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Le droit des propriétés publiques à  l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA

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par Morgan Reynaud
Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011
  

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b) Les prérogatives de gestion domaniale du CSA

Bien que la convention décrite ci-dessus ne rentre dans aucune qualification contractuelle traditionnelle, il n'en reste pas moins que le CSA bénéficie de nombreuses prérogatives lui permettant de gérer le domaine public. Précisons de suite que l'on ne traitera pas ici des prérogatives de sanctions qui feront l'objet de futurs développements.

Il convient de préciser à titre liminaire que même si le CSA doit gérer le domaine public hertzien, il n'est pas aussi « libre » dans cette gestion que n'importe quelle autre autorité domaniale. Ainsi, le Conseil d'État a considéré que le CSA était tenu, sauf disposition législative contraire ou impossibilité technique, d'attribuer les fréquences disponibles. Les juges du Palais-Royal ont ainsi considéré que le CSA « n'est pas tenu d'inscrire sur la liste susmentionnée la totalité des fréquences inutilisées ou disponibles, dès lors que cette abstention trouve sa justification dans les limites que fixent à la liberté de communication les dispositions précitées de l'article 1er de la loi sus-mentionnée ou résulte de la nécessité de concilier les différents éléments techniques qui concourent à la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre74(*) ». A contrario, si aucune justification technique ou légale ne peut être avancée, le Conseil est tenu d'attribuer les fréquences libres. Il a donc un pouvoir d'appréciation limité par rapport aux autres autorités domaniales. Jean-Philippe Brouant expliquait cette restriction par le fait que l'occupation était « conforme à la destination du domaine75(*) ». En d'autres termes, la finalité même de ce domaine est d'être occupé. Il ne peut avoir d'autre utilité que de faire l'objet d'une exploitation. Contrairement à d'autres dépendances domaniales plus classiques, le domaine public hertzien ne peut être géré que par l'occupation ; celle-ci étant, comme le rappelle Philippe Brouant, le « fondement même de l'affectation » du domaine public hertzien.

Cette obligation de gestion mise à part, le CSA bénéficie peu ou prou des mêmes pouvoirs que toute autre autorité domaniale. Ainsi, tout d'abord, le CSA possède un pouvoir de modification unilatéral des fréquences attribuées aux chaînes. Le Conseil d'État a ainsi considéré qu'il résulte des dispositions de la loi de 1986 « ainsi que des principes relatifs aux occupations privatives du domaine public, qu'il appartient au [CSA], agissant, sous le contrôle du juge administratif, par des décisions unilatérales, [...] de délivrer des autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques, de les assortir des obligations appropriées et, le cas échéant, de les modifier ; [...]76(*)». En d'autres termes, l'occupation d'une fréquence déterminée par un éditeur de service est précaire, conformément aux principes de la gestion domaniale. Le Conseil peut donc attribuer, pour un motif technique, équivalent alors à un motif d'intérêt général, une fréquence autre que celle initialement concédée à l'opérateur. Le Conseil d'État considère d'ailleurs, à ce titre que « lorsque le conseil entend [...] seulement modifier [l'autorisation d'un service] sur le plan technique, [il] ne remet pas en cause les choix opérés entre les candidats lors de l'attribution initiale des fréquences 77(*)». Le Conseil bénéficie donc, à l'instar de toute autre autorité domaniale, d'un pouvoir de modification unilatérale des conditions techniques d'exploitation de la ressource ; cette modification pouvant aller jusqu'à la substitution d'une fréquence à une autre78(*).

Outre le pouvoir de modification unilatéral, les autorisations d'occupation du domaine public hertzien sont précaires et révocables. Il faut noter que le Conseil peut, dans l'intérêt du domaine et pour un motif d'intérêt général, assurer un réaménagement de fréquence, abroger des autorisations avant leurs termes et autres. Le commissaire du gouvernement Chauvaux concluait ainsi sous un arrêt rendu le 12 mai 2003 que les dispositions de la loi de 1986 « ont pour objet et pour effet de rendre applicables en la matière les principes généraux de la domanialité publique et notamment la règle selon laquelle l'occupation privative ne peut être autorisée qu'à titre précaire et révocable. Il résulte de cette règle qu'une autorisation peut toujours être abrogée, pour des motifs d'intérêt général, avant le terme initialement fixé 79(*)». Une partie de la doctrine considère d'ailleurs que, du fait de cette précarité et de cette révocabilité, une telle décision n'emporterait pas, sauf faute du Conseil, indemnisation du titulaire80(*).

Cependant, certains considèrent qu'en matière hertzienne, il n'existe pas de retrait d'autorisation pour motif d'intérêt général autonome. Ainsi, pour Jean-Philippe Brouant, le motif d'intérêt général justifiant le retrait de l'autorisation par le CSA trouverait toujours sa source dans un manquement de l'opérateur à ses obligations de service public. L'auteur suit en cela Charles Debbasch qui considérait que « la lecture combinée des articles 42 et 42-1 permet au CSA de prononcer le retrait d'une autorisation lorsque son titulaire ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par les principes définis à l'article 1. Or, ces principes contenus dans le dernier alinéa de l'article 1 [...] constituent bien des éléments se rattachant à l'intérêt public ». Dès lors, la non-indemnisation du retrait d'autorisation ne viendrait pas du caractère précaire et révocable de celle-ci mais du fait que ledit retrait sanctionne un manquement et que dès lors, il ne peut y avoir indemnisation. Néanmoins, cette vision peut être contestée puisqu'elle ne se fonde pas sur l'analyse de l'article L2124-26 du CGPPP mais sur celle des articles 42 et 42-1 relatifs au pouvoir de sanction du CSA.

Il est certain qu'il existe une précarité d'usage des fréquences. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs admis... en la limitant. En effet, celui-ci a considéré, concernant les décisions de l'ARCEP, que « compte tenu notamment des sujétions qu'elles imposent et des conditions limitatives dans lesquelles elles peuvent être retirées, les autorisations d'utilisation des fréquences délivrées par l'ARCEP, même si elles ont notamment pour effet de permettre l'utilisation du domaine public hertzien, créent des droits au profit de leurs titulaires81(*) ». Ceci étant, la même position vaut en matière de fréquences attribuées à la communication audiovisuelle82(*). Contrairement à la gestion domaniale traditionnelle, la gestion du spectre crée donc des droits au profit des titulaires d'une autorisation d'occupation. En conséquence, le seul retrait justifié serait, a priori, celui fondé sur un manquement à une obligation ce qui semble dès lors donner raison à Charles Debbash et Jean-Philippe Brouant. Cependant, cette règle jurisprudentielle n'interdit en rien la résiliation d'une autorisation pour motif d'intérêt général. Elle impose simplement, dans un tel cas, au CSA « d'offrir [au titulaire] en contrepartie [de la résiliation] une autre fréquence permettant d'assurer la continuité du service dans des conditions de réception équivalente 83(*)». Cette règle semble justifiée par le fait, comme dit précédemment, que l'occupation du domaine public hertzien est une « occupation conforme ».

Enfin, on peut également observer que le principe d'incessibilité s'applique en matière hertzienne et ce de deux manières principales. Premièrement, lorsque l'opérateur titulaire d'une autorisation connait des difficultés financières, il est prévu, par l'article 42-12 de la loi de 1986 que lors de l'ouverture de la procédure collective, le président du tribunal de commerce, sur proposition du procureur de la République et après avis du CSA, autorise la conclusion d'un contrat de location-gérance entre le titulaire et un cessionnaire. De fait, le cessionnaire profite des droits s'attachant à l'utilisation du spectre. Il devra néanmoins recueillir l'autorisation du Conseil. A défaut, le président du tribunal de commerce prononce la résiliation du contrat de location-gérance. On voit donc en quoi le caractère d'incessibilité, classique en matière de domanialité publique, est également très présent en matière hertzienne, le cessionnaire devant, in fine, recueillir l'assentiment du CSA, assentiment qui sera matérialisé par l'autorisation.

Le principe d'incessibilité peut également prendre une autre forme à la marge du respect du droit de la concurrence. Ainsi, le contrôle du CSA sur les modifications capitalistiques subies par les titulaires d'autorisation domaniale peut s'analyser comme la matérialisation du principe d'incessibilité. En effet, si un opérateur prend le contrôle d'un titulaire d'une autorisation de diffusion, il s'octroie, par cet achat, l'autorisation d'émission. On peut donc y voir une façon, pour le CSA, de faire respecter le principe d'incessibilité des autorisations domaniales. Il convient à ce titre, de rappeler qu'en vertu de l'article 42-3 de la loi de 1986, le CSA peut retirer l'autorisation concernée « en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée84(*) ».

Le CSA dispose donc de pouvoirs de gestion domaniale connus. Cependant, il pèse également sur l'autorité de régulation la charge de veiller au respect de la libre concurrence en matière d'occupation du spectre.

* 74 CE. 29 juillet 1998. Sté JL Électronique, Req n°164115 : Rec Lebon ; Voir dans le même sens : CE. 13 février 1991, Association Services informations sport, Req n° 100556 : Dr adm 1991.174.

* 75 J-Ph Brouant, « L'utilisation des fréquences de communication audiovisuelle et la domanialité publique » précité.

* 76 CE, réf. 27 mars 2003, CSA c/ TF1 et M6 Req n° 254736 et 254737 : Rec Lebon p152 et CE, réf. 12 mai 2003, Sté TF1 : JCP G 2003, II, 10189, note A. Chaminade ; AJDA 2003.1454, note J.-P. Thiellay ; RFDA 2003.846 ; « CSA, Réaménagement des fréquences analogiques. Le Conseil d'État ordonne l'exécution des décisions du CSA » : Lettre du CSA avril 2003, n° 161.

* 77 CE. 8 avril 1998, Société Antilles Télévision, req n° 169201 : Rec Lebon, p. 173.

* 78 CE. 12 mai 2003, Sté TF1 précité.

* 79 Ccl Chauvaux sur CE.12 mai 2003. TF1c/CSA précité.

* 80 Voir en ce sens : C. Estryn et C. Guerrier, « Le spectre des fréquences radioélectriques, bien public ou bien commercial ? » : LPA 12 juillet 2001 n° 138 ; J-Ph Brouant, « L'utilisation des fréquences de communication audiovisuelle et la domanialité publique » précité.

* 81 CE. 30 juin 2006, Sté Neuf Télécom, Req n°289564 : Rec Lebon ; F Brenet, « La patrimonialisation des autorisations administratives - Réalités et implications », Dr adm 2007 n°8 ; « L'abrogation des actes créateurs de droits », Dr adm 2006 n°8 ; MC Roualt, « Ni retrait ni abrogation des licences Wimax accordées à AltitudeTélécom », JCP A juillet 2006 n°29 ; A Chaminade, « Régime juridique des autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques », JCP G 2007 n°43 ; P.-A. Jeanneney, « Les autorisations d'utilisation de fréquences hertziennes sont des actes créateurs de droits », AJDA 2006. 1703   ; A. SEE, « Précisions sur le régime de l'abrogation des décisions non réglementaires », AJDA 2006. 1720 ; BLR-Wimax : « le Conseil d'Etat conforte la sécurité juridique des autorisations d'utilisation de fréquences », Lettre de l'ARCEP n°51 p22 juillet/août 2007.

* 82 CE, sect. 10 oct. 1997, Sté Strasbourg FM, Req n° 134766 : AJDA 1997. 1014.

* 83 Jcl Fasc. 40 : DOMAINES . - Utilisation du domaine public . - Régimes spéciaux.

* 84 Voir par exemple : CE, 15 janvier 1997, Association Radio-Sud-Vendée-Pictons, Req n° 177989 180694 : Rec Lebon p 20.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote