B. La série fidélise
L'intérêt pour les chaînes de diffuser une
série au lieu d'une fiction dite « unitaire ~ (c'est-àdire
un téléfilm) est de pouvoir fidéliser son
téléspectateur. En effet, quand l'unitaire doit reséduire
à nouveau le spectateur lors d'une nouvelle diffusion, la série,
elle, n'a besoin de séduire qu'une fois son public, qui reviendra huit
semaines d'affilées.
Mais pourquoi, justement, la série fidélise-t-elle
le spectateur ?
1) Une structure fidélisante
a) Dans la narration
Aujourd'hui, on ne différencie plus le feuilleton de la
série, car le terme « série » est devenu
générique et englobe toutes les fictions sérielles. Cette
différenciation n'a plus lieu d'exister car les séries ne suivent
presque plus de structure (( bouclée ~, c'est-à-dire dont
l'intrigue démarre au début de l'épisode et se termine a
la fin de l'épisode.
Les séries comportent généralement,
aujourd'hui, un minimum de procédé (( feuilletonnant »,
inséré dans une structure (( modulaire ». Dans ce type de
structure, une ligne narrative secondaire est insérée dans
l'histoire, qui sera à suivre sur plusieurs épisodes (un (( arc
narratif »), en complément de la ligne narrative principale de
l'épisode qui débutera et se terminera pendant
l'épisode.
Pour illustrer cela, prenons l'exemple de Desperate
Housewives. A chaque épisode démarre une ou plusieurs
intrigues qui seront résolues a la fin de l'épisode. D'autres
courront sur plusieurs épisodes. Mais pour faire le lien entre tous les
épisodes, à chaque saison règne un mystère
principal, qui démarrera au début de la saison, et se terminera
seulement à la fin de la saison.
Ce procédé permet au spectateur à la fois
de suivre une histoire finie et structurée sur un épisode pour ne
pas trop le frustrer, mais aussi de le faire revenir sur l'épisode
suivant pour résoudre les questions non résolues et satisfaire sa
curiosité.
Et pour ne pas prendre le risque de perdre le spectateur dans
cette marre d'informations, chaque épisode est introduit par un ((
Previously on ... ~ récapitulant l'essentiel de ce qu'il faut savoir des
épisodes précédents pour comprendre l'épisode qui
va suivre.
10 Séries télévisées pour public
cultivé, Dominique Pinsolle et Arnaud Rindel, Le Monde diplomatique juin
2011
b) Dans le générique
Le générique est la base commune de tous les
épisodes d'une série. Il présente les personnes qui
travaillent sur la série (acteurs, producteur, réalisateur...),
et l'atmosphère de la série, sur un fond sonore, qui deviendra un
élément de reconnaissance. Le générique permet de
construire l'identité d'une série.
Il a tendance à se raccourcir, jusqu'à parfois
devenir un simple panneau avec le nom de la série, permettant de laisser
plus de place à la narration. Cette tendance est inversée pour
les génériques de séries des chaînes
câblées, qui sont longs, et sont parfois de véritables
courtmétrages, a l'instar du générique de Dexter,
décrivant les gestes, pourtant simples, de la routine matinale du tueur
en série d'une façon répulsive.
Le générique permet au spectateur d'identifier la
série immédiatement, et le générique s'entend comme
un signal.
On peut associer l'exercice du générique a
l'expérience de Pavlov consistant a associer un stimulus
conditionné (le son d'une cloche) à un stimulus non
conditionné (le morceau de viande pour le chien) pour une même
réponse comportementale (la salive du chien).
La série suit le même procédé : le
générique (stimulus non conditionné) est associé
à chaque épisode (stimulus conditionné). Dès lors,
la réponse du spectateur à ce signal est une réponse
affective à la production de ce son.
Ariane Hudelet-Dubreil, dans un exposé dans le cadre du
festival Séries Mania, compare cette réponse positive au
générique à la madeleine de Proust. En entendant le
générique on éprouve le sentiment de joie des
retrouvailles.
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