembre 2005 et commentaires: V.
Michel-Amsellem, Concurrences, n° 1, 2006, p. 185.
139 F. Rome, éditorial, D. 2008, p. 2337.
Le problème de cette spécialisation tient au
fait que ce texte s'applique à un tel nombre de situations, que tenter
de spécialiser ce qui relève à l'évidence de
situations générales paraît être une
hérésie.
En outre, ce regroupement risque également
d'éloigner l'entreprise de son juge naturel;sans oublier le risque
d'engorgement susceptible d'être provoqué par cette loi.
Il nous semble que la volonté et l'enthousiasme du
législateur a voir le texte aboutir ne doivent pas être au
détriment d'une bonne administration de la justice.
Chapitre 4 Une palette de sanctions adaptées et un
mécanisme procédural particulier
On a aperçu les difficultés qui résultent de
la position délicate du partenaire économique.
On a ainsi prévu un arsenal de sanctions
destinées à dissuader le fort et à protéger le
faible. Les actions pourront être engagées par la victime
directement (Section 1), et de manière plus originale, par les organes
étatiques ce qui traduit un certain dirigisme du gouvernement envers les
relations économiques (Section 2). L'influence du droit de la
consommation sera enfin abordée sous le prisme de l'office du juge, on
verra que le juge devra sans doute relever d'office le
déséquilibre significatif (Section 3).
Section 1 L'action de la victime
Signalons d'abord que les sanctions prévues pour le
déséquilibre par le Code de commerce prescrit n'ont aucune
comparaison avec celles du droit de la consommation.
Si l'on compare les deux régimes, là où
le Code de la consommation répute non-écrite la clause abusive,
le Code de commerce , lui, prévoit, un éventail bien plus large
de sanctions;en effet, lorsque l'action sera intentée par la victime,
celle-ci devra se contenter d'engager la responsabilité de son
cocontractant (art. L. 442-6 I) pour rétablir, en quelque sorte,
l'équilibre économique du contrat.
La pratique de ces dernières années (des clauses
abusives et de la jurisprudence
Chronopost) nous a accoutumés à la sanction de
réputer la clause non écrite et de nouveaux réflexes sont
à acquérir avec ce nouveau dispositif.
La suppression de la clause pourrait être
préférée à la technique du «
réputé non écrit » prévue par le droit
spécial de la consommation.
Un auteur note avec justesse que la sanction de rendre la
clause non écrite se justifie dans les contrats
d'adhésion140 où le juge serait « le policier de
la cohérence des obligations contractuelles »141.
La thèse de l'auteur est celle-ci :« en adoptant
une catégorie de contrats, les parties ne peuvent pas, en même
temps, prévoir une clause incohérente au regard de celle-ci.
L'existence d'une incohérence entre une clause et la catégorie de
contrats adoptée devrait commander le jeu du réputé non
écrit (...) »142
Une question reste en suspens :le juge peut-il amputer du
contrat la clause ,en plus des dommages et intérêts, étant
précisé que cette sanction n'est pas prévue telle quelle
par le législateur ?
À cette question importante, il ne nous est
actuellement pas possible de répondre avec certitude.
Nous pensons cependant que le juge pourra faire preuve de la
même audace que lors du célèbre arrêt
Chronopost143 . Notons que dans cet arrêt, le juge
s'il s'est montré créatif n'en a pas moins réécrit
la loi en vigueur en l'absence de tout décret.
Dans sa thèse, le Professeur Gaudemet estime cependant
que « la seule existence d'un déséquilibre contractuel ne
devrait pas justifier en droit français, la sanction du
réputé non écrit. Il en résulterait, en effet, une
immixtion trop profonde dans la loi que les parties se sont données
(...) »144.
140 S. Gaudemet, La clause réputée non
écrite, préf. Y. Lequette, Économica, 2006, nos 447 et s.
S'agissant des contrats soumis au droit commun, l'auteur démontre que la
sanction ne devrait être utilisée que dans les «contrats
catégories», c'est-à-dire dans les hypothèses
où les parties ont adhéré par choix ou par contrainte
à une catégorie contractuelle prédéterminée,
ce qui englobe les contrats d'adhésion.
141 S. Gaudemet, La clause réputée non
écrite, op. cit., no 485
142 S. Gaudemet, La clause réputée non
écrite, op. cit., no 485 ..
143
Cass. com., 22 oct. 1996 : GAJC, par F.
Terré et Y. Lequette, op. cit., n° 157, spéc. nos 20 et s.
.
144 S. Gaudemet, La clause réputée non
écrite, op. cit., n° 507.
Mais les observations de l'auteur sont en effet
antérieures à l'évolution du droit de la consommation et,
à fortiori, du droit des pratiques restrictives de
concurrence.
Dans son étude, l'auteur explique qu'«il peut
exister une clause abusive dans un contrat entre un consommateur et un
professionnel, là où il n'y aura pas de clause
réputée non écrite dans le même contrat conclu entre
profanes ou entre professionnels».
On sait cependant grâce à grâce à
Planiol que « le droit cesse où l'abus commence et il ne peut y
avoir «usage abusif» d'un droit quelconque, par la raison
irréfutable qu'un seul et même acte ne peut pas être tout
à la fois conforme au droit et contraire au droit
»145.
Dans sa thèse, Yves Gaudemet tolère l'abus et
souhaite marquer une différence de traitement entre, d'une part les
consommateurs, et d'autre part les professionnels.
L'auteur serait aujourd'hui étonné de voir tout
le dispositif mis au point pour lutter contre les déséquilibres.
Dans la mesure où l'on peut engager la responsabilité, condamner
l'auteur à des dommages et intérêts, aux
répétitions de l'indu et à une amende, il semblerait
incongru de refuser au partenaire d'évincer la clause. L'article 87 du
projet de réforme du droit des contrats va en ce sens et prévoit
que « la clause vidant le contrat de son intérêt est
réputée non écrite».
Cette sanction pourra permettre éventuellement pour les
partenaires de maintenir leurs engagements et de parcourir encore un peu de
chemin ensemble sur la route des affaires.
L'autre question est relative à l'alternative qu'a le
juge face à l'éradication de la
clause.
En effet, le juge pourra réviser judiciairement la clause
limitative de responsabilité, stipulant un montant manifestement
insuffisant ou dérisoire.
Cette possibilité offerte au juge est séduisante
dans la mesure où elle évite une instrumentalisation de la
sanction par la partie défavorisée contractuellement.
Rappelons qu'en l'état actuel ,la jurisprudence se refuse
à le faire146, exception faite dans le
145 M. Planiol, Traité élémentaire de droit
civil, t.2, 11e ed., LGDJ 1931, avec la collaboration de G. Ripert, p. 312 et
s., notamment paragraphe 871.
146 Dans le même sens, le droix anglo saxon, Comp. cet
arrêt de la Chambre des Lords qui qualifie le procédé de
« jugement de Salomon» et le rejette comme n'étant pas permis
par la loi, Chambre des Lords, George Mitchell (Chesterhall) Ltd. Respondents
v. Finney Lock Seeds Ltd., (1983) 2 A.C. 803, spéc. p. 816.
cas de la révision du montant de la contre partie dans les
clauses de non concurrence.
Une partie de la doctrine, à laquelle nous nous
rattachons estime ce mécanisme satisfaisant et séduisant
147. Ce système de révision est directement
inspiré de l'article 1152 du Code Civil et autorise le pouvoir à
réviser la clause lorsque celle-ci remet en cause l'exécution
d'une obligation essentielle du contrat148.
A notre sens,ce système ne peut être utile et
efficace que si le montant fixé par le juge est supérieur au
préjudice subi. En effet, dans le cas contraire ,l'éradication de
la clause et l'application des règles de droit commun de la
responsabilité contractuelle provoquent le même
résultat.
Il est d'ailleurs intéressant de voir que les
applications de la clause pénale ne sont ,à ce point de vue, pas
tout à fait rassurantes, les juges se montrant parfois trop frileux
lorsqu'ils révisent une clause leur paraissant excessive ou
dérisoire.
En définitive nous militerions pour cette solution qui
a l'avantage de la nuance, et qui peut parfois apparaître satisfaisante
à bien des égards pour les parties. Ce mécanisme aurait
l'avantage de préserver relativement la volonté des parties et la
nécessaire gestion du risque, tandis que le juge, s'il l'estime
nécessaire, pourrait « frapper chirurgicalement »le contrat
afin de le rendre plus équilibré.
Une double condition doit être remplie :d'abord le juge
ne devra pas réviser ces clauses en les alignant à hauteur du
préjudice réparable, ensuite le critère autorisant la
révision ne devra pas être trop largement
apprécié.
147 en ce sens G. Viney, obs. sous
Cass. com., 18 déc. 2007, RDC 2008,
p. 287 et s., spéc. p. 294 et s., et sous
Cass. com., 4 mars 2008, RDC 2008, p. 750
et s., spéc. p. 754. Dans le même sens, D. Mazeaud, «Clauses
limitatives de réparation: les quatre saisons », D. 2008.
1776 . Adde, le dossier spécial consacré à cette question
in RDC 2008.
148T V. A. Anziani et L. Béteille, Rapport d'information
précité, p. 78-79.
Section 2 L'action des instances étatiques
Cette disposition marque la vivacité de l'ordre public
économique et le souhait de l'état de se
désintéresser le moins possible des affaires
économiques.
Un des rares exemples jurisprudentiels issu du tribunal de
commerce de Lille et déjà commenté est éloquent.
Les juges nordistes étaient saisis par les services du Ministère
de l'Économie dans le cadre d'une offensive plus vaste annoncée
en octobre 2009 par le secrétaire d'État du commerce et des PME,
Hervé Novelli. Celui-ci assignait alors la plupart des enseignes de la
grande distribution. Le ministre a de plus exigé que la procédure
d'urgence soit activée, motivé par la nécessité
d'apporter des réponses avant la fin des négociations en cours
entre fournisseurs et distributeurs.
Cette menace, qui pèse sur l'ensemble des contrats
entre professionnels, tient davantage à la volonté de
conférer à l'Administration les moyens réclamés
pour continuer d'exercer une forme de dirigisme dans un secteur
économique sensible, qu'à une réforme hypothétique
du droit des contrats149.
C'est pourquoi le ministre de l'Économie s'est vu
reconnaître, tout comme le ministère public et le président
de l'autorité de la Concurrence , outre la possibilité de
demander la cessation des pratiques et le prononcé d'une amende civile,
celle, plus décriée, de faire constater la nullité des
clauses ou contrats illicites, de demander la répétition de
l'indu et la réparation des préjudices.
La raison d'être de ce mécanisme original est de
défendre autrement que par la voie pénale, abandonnée pour
cause d'inefficacité, et de permettre aux autorités de
marché de se substituer à l'opérateur victime
négligeant de faire valoir ses droits, le plus souvent par crainte de
représailles.
149 en dernier lieu, ministère de la Justice, «
Projet de réforme du droit des contrats », févr. 2009
Trois points seront étudiés; d'abord la
légalité de la sanction au regard du principe constitutionnel de
légalité des délits et des peines. Ensuite nous verrons
que, si la sanction est empruntée au droit pénal, il en va
différemment de la preuve. Enfin nous verrons comment la Cour de
Cassation a estimé que ce mécanisme orignal était conforme
aux prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .
S'agissant du respect du principe de légalité,
le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 13 janvier
2011, a validé le dispositif en estimant que « le
législateur peut « assortir » la violation de certaines
obligations d'une amende civile à la condition de respecter les
exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang
desquelles figure le principe de légalité des délits et
des peines qui lui impose d'énoncer en des termes suffisamment clairs et
précis la prescription dont il sanctionne le manquement ».
L'application des principes fondamentaux du droit pénal
au droit quasi-pénal ou parapénal est classique 150.
Le caractère punitif de la sanction des pratiques restrictives de
concurrence et des pratiques restrictives de concurrence justifie que ces
prohibitions soient soumises au même régime que les infractions
pénales.
L'exigence de clarté et de précision de la norme
pénale est un corollaire au principe de la légalité
destiné à permettre au justiciable de connaître la sanction
avant qu'il n'agisse frauduleusement.
A propos de la procédure et du principe de
légalité de la preuve, on sait qu'il y a, à cet
égard, une opposition entre le droit pénal et le droit civil sur
la recevabilité de la preuve.
Si les pratiques restrictives de concurrence prévoient
une sanction para-pénale, et doivent par conséquent se soumettre
aux principes édictés par Beccaria, elle n'emprunte pas cependant
pas son régime probatoire.
En effet, la liberté de la preuve en droit pénal
151 n'est pas applicable à la preuve des pratiques
150 Lamy, Droit pénal des affaires 2011, n° 1531.
151 C. pén., art. 427
restrictives de concurrence. Le principe de loyauté des
preuves en matière civile est donc applicable au contentieux des
pratiques restrictives de concurrence relevant de l'Autorité de la
concurrence, ce qui fait obstacle à la recevabilité de
l'enregistrement insidieusement capté.152
Ce particularisme procédural a été
confronté à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales relatif à l'accès au juge et au droit à un
procès équitable.
Ce droit comporte la possibilité de choisir de ne pas
saisir le juge pour lui demander la répétition de l'indu. Les
Cours d'Appel ont d'abord été divisées sur cette
question153, et la Cour de Cassation est intervenue en approuvant le
mécanisme, sans réellement convaincre et estimant que ce
dirigisme économique était conforme aux prescriptions de
Strasbourg154. Selon la Cour de cassation, le ministre de
l'Économie exerce « une action autonome de protection du
fonctionnement du marché et de la concurrence »,qui concerne «
un domaine d'activité où la liberté contractuelle des
fournisseurs peut être rendue virtuelle »155.
L'argument a le mérite d'être posé,
même s'il paraît délicat au niveau de l'orthodoxie juridique
d'admettre l'exercice par le ministre de prérogatives inhérentes
au statut de créancier sans que celui-ci n'ait le « droit au
chapitre ».
Il nous semble que la sanction du déséquilibre
significatif doit absolument, au même titre que l'enrichissement sans
cause ainsi que, plus récemment, l'exigence de bonne foi dans les
contrats 156, être encadrée afin de ne pas offrir une
arme de guerre juridique permettant de rendre caduque une grande
majorité des contrats rédigés et de ne pas
instrumentaliser la sanction par le partenaire économique. Au final, le
paragraphe III de l'article L. 442-6 laisse une impression étrange
où finalement certains principes du droit civil sont malmenés. On
pense à la fausse amende civile aux allures pénales ou à
la répétition de l'indu mal nommée exercée par la
puissance publique. On relèvera néanmoins que, si ce
mécanisme heurte certains principes érigés au rang de
dogme, c'est qu'il est indispensable pour mettre fin à
152: Cass. ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14316,
09-24667.
153 en faveur de l'inconventionnalité, v. CA Versailles, 3
mai 2007 et Angers, 29 mai 2007 ; contra Paris, 20 déc. 2006 et CA
Reims, 5 nov. 2007
154
Cass. com., 8 juill. 2008, pourvoi n°
07-16761
155
Cass. com., 16 déc. 2008, pourvoi
n° 08-13162
156
Cass. com., 10 juill. 2007, n°
06-14768 - Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, n° 04-19923
certaines pratiques.
Si l'on peut discuter de la place du gouvernement dans
l'économie il est pourtant certain les décisions qui se sont
déjà adossée à cet article et celles qui le feront
demain, émaneront de la puissance publique.
On peut légitimement espérer que la menace de
poursuites par l'administration aura sans doute comme vertu d'obliger au
respect effectif de la règle157. On voit dès lors
comment s'exprimerait ce nouveau dirigisme : par la menace de poursuites devant
le juge judiciaire, menace dont, au demeurant, les opérateurs peuvent
avoir bien du mal à mesurer la portée en raison du flou qui
caractérise l'ensemble des règles concernées.
Section 3 Vers le devoir pour le juge de relever
d'office le déséquiibre significatif
La possibilité donnée au juge de relever
d'office le caractère abusif d'une clause est, d'un point de vue
pratique comme théorique, considérable.
Actuellement, en droit commun, la solution est posée
par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 21
décembre 2007, qui énonce que « si, parmi les principes
directeurs du procès, l'article 12 du Nouveau Code de procédure
civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification
aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de
leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles
particulières, de changer la dénomination ou le fondement
juridique de leurs demandes »158.
Le principe est cependant différent en ce qui concerne
le droit de la consommation (Section 1), où la Cour de Justice de
l'Union Européenne a estimé qu'eut égard à la
nature de ce droit spécial, il incombait au juge de relever d'office les
clauses abusives.
Nous verrons que si aucune solution n'a encore été
dégagée, le droit des pratiques restrictives de concurrence
pourrait bien faire sienne une telle analyse (Section 2).
157 en ce sens, D. Ferrier et D. Ferré, D. 2008, p. 2234,
n° 28 ; les auteurs sont tellement persuadés que les prescriptions
de l'article L. 442-6 sont respectées par les opérateurs qu'ils
ont intitulé leur commentaire de la loi du 4 août 2008, « La
réforme des pratiques commerciales », et non pas « La
réforme du droit des pratiques commerciales »
158 Cass. Ass. plén., 21 déc. 2007, Bull. civ.
Ass. plén., no 101, Bull. inf. C. cass., no 680, rapport du conseiller
Loriferne, avis du premier avocat général de Gouttes, Rapp. C.
cass. 2007, « La santé dans la jurisprudence de la Cour de
cassation », Doc. fr., 2008, p. 445, RDC 2008, p. 435, obs. Y.-M.
Serinet,
§ 1 L'influence de la CJUE sur le droit de la
consommation
Dans son arrêt Pannon du 4 juin 2009, la Cour
de justice des Communautés européennes (CJCE) a affirmé
que les juges nationaux sont tenus, pour donner effet utile aux règles
communautaires protégeant les consommateurs, de relever d'office le
caractère abusif d'une clause contractuelle159.
Dans son dispositif, la Cour a estimé que « le
juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une
clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de
droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il
considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique
pas, sauf si le consommateur s'y oppose. Cette obligation incombe au juge
national également lors de la vérification de sa propre
compétence territoriale »160
Avant cet arrêt, la Cour de Luxembourg avait simplement
estimé que les juridictions nationales ne pouvaient se voir
privées du pouvoir de relever d'office une clause abusive
destinée au consommateur161.
L'arrêt Pannon va désormais plus loin en
affirmant que les juges ont désormais le devoir de relever d'office la
clause abusive. Ainsi, en droit interne, le juge se doit désormais
absolument de relever d'office la violation des règles protectrices du
consommateur.
Ce principe comporte néanmoins deux limites.
D'abord, le relevé d'office du caractère abusif
d'une clause ne peut se faire contre la volonté du consommateur.
L'arrêt indique en effet que « lorsqu'il
considère une telle clause comme étant abusive, le juge ne
l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ».
On ne retrouvera une telle situation que lorsque le
consommateur aura interêt à renoncer à écarter la
clause. L'arrêt de la Cour de Luxembourg qui se fonde sur l'article 3,
paragraphe 1,
159CJCE, 26 oct. 2006, Mostaza Claro, aff. C-168/05,
spéc. pt 38, LPA 20 sept. 2007, p.
9, note G. Poissonnier et J.-Ph. Tricoit
160 CJCE, 4 juin 2009, Pannon GSM Zrt. c/ Erzsébet
Sustikné Gyorfi, aff. C-243/08, LEDC, septembre 2009, p. 6, obs. G.
Guerlin, RLDC 2009, no 63, p. 13, obs. V. Maugeri, D. 2009, p. 2312
161 CJCE, 27 juin 2000, Oceano Grupo, aff. C-240/98 à
C-244/98, JCP G 2001, II, 10513, note M. Carballo Fidalgo et G.
Paisant ; la solution a été confirmée à plusieurs
reprises et étendue au domaine du crédit à la consommation
: CJCE, 4 oct. 2007, aff. C-492/05, Rampion, JCP G 2008, II, 10031,
note G. Paisant
t), du Traité CE, selon lequel l'action de la
Communauté comporte « une contribution au renforcement de la
protection des consommateurs » énonce que « dans
l'exercice de cette obligation, le juge national n'est toutefois pas tenu, en
vertu de la directive, d'écarter l'application de la clause en cause si
le consommateur, après avoir été avisé par ledit
juge, entend ne pas en faire valoir le caractère abusif et non
contraignant ».
Une partie de la doctrine estime , dans la lignée de
cet arrêt, que tous les textes communautaires qui irrigueront notre droit
et qui seront destinés à protéger les consommateurs
devront être relevés par le juge162.
La question est de savoir l'influence que vont avoir ces
décisions sur notre déséquilibre significatif.
§ 2 La justification d'un tel mécanisme par
la nature protectionniste du droit des pratiques restrictives de
concurrence
Le problème va être de savoir si le droit des
pratiques restrictives, et plus particulièrement les clauses abusives
entre professionnels vont recevoir le même traitement.
Dans la mesure où le législateur, on l'a vu, a
offert aux professionnels en situation d'infériorité une mesure
qui les protège davantage que les consommateurs, pourquoi dès
lors refuser ce principe?
Il est par 'ailleurs intéressant d'observer
l'évolution de l'office du juge s'agissant du droit de la
consommation.
Au départ, le Quai de l'Horloge interdisait au juge le
relevé d'office des moyens de droit fondés sur le droit de la
consommation.
La Cour de cassation a fini par autoriser un tel relevé
en droit de la consommation 163, anticipant sur l'application de la
réforme du Code de la consommation par la loi Chatel du 3
janvier 2008164.
162 en ce sens égal., v. G. Paisant, note préc., G.
Poissonnier, note préc.
163 Cass. civ. 1re, 22 janv. 2009, JCP G 2009, II, 10037, note X.
Lagarde
164 qui a inséré un nouvel article L. 141-4, aux
termes duquel « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du
présent code dans les litiges nés de son application »
Nous savons que l'intention du législateur est d'offrir
une protection réelle et effective à la partie en situation de
faiblesse. La question va alors être de savoir si cet article est d'ordre
public ou non. Si tel est le cas, je juge devra, à l'instar de ce qui
est prévu dans le droit de la consommation, relever d'office les clauses
abusives. Ceci est un des moyens invoqué par la Cour du Luxembourg qui
souhaite que le droit de la consommation soit considéré comme
équivalent des règles d'ordre public.
Dans la mesure où l'objet est identique entre le droit
de la consommation et le droit des pratiques restrictives, est- il absurde
d'obliger le juge à se saisir du texte? Nous ne le pensons
pas. D'autant plus que l'article L. 442-6, I, 5o a,
pour sa part, été reconnu comme faisant partie des lois de police
dans l'ordre international165. Le fait que le ministre de
l'économie, ainsi que le Ministère public puissent agir en lieu
et place de la victime, ajouté au caractère pénal de la
sanction suffit à nous convaincre du caractère d'ordre public de
ce dispositif.
En conclusion, nous pensons que le juge devra, ou dans une
moindre mesure, pourra se saisir d'office du déséquilibre
significatif, qu'il soit juridique, ou économique.
On remarquera au seuil de la première partie de cette
étude, que le législateur a offert un outil assez remarquable aux
professionnels. Cet outil, lorsqu'ils sont disposés à l'utiliser,
les protègent d'avantage que les consommateurs, car le
déséquilibre significatif n'est pas cantonné.
Le souci de lutter contre ces clauses non
négociées a même été jusqu'à
réorganiser partiellement le fonctionnement judiciaire en souhaitant
mettre au point des juridictions spécialisées et en créant
cette commission d'examen de pratiques commerciales. On a vu que l'influence du
droit de la consommation devra être relativisée nonobstant
l'interprétation du Conseil Constitutionnel.
Il nous paraît indispensable, une fois dressé ces
explications, d'envisager l'avenir et ce que
165M. Behar-Touchais, L'application de l'article L. 442-6 du
Code de commerce aux rapports internationaux, Revue des contrats, 01
janvier 2009 n° 1, P. 197
seront les outils juridiques de demain pour lutter contre les
déséquilibres significatifs.
Seconde partie: Les solutions prospectives pour
le
déséquilibre significatif
Il nous semble indispensable de lutter efficacement et sans
démagogie contre des situations qui méritent de
bénéficier d' outils juridiques performants qui peuvent
être de différentes natures. L'article L442-6,1,2° ,on l'a
vu, offre des perspectives excessivement larges et devra être
limité à une proportion que l'on estimera raisonnable (Titre
1).
Si le maintien de ce droit spécial est envisageable,
nous souhaitons également étudier l'éventualité
selon laquelle, demain, ce texte soit abrogé. Il nous semble en effet
tout à fait possible de lutter, avec les dispositions d'aujourd'hui et
celles qui seront codifiées demain, contre l'injustice contractuelle et
de donner par là même, la vigueur nécessaire au droit
commun (Titre 2).
Titre 1 Pour une autonomie de notre «
déséquilibre significatif »
Nous étudierons trois points. D'abord, nous
souhaiterions « offrir » à celui qui peut être mis en
cause la possibilité, dans certains cas de s'exonérer de sa
responsabilité (Chapitre 1). Nous souhaitons, également
relativiser le contrôle judiciaire du prix (Chapitre 2) et enfin,
étudier les liens qui existent entre la théorie de
l'imprévision et le déséquilibre significatif. Nous
verrons à cet égard que les vertus des solutions prospectives du
droit commun (Chapitre 3).
Chapitre 1 Les conditions d'exonération du partenaire
en situation de supériorité
Nous souhaitons ne pas tomber dans la sinistrose contractuelle et
voir des déséquilibres là où il n'y aurait qu'un
fonctionnement normal et raisonnable du marché.
A cet égard nous souhaitons tolérer une certaine
dose de déséquilibre (Section 1), prônons la justification
en cas de situations qui peuvent sembler déséquilibrées
(Section 2) et enfin souhaitons que l'environnement concurrentiel puisse
être pris en compte dans la décision judiciaire (Section3).
Section 1 L'admission d'un déséquilibre
simple et relatif
Dans la mesure où l'on incrimine le
déséquilibre significatif, cela signifie que le
déséquilibre simple, ou tout au moins qui ne serait pas «
significatif » serait admis. Ainsi, un déséquilibre mineur
ou sans conséquence ne devrait pas engager la responsabilité de
l'auteur. Toute la difficulté résidera à déterminer
ce qui est « significatif » de ce qui ne l'est pas.
Il nous semble que les relations contractuelles sont, par
essence, déséquilibrées. Les rapports de force sont
évidemment inhérents au monde des affaires.
Ainsi, nous avons souhaité voir établi, comme
préalable au déséquilibre, le fait que les conditions
n'aient pas été librement
négociées166.
C'est ainsi une des différences avec l'article L. 132-1
du Code de la consommation, qui répute une clause abusive quels que
soient la contrainte et le rapport de force. Étant
précisé, même si c'est une banalité, qu'il faut
nécessairement être estampillé « consommateur »
pour bénéficier du texte. A l'inverse, dans le Code du commerce ,
un déséquilibre librement consenti ne peut, compte tenu de la
liberté qui a été utilisée, être ensuite
utilisé à des fins judiciaires. Cette vision pragmatique du
droit, doit à notre sens, prédominer.
C'est donc un filtre que l'on souhaite créer, qui
imposerait au juge de tenir compte de la relation entre les partenaires
commerciaux.
Deux possibilités sont offertes au juge pour autoriser
le déséquilibre simple et relatif. D'abord, la possibilité
de se calquer sur la notion supprimée de discrimination et de
considérer que l'abrogation n'a, en définitive, que peu d'effet
et que les relations commerciales ayant fait l'objet de traitements identiques
sont blanchies par le droit des pratiques restrictives de concurrence.
166 En ce sens, voir M. Cousin, art. préc., qui
considère que le délit de l'article L. 422-6 I 2o sera «
probablement réservé, en pratique, aux situations de puissance
d'achat ou de vente », art. cité.
A contrario, une relation dont il serait établi qu'un
des partenaires ne bénéficie pas des mêmes conditions que
d'autres, et serait particulièrement moins bien traité induirait
un déséquilibre significatif. L'estimation du niveau de
gravité de la différence de traitement serait
interprété légèrement à la hausse par
rapport à l'ancienne législation mais l'idée et le
principe resteraient identiques.
L'autre solution, que nous préconisons, serait
l'idée qu'une simple discrimination ne devrait pas être
sanctionnée et que le fait d'être moins bien traité ne
saurait constituer un abus en soi.
Compte tenu de la volonté législative
d'introduire la libre négociabilité des tarifs et des conditions
de vente et de ne plus sanctionner per se la discrimination, une
différence importante de traitement ne pourra être ici qu'un
indice parmi d'autres, mais ne devrait pas suffire , à elle seule ,
à entraîner la preuve du déséquilibre significatif.
Si l'on est mal traité par rapport à quelqu'un qui est
traité trop favorablement, on n'est pas forcément victime d'un
déséquilibre significatif dans l'application du contrat.
En conclusion, même si la différence reste assez
théorique, dès lors qu'une discrimination sera très
marquée, le contrat sera bien souvent qualifié de
lésionnaire et on parlera donc de déséquilibre
significatif.
Section 2 Pour une pédagogie contractuelle
permettant de justifier et de comprendre les abus
C'est un point important sur lequel nous souhaiterions
insister. En effet, nous ne saurions trop conseiller aux acteurs de la vie des
affaires, qui rédigent un contrat qui sera approuvé par leur
partenaire, de justifier, sous la forme d'un préambule ou d'une
explication à la marge de clause abusive, ce pourquoi celle-ci
existe.
Nous verrons que le déséquilibre pourra porter
également sur l'aspect financier du contrat et, face à cette
évolution ,il nous semble important , pour celui qui fixera demain le
prix dans un contrat cadre, d'en expliquer le montant.
Il nous semble également indispensable , lorsqu'une
clause est suspectée de créer un déséquilibre
significatif, de permettre au professionnel, contrairement à ce qui se
passe en droit de la consommation, de démontrer que ce
déséquilibre a été compensé dans la
négociation par un avantage conséquent donné par une autre
clause.
Cette pédagogie contractuelle, si elle n'est pas encore
nécessaire selon la jurisprudence167, sera à notre
sens essentielle, d'abord pour se prémunir en amont contre les
éventuels contentieux amenés à naître, ensuite pour
permettre au juge, lorsqu'il est saisi d'apprécier ce prix au regard de
cette justification et enfin pour le partenaire lui-même qui
connaîtra la raison d'être du prix ou, plus justement, de la baisse
de celui-ci.
Il sera ainsi intéressant, pour les intervenants
économiques et juridiques, de voir que ce prix est étayé
d'une certaine argumentation portant par exemple, sur certains
éléments de comparaison, sur la hausse ou la baisse du montant de
certains produits nécessaires, etc ...
Ainsi, un prix très élevé ou très
bas pourra être relevé par un juge comme un indice de la fixation
abusive mais cette analyse pourra être expliquée et
justifiée par celui qui en fixe le montant.
Sans anticiper les explications qui vont suivre sur le
déséquilibre financier, pourra-t-on cependant condamner le prix
per se? Nous ne le préconisons pas et pensons que le prix
pourra, la plupart du temps, s'expliquer par des circonstances propres à
la relation contractuelle.
En résumé, les contrats d'adhésion sont
bel et bien licites. Si le contrat d'adhésion constituera une condition
préalable à la caractérisation de l'abus, il s'agira peut
être également d' une présomption d'abus.
Pour éviter que le juge ne suspecte certaines clauses
voire le contrat dans son entier, le cocontractant pourra alors argumenter que
le déséquilibre est compensé par l'économie
générale des relations contractuelles, la nature des relations,
ou encore par la conjoncture économique que traverse le partenaire.
167 V. en particulier Cass. civ. 1re, 30 juin 2004, Bull. civ.
IV, n° 190, p. 157.
Section 3 La prise en compte de l'éventuelle
possibiité de trouver un autre partenaire
économique
Il nous semble indispensable de s'interroger, lorsqu'il s'agira
demain de qualifier l'abus, sur la possibilité pour la « victime
» de se tourner vers un autre partenaire économique.
En d'autres termes, de savoir si oui ou non la concurrence est
faussée et si la faculté de choisir un opérateur autre que
le maître du prix est théorique ou illusoire. Il s'agit en
quelques sortes de se demander si la partie dominée est ,elle
,contrainte,voire soumise à son partenaire.
Il conviendra, pour le juge qui souhaite qualifier le contrat de
lésionnaire, d'étudier les difficultés liées
à la contrainte concurrentielle.
La politique de prix peut être liée a
l'environnement économique des différents
concurrents168.
Si l' entreprise se libère de cette menace, elle devra
sans doute disposer d'un certain pouvoir de marché traduisant un
degré d'indépendance suffisant.
La jurisprudence nous fournit un bel exemple illustrant les
possibilités qui s'offrent à la victime pour lui permettre de se
soustraire à son partenaire.
Il s'agissait en l'espèce169 d'un important
fournisseur qui augmentait considérablement les prix de vente en
période de pénurie , exploitant ainsi sa position de force. Dans
cette situation, l'exploitation est réelle mais légitime, aucune
ruse ni malice n'entoure ce comportement.
168 La liberté est « la situation dans laquelle
chacun peut utiliser ce qu'il connaît en vue de ce qu'il veut faire
». F.-A. Hayek, Droit, Législation et Liberté, t. 1,
Règles et ordres, trad. par R. Audouin, PUF, coll. « Libre
échange », 3e éd., 1992, p. 66. Et sur les liens entre le
droit de la concurrence et le droit des contrats : M. Behar-Touchais, «
L'ordre concurrentiel et le droit des contrats », in L'ordre
concurrentiel, Mélanges en l'honneur d'A. Pirovano, éd.
Frison-Roche, 2003, p. 235 ; M. Chagny, « L'empiètement du
droit de la concurrence sur le droit du contrat », RDC 2004, p. 861 ; E.
Claudel, « Le consentement en droit de la concurrence, consécration
ou sacrifice ? »,
RTD. com. 1999, p. 291 ; F.
Dreifuss-Netter, « Droit de la concurrence et droit des obligations
», RTD civ. 1990, p. 369 ; B. Fages et J. Mestre, « L'emprise du
droit de la concurrence sur le contrat », in L'influence du droit du
marché sur le droit commun des obligations, RTD com. 1998, p. 11 ;
M.-A. Frison-Roche, « Remarques sur la distinction de la volonté et
du consentement en droit des contrats », RTD civ. 1995, p. 573 ; « Le
contrat et la responsabilité : consentements, pouvoirs et
régulation économique », RTD civ. 1998, p. 46 ; «
Contrat, concurrence, régulation », RTD civ. 2004, p. 451 ; L.
Idot, « L'empiètement du droit de la concurrence sur le droit du
contrat », RDC 2004, p. 882 ; M. Malaurie-Vignal, « Droit de la
concurrence et droit des contrats », D. 1995, Chr., p. 51 ; « Droit
de la concurrence et droit des obligations », Cah. dr. entr. 2000, n°
3, p. 11 ; M.-S. Payet, « Code civil et concurrence », in
1804-2004, Le Code civil, Un passé, un présent, un avenir,
Dalloz,
2004 ; B. Oppetit, « La liberté contractuelle
à l'épreuve du droit de la concurrence », Rev. sc. morales
et politiques 1995, n° 3, p. 241 ; L. Vogel, « L'articulation entre
le droit civil, le droit commercial et le droit de la concurrence », Rev.
conc. consom. 2000, n° 115, p. 6. Adde M. Chagny, Droit de la concurrence
et droit commun des obligations, op. cit. ; M.-S. Payet, Droit de la
concurrence et droit de la consommation, op. cit., n° 192 et s., p. 272 et
s.
169 D. Mazeaud Cass. civ. 1re, 26 mai 1993; Defrénois,
1994, article 35746, p. 351, obs.
Il s'agissait alors d'un « partenaire obligatoire »,
et en pareille hypothèse, la jurisprudence a justement
considéré que la dépendance économique devait
triompher170.
A l'inverse, lorsqu'un client, ayant connaissance des
difficultés d'une entreprise, lui impose ses conditions et que celle-ci
les accepte, nous rejoignons l'avis adopté par la chambre commerciale
selon lequel il n'y a rien à redire ;il s'agit simplement du
fonctionnement normal de l'économie libérale et de la loi d'offre
et de demande171.
En revanche, qu'en est-il lorsque le client, de part sa
puissance et sa surface financière, contraint l'entreprise à
contracter à ses propres conditions mais que celle-ci ne peut
objectivement survivre sans son client ?
Ce n'est actuellement pas le droit commun qui traite ce genre
de situation mais le droit de la concurrence172.
En effet, la violence économique que l'on
étudiera ne permet pas, même lorsque la victime rapporte la preuve
de l'absence d'alternative satisfaisante ,d' établir
l'illégitimité du comportement.
Selon l'auteur, il conviendra donc de rechercher le
marché de référence afin de caractériser un
éventuel abus de position dominante173.
Notre désir n'est pas tant de réintroduire une
condition préalable de dépendance économique mais
simplement de prendre en considération que ,dans le lien contractuel qui
unit les partenaires, le juge devra déterminer la puissance d'un
partenaire par rapport à l'autre et en tirer les conclusions afin de
faciliter la caractérisation de l'abus ou , au contraire, laisser aux
parties leur pleine et entière liberté contractuelle.
Si nous avions déjà évoqué dans la
première partie que cette condition nous paraissait
170 Comp. C. Ouerdane-Aubert de Vincelles, Altération du
consentement et efficacité des sanctions
contractuelles, Dalloz, 2002, nos 452 et s., p. 351 et s.
171
Cass. com., 20 mai 1980, Bull. civ. IV, no
212, relevant que le fait de souscrire à des clauses
contractuelles pour échapper au mal considérable
résultant du risque de fermeture de l'entreprise ne suffit pas à
établir la violence. La Cour d'appel doit préciser en quoi «
les agissements de la société étaient illégitimes
». Également,
Cass. com., 11 janv. 2005, pourvoi no
01-11.414, relevant que si le demandeur « avait pu consentir à
l'accord litigieux sous la contrainte économique, les clauses
critiquées par lui n'étaient pas illégitimes
et ne procuraient pas à la société Sopex un avantage
excessif ».
172 Comp. Y.-M. Laithier, « Remarques sur les conditions de
la violence économique », préc.
173 Sur la question de la dépendance du fournisseur
à l'égard du distributeur, M.-A. Frison-Roche et M.-S. Payet,
Droit de la concurrence, op. cit., nos 142 et s., p. 138 et s.
indispensable afin de mener à bien
l'appréhension de l'abus, il paraît logique que , dans le cas
où la contrainte de trouver un autre cocontractant est
inexistante,l'abus ne doit pouvoir être caractérisé.
A contrario, s'il existe une situation de soumission , qu'elle
soit d'ordre juridique (clause d'exclusivité par exemple) ou factuel
(liée à une situation de faiblesse),la relation pourra
relativement aisément être estampillée «
déséquilibrée ».
Chapitre 2 Pour l'admission mesurée du
déséquilibre financier
La nouvelle disposition, très générale,
ne fixe en effet aucune limite expresse au contrôle des dispositions
contractuelles par le juge.
Contrairement au droit de la consommation 174 , le
Code du commerce n'exclut en rien l'appréciation par le juge du coeur du
contrat. L'alinéa 4 de l'article L-442-6,1 conforte l'analyse, en
sanctionnant « le fait d'obtenir [sous la menace d'une rupture brutale,
totale ou partielle des relations commerciales] ou de tenter d'obtenir des
conditions manifestement abusives concernant les prix ».
L'article vise ainsi indistinctement tout «
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties ».
Sont donc en principe visés par le contrôle du
juge tous les types de clauses, tant celles limitant la responsabilité,
encadrant la garantie, que celles qui sont relatives à
l'approvisionnement, aux commandes, à la livraison, etc... Dès
lors, même si les juges pourront se servir du texte pour éliminer
certaines clauses abusives entre professionnels, le texte pourra aussi et
surtout leur permettre d'éliminer la lésion qui devra sans doute
être qualifiée175 ou encore la disproportion manifeste
176.
174 Alinéa 7 de l'article L. 132-1 du Code de la
consommation qui exclut « l'adéquation du prix ou de la
rémunération au bien vendu ou au service offert »
175 en ce sens M. Pichon de Bury et C. Minet, «Incidences de
la suppression de l'article L. 442-6, I, 1°, du Code de commerce et de
l'introduction de la notion de «déséquilibre
significatif» », Contrats, conc. consom. 1er déc. 2008 ;
contra M. Cousin, « La négociabilité des tarifs et des
conditions de vente après la LME : quels garde-
fous ? », préc.
176 v. les actes du colloque du 20 mars 1998 organisé par
le CEDAG, « Existe-t-il un principe de proportionnalité ? »,
LPA 1998, no 117, p. 58-63 ; v. égal. les actes du colloque
organisé par D. Mazeaud et Ch. Jamin, « Les clauses abusives entre
professionnels », Économica, coll. «Études juridiques
», t. 3
Nous ne sommes pas favorables à ce contrôle
judiciaire sur le prix. Cela étant, il n'en est pas moins acquis que ce
contrôle s'exercera effectivement. Néanmoins, nous souhaiterions
que ce contrôle soit restreint, afin de ne pas remettre en cause la
jurisprudence de 1995 (Section 1) sur la fixation du prix lors des contrats
cadres, et de sanctionner uniquement l'abus manifeste (Section 2).
Section 1 La remise en cause partielle de la
jurisprudence du 1 décembre 1995 sur la liberté de la fixation du
prix
La solution consistant à prévoir une fixation
unilatérale du prix dans les contrats cadres semble classique. En effet,
la saga jurisprudentielle s'est soldée par l'arrêt rendu en
assemblée plénière du 1er
décembre 1995, estimant que le prix ne constitue pas une condition de
validité du contrat de droit commun et ne répond donc pas aux
prescriptions de l'article 1129.
La fixation du prix étant dans la plupart de ces
contrats étendue sur de longues périodes, son
établissement semble délicat voire impossible lors du contrat
initial. Les partenaires souhaitent pour cette raison définir le prix au
moment opportun, quitte à ce qu'il soit fixé par une des parties;
seul l'abus dans la fixation du prix peut être sanctionné par le
juge à posteriori.
Ainsi, si l'on admet le contrôle et l'immixtion du juge
dans l'objet même du contrat, c'est par conséquent le prix lui
même qui peut être porteur d'un déséquilibre
contractuel.
Ce serait ainsi instiller dans le contrat le poison de
l'insécurité juridique pour celui qui bénéficie de
prix jugés lésionnaires, et cela serait la solution bénie
pour le partenaire qui, une fois contracté, pourrait réclamer
toute la batterie de sanctions prévues par le dispositif.
La problématique de la réception de la
lésion par le droit des contrats porte sur l'objet du contrôle
judiciaire.
En effet, doit -on élargir l'office du juge sur le quantum
du prix ou bien sur la manière dont le prix est fixé en restant
finalement aux solutions postérieures au 1 décembre 1995 ?
La voie prétorienne a en effet visé l'abus dans
la fixation du prix et non le prix abusif lui même.
Dans l'arrêt du 30 juin 2004177, la Cour de
Cassation, en présence d'une augmentation du prix de l'ordre de 150 %, a
invité avec insistance les juridictions du fond à ne pas porter
leur attention exclusive sur le niveau du prix.
Section 2 Les modalités du contrôle du
prix
On l'a vu, l'article serait une « mini révolution
» en ce qu'il permettrait de contrôler les clauses de prix et les
obligations financières stipulées dans le contrat.
Il nous semble cependant qu'il ne faut pas aller trop loin
dans l'analyse et rester conforme à la volonté initiale du
législateur qui est de rétablir une libre
négociabilité des prix.
Le terme « obligations» en lieu et place de «
contreparties » est ,à cet égard ,éloquent dans la
manière dont la législateur, lors des débats
parlementaires, a souhaité autoriser les abus réels certes,mais
dans la mesure où ils étaient appréhendés
globalement et non ligne à ligne.178
De plus, l'adjonction du qualificatif « manifestement
» ajouté à coté d' «abusif », marque la
nette volonté de restreindre autant que possible le contrôle dans
le prix et de ne pas sanctionner systématiquement un montant qui ne
correspondrait pas au juste prix.
Il paraît évident que, dans la mesure où
c'est une seule partie qui fixe le montant du prix et des conditions
financières, c'est donc naturellement l'autre partie qui pourra exercer
l'action et se voir reconnaître la possibilité de saisir le
juge.
Cependant, l'hypothèse selon laquelle c'est le
créancier qui fixe le prix est également contractuellement
envisageable, le débiteur pourrait dans ce cas se saisir du texte et
contester la fixation unilatérale.
Nous pensons que c'est davantage l'attitude de celui qui fixe le
prix qui sera réprimée.
177 Cass. civ. 1re, 30 juin 2004, Bull. civ. IV, no 190, p.
157.
178 Voir le Rapport de Jean-Paul Charié, préc.:
« la notion de «contrepartie» (...) est devenue liée
à l'autre notion «d'interdiction de discrimination» dont nous
avons justifié la suppression. Si nous laissions
«contrepartie» un certain nombre d'acteurs et les jurisprudences
glisseraient immanquablement vers des «contreparties ligne à ligne
à la négociation tarifaire» ».
Le caractère arbitraire de la fixation,
déjà sanctionné par la jurisprudence179, se
situe donc en ligne de mire.
C'est la raison pour laquelle nous n'insisterons jamais assez
sur la nécessité de se protéger en précisant dans
le contrat, éventuellement sous forme d'un préambule, les raisons
du montant fixé.
Outre le comportement du partenaire économique, on peut
tout a fait envisager que l'abus porte sur la situation des parties et donc sur
un résultat in fine. Un profit illégitime, voire une
confiscation de la rente pourrait donc caractériser l'abus comme cela a
été jugé dans les arrêts Alcatel180.
Au final, il nous paraît assez injuste de donner au
professionnel la possibilité d'invoquer la lésion qui n'est , de
plus, pas soumise à la démonstration d'une dépendance d'un
agent vis a vis de l'autre. Il nous semble raisonnable de penser que le prix
pourra encore, demain, être fixé librement par les parties, et que
le contrôle du juge ne sera au final pas différent de ce qu'il est
actuellement en ce qui concerne les solutions dégagées par
l'assemblée plénière le 1 décembre 1995. Ce ne sera
finalement que la sanction qui pourra être plus importante si la partie
lésée invoque notre disposition.
Chapitre 3 Pour le refus de l'admission de la
théorie de l'imprévision par le truchement des pratiques
restrictives de concurrence
La thèse solidariste prône qu'en cas de
modification de circonstances, indépendante de la volonté des
contractants, le contrat s'en trouve déséquilibré, et doit
par conséquent être renégocié 181. Cette
obligation de moyen de renégocier aurait comme vertu de de
rétablir
179 V. par exemple, CA Versailles, 27 janvier 2000,
évoquant «les augmentations pratiquées arbitrairement»
et encore «une redevance annuelle déterminée de
manière opaque, sans négociations (...), sans
référence au prix du marché».
180 Cass. civ. 1re, 29 novembre 1994.
181 Sur ce point, v. D. Mazeaud, « Regards positifs et
prospectifs sur "Le nouveau monde contractuel" », LPA du 7 mai 2004, no
92,
p. 47. Comp. Cass. com., 3 nov.
1992, RTD civ. 1993, p. 124, obs. J. Mestre. Adde sur l'imprévision :
Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, Bull. civ. I, no 86 ; Avant-projet de
l'équilibre du contrat.
Le principe de cette théorie consiste à
permettre au juge de réviser judiciairement le contrat en cas de
survenance d'un évènement imprévisible, indépendant
de la volonté des parties.
La liaison entre « notre »
déséquilibre significatif et la théorie de
l'imprévision est intéressante et soulève plusieurs
interrogations.
D'abord, nous étudierons l'hypothèse d'un
contrat d'adhésion qui n'a pas prévu de renégociation en
cas d'élément imprévisible. Nous verrons que si le
Jugement de Lille tend vers cette solution, nous sommes plus
réservés sur cette hypothèse relativement
hétérodoxe (Section 1).
Ensuite, nous étudierons l'hypothèse où
le déséquilibre significatif intervient durant l'exécution
du contrat. Dans ce cas, nous verrons qu'il conviendra de se tourner vers le
droit commun et vers les failles qui ouvriront peut être demain le
Canal de Craponne (Section 2).
Section 1 Le Jugement audacieux (et
éphémère) du Tribunal de Lille
Le jugement de Lille précité a fait une
interprétation étonnante, reprochant aux parties de ne pas avoir
prévu la possibilité de renégocier le contrat durant
l'exécution de celui-ci. C'est donc l'absence d'une clause de
révision des acomptes pour envisager les modifications de chiffres
d'affaires qui a été stigmatisé par les magistrats
nordistes.
Désormais,la question va être de savoir si ,en
cas de contrat non négocié, les parties devront prévoir
une clause de renégociation, voire de révision (qui n'est
d'ailleurs pas exactement une clause pour imprévision, vu que la baisse
du chiffre d'affaire est prévisible).
On peut se demander si ,lors d'un événement
imprévu,la Cour de Cassation reconnaissait la possibilité de
renégocier le contrat en l'absence de clause , cette jurisprudence
perdrait de son originalité. En effet,et ceci n'est qu'une
hypothèse, le juge pourrait,lui, inviter les parties à revoir
leurs engagements alors que le contrat ne le prévoit pas.
réforme du droit des obligations et de la prescription,
art. 1135-1.
Autre interrogation : l'action engagée par un ministre
avec l'appui des magistrats peut -elle avoir pour objet l'imposition d' une
clause que les parties n'ont pas négociée elles-mêmes ?
Le tribunal de Lille estime qu'il ne s'agit pas exactement
d'une imposition et considère qu'il ne s'agit pas de cela : « Le
ministre n'entend pas imposer une clause nouvelle, ni dicter la
rédaction des conventions commerciales (...); la LME visait au contraire
à renforcer la négociation commerciale entre partenaires (...)
»182
La motivation semble étrange, car ,même si l'on
souhaite redonner goût à la négociation lorsque l'on
sanctionne le fait de ne pas prévoir un abus, le juge s'immisce bien
dans le contrat, et l'on peut légitimement craindre que celui-ci
réécrive purement et simplement la loi.
Section 2 Les solutions du droit commun: vers une
reconnaissance progressive de la théorie de
l'imprévision
Si, aujourd'hui, le droit positif ne reconnaît pas
formellement la possibilité pour les cocontractants de renégocier
leur convention en présence d'un événement imprévu
(§1), la jurisprudence, semble cependant prête, a l'instar des
différents projets du droits des contrats et des solutions du droit
européen, à reconnaître cette théorie (§2).
§1) Le refus de L'imprévision
aujourd'hui
Depuis l'arrêt Canal de Craponne , le droit
français interdit la révision judiciaire du contrat en cas
d'imprévision. Ce sont donc les parties qui doivent prendre en main les
choses inconnues et insérer dans leurs conventions une clause qui
permettrait de renégocier le contrat.
182 v. jugement, p. 21
Le rapport juridique est fondé sur « la
perception, au moment de l'échange des consentements, des trajectoires
possibles que droits et obligations pourront prendre de manière
raisonnable au cours du temps. »183
A contrario, lorsque rien n'a été stipulé,
les parties prennent à leur charge les évènements
imprévisibles et elles en assument par conséquent les risques.
L'idée provient de l'adage « Pacta sunt
servanda » et l'intangibilité des conventions prime sur
l'aléa que le temps et les circonstances de la vie peuvent
réserver au contrat.
Cet adage fut validé par les magistrats du quai de
l'Horloge dans le célèbre arrêt Canal de Craponne
184.
Cependant, plusieurs problèmes surgissent.
Il est d'abord très difficile pour les rédacteurs
et pour les acteurs de prévoir ce qui,par nature ,est
imprévisible.
L'autre problème porte sur la qualification «
imprévisible » de l'évènement. En effet, comment
faire la part des choses entre ce qui est imprévisible et ce qui
relève davantage de l'imprévu ?
Enfin, cet événement profite la plupart du temps
à l'un des deux contractants, et la nature humaine est ainsi faite, il
est malaisé de renoncer à ce dont on a droit, même si le
fait générateur n'a pas été prévisible.
Le Code civil ne laisse cependant pas les rédacteurs
sans ressource et préconise le plus souvent la prévision de
clauses d'anticipation, notamment la mise en oeuvre de conditions
résolutoires, suspensives 185 ou encore des clauses
d'indexation de prix 186.
Le juge, lui, ne pourra s'introduire dans le contrat que
lorsqu'il s'agit d'une clause parfaitement identifiée.
Les clauses pénales 187, les clauses abusives
en droit de la consommation, les clauses limitatives de
responsabilité188, où en cas de préavis trop
bref lors d'une rupture brutale 189
183 Kami HAERI , « La prévision dans le contrat, la
prévision dans le procès »; Gaz. Pal, 30 déc. 2010
n° 364, P. 14
184Cass. civ., 6 mars 1876 : GAJ civ., Dalloz, 11e
éd., no 163.
185 C. civ., art. 1168 et s.
186 C. civ., art. 1243
187 C. civ., art. 1152
188Affaire Chronopost,
Cass. com., 22 oct. 1996, n° 93-18632
-
Cass. com., 9 juill. 2002, n°
99-12554. V. aussi Cass. 1re civ., 22 juin 2004, no 01-00444.
189
C. com., art. 442-6-1-5°
sont autant d'hypothèses où le juge ne s'estimera
pas lié par le choix initial des parties.
§2) Les failes dans le Canal de
Craponne
On assiste depuis vingt ans à ce que Denis Mazeaud
appelle : « des fissures dans le Canal de Craponne »190,
et qui ,demain,permettrait de prévoir, sous la bannière de la
bonne foi voire de la cause, la possibilité d'introduire dans le droit
français la révision pour imprévision.
Ce principe obligerait ainsi les parties à
renégocier de bonne foi, cette obligation étant de moyen. En cas
d'échec de la renégociation, le contrat serait en principe
maintenu et celui qui n'exécute pas le contrat verrait ensuite sa
responsabilité engagée.
Le juge pourrait, dans d'autres hypothèses, estimer que
la cause du contrat a disparu au cours de la relation
contractuelle191, même s'il est depuis longtemps établi
que la condition de validité du contrat doit être
appréciée au moment de sa formation.192
S'agissant de l'obligation de bonne foi, la Cour de cassation
dans l'arrêt Huard 193 a considéré
qu'en « privant l'une des parties des moyens de pratiquer des prix
concurrentiels, une importante société pétrolière
n'a pas exécuté le contrat de bonne foi et a commis une faute
contractuelle ouvrant droit à réparation ». C'est donc un
souci concurrentiel qui a poussé les hauts magistrats à forcer
les parties à renégocier leurs engagements.
Dans l'arrêt Novacarb194, nous nous
trouvons en présence d'une autre espèce ,à
190D. Mazeaud « Regards positifs et prospectifs sur "Le
nouveau monde contractuel" »art.cit. P 32
191 Cass. 1re civ., 30 oct. 2008 : D. 2008, p. 2937, obs. P.
Chauvin et C. Creton ; RTD civ. 2009, p. 118, obs. B. Fages ; JCP G 2009, II,
10000, note D. Houtcieff ; Defrénois 2009, art. 38916, n° 11, obs.
R. Libchaber ; RDC 2009, p. 49, obs. D. Mazeaud - Cass. 1re civ., 12 juill.
2006 : Bull. civ. 2006, I, n° 393 ; RTD civ. 2007, p. 105, obs. J. Mestre
et B. Fages ; RDC 2007, p. 253, obs. Y.-M. Laithier
192 C. civ., art. 1108 ; rappr. Cass. 1re civ., 17 juin 2008,
n° 07-15477, inédit : RDC 2008, p. 1133, obs. D. Mazeaud, qui juge
que peu importe, pour l'appréciation de la cause, la manière dont
les engagements ont été exécutés
193
Cass. com., 3 nov. 1992, no 90-18547.
194 CA Nancy, 26 sept. 2007, n° 06/02221.
nouveau symptomatique de l'infléchissement de la
jurisprudence de la fin du Xxième siècle : les parties avaient
anticipé et prévu une clause de renégociation en raison
d'un changement de circonstances. L'attendu de principe précise qu'en
cas d'échec des négociations, « la Cour serait en mesure
d'apprécier la responsabilité des parties dans le rejet des
propositions adverses et de sanctionner l'abus éventuel par
l'attribution de dommages et intérêts. ».
Enfin, par un arrêt du 29 juin 2010 195 ,la
chambre commerciale a rendu un arrêt pour le moins équivoque.
Il s'agissait d'un contrat de maintenance d'une centrale
d'énergie dans laquelle le débiteur de l'obligation de
maintenance utilisait une grande quantité de métaux pour
l'exercice de ce travail. Or, il est apparue une hausse brutale du prix des
métaux , si bien que le débiteur refusa à un moment
donné de continuer à exécuter le contrat.
La centrale assigna le professionnel en exécution
devant le juge des référés , estimant que sa
créance ne comportait aucune contestation sérieuse.
Et comment aurait -il pu en être autrement ,dans la
mesure où la hausse des prix n'est pas considérée comme
une contestation sérieuse puisque le droit français n'admet pas
l'imprévision?
La Cour de cassation prit, dans ce cas, le contre-pied et
estima que l'invocation de cette hausse de prix, en ce qu'elle bouleverse les
circonstances économiques du contrat, constitue une contestation
sérieuse.
La portée de cet arrêt est plus qu'incertaine. En
effet, la chambre commerciale a-t-elle voulu préciser que le
bouleversement économique du contrat en cours d'exécution est une
source de contestation sérieuse ?
Ou bien était -ce un message en creux témoignant
de la volonté et de la promptitude de la Cour de Cassation à
reconnaître d'ici peu la théorie de l'imprévision ?
§3) Pour l'entrée de l'imprévision par
le droit commun des contrats
195
Cass. com., 29 juin 2010,
n°09-67369.
Cette question posée n'est sans doute pas inopportune
dans la mesure où ,dans son rapport de 2007 concernant l'avant-projet de
réforme du droit des obligations,la Cour de Cassation s'est
montrée favorable à l'introduction de cette théorie. Le
message est le suivant: « À l'unanimité le groupe
estime [...] qu'il est nécessaire qu'une réforme du
droit des obligations aille jusqu'à la consécration d'une
authentique théorie de l'imprévision susceptible de jouer dans
des circonstances caractérisées avec prévision. S'en
remettre à la simple application du principe de bonne foi ne serait pas
suffisant car il est nécessaire que soit organisé par la loi le
champ de l'imprévision de façon à mieux assurer la
sécurité juridique ».196
Il s'agit donc d'une modification de notre droit, et de ses
valeurs.
Si notre droit reste attaché à des principes
sacrés au rang desquels l'intangibilité des conventions prescrite
à l'article 1134 du Code civil, il n'en est pas vraiment de même
à l'étranger, où l'on retrouve l'idée que le droit
doit, semble-t-il, davantage s'adapter à l'économie et coller
à la réalité afin d'offrir aux investisseurs des solutions
dynamiques et séduisantes.
A titre d'exemples, la Grèce, le Portugal, l'Italie,
l'Allemagne, les Pays-Bas et la plupart des pays anglo-saxons donnent droit de
cité au principe de l'imprévision197.
Concernant cet état de fait, le projet de
réforme du droit des contrats propose : « Si un changement de
circonstances, imprévisibles et insurmontables, rend l'exécution
excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté
d'en assumer le risque, celleci peut demander une renégociation à
son cocontractant mais doit continuer à exécuter ses obligations
durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la
renégociation, le juge peut, si les parties en sont d'accord,
procéder à l'adaptation du contrat, ou, à défaut, y
mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixe ».
Disons- le d'emblée, ce projet semble sans doute trop
timoré sur plusieurs aspects.
D'abord en ce que le projet ne permet pas au juge de modifier
le contrat sans l'autorisation des parties,sachant que ,si celles-ci sont
d'accord, elles peuvent (heureusement) réaménager leurs
conventions par un avenant ou simplement par la modification des solutions
initiales.
196
www.courdecassation.fr
197 Kami HAERI art. préc.
La seule innovation consiste au fait que le juge pourrait mettre
fin au contrat si le partenaire parvient à démontrer la mauvaise
foi d'une des parties lors de la renégociation.
Ce sera donc sans doute à la bonne foi de régler
demain le problème de l'imprévision, du moins indirectement...
Titre 2 Pour l'abrogation de l'article et le
renouvellement du droit commun face au droit spécial
La relation qu'a entretenue le droit de la concurrence avec le
droit commun a longtemps été comparable à un long fleuve
tranquille, paisible et harmonieuse.
Selon le Professeur Oppetit198, la libre
concurrence doit avoir comme corollaire que chaque agent puisse
développer librement son activité. Le droit de la concurrence
avait donc comme mission d'encadrer cette liberté, et d'en régler
les abus puisés notamment dans l'article 1382 du Code civil sanctionnant
les faits de concurrence déloyale. On a assisté ,ces
dernières années, à une mutation qui a vu le droit des
pratiques restrictives de concurrence se mêler des relations
bilatérales ne concernant pas directement le marché, mais les
relations microéconomiques.
Les rapports de force se sont ainsi renversés si l'on
considère la protection très favorablement accordée aux
producteurs il y a 30 ans ,alors qu'aujourd'hui c'est davantage les
distributeurs qui en sont les bénéficiaires.
La romance, l'idylle entre les deux droits ont par
conséquent été perturbées par ces changements et le
droit de la concurrence s'intéresse désormais davantage aux
inégalités contractuelles qu'aux manifestations excessives de
concurrences199.
Ce droit est ainsi devenu ,pour une grande partie de la doctrine
,un droit perturbateur du droit commun qui affaiblit celui-ci, l'ampute et le
cantonne200 .
A l'aune d'une volonté incontestable de dynamiser quelques
notions du Code civil par un
198B. Oppetit, La liberté contractuelle à
l'épreuve du droit de la concurrence, art.préc.
199 Par exemple, J. Rochfeld, préc. ; B. Montels, La
violence économique, illustration d'un conflit entre droit commun des
contrats et droit de la concurrence, RTD com. 2002, p. 41
200 M. Chagny, L'empiètement du droit de la concurrence
sur le droit des contrats,pré.cit. ; adde B. Montels, préc. ; D.
Mainguy, À propos des propositions du rapport Attali et des projets de
réforme du droit de la concurrence, D. 2007, p. 3019.
certain nombre de projets encourageants et
innovants201, nous souhaiterions montrer à quel point le
droit commun, s'il est en déclin (Chapitre1) possède en son sein
assez de dispositions protectrices envers la partie défavorisée
(Chapitre 2) qui pourront , demain, être rénovées et
dynamisées (Chapitre 3).
Chapitre 1 Le constat du déclin du droit commun
face aux droits spéciaux
On constate, impuissant, que les divers droits spéciaux,
investissent des champs qui sont traditionnellement dévolus au droit
commun. Nous verrons en quoi le droit commun est en déclin (Section 1)
avant de plaider les raisons d'un prochain retournement de situation (Section
2).
Section 1 Le bouleversement de certaines notions du
Code civil...
L'évolution des échanges, vraisemblablement au
-delà de la philosophie juridique202 ,a «
dépoussiéré » certaines dispositions du Code civil
pour permettre une plus grande moralisation contractuelle203.
Certains auteurs, à l'instar du Professeur Terré , estiment
même que cette évolution a pris la forme d'une course poursuite du
droit commun, derrière le droit de la consommation qui l'inspire ,afin
de protéger toujours davantage la partie faible204.
Cependant, le droit de la concurrence ne perturberait sans
doute pas autant le droit commun si ce dernier n'était pas à ce
point sensible aux idées de loyauté, d'équilibre, de bonne
foi et plus globalement à l'appréhension des
comportements205.
Citons par exemple l'extension du dol à la simple
réticence qui a consacré implicitement l'existence d'une
obligation pré-contractuelle de renseignement de nature
jurisprudentielle 206.
Ou encore la subjectivisation de la cause avec l'arrêt
Chronopost 207 mais encore la sanction de
201 «Avant projet de réforme du droit des
obligations, Rapport à Monsieur Pascal Clément, Garde des Sceaux
», 22 septembre 2005, site documentation français ; D. Fasquelle et
M.C. Mitchell, art. cité.
202 Thibierge-Guelfucci, Libres propos sur la transformation du
droit des contrats, préc.
203 Carbonnier, Introduction, in Le droit contemporain des
contrats, préc., p. 31
204 Terré, Simler et Lequette, Droit civil. Les
obligations, op. cit., n° 254
205Cf. Y. Picod, Le devoir de loyauté dans
l'exécution du contrat, LGDJ 1989 ; B. Fages, Le comportement du
contractant, PU Aix-Marseille 1997.
206 Beauchard, Droit de la distribution et de la consommation,
Edition Broché, 2008., p. 324-325 ; Terré, Simler et Lequette,
Droit civil. Les obligations, op. cit., n° 414
207
Cass. com., 22 octobre 1996, Bull. civ.
IV, n° 261, p. 223 ; D. 1997, 121, note A. Sériaux ; somm. p. 75,
obs.
l'abus dans la fixation du prix 208et d'une
façon générale l'interprétation extensive de
l'article 1134, alinéa 3 qui bénéficie du soutien d'une
partie de la doctrine 209.
Certes, les changements sont notables et la volonté,
autant du législateur que de la jurisprudence, a modifié certains
principes; néanmoins il reste vrai que le Code civil actuel ne permet
pas, ou en tous cas pas suffisamment, de sanctionner tous les comportements
fautifs (l'exemple de la lésion210 est d'ailleurs
significative).
Denis Mazeaud avait ainsi démontré que le droit
commun ne faisait qu'assurer une protection ponctuelle contre certaines formes
de déséquilibres211 .Comme l'expose l'auteur, l'abus
de droit se limite à protéger potentiellement un contractant
contre l'exercice déloyal, par son partenaire, d'un pouvoir
unilatéral. Le pouvoir de révision du juge, tiré de
l'article 1152, alinéa 2 du Code civil, peut lutter contre certaines
clauses, mais la protection se limite aux clauses pénales manifestement
excessives ou dérisoires. Enfin, le recours à la
«cause», comme l'a fait la jurisprudence dans l'arrêt
Chronopost pour éradiquer certaines clauses de responsabilité
abusive ,est de portée limitée et controversée.
Section 2 La nécessité de dynamiser la
protection offerte par le droit commun
Ph. Delebecque ; J.C.P. 1997. II. 22881, note D. Cohen ; Cont.
Conc. Cons. 1997, n° 24, obs. L. Leveneur ; J.C.P. 1997. I. 4002, n°
1, obs. M. Fabre-Magnan ; Defrénois, 1997, 333, obs. D. Mazeaud ; H.
Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la
jurisprudence civile, T. 2, Dalloz, 11e éd., 2000, no 156. V.
l'arrêt de renvoi, Caen, 5 janvier 1999, D. 1999, inf. rap. 187 ; J.C.P.
2000. I. 199, n° 14, obs. J. Rochfeld. V. depuis,
Cass. com., 17 juillet 2001, J.C.P. 2002.
I. 140, n° 17, note J. Rochfeld.
208 V. par exemple
Cass. com., 15 janvier 2002, D. Aff. 2002,
1974, note Ph. Stoffel-Munck. V. également Ch. Jamin, Révision et
intangibilité du contrat ou la double philosophie de l'article 1134 du
Code civil, Droit et Patrimoine, mars 1998, p. 46. V. plus
généralement, Ph. Stoffel-Munck, L'abus dans le contrat, essai
d'une théorie, L.G.D.J. 2000.
209 V. par exemple D. Mazeaud, Loyauté, solidarité,
fraternité, la nouvelle devise contractuelle ?, Mélanges F.
Terré, Dalloz/P.U.F./Juris-Classeur, 1999, p. 603-634 ; Ch. Jamin,
Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, in Le contrat au début du
XXIe siècle : études offertes à Jacques Ghestin,
L.G.D.J. 2001, p. 461 ; Révision et intangibilité du contrat ou
la double philosophie de l'article 1134 du Code civil, Droit et Patrimoine,
mars 1998, p. 46 ; C. Thibierge-Guelfucci, Libre propos sur la transformation
du droit des contrats, R.T.D. Civ., 1997, p. 357-385. Rappr. H. Muir Watt,
Reliance et définition du contrat, in Prospectives du droit
économique, dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 57.
210 Voir notamment : D. Mazeaud, in Étude Ch. Jamin et
D. Mazeaud, prec., et Clauses limitatives de réparation: les quatre
saisons, art.cit. ; M. Behar-Touchais, Les contrats de la distribution,
art.cit. ; M. Boizard, La réception de la violence économique en
droit, LPA, 16 juin 2004, n° 120, p. 5 ; P. Cramier, art. cité.
211 D. Mazeaud, La protection, par le droit commun, in Les
clauses abusives entre professionnels, art.cit.
L'histoire du droit commun est finalement celle d'une
régression constante, comparable au cas où « les branches
sont devenues plus grosses que le tronc », avec une évolution qui
s'est faite subrepticement, pour arriver au constat pessimiste et sans doute
alarmiste que nous dressons.
On pourrait poser la question suivante : au lendemain de cette
loi LME ,quels sont les moyens dont dispose encore le droit commun pour lutter
contre les déséquilibres contractuels ?
Disons -le d'emblée, l' abrogation de l'article
442-6,1;2° permettrait au droit commun, par un mécanisme de vases
communicants, de se saisir d'un nouvel espace que concèderait ce droit
spécial212.
A défaut, et comme le souligne justement le Doyen
Cornu, le droit commun n'aurait plus qu' « un rôle résiduel
à jouer » 213. Ces « droits militants
»214que constituent le droit de la consommation d'une part et
le droit des pratiques restrictives de concurrence d'autre part ont
participé à cette « entreprise de
démantèlement »215 et plongé la doctrine
dans la nostalgie, voire la résignation de considérer le droit
commun réduit en « peau de chagrin ».
Le droit commun a vu se dresser, face a lui, pléthore
de dispositions dites « spéciales » telles que la
législation sur les clauses abusives 216, l'incrimination de
l'abus de faiblesse217 ou encore les interventions
législatives sur les relations entre producteurs et distributeurs dont
la disposition étudiée est sans doute l'apogée.
L'histoire montre d'ailleurs que la doctrine s'acclimate
progressivement à ces dispositions souvent jugées dans un premier
temps comme contraires aux principes du Code civil
218;secondairement,la reconnaissance de leur conformité s'
abrite derrière certains principes reconnus du droit commun, notamment
l'exigence de bonne foi couvrant
212 Calais-Auloy et Steinmetz, Droit de la consommation,
op.cit.
213 sur ce rôle résiduel lié au
développement des droits spéciaux, Collard-Dutilleul et
Delbecque, Contrats civils et commerciaux, Précis Dalloz, 3e
éd., 1996, n° 5 ; Terré, Simler et Lequette, Droit civil.
Les obligations, cit.. ; Cornu, L'évolution des contrats en France,
in Journées de la Société de législation
comparée, 1979, RID comp., n° spéc., vol. 1, p. 447 et
s.
214 J. Beauchard, eod. loc. n° 12.
215F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les
obligations, D. 1996, sp. n° 12
216 Article L. 132-1 à L. 132-5 du Code de la
consommation.
217 Article L. 223-15-2 et s. du Code pénal
218 en ce sens, Borysewicz, Les règles protectrices du
consommateur et le droit commun des contrats, Réflexions à propos
de la loi n° 78-23 du 10 janv. 1978 sur la protection de l'information des
consommateurs de produits et de services, préc.
l'éradication des clauses abusives.
Deux exemples illustrent ce changement dans les
mentalités. Tout d'abord la directive communautaire du 5 avril 1993
219 estimant que c'est la bonne foi qui abrite les dispositions des
clauses abusives, et ensuite certaines décisions
prétoriennes220 qualifiant d' abusives certaines clauses, non
pas sur l'autel des clauses abusives mais sur l'abus de droit dont le fondement
textuel est constitué par l'article 1134 du Code civil.
Créer ainsi un déséquilibre significatif
global et général permettrait de considérer les
revendications du droit de la consommation et du droit des pratiques
restrictives de concurrence sous la bannière d'un même article.
Cela permettrait en effet d'enrayer l'impuissance de notre
droit commun221 stigmatisée par certains auteurs. Pour ce
faire, il faudra gommer, demain, les disparités entre les
différents droits afin de rendre plus lisible notre droit sans que
l'efficacité de la protection n'en pâtisse; plus lisible d'abord,
car les frontières et les contours de ces droits spéciaux ne sont
pas toujours exactement délimités, notamment à cause d'une
absence de définition du consommateur222; plus lisible
également, car on ne saurait ranger dans une catégorie
précise un contrat comportant des dispositions saisies par les contrats
de consommation ou par l'article L442-6 du Code de commerce sans que les
dispositions du droit commun ne puissent s'appliquer223.
On signalera néanmoins qu'une partie de la doctrine
estime au contraire qu'il serait possible de classer en une véritable
catégorie ces contrats, par rapport à leur
protection.224
Enfin, si l'on souhaite ardemment que le droit commun se
saisisse des déséquilibres
219Calais-Auloy et Steinmetz, Droit de la consommation, op. cit.,
n° 166 ; Calais-Auloy, L'influence du droit de la consommation sur le
droit civil des contrats, préc. ;
220A. Karimi, L'application du droit commun en matière de
clauses abusives après la loi n° 95-96 du 1er févr. 1995,
JCP 1996. I. 3918
221 Beauchard, Droit de la distribution et de la consommation,
op. cit., p. 31
222 Cass. civ. 1re, 10 juill. 1996, RJDA 1996, n° 1549 ;
Cass. civ. 1re, 5 nov. 1996, Dalloz Affaires, 1997, n° 1, p. 20
223 en ce sens, Beauchard, Droit de la distribution et de la
consommation, op. cit., p. 38, p. 321-322
224 G. Raymond, Les contrats de consommation, in Après
le Code de la consommation, grands problèmes choisis, Actes du
colloque du 24/02/1994 de l'Université de Reims, Litec 1995, p.67
significatifs, c'est aussi par rapport à la philosophie
de la législation des droits spéciaux. En effet, autant le droit
de la consommation que le droit des pratiques restrictives de concurrence
protègent la partie considérée comme faible.
Par ailleurs, nous avons vu et établi que cette situation
s'explique par l'impuissance économique à négocier le
contrat contenant des clauses standardisées.
Par conséquent, ce souci relèverait, à notre
sens, davantage de la théorie générale du Code civil que
de droits spéciaux 225.
Chapitre 2 Vers un droit commun des clauses
abusives
Le Professeur Jacques Mestre a proposé ,à
l'occasion des débats concernant l'anniversaire de « la vieille
bicentenaire » ,d'introduire dans dans le Code civil, « le droit des
clauses abusives »226.
L'avant-projet de réforme du droit des obligations
dirigé par le Professeur Pierre Catala, propose deux articles :
l'article 1122-1 posant le principe que « le défaut
d'équivalence entre les prestations convenues dans un contrat commutatif
n'est pas une cause de nullité, hormis les cas où la loi admet la
rescision du contrat pour cause de lésion », et l'article 1122-2
qui énonce : « cependant, la clause qui crée dans le contrat
un déséquilibre significatif au détriment de l'une des
parties peut être révisée ou supprimée à la
demande de celle-ci, dans les cas où la loi la protège par une
disposition particulière, notamment en sa qualité de consommateur
ou encore lorsqu'elle n'a pas été négociée
».
Ce texte permettrait ainsi au consommateur ,quelle que fut la
négociation préalable, de supprimer voire de réviser une
des clauses du contrat qui serait abusive.
Pour le professionnel, le traitement de la cause est identique
à la condition que le contrat n'ait pas été
négocié ,ce qui constitue une véritable « innovation
»227. Lorsque
225En ce sens J. Ghestin, Traité de droit civil. Les
obligations. Le contrat, formation, LGDJ, 2e éd., n° 588 ; D.
Mazeaud, La matière du contrat, in Les concepts contractuels
français à l'heure des Principes du droit européen des
contrats, ss dir. P. Remy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, coll.
Thèmes et commentaires, 2003, p. 81 et s., spéc., p. 94 ; Ph.
Stoffel-Munck, L'abus dans le contrat. Essai d'une théorie,
op.cit.. V. également L. Grynbaum, Un code, mais lequel ?, RDC
2008, p. 583 : «des questions telles que la bonne foi ou les clauses
créant un déséquilibre (clauses abusives) sont
partagées par le droit commun des contrats et le droit de la
consommation».
226 J. Mestre, Les difficultés de la recodification pour
la théorie générale du contrat, in Le Code civil 1804-
2004. Livre du bicentenaire, Dalloz, Litec, p. 241.
227 J. Huet et R. Cabrillac, Exposé des motifs -
Validité - objet, in L'avant-projet de réforme de droit
des
l'identification de la clause abusive concerne le contractant
consommateur, nous pensons que la protection doit rester assurée par le
droit de la consommation actuel. Restreindre la protection aux clauses non
négociées serait, en l'état du droit positif,
inconciliable avec l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
Quand au contenu de l'abus, il semblerait logique de reprendre
la définition commune des L. 132-1 et L. 442-6,I;2° des Codes de la
consommation et du commerce à savoir « le
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat ».
Concernant, enfin , la sanction de la clause, l'avant-projet
Catala prévoit que la clause peut être révisée ou
supprimée .
Nous pensons que cette solution, si elle permet une immixtion
plus grande du Juge dans les contrats, doit être approuvée.
Nous avons déjà établi les mérites
de cette sanction qui, de plus, est reprise dans les différents projets
de réforme du droit des contrats, ainsi que dans certains projets
d'harmonisation du droit européen des contrats228.
À l'égard des consommateurs, la révision
de la clause, telle que le prévoyait l'avantprojet Catala, constitue une
sanction, inconnue de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui ne
prévoit que le « réputé non écrit ».
Certes, l'article L. 133-2 confère au juge un pouvoir
d'interprétation contra proferentem, ce qui pourrait
éventuellement être compris comme une forme de révision
.Cependant , cette « révision » de la clause se cantonne aux
hypothèses de clauses obscures. Le pouvoir de révision du juge
à l'égard des clauses abusives contenues dans les contrats de
consommation ouvrirait donc, s'il était mentionné dans le droit
commun, un régime de protection du consommateur distinct de celui qui
est prévu dans le Code de la consommation. Ce serait ici une source
inutile de complication du droit. La sanction du « réputé
non écrit » qui existe déjà en droit spécial
devrait être maintenue.
obligations et de la prescription, Doc. fr., p. 36.
228 E. Poillot, Droit européen de la consommation et
uniformisation du droit des contrats, préf. P. de
VareillesSommières, LGDJ,
Bibl. dr. pr., T. 463, no 811.
Proposition d'article :
Lorsqu'une clause fait partie d'un contrat qui n'a pas fait
l'objet de négociation et qui crée un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, cette
clause sera réputée abusive et pourra être supprimée
par le cocontractant qui s'estime lésé.
Chapitre 3: Pour un élargissement de la violence
économique actuelle
Lorsqu'il s'agit d'étudier la violence, il faut de prime
abord savoir ce que recouvre cette
notion.
En effet, en fonction de la sensibilité de chacun, elle
se « nichera », tantôt dans chaque interstice de la relation
contractuelle, estimant sans doute qu'il y a contrainte dans la majorité
des cas, tantôt dans des circonstances bien plus précises. Dans
cette situation,seule la violence la plus destructrice, la plus craintive
entrainerait la nullité de la convention.
La violence est, par essence, une notion polymorphe, que l'on
retrouve dans bien des situations allant du chômeur face à un
employeur peu scrupuleux229, l' entreprise en faillite face à
son seul client dont elle dépend, ou encore, ce qui va nous
intéresser davantage , à un petit fournisseur face un puissant
distributeur.
Le dénominateur commun de ces situations
délicates, est constitué par le fait que chacune d'entre elles
traduit la présence d'une profonde inégalité
économique.
On verra qu'un juste milieu peut être atteint, et que,
si la jurisprudence semble actuellement rétive à admettre la
nullité lors de certaines hypothèses(Chapitre 1), divers projets
admettrons certainement plus largement la violence économique dans un
avenir plus ou moins proche (Chapitre 2).
229 L'état de subordination juridique est inhérent
au contrat et l'on a pu relever qu'« une violence économique
minimale est donc, en un sens, constitutive du rapport de travail », B.
Edelman, « De la liberté à la violence économique
», préc., n° 12, p. 2317.
Section 1 La violence économique aujourd'hui:
les difficultés pratiques
Rappelons d'abord que le délit civil de violence est
directement inspiré du droit pénal relatif à l'abus de
vulnérabilité 230.
Lorsqu'il s'agit de lutter contre cet état, signalons
que le dol peut également être une voie empruntée dans
certains cas. L'arrêt de la Cour d'Appel de Colmar le démontre.
Les magistrats estiment qu'en cas de pressions nocturnes exercées sur
une dame âgée et conduisant à parapher un contrat, ce
dernier est de nul effet car son consentement n'était pas entier au
moment de la signature de l'acte 231.
S'agissant de la violence proprement dite, deux obstacles
retardent ou empêchent l'effectivité de la théorie de la
violence économique et permettant de comprendre les difficultés
qu'éprouvent les victimes de cette violence particulière.
D'abord, cela tient naturellement à la situation
d'oppression de celui que l'on peut appeler « la victime contractuelle
» . Il est extrêmement difficile en effet, lorsque l'on a consenti
puis exécuté une relation , de la dénoncer ensuite. Les
raisons de cette non dénonciation sont précisément celles
qui ont conduit le partenaire malheureux à contracter dans des
situations pour le moins asymétriques.
L'autre obstacle est constitué par la difficulté de
rapporter la preuve.
En effet, le déséquilibre contractuel peut
servir, selon la jurisprudence, à démontrer la contrainte
économique d'une part232, mais également la nature
illégitime de cette contrainte233.
La Cour d'Appel et la Cour de Cassation sont d'ailleurs en
désaccord sur cette notion. Pour la
230. Visées par le législateur aux articles L.
122-8 du Code de la consommation et 313-4 du Code pénal
231CA Colmar, 30 janv. 1970, D. 1970, jur., p. 297, note E.
Alfandari, RTD civ. 1970, p. 755, JCP G 1971, II, 16609, obs. Y. Loussouarn,
Defrénois 1971, art. 29914, n° 66, p. 891, obs. J.-L. Aubert.
232 V. par exemple, Trib. gr. inst. Bourges, 1re ch., 11 avril
1989 : «Le vice contractuel de l'article 1112 du Code civil consiste en
une exploitation abusive par un contractant dominant d'un état de
supériorité lors de la négociation par des pressions
matérielles ou psychologiques, atteignant le consentement du contraint
dans son élément de liberté d'une manière
suffisamment forte pour justifier l'annulation du contrat
déséquilibré qui en est résulté
(...)».
233 Le paiement par un voleur d'une indemnité
«sensiblement supérieure au préjudice réel subi»
par une société, sous la menace d'user d'une voie de droit,
montre que l'accord a été «obtenu en profitant des
circonstances», ce qui révèle «un abus de droit»
justifiant l'annulation de la transaction. V. Paris, 31 mai 1966, Gaz. Pal.
1966. 2. 194. V. également l'arrêt pour lequel la menace de voie
de droit «ne pourrait constituer la violence prévue aux articles
1109 et s. du Code civil, que si elle avait eu pour but d'obtenir des
signataires des engagements excessifs», Paris, 8 juillet 1982, D. 1983,
473, note D. Landraud.
Cour d'Appel, la relation déséquilibrée
sert à prouver la dépendance économique , ce qui est
suffisant pour caractériser la violence économique234.
A l'inverse, les hauts magistrats estiment que ce n'est que dans le cas
où les moyens sont injustes et illégitimes qu'il faut
établir la violence économique.
Dès lors, le simple constat de « la subordination
(du travailleur) à l'égard de l'employeur ne saurait faire
présumer un vice du consentement »235.
Il faudrait en revanche « une exploitation abusive d'une
situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la
crainte d'un mal menaçant directement les intérêts
légitimes de la personne» pour caractériser
l'abus236.
Il s'agit donc d' une opposition entre les juges du droit et
les juges du fait, dans laquelle les premiers répugnent à
accepter trop facilement la théorie et, par ce biais, la lésion
,alors que les seconds envisagent la dimension subjective de la violence.
Pour les juges du fond, admettre ainsi la violence
économique reviendrait à se rapprocher du régime
probatoire de la lésion. En effet, il suffirait alors de rapporter le
constat de la situation d'infériorité d'une partie ,
critère subjectif , et d'un déséquilibre
économique, critère objectif pour admettre la violence.
Cependant,pour que le concept de violence économique
soit intégralement assimilé à la lésion, il serait
nécessaire de rapporter la preuve d'une dépendance
économique à l'intérieur ou à l'extérieur du
contrat. C'est en ce sens qu'a été jugé par la
première chambre civile de la Cour de cassation qui a souligné,
dans un arrêt du 30 mai 2000237,que« la contrainte
économique se manifestant par un déséquilibre contractuel
relève de la violence et non de la lésion ».
A l'inverse, la même chambre civile de la Cour de
Cassation qui a été sollicitée deux ans
plus tard238 a refusé de faire le parallèle entre
la faiblesse de l'un des deux contractants et la
234 V. G. Virassamy, Les contrats de dépendance, L.G.D.J.
1986, préf. J. Ghestin et du même auteur, Les relations entre
professionnels en droit français in La protection de la partie faible
dans les rapports contractuels, L.G.D.J. 1996, p. 479 ; ainsi que, avec M.
Behar-Touchais, Les Contrats de distribution,op.cit..
235 Paris, 12 juin 1995, op. cit.
236G. Loiseau, « L'éloge du vice ou les vertus de la
violence économique », Gaz. Pal. 24 janv. 2003, p. 19
237 Cass. civ. 1re, 30 mai 2000, Bull. civ. I, n° 169 ;
D. 2000, 879, note J.-P. Chazal ; Defrenois 2000, 1124, obs. Ph. Delebecque ;
Cont. Conc. Cons. 2000, n° 142, note L. Leveneur ; R.T.D. Civ., 827, obs.
J. Mestre et B. Fages ; R.T.D. Civ. 2000, 863
238 Cass. civ. 1re, 3 avril 2002, D. 2002, p. 1860, note J.-P.
Gridel
violence économique. Autrement dit, s'il était
possible de « craindre la possibilité d'une telle issue
»239, la violence économique ne pourront être
caractérisée en l'absence d'un comportement illégitime.
Section 2 Pour une extension de la violence
économique liée à la convergence du droit spécial
et du droit commun
L'avant-projet de réforme du droit des obligations
prévoit, comme cause de nullité, le vice de violence tout en s'en
tenant aux solutions retenues par la Cour de Cassation.
Tour d'abord parce que la contrainte économique peut se
rattacher à la violence 240. L'article 11143 de
l'avant-projet de réforme du droit des obligations, piloté par le
Professeur Catala, prévoit en ce sens que : « il y a
également violence lorsqu'une partie s'engage sous l'empire d'un
état de nécessité ou de dépendance, si l'autre
partie exploite cette situation de faiblesse en retirant de la convention un
avantage manifestement excessif ». L'alinéa 2 précise que :
« la situation de faiblesse s'apprécie d'après l'ensemble
des circonstances en tenant compte, notamment de la vulnérabilité
de la partie qui la subit, de l'existence de relations antérieures entre
les parties ou de leur inégalité économique ».
D'autre part, si l'on souhaite aujourd'hui faire converger les
droits spéciaux et le droit commun, c'est que forcément, à
la base ,ces deux droits se sont écartés et que le droit
principal, à la racine, n'a pas souhaité s'aventurer sur des
notions qu'il ne jugeait pas utile de combattre.
Notons qu'il est paradoxal de s'apercevoir qu'aujourd'hui le
droit de la concurrence va permettre de sanctionner les abus de
dépendance contractuelle «plus aisément
légitimés sur le terrain du droit des
contrats».241
239, C.A. Paris, 12 janvier 2000, op. cit.
240 Cass. civ. 1re, 30 mai 2000, Bull. civ. I, n° 169.
241 A. Pietrancosta, Les hypercentrales au regard du droit de la
concurrence, LPA du 17 août 1988, V. aussi A. Pirovano, M. M. Salah,
L'abus de dépendance économique: une notion subversive?, LPA
1990, p. 13.
Le Professeur Stoffel-Munck 242 estime que cette
proposition de l'avant projet s'en remet à la jurisprudence
précitée et ne laisse pas le soin à celle-ci
d'évoluer à travers d'autres interprétations.
En revanche, le projet de réforme élaboré
par la Chancellerie a souhaité élargir le vice de violence aux
cas où « une partie abuse de la situation de faiblesse de l'autre
pour lui faire prendre, sous l'empire d'un état de
nécessité ou de dépendance, un engagement qu'elle n'aurait
pas contracté en l'absence de cette contrainte »243.
Le droit des contrats, s'il retenait cette proposition,
accueillerait ainsi la ferveur des règles du droit de la concurrence
dans cette évolution de la législation. On constate donc une
sorte de convergence entre ces deux corps de règles qui , classiquement,
servent à régler des situations différentes. En effet, en
temps ordinaires, le droit de la concurrence n'a pas pour fonction de
protéger le faible contre le fort ; cependant, au nom du bon
fonctionnement du marché, il prend en compte les rapports de force dont
certains opérateurs bénéficient244.
Donc, si, classiquement entendu, le droit de la concurrence ne
se préoccupe pas particulièrement des faibles 245,il
n'autorise pas pour autant les forts à « jouer » librement. On
l'a vu, le droit des pratiques restrictives de concurrence a substantiellement
modifié la philosophie et l'esprit de certains concepts. Ce droit a
ainsi renoncé à la libre concurrence afin de moraliser les
relations et d' admettre , par ce biais , la lésion ,attitude que le
droit civil se refuse à adopter.
Le droit civil refuse en effet , de façon
catégorique , d'accueillir plus largement le vice de violence
économique en raison de son atteinte à l'autonomie de la
volonté.
La célèbre affaire des cuves246 est une
illustration éloquente du fait que cette protection est plus efficace
lorsqu'elle est régie par le droit de la concurrence.
242 Ph. Stoffel-Munck, « Autour du consentement et de la
violence économique », Revue de droit des contrats, 2006,
p. 45.
243Art. 63 du rapport préc. Cit.
244 V. sur l'importance de la notion de pouvoir en droit de la
concurrence, M.-S. Payet, Droit de la concurrence et droit de la consommation
op.cit.
245 V. cependant à propos de l'idée que
certaines dispositions de la loi N.R.E. du 15 mai 2001 témoignent d'une
volonté de contribuer au «progrès social», A. Pirovano,
Droit de la concurrence et progrès social, D. 2002, n° 1, p.
62-70.
246 V. Paris, 5 mai 1988, D. 1988, inf. rap. 164.
Pour conclure, la voie de la violence économique semble
incertaine. Tout d'abord, en l'état actuel des choses, car la
difficulté de rapporter la preuve n'incite pas la victime à
exercer une action judiciaire; ensuite, à cause de la conception
relativement restrictive de la Cour de Cassation qui n'éprouve pas le
désir d'ouvrir la brèche à la lésion en permettant
un élargissement de la conception de la violence économique.
Il existe alors trois solutions.
La première serait d'admettre , demain, le projet ou du
moins la disposition du projet de la chancellerie afin de qualifier plus
facilement la violence, sans pour autant autoriser le contrôle du prix
par cet article hypothétique.
La seconde voie, et ceci est une proposition que nous
formulons, serait d'insérer un article qui élargirait la
conception actuelle de la Cour de Cassation, sans pour autant autoriser la
lésion. Un renversement de la charge de la preuve est également
prévu. Voire même, avec un peu d'audace, la possibilité
pour les victimes de se regrouper pour faire valoir leurs droits, mais ceci
dépasse le cadre de notre propos.
Cette proposition introduirait la violence économique
en tenant compte de la fragilité inhérente à la situation
du contractant .Le terme «état de nécessité »
serait entendu strictement mais prendrait en compte objectivement la situation
de détresse du cocontractant en permettant conjointement une
interprétation subjective grâce à l' usage du terme «
dépendance ».
Proposition d'article:
« Il y a violence économique lorsqu'une partie
impose à son cocontractant qui est, au moment de la conclusion du
contrat , sous l'empire d'un état de nécessité ou d'une
dépendance, de prendre des engagements qu'il n'aurait pas pris en
l'absence de cette contrainte ».
La troisième solution serait d'étudier la
possibilité de sanctionner les abus sous l'angle
de la cause et du critère de proportionnalité.
Chapitre 4 Un contrôle de proportionnalité en
droit civil comme alternative à la réception de la violence
économique
Face aux résistances de la Cour de cassation d'
accueillir plus largement le vice de violence économique, un courant
doctrinal propose de s'orienter vers la reconnaissance d'un principe de
proportionnalité247.
Le contrôle de la proportionnalité n'est en effet,
en termes généraux, que l'application du principe selon lequel
tout acte juridique doit être adéquat à la fin
poursuivie.
Nous pensons que le contrat, lorsqu'il est conclu, met
nécessairement en relation des parties aux intérêts
antagonistes. Chacune d'elles doit en accepter les conditions, fussent-elles
rédigées par l'une ou par l'autre, conformément à
ses intérêts personnels.
La question mériterait sans doute d'être
renversée. Ce serait dans la mesure où il n'y aurait plus
d'intérêt pour un des deux partenaires que le contrat devrait
alors être revisité.
La disproportion que prendrait une clause où un contrat
serait analysé comme un engagement dépourvu
d'intérêt pour le cocontractant. Il s'agirait de cette
manière de sanctionner l'abus en tant que vice objectif, à la
différence des vices de consentement.
Section 1 L"éradication par la jurisprudence
des clauses qui réduisent à néant l'intérêt
du partenaire
Selon une conception classique et traditionnelle, un
déséquilibre contractuel ne peut, actuellement,être
appréhendé sous l'angle de l'article 1131 du Code civil.
La jurisprudence estime qu'en présence d'un prix
dérisoire, le contrat doit être anéanti
pour défaut de cause, et ainsi, remettre les parties dans la
situation antérieure au moment où elles
247 V. d'une façon générale les
contributions in Existe-t-il un principe de proportionnalité ?, LPA
1998, no 117 ; C. Thibierge-Guelfucci, Libre propos sur la transformation du
droit des contrats, R.T.D. civ. 1997, p. 378 ; L. Fin- Langer,
L'équilibre contractuel, thèse, Orléans, 2002.
ont contracté.
Mais, si le prix vil est sanctionné, en revanche , point
besoin que les engagements réciproques soient identiques et apportent
les mêmes avantages.
Le célèbre arrêt Chronopost 248
a considérablement bouleversé cette vision objective de la cause
et a permis au juge de « subjectiviser »249 le
contrôle de proportionnalité.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé , sur
le fondement de l'article 1131 du civil civil , que la clause limitant la
responsabilité du transporteur en cas d'inexécution de son
obligation de rapidité au paiement d'une somme égale au
coût du transport, soit une somme limitée, était non
écrite au motif qu'elle contredisait la portée de l'engagement de
Chronopost.
De cette manière, à l'appréciation
abstraite de la cause entendue comme contrepartie, s'ajoute la cause comprise
comme mesure de l'intérêt que le contrat présente pour les
cocontractants. Ceci crée une ouverture sur un contrôle plus
général de l'« équilibre entre les prestations et
d'un équilibre global entre les droits et les obligations des parties et
entre les clauses ».
La cause devient ainsi un correcteur des graves
déséquilibres affectant le contrat 250qui, au vu d'une
autre jurisprudence tout aussi récente, proviendraient, non plus
exclusivement de l'absence de contrepartie juridique comme dans l'affaire
Chronopost, mais également de l'absence de contrepartie commerciale
lorsque l'exécution d'un contrat selon l'économie voulue par les
parties s'avère impossible251.
Malgré cette innovation jurisprudentielle, le fait qu'une
clause soit disproportionnée
248(
Cass. com., 22 octobre 1996, Bull. civ.
IV, no 261, p. 223 ; D. 1997, 121, note A. Sériaux ; somm. p. 75, obs.
Ph. Delebecque ; J.C.P. 1997. II. 22881, note D. Cohen ; Cont. Conc. Cons.
1997, no 24, obs. L. Leveneur ; J.C.P. 1997. I. 4002, no 1, obs. M.
Fabre-Magnan ; Defrénois, 1997, 333, obs. D. Mazeaud ; H. Capitant, F.
Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile,
T. 2, Dalloz, 11e éd., 2000, no 156. V. l'arrêt de renvoi, Caen, 5
janvier 1999, D. 1999, inf. rap., 187 ; J.C.P. 2000. I. 199, no 14, obs. J.
Rochfeld. V. depuis,
Cass. com., 17 juillet 2001, J.C.P. 2002.
I. 140, no 17, note J. Rochfeld. )
249 V. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les
obligations, Dalloz, coll. Précis, 8e éd., 2002, no 342.
250Beauchard, Droit de la distribution et de la consommation, op.
cit., p. 328
251Cass. civ. 1re, 3 juill. 1996, RTD civ. 1997. 903, obs. Mestre
; RTD com. 1997. 308, obs. Bouloc.
n'entraine pas pour autant le déséquilibre de
l'ensemble du contrat.
C'est en ce sens qu'a jugé la Cour de Cassation
,estimant que la disproportion d'une clause n'entraîne pas de
conséquence dans la mesure où elle n'affecte pas
l'équilibre de l'économie générale du contrat
252.
Par exemple, un terrain vendu pour un euro symbolique apparait
déséquilibré. Cependant, si ce contrat comporte d'autres
obligations parallèles ainsi que d'autres engagements de l'acheteur, le
contrat trouve dans ces contraintes une cause qui n'autorise pas à
anéantir la convention.
En réalité,notre déséquilibre du
Code de commerce sanctionne l'abus lui-même, et non pas la disproportion
, même si les deux vont souvent de paire.
Section 2 Pour l'édiction de la
proportionnalité en véritable principe de droit
Actuellement,le contrôle de la disproportion appartient
exclusivement aux juges du fond253, et uniquement en l'absence de
disposition législative expresse prise par la Cour de cassation
254. Comme il s'agit d'une notion factuelle, la Cour de Cassation
n'a pas le pouvoir de casser un arrêt de la Cour d'Appel qui aurait
statué dans le sens ou non d'une disproportion. Nous voudrions en
quelque sorte « tordre le cou » à ce postulat et ériger
la proportionnalité en véritable principe du droit.
La jurisprudence a d'ailleurs déjà
emprunté cette voie dans un arrêt du 3 juillet 1996255.
Dans cette décision, les hauts magistrats se sont expressément
référés à la notion d'économie du
contrat.
En l'espèce, un couple avait conclu , avec une
société, un contrat de création d'un Point
club vidéo et de location de cassettes. La société
avait correctement rempli ses obligations en
252 Cass. civ. 3e, 3 mars 1993, J.C.P., 1994. I. 3744, obs. M.
Fabre-Magnan.
253 en matière de primes d'assurance, l'article L.
132-13 du C. ass., en matière de protection des consommateurs se portant
caution, l'article L. 313-10 du Code de la consommation, en matière de
clause pénale, l'article L. 1152, alinéa 2 du Code civil
254V. par exemple la reconnaissance du pouvoir souverain des
juges du fond en matière de réduction du prix de vente excessif
des offices ministériels, l'arrêt de principe Cass. Req., 12
janvier 1863, D. P. 1863. I. 302. Concernant la réduction des honoraires
de mandataires, v. par exemple, Cass. civ. 1re, 2 avril 1997, R.T.D. Civ. 1998,
p. 113, obs. J. Mestre. Sur le constat du caractère excessif du trouble
de voisinage, v. par exemple, Cass. civ. 2e, 21 mai 1997, D. 1998, J., p. 151,
note B. Fages ; J.C.P. 1998. II. 10057, note L. Mauger-Vielpau, R.T.D. Civ.
1998, p. 115, obs. P. Jourdain.
255 Civ. 1re, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 286, RTD civ.
1997. 903, obs. J. Mestre
mettant des cassettes à la disposition des
époux.
Cependant, le contrat fut anéanti car son
exécution était pratiquement impossible en raison de la situation
géographique des nouveaux entrepreneurs. En effet,
l'agglomération dans laquelle ils s'étaient établis ne
comptait que 1 314 habitants , de sorte que « l'exécution du
contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible
».
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation fut pour le moins
audacieuse car, tenant compte de l'environnement économique , elle a
établi une étude de marché, postérieurement au
contrat signé, afin d'établir la conclusion selon laquelle le
contrat ne présentait aucune utilité pour les parties.
Cet arrêt représente sans doute l'exemple
symptomatique d'une immixtion exagérée des juges dans le contrat
et d'un solidarisme à toute épreuve.
Bien que le corollaire d'une généralisation du
contrôle de la proportionnalité par la Cour de Cassation serait un
risque d'insécurité juridique manifeste, il nous semble cependant
utile de se demander si, dans certains cas, les magistrats du Quai de l'Horloge
ne pourraient pas se saisir de situations « significatives ».
Pour ne pas étendre l'insécurité qui
règne dans la plupart des contrats, il faudrait suppléer le
pouvoir des juges du fond par un contrôle minimum de la Cour de cassation
sur la qualification et la motivation. Pour résumer, si les juges du
fond peuvent requalifier à souhait ce qu'ont convenu les
parties256, il en va de même de la Cour de cassation à
l'égard des premiers. « Qualifier constitue une opération
juridique , soumise d'une façon à peu près
systématique , au contrôle de la Cour de cassation
»257 .
Cette position aurait au moins le mérite d'apporter de
la cohérence à certaines solutions. De cette manière,le
droit ne se désintéresserait pas de la situation des parties et
deviendrait sans doute plus pragmatique qu'à l'heure actuelle.
Il convient donc de dépasser ce risque, afin de
cantonner le contrôle aux cas les plus sensibles et éviter ainsi
de remettre trop souvent en cause les engagements pris. Cependant, il nous
semble que dans certains cas, cet outil du droit commun peut être
efficace lorsque sont contractés des engagements dont il est
établi que les avantages qui en résultent marquent «une
volonté défaillante, parce qu'absente ou
contrainte»258. Cet outil remplacerait ainsi
256 V. sur le pouvoir de requalification des juges du fond
l'article 12 du nouveau Code de procédure civile.
257 J. Vincent, S. Guichard, Procédure civile, Dalloz,
coll. Précis, 26e éd., 2001, no 519.
258 (N. Molfessis, Le principe de proportionnalité et
l'exécution du contrat in Existe-t-il un principe
utilement la violence économique telle qu'elle est
actuellement envisagée par le Code civil et par l'avant -projet de la
chancellerie.
Ce prisme de l'intérêt du contrat
réconcilierait ainsi le droit civil et le droit des pratiques
restrictives de concurrence. En effet, nous avons déjà
démontré la différence entre, d'une part l'analyse «
subjectiviste » des magistrats qui sont animés par la
volonté des parties et d'autre part, le contrôle davantage
objectif que prône classiquement le droit de la
concurrence259.
Ce contrôle de proportionnalité allierait les
deux, l'objectif et le subjectif, au travers notamment des situations de
déséquilibre et de la notion de faiblesse de la partie
victime.
Nous focaliserons notre étude sur le contrôle de
la proportionnalité au niveau de la formation du contrat, sachant que la
responsabilité civile peut également prendre le relais 260. Un
arrêt semble cependant important ; il concerne l' administrateur d'une
société qui avait acheté des actions à un
associé sans l' avertir qu'il avait lui même trouvé des
acheteurs à un prix bien plus élevé. Cette
réticence a contraint l'acheteur à payer d'importants
dommagesintérêts.
Par cette décision, Denis Mazeaud a estimé que
« le juge a restauré une certaine équivalence
économique entre les prestations des cocontractants
»261.
Ceci étant, si la violence économique ne peut
être utilisée que dans des cas relativement marginaux qui tiennent
compte à la fois de la qualité de la victime et des manoeuvres de
l'auteur de la violence, le droit civil dispose en son sein d' instruments
permettant la sanction de la disproportion par laquelle se manifestent souvent
les situations de violence économique.
Actuellement, la Cour de Cassation contrôle l'usage de la
proportionnalité par les juges du fond, et non pas sa mesure. Par
exemple, pour qualifier une clause abusive, la Cour de
de proportionnalité ?, LPA 1998, no 117, p. 24. )
259 V. d'une façon générale, J. Hauser,
Objectivisme et subjectivisme dans l'acte juridique, L.G.D.J. 1971.
260
Cass. com., 27 février 1996, Bull.
IV, no 65 ; Rev. bancaire et bourse, 1997, no 59, p. 27, obs. M. Germain, et
M.-A. Frison-Roche ; LPA 1997, no 21, p. 7, note D.R. Martin ; D. 1996, somm.
p. 342, note J.-C. Hallouin ; Quot. jur. 1996, no 39, p. 9, obs. P.M. ; R.T.D.
Civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre ; J.C.P. 1996. II. 22665, note J. Ghestin ;
D. 1996, p. 518, note Ph. Malaurie ; J.C.P. éd. E. 1996. II. 838, note
D. Schmidt et N. Dion.
261 D. Mazeaud, op. cit., p. 14.
cassation262 a contrôlé l'existence
d'un déséquilibre mais non le déséquilibre
lui-même. Ce contrôle a permis de qualifier une clause abusive en
approuvant les juges du fond qui ont fait une référence de bon
aloi à la disproportion, et ainsi de qualifier la clause d'abusive.
Pour restreindre le contrôle des juges du fond et
éviter de sombrer dans une insécurité juridique chronique,
il existe différents moyens.
D'abord , le contrôle, par la Cour de Cassation, de la
motivation des jugements et arrêts rendus par les juges du fond. A
l'instar de ce qui se fait en matière de clause
pénale263, les juges du fond qui recourent au contrôle
de la proportionnalité des engagements de chacun des partenaires devront
motiver les raisons qui ont conduit à une telle motivation.
S'agissant des clauses pénales,l' arrêt de
chambre mixte du 20 janvier 1978 a ainsi cassé un arrêt d'appel
qui avait réduit une clause pénale après l'avoir
considérée « un peu élevée
»264. L'explication indigente a donc été un motif
de cassation.
Ce que nous souhaitons pour le contrôle de
proportionnalité est en réalité ce qui existe actuellement
pour la faute. En effet, ces deux notions ont , comme point commun , de n'
être définies par aucun texte. Il a donc été
jugé qu'« il appartient à la Cour de cassation
d'apprécier si les faits souverainement constatés par les juges
du fond présentent les caractères juridiques de la faute
»265. La motivation doit donc s'exercer en détails,
« le rôle de la Cour de Cassation sera d'imposer aux juges du fond
de justifier dans les motifs de leurs décisions qu'ils ont bien
constaté l'existence de ces éléments
»266.
Pour conclure, nous approuvons la manière et l'audace
avec lesquelles la jurisprudence
262 V. par exemple, Cass. civ. 1re, 26 mai 1993, D. 1993, J, p.
568, note G. Paisant ; D. 1994, somm., p. 13, obs. Ph. Delebecque ; J.C.P.
1993. I. 3709, obs. I. Marchessaux ; Cont. Cons. Cons., 1993, no 181, obs. G.
Raymond ; Defrénois, 1994, article 35746, p. 351, obs. D. Mazeaud ;
R.T.D. Civ., 1994, p. 97, obs. Mestre.
263 V. d'une façon générale, M. Saluden,
L'étendue du contrôle exercé par la Cour de cassation sur
les juges du fond en matière de clause pénale, Gaz. Pal., Rec.
1984, doctr. 262.
264 Cass. ch. mixte, 20 janvier 1978, D. 1978, inf. rap. 229,
obs. M. Vasseur ; R.T.D. Civ. 1978, p. 377, obs. G. Cornu
265 Cass. civ., 15 avril 1873, D.P. 73.1.262 ; S. 1873. 1.
174. V. également dans le même sens, Cass. civ. 28 février
1910, D.P. 1913. 1. 43 ; S. 1911. 1. 329, note Appert ; H. Capitant, F.
Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile,
11e éd., Dalloz, 2000, no 185. V. également par exemple, F.
Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz,
coll. Précis, 8e éd., 2002, no 716.
266 G. Viney, note sous Cass. civ. 1re, 4 juillet 2000, J.C.P.,
25 juillet 2001, p. 1499.
a élargi la notion de cause , avec l'arrêt
Chronopost qui permet d'évincer la clause réduisant à
néant la contrepartie. S'agissant du contrôle global du contrat,
on a vu que le comportement peu scrupuleux du partenaire pourrait rendre
celui-ci dépourvu de tout intérêt. On a alors
observé la réticence de la Cour de Cassation à admettre un
tel contrôle, laissant aux juges du fond le soin de régler ce qui
est proportionné de ce qu'il n'est pas.
Nous souhaitons ouvrir l'office des magistrats de la Cour de
Cassation et, par conséquent, créer un filtre permettant de
décider si des faits peuvent être qualifiés de
disproportionnés selon qu'ils respectent ou non certains critères
établis par cette même Cour.
L'idée serait de s'inspirer de la faute qui est
appréciée in abstracto en fonction de la notion standard
du « bon père de famille ». La motivation des juges du fond
sera alors primordiale pour éviter la censure.
La disproportion pourrait donc servir à qualifier le
vice de violence économique s'il était établi que la
différence entre les droits et les obligations des parties d'une part,
ou leurs prestations, d'autre part, étaient disproportionnées par
rapport aux intérêts en jeu à savoir l'intérêt
de l'auteur et la sauvegarde de « la personne ou de la fortune » 267
de la victime.
267 Article 1112, alinéa 1er du Code civil.
Conclusion
Selon Henri Lacordaire « Entre le fort et le faible,
entre le riche et le pauvre, entre le Maître et le serviteur, c'est la
liberté qui opprime et la loi qui affranchit. ». Cet adage
célèbre résume parfaitement la devise du
législateur qui a rédigé l'article L442-6,I,2° du
Code de commerce .
Nous avons pu mesurer, lors de cette étude, les dangers
d'une rédaction alambiquée lorsqu'il s'agit de fixer des contours
rigides et des conséquences juridiques certaines.
Nous avons tenté de faire preuve de sagacité
pour dégager un mode d'emploi précis des notions que ce texte
recouvrait.
Au final, nous avons introduit des « gardes- fous »
dans l'application du texte et envisagé des moyens, pour le partenaire
en état de force, de s'exonérer de sa responsabilité afin
de sécuriser le mieux possible les contrats acceptés.
Nous préconisons en effet que ce texte ne soit
appliqué que dans les cas où la liberté est virtuelle.
Pour apaiser les craintes justifiées des acteurs de la
vie des affaires, nous préconisons la justification en marge des clauses
lors de situations qui peuvent sembler suspectes, l'admission d'une certaine
dose de déséquilibre et la prise en compte du contexte
économique et concurrentiel. La fragilité du partenaire en
situation de faiblesse plaide également pour une entrée
discrète dans les prétoires, y compris pour les années
à venir.
Ceci étant, ce texte fait entrer dans le droit
français, qu'on l'accepte ou non, un contrôle du prix par le
juge.
Nous avons démontré que ce concept de prix
lésionnaire ne va sans doute pas entrainer la réécriture
d'une grande partie des contrats. L'avenir dira si les juges accepteront de
censurer un contrat qui ne comporte aucune disposition prohibée, mais
qui traduit un déséquilibre contractuel. Il faudra bien
évidemment que celui-ci soit « significatif», comme le texte
l'impose, pour que la responsabilité d'une partie soit
engagée.
Enfin, l'article étudié marque en creux la
frilosité du droit commun par rapport à la vivacité des
droits spéciaux.
Nous espérons donc que la tendance s'inverse, d'abord
pour rendre les lettres de noblesse au droit commun mais au-delà de
cette raison, afin de disposer d'un droit lisible et compétitif sur le
plan international.
A la veille de la recodification de cette « vieille dame
bicentenaire »268, c'est ce que nous souhaitons!
268Picod. Y , D. 2006, p. 324
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Cass. com., 22 octobre 1996 ; J.C.P. 1997.
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Cornu (G) Cass. ch. mixte, 20 janvier 1978; R.T.D. Civ. 1978, p.
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Decocq (G)
Cass. com., 6 février 2007, JCP E
2007. 2303, obs.
Delebecque (Ph) ss Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996, D. 1997. Somm.
174, obs. Delebecque Cass. civ. 1re, 26 mai 1993 D. 1994, somm., p. 13, obs.
Durry (G) Cass. civ. 1re, 14 décembre 1982, Bull. civ. I,
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note ;
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Jamin (Ch) Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996 JCP 1997. I. 4015,
n° 1, obs. Jamin (Ch) Cass. civ. 1re, 10 février 1998, JCP G 1988,
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Cass. com., 22 oct. 1996 ; Rev. Contrats,
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Libchaber (R) 1re civ., 30 oct. 2008 Defrénois 2009, art.
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Loussouam (Y) CA Colmar, 30 janv. 1970 RTD civ. 1970, p. 755, JCP
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Martin (D-R)
Cass. com., 27 février 1996 LPA
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Mauger-Vielpau (L) Cass. civ. 2e, 21 mai 1997 J.C.P. 1998. II.
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Erzsébet Sustikné Gyorfi, aff. C-243/08
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Mazeaud (D) 1re civ., 30 oct. 2008 RDC 2009, p. 49, obs.
Mazeaud (D) Cass. 1re civ., 17 juin 2008, n° 07-15477,
inédit : RDC 2008, p. 1133, obs. Mazeaud (D)
Cass. com., 22 octobre 1996
Defrénois, 1997, 333, obs.
Mazeaud (D), Cass. civ. 1re, 10 février 1998 ,D. 1998, p.
539, obs
Mazeaud (D) Cass. civ. 1re, 30 mai 2000 R.T.D. Civ. 2000, 863,
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Mazeaud (D) Cass. civ. 1re, 26 mai 1993; Defrénois, 1994,
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Mestre (J) et Fages (B) Cass. 1re civ., 12 juill. 2006 : Bull.
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Mestre (J) et Fages (B)
Cass. com., 6 février 2007 ; RTD
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Mestre (J) ; Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996 RTD civ. 1997. 424,
obs. Mestre (J) R.T.D. Civ., 1989, p. 538.
Mestre (J)
Cass. com., 22 oct. 1996, RTD civ. 1997.
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Mestre (J) Cass. civ. 1re, 3 juill. 1996, RTD civ. 1997. 903, obs
;
Mestre (J) Cass. civ. 1re, 2 avril 1997, R.T.D. Civ. 1998, p.
113, obs.
Mestre (J) Civ. 1re, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 286,
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Mestre (J)
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jur. 1996, no 39, p. 9, obs. P.M. ; R.T.D. Civ. 1997, p. 114, obs.
Mestre (J) Cass. civ. 1re, 26 mai 1993; R.T.D. Civ., 1994, p. 97
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Paisant (G). Cass. civ. 1re, 14 mai 1991, D. 1991. 449, note J.
Ghestin ; Defrénois 1991, art. 35142, obs. J.-L. Aubert ; JCP éd.
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Paisant (G), Cass. civ. 1re, 10 février 1998 JCP G 1998.
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Paisant (G) Cass. civ. 1re, 26 mai 1993, D. 1993, J, p. 568, note
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Poissonnier (G) et. Tricoit ( J.-Ph) CJCE, 26 oct. 2006, Mostaza
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Pradel (J) CEDH, 24 avr. 1990, Kruslin (procédure
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Raymond (G) Cass. civ. 1re, 1er février 2005, Contrats,
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Seriaux (A)
Cass. com., 22 oct. 1996; D. 1997. J. 121,
note
Seriaux (A)
Cass. com., 22 octobre 1996, Bull. civ.
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Serinet (Y-M) Cass. Ass. plén., 21 déc. 2007, Bull.
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Schmidt (D) et Dion (N)
Cass. com., 27 février 1996 ;
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Vertut (J-M.)
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Vasseur (M) Cass. ch. mixte, 20 janvier 1978, D. 1978, inf. rap.
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V : JURISPRUDENCE
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Cons. const., 29 juillet 2004, no 2004-500 DC
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Filo
Cour Européenne des Droits de l'Homme
CEDH, 26 avr. 1979, no 6538/74, Sunday Times
Cour de Cassation
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Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, no 04-19923
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Cass. com.29 janvier 2008, pourvoi n°
07-13778,
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Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi
n° 06-14981 ;
Cass. com., 10 juill. 2007, no 06-14768 et
p32 s
Cass. com., 6 févr. 2007 Bull. civ.
2007, IV, no 20
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Cass. com., 11 janv. 2005, pourvoi no
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Cass. 1re civ., 22 juin 2004, no 01-00444.
Cass. com., 25 mars 2003, pourvoi n°
01-01.482.
Cass. com., 9 juill. 2002, n°
99-12554.
Cass. Com., 16 déc. 2000 Bull. civ.
2008, IV, no
208. Cass. com., 6 avril 1999, RJDA
7/99, n° 848.
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20 Cass. civ. 1re, 10 juill. 1996, RJDA 1996, n° 1549 ;
Cass. com., 20 mai 1980, Bull. civ. IV, no
212,
CA Paris, 14 déc. 2010, no 08/09544
CA Paris, 2 juill. 2009 : no 07/20043.
CA de Versailles, 11 mai 2006, n° 05/00760.
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VI : RAPPORTS
ANZIANNI B. et BETEILLE L., Rapport d'information n°
558 (2008-2009) de MM. A. Anzianni et L. Béteille, fait au nom de la
commission des lois, déposé le 15 juillet 2009,
www.senat.fr, travaux parlementaires,
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libération de la croissance française », 2008 rapport
publié sur le site de l'assemblée nationale
Canivet (G), « Rapport du groupe d'experts sur les rapports
entre industrie et commerce », 18 oct. 2004. rapport publié sur le
site de l'assemblée nationale
Canivet G. , Rapport du groupe d'experts sur les rapports
entre industrie et commerce , 18 oct. 2004
Catala P. (sous la dir.), Rapport sur l'avant projet de
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négociation, Rapport de la Commission d'examen des pratiques
commerciales 2007-2008, Annexe 10, p. 142 et s.
Charié Jean-Paul, rapport n° 908
déposé le 22 mai 2008: commission des affaires
économiques, des finances et des lois de l'Assemblée
nationale, rapport publié sur le site internet de
l'Assemblée nationale
Hagelsteen M-D, Rapport sur la négociabilité
des tarifs et des conditions générales de vente, 12
février 2008, p. 29
TERRE F , Pour une réforme du droit des contrats,
Dalloz, 2009.
Rapport de la CEPC 2007-2008, p 137
Rapport CLCF, propositions de décisions 202, 203, 204
et D. Mainguy, À propos des propositions du rapport Attali et des
projets de réforme du droit de la concurrence, D. 2007, p. 3019.
Table des matières
Introduction 1
Première partie: Le mode d'emploi du
déséquilibre significatif des pratiques restrictives de
concurrence 11
Titre 1 La délimitation du périmètre du
déséquilibre significatif 11
Chapitre 1 Propos introductifs concernant
l'insaisissabilité du champ d'application liée aux incertitudes
de l'influence consumériste 11
Chapitre 2 L'absence de négociation comme condition
préalable 13
Section 1 De l'infériorité du partenaire
à la convoitise de la protection consumériste 14 Section 2 Le
fondement de cette présomption : la liberté souhaitée par
la suppression de la condition préalable de dépendance
économique 15 Section 3 La justification de cette présomption par
un contexte contractuel singulier 19
A. Les conditions générales de vente: berceau de
la négociation 19
B. La nécessité d'une convention
récapitulative 20
Section 4 Les conséquences de cette présomption
21
Chapitre 3 Vers une assimilation du partenaire commercial
à la relation commerciale 23
Section 1 L'importation des solutions concernant la notion de
relation commerciale
de la rupture abusive 23
Section 2 La protection bilatérale du texte 25
Section 3 Vers des nouveaux contrats suspectés 25
Titre 2 Une protection paradoxalement supérieure au droit
consumériste 27
Chapitre 1 Une appréciation contractuelle globale
privilégiée 27
Section 1 Le contre-pied du conseil constitutionnel et son
étonnante interprétation 27
Section 2 Les raisons d'une interprétation fallacieuse du
conseil constitutionnel 29
Section 3 Une mini-révolution inspirée du droit de
la concurrence 31
Chapitre 2 Une application clause par clause possible 32
Section 1 Le jugement de Lille précurseur 32
Section 2 L'importation des différents types d'abus
consuméristes 34
§1 ) Le pouvoir unilatéral du partenaire
économique 34
§2) L'avantage sans réciprocité ni simple
contrepartie 36
Chapitre 3 Des dispositions assistant les juridictions et
encourageant la promotion du texte 38
Section 1 Le constat du peu de succès actuel du texte
38
Section 2 Le souci de promouvoir le texte par une
réorganisation judiciaire 39
39
§1 La Commission d'examen des pratiques commerciales,
nouvel outil régulateur
d'abus
|
39
|
A. La Commission d'examen des pratiques commerciales, guide des
juridictions
|
39
|
B. La procédure: un simple avis qui ne lie pas le juge
|
41
|
C. Une garantie pour la sécurité juridique
|
42
|
§ 2 L'utilité et les limites d'une
spécialisation des juridictions
|
43
|
Chapitre 4 Une palette de sanctions adaptées et
un mécanisme procédural particulier 44
Section 1 L'action de la victime 44
Section 2 L'action des instances étatiques 48
Section 3 Vers le devoir pour le juge de relever d'office le
déséquilibre significatif 51
§ 1 L'influence de la CJUE sur le droit de la consommation
52
§ 2 La justification d'un tel mécanisme par la nature
protectionniste du droit des pratiques restrictives de concurrence 53
Seconde partie: Les solutions prospectives pour le
déséquilibre significatif 56
Titre 1 Pour une autonomie de notre «
déséquilibre significatif » 56
Chapitre 1 Les conditions d'exonération du partenaire en
situation de supériorité 56
Section 1 L'admission d'un déséquilibre simple et
relatif 57
Section 2 Pour une pédagogie contractuelle permettant de
justifier et de comprendre les abus 58
Section 3 La prise en compte de l'éventuelle
possibilité de trouver un autre partenaire économique 60
Chapitre 2 Pour l'admission mesurée du
déséquilibre financier 62
Section 1 La remise en cause partielle de la jurisprudence du 1
décembre 1995 sur la
liberté de la fixation du prix 63
Section 2 Les modalités du contrôle du prix 64
Chapitre 3 Pour le refus de l'admission de la théorie de
l'imprévision par le truchement des pratiques restrictives de
concurrence 65
Section 1 Le Jugement audacieux (et
éphémère) du Tribunal de Lille 66
Section 2 Les solutions du droit commun: vers une reconnaissance
progressive de la théorie de l'imprévision 67
§1) Le refus de L'imprévision aujourd'hui 67
§2) Les failles dans le Canal de Craponne 69
§3) Pour l'entrée de l'imprévision par le
droit commun des contrats 71
Titre 2 Pour l'abrogation de l'article et le renouvellement du
droit commun face au droit spécial 73
Chapitre 1 Le constat du déclin du droit commun face aux
droits spéciaux 74
Section 1 Le bouleversement de certaines notions du Code civil
74
Section 2 La nécessité de dynamiser la protection
offerte par le droit commun 75
Chapitre 2 Vers un droit commun des clauses abusives 78
Chapitre 3: Pour un élargissement de la violence
économique actuelle 80
Section 1 La violence économique aujourd'hui: les
difficultés pratiques 81
Section 2 Pour une extension de la violence économique
liée à la convergence du droit spécial et du droit commun
83
Chapitre 4 Un contrôle de proportionnalité en droit
civil comme alternative à la réception de la violence
économique 86
Section 1 L"éradication par la jurisprudence des clauses
qui réduisent à néant
l'intérêt du partenaire 86
Section 2 Pour l'édiction de la proportionnalité en
véritable principe de droit 88
Conclusion 93
BIBLIOGRAPHIE 95
I : OUVRAGES GENERAUX, MANUELS ET TRAITES 95
II : OUVRAGES SPECIAUX, THESES ET ESSAIS 96
III : ARTICLES, ETUDES, ENCYCLOPEDIES JURIDIQUES, AVIS 97
IV : NOTES, OBSERVATIONS, ET CONCLUSIONS DE JURISPRUDENCE 104
V : JURISPRUDENCE 109
|