2) Une proximité avec le public
a) L'attachement aux personnages
L'attachement aux personnages de séries est une des
raisons pour laquelle les spectateurs restent fidèles à leur
poste. Le spectateur étant absorbés par les aventures
traversées par les personnages d'une série, il se sent alors
affecté émotionnellement par ce qu'il voit, ce qui le lie aux
personnages.
Une étude réalisée par Dominique Pasquier
illustre très bien cet attachement aux personnages dans La culture
des sentiments. L'expérience télévisuelle des
adolescents. Pour mener son analyse, l'auteure a étudié les
lettres de fans d'Hélène et les garcons envoyées
à la production.
Dominique Pasquier nous explique que les fans
différencient bien le personnage de fiction de l'acteur. Ceci
n'empêche pas les fans d'exprimer, dans leur courrier, a la fois leurs
sentiments par rapport a ce qu'il se passe dans la série. Ces sentiments
peuvent être positifs ou négatifs.
Ainsi, une fan écrit « Il faut admettre que j'ai un
problème vraiment grave : je suis amoureuse d'un type qui n'existe
pas. Je l'ai connu il y a quelques mois et je l'ai trouvé
superbe. Je l'ai vu s'amuser, jouer de la musique, aimer,
parfois pleurer. Et après ça ? J'étais amoureuse de lui,
c'était inévitable !... Je vais lui dire que je veux le
rencontrer mais je sais que cette rencontre est une illusion elle aussi. Cet
homme n'existe pas ! Christian n'existe pas. Seulement Sébastien.»
(D. Pasquier, p. 53) à propos du personnage Christian
interprété par Sébastien Roch.
Ce sentiment d'attachement aux personnages est tel qu'il
permet aux fans de s'identifier aux personnages de la série (ici,
à Hélène) : (( Moi aussi je suis une Hélène
et les garçons. Tu as apparemment les mêmes goûts que moi.
D'après ce que j'ai lu sur toi tu aimes : les enfants (j'en garde), la
campagne (j'y habite), les animaux (je fais du cheval, j'ai un chat sauvage et
un chien). » (D. Pasquier, p. 54).
b) Une deuxième famille
J-P Esquenazi11 évoque le plaisir de
regarder la série. Il développe son analyse en s'opposant
à la thèse selon laquelle la série est un moyen d' ((
évasion », de penser à autre chose, d'échapper aux
réalités du quotidien.
Il explique alors que la régularité de la
série, qui est un élément stable dans la vie d'un
téléspectateur, contribue a l'attachement : elle revient, et on
retrouve à chaque diffusion les mêmes personnages. Pour cette
raison, on se sent proche de la série, car une familiarité se
crée.
C'est après avoir interrogés des fans de
séries qu'il se rend compte que les séries font partie de la vie
de leurs spectateurs. Les séries et leurs fans entretiennent une
relation intime.
(( Une jeune fille évoque les larmes aux yeux ses
discussions passionnées avec sa meilleure amie au sujet des
Frères Scott. Une autre me dit que lorsqu'elle a des
difficultés ou des ennuis, elle se passe des épisodes de
Friends qu'elle conserve en fond sonore. Un jeune homme me parle de sa
vie avec l'Inspecteur Colombo, une sorte de modèle pour lui qui
fait des études de droit tout en venant d'un milieu modeste. »
De même, les fans d'Hélène et les
garçons sentent qu'elles font partie de la vie des personnages, car
elles côtoient si souvent ces personnages, désormais familiers
pour elles (par la télévision et autres magazines), qu'elles ont
l'impression de les connaître, d'être amies avec eux.
(( Si tu as besoin de parler a quelqu'un je suis là.
Sache que je serai toujours là, quoiqu'il puisse arriver. Tu as su me
donner un coin de paradis lorsque j'en avais besoin, alors à mon tour de
te donner toute ma force par la pensée. Tu peux compter sur moi. Si tu
as un problème, n'hésite pas a m'en parler, je suis là a
tes côtés. Je te donne une photo de moi, cela te fera un bon
souvenir. Garde cette lettre précieusement. » (p.80).
J-P Esquenazi remarque d'ailleurs que la
fidélité des fans de séries est telle qu'ils deviennent
des défenseurs, presque gardiens de la forme originelle de la
série. Alors, lorsqu'un changement dans la série se produit, et
que celui-ci ne correspond pas à la structure normale de la
série, cela peut susciter de vives réactions de la part des fans,
parfois avec
11 Les séries télévisées :
l'avenir du cinéma ?, Jean-Pierre Esquenazi, 2010, Armand Colin
haine envers les scénaristes. Ce changement inacceptable
peut être un changement d'acteur ou la mort d'un personnage par
exemple.
Certains fans n'hésitent pas, d'ailleurs, a
réinventer eux-mêmes des épisodes de leur série
préférée.
Ainsi, bien qu'il semble excessif de généraliser
ces réactions fortes exprimées souvent par des adolescents, il
est tout de même intéressant de comprendre les sentiments que
peuvent générer les séries. Ces sentiments existent et ne
peuvent donc être niés, mais ils se manifestent à
différents degrés en fonction de l'implication des
spectateurs.
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