CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
GENERALE
1.1. CONTEXTE
ET JUSTIFICATION
« Tout système de santé découle
d'une culture politique, des valeurs sociales et morales et des
impératifs économiques de la société qu'il sert. On
ne peut faire de distinction nette entre les facteurs juridiques,
éthiques, cliniques, politiques et économiques qui interviennent
tous dans l'évolution du système de soins de santé d'un
pays. » (Groupe de travail sur les soins de santé de l'Association
du Barreau canadien, 1994:1).
L'approche relative à la santé de la population
a pour but principal de maintenir et d'améliorer l'état de
santé de la population dans son ensemble, pour ainsi réduire les
iniquités entre les groupes à cet égard. C'est d'ailleurs
l'un des plus grands défis à relever au chapitre de la
santé de la population. (Comité consultatif
fédéral-provincial-territorial sur la santé de la
population, 1999).
Les facteurs sociétaux jouent un rôle très
important dans la santé et la maladie. Nous sommes plus conscients des
contraintes auxquelles sont assujettis les services de santé
désireux de procurer la santé à tous les citoyens. Nous
aurons toujours besoin de services de santé, que ce soit pour traiter
les malades et les blessés, ou pour fournir de l'information et des
services dans le but de prévenir les maladies et de promouvoir la
santé. Les services de santé et les difficultés
d'accès sont eux-mêmes d'importants déterminants de la
santé. Les systèmes de santé qui n'assurent pas de soins
équitables peuvent accroître les disparités sociales et
nuire au bilan de santé. À ce jour, les politiques et les
recherches sur la santé ont été axées sur
l'élimination des obstacles financiers à l'accès; les
autres obstacles n'ont pas fait l'objet d'études poussées.
L'accès aux soins de santé est un
impératif moral, directement lié aux droits de l'homme.
L'objectif final est de garantir un accès universel aux soins à
tous les patients. La diversité entre les régions concernant la
capacité à fournir des traitements devrait être reconnue
partout dans le monde. Par conséquent, les programmes
thérapeutiques élaborés localement, basés sur des
facteurs épidémiologiques, économiques et politiques ne
devraient pas être retardés plus longtemps. Il est
également important de souligner que ces programmes ne doivent pas
compromettre les meilleures pratiques cliniques.
A. EVOLUTION ET ORIENTATIONS STRATEGIQUES DU SYSTEME
SANITAIRE DE LA RDC
Différents documents servent de base en ce qui concerne
les orientations stratégiques du pays, il s'agit notamment :
(i) La déclaration d'Alma Ata en 1978
qui suppose la participation de nombreux secteurs économiques autre que
celui de la santé. Cette politique visait la globalité des soins
et les soins de santé primaires (SSP). Elle a mis en place huit
très bonnes composantes malheureusement les moyens n'ont pas suivi pour
atteindre ses objectifs.
(ii) Les soins de santé sélectifs en
1986, cette stratégie sélectionnait certaines maladies
jugées prioritaires par les partenaires. On a soupçonné
à tord ou à raison les partisans de cette approche d'être
à la merci des firmes internationales pour le marché de leurs
produits commerciaux (condoms, médicaments,...).
(iii) La déclaration de Harare en 1987
qui impliquait la nécessité de décentraliser mais aussi le
maintien des fonctions organisationnelles et l'autorité du niveau
centrale. Il impliquait également le maintien de l'intégration
des différents programmes au niveau du district.
(iv) L'initiative de Bamako en 1987 :
l'OMS et l'UNICEF ont concentré leurs efforts sur les deux
stratégies retenues pour atteindre la santé pour tous en l'an
2000. Il s'agissait de la fourniture des médicaments essentiels pour
tous et l'autofinancement local. Les médicaments étaient vendus
trois fois le prix et avec la différence on finançait les soins
de la mère, de l'enfant et on rendait gratuit les soins pour les
indigents.
(v) Les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) qui ont été adoptés en
septembre 2000 par les chefs d'Etat de 189 pays lors de la
célébration du nouveau millénaire. Cette
déclaration s'est concrétisée par un plan de campagne qui
a fixé les objectifs à atteindre d'ici à 2015. Ces
objectifs vont de la réduction de moitié de l'extrême
pauvreté à l'éducation primaire pour tous, en passant par
l'arrêt de la propagation du VIH/sida et constituent un schéma
directeur pour l'avènement d'un monde meilleur. Les 8 objectifs
sont :
1. Réduire l'extrême pauvreté et la
faim ;
2. Assurer l'éducation primaire pour tous ;
3. Promouvoir l'égalité des sexes ;
4. Réduire la mortalité infantile ;
5. Améliorer la santé maternelle ;
6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme... ;
7. Assurer un environnement durable ;
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le
développement.
A chaque objectif ont été attribués
cibles et des indicateurs pour l'évaluation des performances des
interventions.
Ces huit OMD s'appuient sur les accords conclus lors de
conférences tenues par les Nations Unies dans les années 90 et
représentent les engagements pris pour réduire la pauvreté
et la faim, et pour remédier à la mauvaise santé, aux
inégalités entre les sexes, au manque d'instruction, au
défaut d'accès à l'eau potable et à la
dégradation de l'environnement.
Les OMD sont conçus comme un pacte qui montre la
contribution que les pays développés peuvent apporter par
l'intermédiaire du commerce, de l'aide au développement, de
l'allègement de la dette, de l'accès aux médicaments
essentiels et du transfert de technologies.
(vi) De la Politique Nationale de
Santé (2000), basée sur les principes de la
qualité des soins et des services, l'efficience et l'efficacité
des projets et programmes de développement sanitaire, la participation
communautaire, la décentralisation et l'intégration des services
spécialisés au sein des services de santé de base.
(vii) Du Plan Directeur de
Développement Sanitaire (2001), instrument de mise en oeuvre de
la politique nationale de santé.
(viii) Du Vade-mecum du partenariat (2002)
établissant le cadre réglementaire d'un partenariat entre l'Etat
et les différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de la
politique sanitaire nationale.
(ix) De la Stratégie de
Renforcement du Système de Santé (2005), visant à
réorganiser l'ensemble du système de santé de
manière à lui permettre à terme, de couvrir toute la
population au moyen de structures de santé offrant des soins de
santé de base de qualité (globaux, continus et
intégrés, efficaces et efficients avec la participation
communautaire) se substituant progressivement à la logique de la
verticalité qui caractérise de nombreux programmes et à un
secteur privé mal coordonné.
C'est un instrument d'intégration pour toute
intervention des partenaires qui travaillent en partenariat avec le
Ministère de la Santé. Elle va contribuer à la
réalisation des priorités nationales et les objectifs globaux et
Sous Régionaux poursuivis par le pays, notamment la Lutte contre la
Pauvreté et l'atteinte des Objectifs de Développement du
Millénaire. Elle prend en compte la nature systémique des
services de santé et comprend 6 axes qui, pour des raisons de forme sont
présentés séparément alors qu'ils sont
interdépendants.
Ces 6 axes sont :
Ø Revitalisation de la zone de sante et correction des
distorsions induites a ce niveau.
Ø Renforcement de la gouvernance et de leadership.
Ø Développement des ressources humaines pour
la sante.
Ø Reforme du secteur du médicament.
Ø Reforme du financement de la sante.
Ø Renforcement du partenariat intra et
intersectoriel, notamment le partenariat Public Privé.
Selon les analyses effectuées dans le cadre de la
rédaction de la Stratégie de Renforcement du Système de
Santé (SRSS), les principaux obstacles à surmonter sont :
a) Un « sous financement » du secteur de
la santé ainsi qu'une affectation peu efficiente des fonds disponibles
qui a mené, avec un désengagement de l'Etat et une population
appauvrie, à un effondrement des structures d'offre de soins et à
une « commercialisation » du secteur entraînant des
barrières financières et une offre inadéquate des
services.
b) Un problème de ressources humaines,
caractérisé par une pléthore de personnels mal
formés et sous-payés, contraints de rechercher les avantages que
peuvent offrir des programmes verticaux à financement extérieur,
aux dépens de travail à effectuer dans la zone de
santé.
c) Un faible encadrement de la zone de santé, le
travail d'équipe cédant le pas à des activités
exécutées dans le cadre de programmes verticaux.
d) Un leadership limité du Ministère de la
Santé Publique, entraînant une perte de son autonomie de
décision, des difficultés de coordination ou de planification et
un manque d'emprise sur le financement du secteur.
(x) Le Document de stratégie
de croissance et réduction de la pauvreté (DSCRP)
mettent l'accent en matière de la santé sur
l'accessibilité financière et la mise en place de système
d'assurance, l'amélioration de la qualité des services et la mise
en place de services ciblant les pauvres, la redéfinition du rôle
du gouvernement. Le document stratégique de la croissance et de la
réduction de la pauvreté, se veut un prolongement des efforts de
normalisation de la vie en RDC.
Il fournit un diagnostic de la situation
générale du pays et en propose les pistes de sortie.
Ainsi cette présentation va s'appesantir sur le secteur
de la santé, démontrant le niveau actuel et proposant les pistes
de sortie.
(xi) La mise sur pieds d'un plan national
développement sanitaire qui a le but de contribuer au bien
être de la population congolaise d'ici 2015. Son objectif
général est de contribuer à l'amélioration de la
santé de la population congolaise dans le contexte de lutte contre la
pauvreté.
Le PNDS s'articule sur quatre axes
stratégiques:
Ø le développement des Zones de Santé,
Ø l'appui au développement des Zones de
Santé,
Ø le renforcement du leadership et de la gouvernance
dans le secteur et,
Ø le renforcement de la collaboration inter
sectorielle.
(xii) Le PAP (Programme d'Actions
Prioritaires) avec ses cinq piliers :
(a) Promotion de la bonne gouvernance et consolidation de la
paix ;
(b) Consolidation de la stabilité
macroéconomique et de la croissance ;
(c) Amélioration de l'accès aux services sociaux
et Réduction de la vulnérabilité (y compris la
Santé) ;
(d) Lutte contre le VIH/SIDA et
(e) Appui à la dynamique communautaire.
(Mini Santé, RDC, Stratégie de renforcement du
système de santé 2005).
Conformément à la constitution de la RDC, un
processus de décentralisation politique a été
initié à partir du niveau national. Ceci se matérialise
notamment par la mise en place de gouvernements locaux pour chaque province
dont l'un des ministres a la charge de la santé dans ses
attributions.
(Mini Santé RDC, Politique et stratégies de
financement du secteur de santé, Kinshasa, septembre 2004).
Le développement des systèmes de santé
dans les Pays en Voie de Développement ont été
centrés sur deux objectifs : la protection des colons par la mise
en place d'hôpitaux dans les grandes villes et la lutte contre certaines
pathologies : trypanosomiase, malaria, etc. qui décimaient la main
d'oeuvre locale et freinaient la réalisation de grands travaux tels que
les routes et les voies ferrées.
La seconde moitié de ce siècle se
caractérise par deux évènements :
· d'une part une efficacité de plus en plus grande
des services de santé parmi lesquels les vaccinations et les nouveaux
traitements dont l'efficacité semble permettre l'éradication de
certaines maladies ;
· et d'autre part un souci des nouveaux gouvernements
d'étendre les services de santé à l'ensemble de leur
population.
Ces deux évènements vont donner lieu à
deux stratégies distinctes de développement des services de
santé :
· la mise en place de programmes spécifiques
destinés à combattre et si possible éradiquer un seul
problème de santé (tuberculose, fièvre jaune, malaria,
lèpre,...) ou encore s'occupant de la santé d'un groupe
déterminé (le programme élargi de vaccination pour les
enfants de moins d'un an,...).
· La mise en place d'un système de santé
accessible à tous et capable de répondre aux besoins de
santé de toute la population. La synthèse des différentes
expériences menées a donné lieu à la politique des
soins de santé primaires, définie à Alma Ata en 1978.
L'armature sanitaire actuelle de la RDC a été
réalisée dans le cadre général du Plan
décennal pour le Développement économique et social du
Congo Belge (1948-1958) élaboré à l'initiative de Monsieur
Pierre WIGNY alors Ministre des colonies. La partie de ce plan consacrée
au développement hospitalier et sanitaire fut l'oeuvre du Médecin
Chef des services médicaux, le Dr. VAN HOOF et du Médecin
Inspecteur de l'hygiène, attaché au ministre des colonies, le Dr.
DUREN.
Ceci a donné naissance au plan VAN HOOF-DUREN qui
consistait à organiser une couverture sanitaire intensive de l'ensemble
du pays, en étendant un véritable quadrillage médicale et
sanitaire tel qu'il avait été réalisé dans
certaines régions par la croix rouge (Province Orientale) et le FOREAMI.
Suivant ce plan, chacun des territoires du pays devrait être doté
d'un service médicochirurgical, d'une maternité et d'un service
des consultations prénatales et postnatales.
La RDC a adopté en 1980, la politique des soins de
santé primaires promulguée à Alma-Ata en 1978. Il a
souscrit à la charte africaine de développement sanitaire, ainsi
qu'à la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de
l'Organisation de l'Unité africaine sur la santé comme base de
développement.
La situation sanitaire de la RDC a connu des niveaux de
développement variables depuis la période coloniale à nos
jours. Du système de santé basé sur la médecine
curative avec les centres médico-chirurgicaux et dispensaires
satellites, en passant par une période où les soins de
santé à base communautaire sont offerts grâce aux efforts
de plusieurs intervenants, aujourd'hui, la politique sanitaire a pour option
fondamentale « la satisfaction des besoins de santé de toute la
population qu'elle soit en milieu urbain ou en milieu rural ». Elle
vise:
· L'éducation concernant les problèmes de
santé et les méthodes de lutte;
· La promotion de bonnes conditions nutritionnelles;
· La protection maternelle et infantile y compris la
planification familiale;
· La lutte contre les épidémies et les
endémies;
· La vaccination contre les maladies infectieuses;
· Le traitement des maladies et des lésions
courantes;
· L'approvisionnement en eau saine et les mesures
d'assainissement de base;
· La fourniture des médicaments essentiels.
Le taux d'accès aux soins de santé en RDC
oscille entre 40 et 50%, d'après une enquête démographique
et de santé menée par le Ministère du plan et les
partenaires en 2007et actualisée en 2009. En clair, plus de 30 millions
des Congolais n'accèdent pas à des soins de santé de
qualité. A côté de ces chiffres, il faut ajouter le
délabrement des infrastructures sanitaires, construites pour la plupart
à l'époque coloniale et peu après l'accession du pays
à l'indépendance.
Le peuple congolais a droit à une vie saine pour
être socialement et économiquement productif. En effet, nul ne
peut avoir la joie de vivre, ni être efficacement productif s'il n'est
pas en bonne santé.
L'on comprend dès lors la place qu'occupe la
santé dans les Cinq Chantiers du Chef de l'Etat. Celui-ci entend
promouvoir le droit de tout Congolais à la santé à travers
le renforcement des mécanismes garantissant l'éthique en
santé, l'équité dans la distribution des soins et des
services de santé, la solidarité communautaire et l'humanisation
des services de santé. Pour cela, certains principes doivent être
observés dans l'application de la politique nationale en la
matière, notamment la qualité des soins et des services, la
participation communautaire, la déconcentration des services de
production des soins et la décentralisation des centres de prise de
décisions.
Pour y arriver plusieurs actions sont envisagées par le
gouvernement :
· La réorganisation du système national de
santé, de manière à rapprocher la population des centres
de soins par leur décentralisation et leur
déconcentration ;
· L'amélioration de l'accessibilité aux
soins par la couverture adéquate en infrastructures de santé,
l'approvisionnement en équipements et en médicaments essentiels,
le déploiement des ressources humaines sur toute l'étendue du
territoire national et la mobilisation des ressources
financières ;
· L'amélioration du rendement des services par la
motivation du personnel, le développement des activités
d'information sanitaire, de formation du personnel de santé, de
recherche et de communication pour la santé ;
· La promotion d'un environnement propice à la vie
saine par la dynamisation des activités d'hygiène,
d'assainissement du milieu, de contrôle de qualité,
d'approvisionnement en eau saine et en denrées alimentaires.
Le but primordial du Chantier Santé du Chef de l'Etat
est de promouvoir l'état de santé de toute la population, en
fournissant des soins de santé de qualité, globaux,
intégrés et continus avec la participation communautaire, dans le
contexte global de la lutte contre la pauvreté.
(www.ministère de la santé publique RDC, la mission du
ministère de la santé)
Tout au long de ce travail, notre préoccupation tourne
autour des questions ci-après :
1. Quels sont les déterminants socio-économiques
influençant l'accessibilité aux soins dans l'hôpital
général de référence Masa de Kasangulu ?
2. Comment faciliter l'accès des populations
congolaises aux soins de santé en général et celles de la
Zone de santé de Masa située dans le territoire de Kasangulu en
particulier ?
Ce travail comporte deux parties.
La première partie porte sur l'introduction
générale, elle est répartie en trois sous points :
contexte et justification, énoncé du problème et la revue
de la littérature.
La deuxième partie présente en chapitres notre
travail personnel : la méthodologie, la présentation de la
Zone de Santé rurale de Masa, la présentation et
interprétation des résultats et enfin la conclusion suivie de
quelques recommandations générales.
1.2. ENONCE DU PROBLEME
L'accès aux services de santé de base est l'un
des facteurs clefs favorisant une meilleure santé des populations.
Améliorer l'accès physique, étant une priorité
nationale, la Banque mondiale et de nombreux autres partenaires du
développement ont soutenu d'importants investissements pour construire
et équiper des centres de santé de base. Pourtant, malgré
une augmentation considérable du nombre de dispensaires, la
fréquentation n'a pas beaucoup variée et les indicateurs de
santé demeurent très préoccupants. La tendance actuelle ne
permettra pas à la RDC d'atteindre les objectifs du millénaire.
Tant que la population n'utilisera pas davantage les services de soins
préventifs et curatifs, il est fort probable que cette tendance ne se
modifiera pas significativement. Tenter de se rapprocher des objectifs du
millénaire exige des mesures permettant une évolution positive
des taux de fréquentation des services de santé.
L'utilisation adéquate des services de santé est
donc importante pour améliorer la santé des populations,
notamment dans les pays en développement où des barrières
économiques, physiques et sociales existent. En outre, les facteurs
économiques et socioculturels peuvent avoir un important impact sur
l'utilisation des services de santé.
L'utilisation des services de santé peut
entraîner l'amélioration du bien être et de la santé
des populations. Ceci ne peut se faire qu'à double condition : que
les services offerts soient efficaces, et que la population en fasse un usage
rationnel.
Nous envisageons donc d'analyser la relation entre la
pauvreté, les caractéristiques socioculturelles et l'utilisation
des services de santé dans la Zone de santé de Masa dans le
Bas-Congo.
Les pays en voie de développement se voient dans
l'obligation de faire face aux difficultés d'ordre divers. Leurs
gouvernements respectifs sont incapables de financer les services de
santé.
Plusieurs études faites en Afrique démontrent
que l'utilisation des services de santé est faible et oscille entre 10
et 20% (OMS et all, 1989).
La santé de la population constitue la
préoccupation majeure de tout gouvernement responsable. Cela se traduit
par la proportion élevée de pays dans la ratification des accords
et traités internationaux en rapport avec la santé, notamment la
déclaration d'Alma Ata (1978) et les traités de Bamako (1980). La
R.D.Congo, ayant souscrit à ces accords, ne reste pas
indifférente dans la traduction concrète de ces traités
pour le bien-être de sa population malgré la crise multiforme
qu'elle traverse.
En effet, depuis son accession à la souveraineté
nationale et internationale, la R.D.Congo a connu des nombreuses
difficultés multisectorielles paralysant ainsi son économie. Le
délabrement du tissu économique du pays, renforcé par les
pillages et les deux guerres, respectivement en 1996 et la dernière en
1998 qui a duré cinq ans, a eu des répercussions néfastes
dans tous les secteurs notamment celui de la santé.
La population congolaise vit dans un environnement social de
plus en plus précaire. L'absence d'un système formel de
protection sociale constitue un élément aggravant cette
précarité. On observe alors dans le pays une majeure portion des
groupes vulnérables en matière de soins de santé, avec
comme corollaire l'apparition des problèmes financiers dans
l'accessibilité aux soins de santé de qualité.
Le taux d'utilisation des services de santé par la
population du pays en général et par celle de la Zone de
santé de Masa en particulier a atteint un niveau très faible. Le
Bureau Central de la Zone rapporte que ce taux se situe actuellement à
30% pour les soins curatifs, pendant que l'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) fixe la norme à 1NC /habitant/an soit
pratiquement100%. (Document de la stratégie de la croissance et de la
réduction de la pauvreté (draft 04), juin 2006, page 22-24).
En effet, la complexité des services de soins de
santé et de l'assurance maladie, l'inexistence et la non performance des
systèmes d'assurance maladie ainsi que certaines exclues par manque de
possibilité de cotisation renforcent cette inaccessibilité.
Si la qualité de service est l'une des explications du
niveau d'utilisation, cette étude montre aussi l'importance d'un
ensemble d'autres facteurs qui devraient être pris en compte pour
améliorer la fréquentation des services. Parmi ceux-ci,
l'éthique n'est pas le moindre. Accorder une place particulière
à l'éthique dans les programmes de formation, tout comme au
contrôle communautaire sur l'exercice des professionnels de santé
sont des priorités pour reconstruire le capital de confiance entre
population et prestataires de soins.
Bien que le coût joue un rôle important, ce
facteur ne doit pas être surestimé dans l'analyse des conditions
d'accès aux services de santé de base. Apporter un soutien
financier aux plus pauvres est crucial pour diminuer les barrières
à l'accès. Mais, lorsque les services sont de qualité, la
majorité de la population les utilise, même si leur coût est
relativement élevé.
De nombreuses recherches ont montré le lien entre
l'amélioration de la qualité et l'augmentation de la
fréquentation. Cette hypothèse a fondé l'Initiative de
Bamako. Malheureusement, la mise en place de celle-ci s'est souvent traduite
par une augmentation du coût des services, sans véritable
amélioration de leur qualité.
De plus les services offerts ne répondent pas toujours
bien à la demande des populations.
Ces deux raisons majeures expliquent le succès
globalement limité de l'Initiative de Bamako. (Utilisation des services
de santé de premier niveau au Mali : Analyse de la situation et
perspectives, Martine Audibert, 2005)
Le problème de l'accès aux soins de santé
au Congo est immense. Une stratégie de mise en place de
mécanismes de partage solidaire du risque-maladie a donc toute sa place
dans une politique globale d'amélioration de l'accès aux soins.
Il y a un grand besoin et une forte demande de la part des acteurs des
systèmes locaux de santé congolais de pouvoir recourir à
un appui de qualité dans les phases d'analyse, de planification, de mise
en place et de monitorage de systèmes de micro-assurance santé.
Il y a lieu d'organiser et de structurer rapidement ce type d'appui au
Congo.
Vu le faible pouvoir d'achat de la population congolaise, il
est indispensable d'envisager une politique de subventions pour que les
systèmes de micro-assurance santé atteignent des couvertures
significatives. Ces subventions doivent être organisés de
façon rationnelle et ne pas hypothéquer les dynamiques d'entraide
et de solidarité locales. L'optimalisation de ces subsides demande des
recherches de terrain.
Les systèmes de micro-assurance santé
agissent au niveau de la demande. Ils tentent de mobiliser, sur une base de
solidarité et de partage de risque, des ressources pour financer les
soins de santé. Ils visent d'autre part à organiser les
utilisateurs dans leur interaction avec les prestataires. Ceci est une
opération complexe dont le succès dépend de la confiance
que les gens ont dans le gestionnaire du système de micro-assurance,
mais aussi de la qualité de l'offre de soins. Une politique d'appui au
développement de ces systèmes doit donc aller de paire avec une
stratégie de rationalisation de l'offre des soins.
Afin d'assurer l'accès du peuple congolais à une
vie saine, lui permettant d'être socialement et économiquement
productif, le gouvernement devra promouvoir son droit à la santé
à travers le renforcement des mécanismes garantissant
l'éthique en santé, l'équité dans la distribution
des soins et des services de santé, la solidarité communautaire
et l'humanisation des services de santé.
Le niveau d'instructions de base du chef de ménage et
aussi de la mère peut augmenter le recours aux soins de santé. En
effet il est souvent admis que les individus avec niveau d'instruction
élevé ont la capacité d'assimiler l'information pour
rechercher les alternatifs dans le financement de soins. Avec un taux
d'analphabétisme envoisinant 60%, cela peut constituer un obstacle au
financement de soins de santé.
La Zone de santé rurale Masa est la deuxième
zone issue du découpage de la Zone de santé de Sona Bata dans le
territoire de Kasangulu, District de la Lukaya, Province du Bas-Congo.
Elle a une superficie de 2700 Km2 et comprend 436
villages repartis dans 14 Aires de santé dont 4 se trouvent dans la
cité de Kasangulu qui est le Chef lieu du Territoire et où se
trouvent le Bureau Central ainsi que l'Hôpital Général de
Référence de la Zone de santé. La Zone de santé de
Masa dispose de 18 CS, 21 postes de santé et 1 centre hospitalier. Le
taux d'utilisation des services curatifs a évolué en decrescendo
de 65% en 2003, 48% en 2004, 40% en 2005, 29% en 2006, 31,4% en 2008 et 28% en
2009. Le taux de référence de 2009 est de 1,6% contre un taux de
contre-référence de 4,7%. Les pathologies dominantes selon
la morbidité sont le paludisme, les IRA, les filarioses, les
maladies diarrhéiques ainsi que la malnutrition protéïno
énergétique.
Le non assainissement de plusieurs villages, la couverture
faible en eau potable et la faible sensibilisation en matière de
communication pour le changement des comportements sont des problèmes de
santé publique majeurs dans notre zone de santé.
La zone de santé dispose des organes de gestion
fonctionnels à savoir le conseil d'administration ainsi que les
comités de gestion tant au niveau du bureau central et de son
hôpital de référence.
Les difficultés d'ordre organisationnelle sont beaucoup
ressenties par l'incapacité à organiser des formations classiques
par manque financement ; l'absence de phonie relais rendant la collecte
des données épidémiologiques difficiles ainsi que le sous
équipement des structures sanitaires a partir du bureau central.
Les recettes réalisées ne permettent pas
à la zone de faire face de façon correcte à la
surveillance des maladies et surtout à suivre
régulièrement les différentes activités
programmées dans son plan d'action.
La zone de santé ne dispose pas d'un partenaire externe
capable de financer les activités programmées dans le plan
d'action. L'absence de véhicule est un handicap majeur pour la
réalisation des supervisions intégrées.
Néanmoins avec la participation communautaire, la zone
de santé réalise tant soi peu ses activités aboutissant
à des performances satisfaisantes.
La situation sanitaire de la Zone de santé Masa est
très préoccupante. L'utilisation des services sanitaires y est
fortement compromise avec conséquence immédiate une hausse de la
morbi-mortalité sur l'ensemble de la Zone de santé. La
morbidité liée au Paludisme est élevée chez les
enfants de moins de 5 ans (67%) ; la prévalence de la
Trypanosomiase est élevée dans l'aire de santé de
Kimpakasa (3.7%) ; la prévalence de l'Onchocercose est
également élevée et estimée à 30% ; la
proportion de la population desservie en eau potable représente
27% ; il y a faible détection de la Tuberculose (59%) et une faible
opérationnalité des structures de participation communautaire
pour le développement.
La situation de l'Hôpital Général de
Référence est plus préoccupante que celle de la Zone de
santé toute entière. Des efforts doivent être
conjugués de manière concertée entre le Pouvoir
organisateur des services publics de l'Etat et les différents
partenaires de développement ainsi que les usagers pour briser le cercle
vicieux de pauvreté dans laquelle se trouve l'hôpital en vue de
rendre disponible les soins et services de santé de qualité et
durables à la population de Kasangulu.
En dépit d'un nombre insuffisant de lits montés
(43 au lieu de 100lits selon les normes) à l'HGR Masa/Kasangulu, le taux
d'occupation de lit est assez faible (30% au lieu de 60 à 70%) et l'HGR
utilise la tarification à l'acte pour le recouvrement des coûts
des soins et services offerts aux malades. Malgré qu'il soit à
proximité de Kinshasa, le niveau socio-économique de la
population de Kasangulu est extrêmement pauvre. Cette situation ne lui
permet pas d'accroître sa capacité à mobiliser les
ressources financières locales qui lui permettraient de jouer pleinement
son rôle et d'offrir encore plus de soins de qualité à la
population.
L'amélioration de la qualité des soins et
services offerts pourra attirer les malades à utiliser les services des
structures sanitaires.
Une étude a été menée en 2006 au
sein du bureau central pour rechercher les facteurs qui expliqueraient la
faible demande des soins par cette population. Trois facteurs dont
délabrement des infrastructures, mauvais état de la route et
absence de certains services ont été retenus à la base de
cette faible demande.
Malgré les efforts du gouvernement provincial par le
canal de son Excellence Monsieur le Gouverneur MBATSHI MBATSHIA
à la réhabilitation de l'hôpital, de la route et
en dotant l'hôpital des matériels pour la mise en place de
certains services non existants, cette situation ne permet pas à
l'hôpital général de référence Masa
d'améliorer son taux d'utilisation des soins et services de santé
et par conséquent, de mobiliser des ressources financières
nécessaires pour couvrir tant soit peu ses charges de fonctionnement
surtout qu'il ne reçoit aucun subside de l'Etat.
Devant de telles situations, l'intérêt de cette
étude serait de répondre à la question de comment
améliorer l'accessibilité aux soins de santé ?
Pour le faire, nous identifierons les déterminants
socio-économiques qui sont à la base du faible taux d'utilisation
dans la zone de santé en général et à l'HGR MASA en
particulier.
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