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Le droit des propriétés publiques à  l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA

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par Morgan Reynaud
Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011
  

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B) Une propriété incertaine portant sur un bien indéterminable.

L'existence d'un domaine public hertzien est donc consacrée par la loi, par la doctrine et par la jurisprudence. Ceci étant, une telle qualification peut encore prêter à débat à propos, cette fois, de la consistance même de ce « domaine », par nature incertaine et qui peut donc justifier des doutes sur l'intégration domaniale des fréquences (1). En outre, l'appropriation des ondes prête également à débat, ce qui peut s'avérer contradictoire avec l'affirmation péremptoire du CGPPP (2). C'est sur ces deux fondements que Jean Dufau contestait la réalité du domaine public hertzien en considérant que « pour faire partie du domaine public, un bien doit appartenir à une personne publique et constituer un objet substantiel 32(*)». L'objectif de la présente sous-partie n'est cependant pas de remettre en cause la domanialité mais de lever toutes les contestations qui pourraient fragiliser la qualification domaniale du spectre.

1) L'indétermination de la substance domaniale .

La qualification domaniale des fréquences hertziennes peut, dans un premier temps, être contestée en se fondant sur le fait que, par nature, celles-ci sont difficilement définissables. Il est ainsi très difficile de qualifier juridiquement et d'appréhender pratiquement la substance même de cette dépendance domaniale. De cette argumentation, relevant le flou entourant la « substance hertzienne », naît le risque de remettre en cause la qualification même de domaine public hertzien. Juridiquement, il est en effet complexe de se prononcer assurément sur le caractère naturel ou artificiel de cette dépendance domaniale (a) ou sur son caractère mobilier ou immobilier (b).

a) Un domaine public naturel ou artificiel ?

Avant toute chose, il pourrait être objecté que la consécration législative expresse de l'existence d'un domaine public hertzien autonome est un élément qui démontre, par son existence même, que cette qualification prête à débat. Cet argument est totalement recevable puisque, comme dit précédemment, cette notion n'avait pas été prise en compte par le droit avant la loi de 1989. Cependant, s'il est vrai que le débat a fait rage et que la qualification législative avait également pour objectif de la faire taire, cela n'enlève rien à l'opportunité d'une telle décision.

Outre cette argumentation très superficielle et se prononçant sur des points de « psychanalyse législative », il convient de faire état d'une controverse, plus juridique, portant sur l'incorporation du domaine public hertzien par le domaine public aérien. En effet, on pourrait conclure que le domaine public hertzien fait partie du domaine public aérien, ce qui explique la difficulté de l'appréhender. Si les ondes peuvent circuler à travers d'autres milieux, notamment l'eau, cette capacité est très limitée et réservée à certains types d'onde. Toutes les ondes du spectre ne peuvent pas se propager dans l'eau ou à travers les roches. L'espace aérien est donc le plus adéquat à la propagation, et donc à l'usage des ondes. Aussi, même si la théorie semble repoussée par la doctrine majoritaire33(*), cette idée ne manque pas de fondement. André de Laubadère, dans son traité de droit administratif34(*) considérait, en effet, que le domaine public hertzien pouvait se confondre avec le domaine public aérien. Même s'il est certain que les ondes peuvent se propager dans d'autres milieux, le domaine public aérien reste le support naturel optimal de la propagation des ondes. La confusion entre ces deux domaines n'est donc pas totalement irrecevable. Cependant, cette éventuelle confusion n'apporte pas grand chose à la qualification domaniale du spectre hertzien. En effet, quand bien même celui-ci serait-il incorporé dans le domaine aérien, sa qualité domaniale en serait tout autant débattue.

Ainsi, l'incorporation de l'espace aérien dans le domaine public a, elle même prêté à de nombreux débats35(*), notamment fondés sur sa difficulté d'appréhension et sur son caractère d'inappropriabilité. Ceci-étant, il convient de ne pas donner plus de crédit à ces controverses. En effet, comme dit précédemment, les ondes peuvent se propager, même au delà du seul espace aérien. De même, ces débats avaient cours à une époque où la technologie n'était pas la même qu'aujourd'hui. Nos capacités techniques actuelles permettent d'utiliser les ondes de manière plus convenable, avec moins de « pertes ». Si ces débats présentent un réel intérêt intellectuel, leurs transpositions actuelles, du fait des évolutions techniques et juridiques, semblent peu cohérentes.

Quoi qu'il en soit, la notion de domaine public hertzien est de composition douteuse. Cette impression est renforcée par le fait que on ne peut pas dire, avec certitude, si le domaine public hertzien est un domaine public naturel ou artificiel. Certains auteurs, comme Jean-Philippe Brouant, ne semblent avoir aucun doute sur la qualification naturelle de ce domaine public. Celui-ci déclare ainsi, qu' « enfin, sans que le débat soit clôt sur ce point, on peut estimer que les fréquences hertziennes relèvent du domaine public naturel36(*)». A contrario, certains auteurs mettent en doute cette qualité naturelle. Pour Didier Truchet37(*), en effet, considérer que les ondes sont naturelles, c'est se fonder sur un présupposé inapte à recouvrir la réalité. Une onde a pour qualité de faire vibrer l'air. Or, affirmer que le spectre hertzien est un élément naturel c'est, pour Didier Truchet, confondre « la matière (l'air) qui elle est naturelle et le milieu (les bandes de fréquences) qui est en quelque sorte « construit » par l'Homme ». Cette analyse nous semble la plus fondée.

En effet, l'article L2111-1 du CGPPP dispose que « sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». Sont d'après l'article L2111-2 également considérés comme tels « les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ».

Or, la lecture de ces deux définitions législatives nous permet de conclure au caractère artificiel du domaine public hertzien. Nous pouvons évacuer de fait l'application de l'article L2111-2 qui ne ferait qu'entretenir la controverse sur la qualification naturelle ou artificielle de ce domaine. En effet, les ondes hertziennes ne peuvent pas être considérées comme les accessoires d'un bien du domaine public au sens du code civil38(*) ; et ce pour deux raisons. Premièrement, l'article L2111-17 institue un domaine public hertzien autonome. Dès lors, étant autonome, il ne peut être considéré comme faisant partie du domaine public par accessoire à l'une de ces dépendances39(*). Deuxièmement, la jurisprudence judiciaire a indirectement déjà considéré, en 2010, que les ondes ne pouvaient être caractérisées de dépendances naturelles du domaine public. Dans cette espèce, la société contestait, pour se défendre, la compétence du juge judiciaire en considérant que, le spectre étant qualifié de domaine public, la compétence du juge administratif s'imposait pour ordonner le démontage d'une antenne relais. La Cour d'Appel a balayé cette argumentation en rappelant, d'abord que « les antennes de téléphonie mobile, qui sont la propriété des opérateurs, personnes privées, et qui sont installées pour le compte de ces derniers sur des immeubles privés, ne bénéficient pas d'une protection particulière de nature à leur conférer le caractère d'ouvrage public », puis que « la qualification d'ouvrage public ne saurait davantage être attribuée à l'activation des antennes40(*) ». Outre les faits de l'espèce, qui n'apportent rien de novateur, la référence à l'activation des antennes est très intéressante. Cette assertion indique en effet que le domaine public hertzien, tel que compris dans le CGPPP, doit être activé. Cela répond ainsi à notre question : le domaine public hertzien est un bien du domaine public artificiel.

De même, il convient de remarquer que le domaine public naturel est, lui, intégré dans le domaine public pour son existence même. A contrario, les textes législatifs concernant le domaine public hertzien font référence à une affectation de celui-ci, soit à la télécommunication, soit à la communication audiovisuelle. Or, le domaine public naturel n'est pas protégé en vue de son affectation à un service public ; ce qui est le cas du domaine public hertzien. Rappelons, par ailleurs que le CGPPP et la jurisprudence font de l'affectation à un service public et de l'aménagement spécial (ou indispensable) les critères de la domanialité publique. Cette définition semble également correspondre au domaine public hertzien en plus de la définition légale, dès lors que le domaine public hertzien doit être « activé » (aménagement indispensable) et qu'il est affecté aux services de télécommunications ou de communications audiovisuelles.

On peut également fonder cette vision sur la lecture de l'article L2111-1 sus-rappelé. En effet, celui-ci décline les critères de la qualification domaniale sous réserve des dispositions législatives contraires. Celles-ci se rapportent, certes au domaine public hertzien, qui est l'objet de notre étude, mais également au domaine public naturel. Or, celui-ci est défini, par le code, par des dispositions spécifiques et éparses (domaine public naturel maritime, domaine public fluvial etc). A aucun moment dans ces articles spécifiques, on ne retrouve la notion de domaine public hertzien. Le caractère limitatif des biens du domaine naturel, tel qu'édicté par le code, nous fait donc là encore penser que le domaine public hertzien fait partie du domaine public artificiel.

S'il est cependant certain que le simple fait de produire un son ou un bruit, crée des ondes, on ne peut pas pour autant qualifier le domaine public hertzien de domaine public naturel. En effet, ce type d'onde n'est pas utilisable par les services de radio-communication ou de télécommunication. Ce que le code a considéré comme domaine public hertzien sont les seules fréquences radioélectriques utilisables et valorisables. De ce fait, la qualification de domaine public naturel est infondée.

* 32 J. Dufau, Le domaine public hertzien : un concept juridiquement contestable » précité.

* 33 B. Delcros et D Truchet, « Controverse, les ondes appartiennent-elles au domaine public » ; R.Drago, « Nature juridique de l'espace hertzien », Mélanges Juglard, LGDJ 1986 etc.

* 34 A. De Laubadaire, Traité de droit administratif, t II, 7ème édition, 1980.

* 35 Pour une synthèse de ces débats : A. De Laubadaire, « Réflexions d'un publiciste sur la propriété du dessus, à propos du plafond légal de densité », Mélanges Marty p763.

* 36 J-Ph Brouant, « L'utilisation des fréquences de communication audiovisuelle et la domanialité publique », AJDA1997.115.

* 37 B. Delcros et D Truchet, « Controverse, les ondes appartiennent-elles au domaine public » précité.

* 38 Article 569 du code civil « Si de deux choses unies pour former un seul tout, l'une ne peut point être regardée comme l'accessoire de l'autre, celle-là est réputée principale qui est la plus considérable en valeur, ou en volume, si les valeurs sont à peu près égales » ie : le bien qui devient la propriétaire du dominus du fait de son incorporation au droit principal par exemple.

* 39 A titre d'exemple, sera considéré comme un accessoire indispensable de la voirie routière les arbres et plantations situés en bordure des voies publiques. Voir en ce sens TC, 10 novembre 1950, Espalies : Rec p 325 ou CE, 28 juillet 1999, Commune de Chalou-Moulineux, Req n°194385.

* 40 CA Versailles, 8 septembre 2010, Sté Bouygues Télécom, Req n° 09/07843.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe