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Le droit des propriétés publiques à  l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA

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par Morgan Reynaud
Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011
  

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2) La valorisation indirecte du spectre audiovisuel.

La dénomination « spectre audiovisuel » n'est pas une terminologie officielle. L'expression définit en réalité la partie du spectre qui est utilisée pour la communication audiovisuelle. L'utilisation d'une telle locution a pour objectif de distinguer cette partie du spectre des fréquences assignées par l'ARCEP. Quoiqu'il en soit, si le spectre audiovisuel n'est pas financièrement valorisé d'une manière directe, force est de constater que les évolutions technologiques que nous connaissons actuellement concourent à une valorisation indirecte de ces fréquences. Celle-ci peut tout d'abord être financière (a). A l'inverse, une valorisation non financière du spectre a été permise par le développement de nouvelles technologies encouragées par le CSA (b). Il convient de préciser d'emblée que cette partie restera au carrefour entre le droit, l'économie et la technique tant ces trois éléments sont liés en matière de valorisation du domaine public hertzien.

a) La valorisation financière indirecte du spectre audiovisuel.

Le rôle du CSA est, sur ce point, très limité. En effet, on a vu qu'il n'a pas la possibilité de faire payer une redevance aux occupants d'une autorisation de fréquence qu'il délivre. Cependant, son rôle technique lui permet de prendre part à cette valorisation financière indirecte.

Avant d'expliquer comment l'État à travers l'ARCEP, tente de valoriser indirectement le spectre jusqu'alors réservé à la communication audiovisuelle, il convient d'apporter quelques éléments techniques relatifs au passage à la télévision numérique terrestre (TNT).

Le principe semble simple si l'on s'en tient à une vision globale. L'ancienne méthode de diffusion (analogique terrestre) se définit comme suit : à chaque chaîne correspond une fréquence déterminée. Ce mode de diffusion doit, en France, disparaître le 30 novembre 2011 au profit de la diffusion en mode numérique.

Cette dernière, par une méthode de multiplexage permet, à plusieurs chaînes d'émettre sur une même fréquence. Ainsi, par exemple, le multiplex R2 se partage-t-il actuellement entre I-Télé, BFM TV, Direct 8, Gulli, Direct Star (anciennement Virgin 17) et France 4159(*). Il en découle que, si le spectre reste une ressource rare, l'optimisation de son utilisation permet de dégager un dividende numérique.

Le dividende numérique a été défini par la Direction générale du Trésor et de la politique économique comme l'ensemble des « fréquences hertziennes qui seront libérées par l'extinction du signal télévisuel analogique prévue fin novembre 2011 et le passage à la diffusion numérique plus efficace (télévision numérique terrestre ou TNT)160(*) ». Le dividende numérique est donc le « surplus » de fréquences restantes du fait de l'optimisation des fréquences utilisées par le biais du multiplexage.

Or, la DGTPE a vu en cette libération de fréquences un moyen de valoriser financièrement le spectre hertzien. Pour ce faire, la DGTPE ne proposait pas d'imposer aux éditeurs de services audiovisuels de payer une redevance pour occupation privative du domaine public mais de faire basculer une partie de ce dividende numérique dans le champ de compétence de l'ARCEP. Or, les opérateurs qui utilisent des fréquences attribuées par l'Autorité sont, eux, soumis au paiement d'une redevance, qui peut atteindre plusieurs milliards d'euros pour les « fréquences en or ». C'est ainsi que la quatrième licence 3G a été attribuée à Free Télécom pour 240 millions d'euros161(*). Pour ce faire, l'ARCEP a, comme l'y invite l'article L2125-3 du CGPPP, tenu « compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation 162(*)».

De même, l'attribution des fréquences 4G, permise par l'exploitation du dividende numérique, rapportera au minimum 2,5 milliards d'euros à l'État. Un arrêté du 14 juin 2011163(*) prévoit ainsi que le prix de réserve portant sur l'ensemble des fréquences allant de 791 à 862 MHz est de 1,8 milliard d'euros. Ces bandes, considérées comme des « fréquences en or 164(*)», sont appelées ainsi du fait de leur capacité optimale à transporter des données. Les bandes de 2,6GHz seront attribuées, elles, pour un montant minimum de 700 millions d'euros. Cependant, ces prix ne sont que des prix de réserves minimums et les opérateurs pourront, dans un système d'enchères, proposer plus. De même, les bandes de fréquences sont alloties et ne seront donc pas occupées par le même opérateur165(*).

Cette valorisation n'est cependant pas sans poser de problème. En effet, l'ARCEP ne souhaitait pas que les redevances soient aussi chères, préférant que les opérateurs titulaires de ces licences favorisent la couverture de leurs réseaux. Pour l'Autorité, il fallait en effet imposer aux titulaires de licence 4G la même obligation de couvertures réseaux que pour les titulaires de licence 3G. Cependant une telle obligation faisait nécessairement diminuer le prix estimé de la redevance, passant ainsi de 2,5 milliards d'euros à environs 2 milliards. Le Sénateur Sido, dans un rapport fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire précisait que le Conseil d'État, par un avis non-publié, avait également pris position en faveur de l'ARCEP. Le parlementaire note à ce titre que « L'avis du Conseil d'État sur le projet de décret portant attribution des licences, demandé par le Gouvernement, a été rendu récemment mais n'est pas encore officiellement connu. Il s'inscrirait toutefois dans la droite ligne des propositions de l'Arcep et, conformément au cadre fixé par le législateur dans la « loi Pintat », serait favorable à un programme obligeant les opérateurs à fournir une couverture de 99,6 % dans les prochaines années, là où le Gouvernement entendait se satisfaire d'une telle obligation pour deux des quatre lots de fréquences à céder, les deux autres n'imposant qu'une obligation limitée à 90 %166(*) ». En outre, l'appel d'offre lancé par l'ARCEP serait susceptible d'être menacé par un éventuel recours formé par les syndicats de salariés des opérateurs qui voient dans cette attribution par enchère une menace pour l'emploi167(*).

Quoiqu'il en soit, la valorisation financière du spectre, permise par la rentabilisation du dividende numérique issu du passage à la TNT, semble sur de bonnes voies. Le Ministre Éric Besson168(*) déclarait même, lors de son discours aux voeux de l'ANFR169(*), qu'il souhaitait que l'agence réfléchisse, en vue de la conférence internationale de l'UIT qui doit avoir lieu en 2012, à une position nationale portant sur l'optimisation spectrale due aux futures évolutions technologiques (Passage au format numérique DVB-T2, moins gourmand en ressources hertziennes). Le ministre cherchait donc à initier la naissance, dans le futur, de la valorisation des bandes de fréquences de 700MHz actuellement utilisées par la TNT mais qui devraient être libérées par l'adoption de la nouvelle norme technique. Ce nouveau dividende numérique servirait ainsi à la téléphonie mobile ; celle-ci, du fait de l'explosion des smartphones, nécessitant une forte consommation de la ressource. Or, dans ce cas, certes futur et relativement lointain170(*), les bandes de fréquences concernées ne dépendront plus de la compétence du CSA mais de l'ARCEP qui pourra alors demander le versement d'une redevance d'occupation du domaine public. Il convient de préciser que le régulateur américain FCC171(*) a, en 2008, concédé l'exploitation de licences sur la bande de 700Mhz pour un montant total de 20 milliards de dollars. Les perspectives de valorisation du spectre sont donc très intéressantes.

La valorisation financière du spectre hertzien se fait donc de manière très indirecte et ne dépend donc plus, dans un tel cas, de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cependant, ce dernier participe activement à cette valorisation indirecte puisqu'il est le seul compétent pour accompagner le passage à la TNT ou pour prendre en compte les évolutions technologiques permettant le dégagement d'un dividende numérique.

* 159 Pour de plus amples exemples, voir en annexe : Télévision numérique terrestre, La répartition des chaînes sur les multiplex (situation au 22 juillet 2008).

* 160 « Les Cahiers de la DGTPE » - n° 2009 - 15 - Décembre 2009.

* 161 Je tenais à remercier Benjamin Ricou, Maître de Conférence à l'Université du Maine pour les éléments qu'il a pu me fournir concernant l'attribution de cette quatrième licence 3G.

* 162 CE Sect, 12 octobre 2010, Société Bouygues Telecom, Req. n° 332393 : Rec ; G. Eckert. Commentaire, Contrats et Marchés publics n°12 décembre 2010 ; E Guillaume et L Coudray, « Le contentieux de la 4e licence 3G », RJEP 2011 n°683 p 11.

* 163 Arrêté du 14 juin 2011 relatif aux modalités et aux conditions d'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences dans les bandes 800 MHz et 2,6 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre, JORF 15 juin 2011.

* 164 Pour cette expression, voir Interview de Gabrielle Gauthey, membre de l'ARCEP, le 23 janvier 2007 pour l'enquête du Journal du Net sur le dividende numérique. Disponible sur le site de l'ARCEP à l'adresse suivante http://www.arcep.fr/index.php id=2127&tx_gsactualite_pi1[uid]=913&tx_gsactualite_pi1[backID]=23&cHash=f27c511c20.

* 165 L'article 2 de l'arrêté du 14 juin 2011 précité prévoit ainsi les prix de réserves suivants pour les différentes bandes : 400 millions d'euros pour le bloc positionné de 791 MHz à 801 MHz et de 832 MHz à 842 MHz ; 300 millions d'euros pour le bloc positionné de 801 MHz à 806 MHz et de 842 MHz à 847 MHz ; 300 millions d'euros pour le bloc positionné de 806 MHz à 811 MHz et de 847 MHz à 852 MHz ; 800 millions d'euros pour le bloc positionné de 811 MHz à 821 MHz et de 852 MHz à 862 MHz. En ce qui concerne la bande 2,6GHz, l'arrêté précise que « Le prix de réserve en dessous duquel chaque bloc de fréquences de 5 MHz duplex dans la bande 2,6 GHz visé dans l'annexe de la décision n° 2011-0598 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 31 mai 2011 susvisée ne pourra être attribué est fixé à 50 millions d'euros ».

* 166 2G, 3G, 4G : vers une couverture optimale du territoire en téléphonie mobile, Rapport d'information n° 348 (2010-2011) de M. Bruno SIDO, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, déposé le 9 mars 2011.

* 167 Voir, par exemple : « L'appel d'offres sur les licences 4G attaqué », Le Figaro, 9 juin 2011.

* 168 Ministre chargé de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Économie numérique depuis le 14 novembre 2010.

* 169 10 janvier 2011 - Voeux d'Éric BESSON à l'Agence Nationale des Fréquences, disponible à l'adresse suivante : http://www.minefe.gouv.fr/discours-presse/discours-communiques_finances.php?type=discours&id=773&rub=500

* 170 Le ministre demandait à l'ANFR de préparer les discussions pour la conférence internationale de l'IUT afin d'inscrire la question au programme de la conférence suivante qui doit avoir lieu en 2016.

* 171 Federal Communications Commission.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault