3ème Partie Ð North Chennai de
l'intérieur
3-1 Du spatial au mental
Pour chaque localité, il s'agira principalement de
dégager des grandes tendances, qui donneront du sens aux cartes mentales
que nous avons récolté sur le terrain. Pour cela, on tentera de
lire le subjectif, reflété par l'utilisation de figurés
particuliers, la mention récurrente de certains lieux, la forme
générale de ces cartes, la richesse de celles-ci, ainsi que les
limites et les discontinuités qui pourront éventuellement en
ressortir. Il s'agit véritablement d'un travail d'interprétation,
plus lié à la psychologie qu'à des critères de
mesures cartésiens et établis scientifiquement. Hors, comme je ne
peux prétendre à la ma»trise de la psychologie, l'analyse de
ces résultats n'engage donc que mon propre jugement.
A partir de ces observations et de ces interprétations,
on tentera de mettre en avant, pour chaque
localité, une typologie qui lui sera propre, et qui nous
permettra de synthétiser nos observations pour faciliter, ensuite, leur
comparaison.
Athipattu Pudu Nagar
Ici, les figurés de type linéaire dominent
largement, et représentent les liens entre des localités, des
pTMles d'attractivité comme les établissements industriels ou les
écoles, sans qu'on puisse en déterminer la nature (rail ou route)
directement sur la carte. Dans 90% des cas, c'est donc en recoupant les
données obtenues avec google map qu'on parvient par
déduction à en déterminer la nature, ou à partir
des récits explicatifs des participants au moment de la
réalisation, notés sur un carnet séparé. Mais ces
linéaires ne correspondent pas forcément à des voies
précises de communication, mais parfois plus simplement à des
directions empruntées, comme des couloirs de mobilité. Ces
constats seront récurrents pour toutes nos localités.
Pour Athipattu , donc, le lien qui ressort de
façon la plus récurrente est celui reliant notre localité
à la gare centrale de Chennai, la voie ferrée. Elle appara»t
souvent comme une « colonne vertébrale » sur nos cartes, et
exprime donc un lien trts fort avec le centre (historique) de la ville. Par
ailleurs, on remarque dans 40% des cas une bipolarité tres nette entre
d'une part, les localités au contact direct d'Athipattu (Minjur,
Pooneri, Ennore, Manali New Town), et celles qui représentent les
pTMles d'attractivité en centre-ville (avec, en tête,
Central Station, George Town, Egmore Station, Anna Salai, T-Nagar ou Koyambedu
Market). Entre les deux, souvent, rien. On peut donc dire que la voie
ferrée provoque tres clairement un « effet tunnel » entre les
deux pTMles principaux. En réalité, cette voie ferrée
appara»t comme un véritable cordon ombilical, reliant
Athipattu aux zones d'approvisionnement.
En dehors de ce type de cartes, on note une assez grande
confusion, un aspect particuliérement désorganisé dans la
représentation. Parfois même, les liens manquent et donnent une
impression de morcellement de l'espace, et mettent en avant des zones plus
inaccessibles. Cette remarque concerne surtout les espaces situés au
nord, entre Athipattu et le centre-ville.
Si l'on devait marquer les limites pour cette série de
cartes mentales, on pourrait les fixer, pour le nord à Pooneri
(au delà des limites de la CMA mais proche d'Athipattu), pour
le sud à Anna Salai et T-Nagar (donc le cÏur
économique de Chennai). A l'ouest, la limite atteint le réservoir
de RedHills. Par ailleurs, à l'inverse de ce qu'on remarquera
pour les localités du sud, le lieu de vie est placé au
en périphérie de la carte, et le place en situation
de « cul de sac ».
Enfin, ce qui doit nous frapper dans cette première
série de cartes mentales, c'est surtout l'aspect ramassé et
minimaliste de la majorité de nos représentations, les lieux
mentionnés et les connexions étant souvent peu nombreux. C'est
d'ailleurs Athipattu qui posséde le plus faible score en terme
d'éléments mentionnés (on comparera les données
quantitatives dans la partie suivante).
On obtient au final une typologie à deux formes dominantes
:
En étoile double Minimaliste
Ce que l'on doit retenir pour cette première
localité :
Une predominance de la voie ferrée Ð Une
forte polarisation vers le centre-ville Ð Un aspect souvent ramassé
qui peut traduire l'enfermement Ð Une absence des espaces Ç nord
È en dehors des localités adjacentes.
Manali New Town
Les cartes mentales issues de cette localité se
caractérisent en premier lieu par une trés grande
variété des représentations et des lieux
mentionnés, au contraire d'Athipattu ou de grandes tendances
pouvaient etre dégagées. Ici, c'est particuliérement
délicat.
Les liens et connexions se révélent souvent
tortueux et confus, et l'orientation est souvent inexacte. Le trait manque de
franchise. On perçoit une plus grande difficulté à rallier
les points extérieurs, et on est frappé par les détours
qui apparaissent pour relier des localités pourtant proches les unes des
autres. On a ici le seul exemple d'une représentation oil la
localité étudiée, donc le lieu de vie, n'appara»t pas
du tout, comme si elle n'appartenait pas à Chennai. Une autre
représente Manali New Town dans un rectangle, sans liens avec
les points extérieurs.
Par ailleurs, on remarque que les localités
reliées par le nord à Manali N.T se retrouvent de
maniere récurrente, alors qu'au sud, elles sont presque toujours
différentes. La localisation de notre localité sur la carte,
enfin, est très aléatoire, au contraire d'Athipattu
qu'on retrouvait souvent en position de cul de sac, à
l'extrémité nord.
Ces observations nous donnent une forte impression
d'isolement, et de mauvaise connaissance de l'espace de l'agglomération.
Etant donnée la variété des représentations, il est
impossible de faire ressortir une typologie.
Ce que l'on doit retenir :
Une forte confusion qui révèle une
pratique limitée de l'espace métropolitain - Des choix
représentatifs qui suggèrent l'enfermement - Des tracés
tortueux et des détours qui semblent signifier une mauvaise
connectivité.
Sekkadu
C'est pour cette localité que l'on retrouve les
exemples des plus pauvres et les moins aboutis de toute nos séries.
L'exercice de cartographie s'est révélé particulierement
difficile. On retrouve ici beaucoup d'exemples de cartes en « points
solitaires », c'est à dire sans aucuns liens entre eux, et en
étoile simple, pourvue seulement de directions, sans bifurcations ni
embranchements, ce qui laisse supposer une faible connaissance du
réseau, ou peut être la prédominance de l'utilisation de
transports collectifs donc passifs pour se rendre à
l'extérieur.
Là encore, aucune voie n'est nommée, comme
c'était le cas pour nos localités précédentes (ce
que j'avais omis de préciser), ce qui exprime sans doute un acces
difficile et chaotique aux axes principaux de la ville. La
désorganisation est encore une fois tres marquée.
Peu d'éléments « centraux » sont
mentionnés, ou lorsqu'ils le sont, les liens de Sekkadu vers le
centre de Chennai impliquent des contournements, généralement par
le Nord, l'Ouest, ou bien par le Nord-Est, comme si un obstacle majeur
compromettait les liens directs. En vérité, c'est l'inexistence
pure et simple de voies d'acces par le Sud qui explique ces
représentations. L'écart entre les distances géographiques
et les distances effectives para»t considérable et transpara»t
dans les représentations.
On observe par ailleurs la forte récurrence des
éléments spatiaux industriels dans les cartes
obtenues, qui paraissent même barrer l'espace
à l'Est, puisque derrière eux, plus rien.
Enfin, on retrouve
des representations en Ç étoiles doubles
È, Sekkadu se trouvant au cÏur d'une des deux. Mais
là oil le centre de Chennai apparaissait au cÏur de la seconde
pour Athipattu, ici, on retrouve des localités situées
plus au nord, et qui font office de hub pour rejoindre d'autres parties de la
ville.
Ci-dessous, les formes dominantes que l'on retrouve de
façon récurrente pour notre localité :
Minimaliste
Points solitaires
Etoile simple Etoile double
Ce que l'on doit retenir :
Une impression d'enfermement largement dominante, surtout
par rapport aux espaces centraux et au Sud.
Mogappair West
Une polarisation trés nette appara»t ici vers le
centre-ville par Poonamale High Road via le quartier d'Anna
Nagar, ainsi qu'une polarisation plus diffuse de part et d'autre de
l'Inner Ring Road jusqu'à Guindy et
Tambaram. La gare routiére de Koyambedu appara»t de
façon systématique sur la
majorité des cartes mentales, et semble faire partie
des éléments structuraux puissants, à tel point qu'il est
même parfois placé au centre de la carte tant les
déplacements semblent conditionnés par ce nÏud.
Mogappair, en contrepartie, est souvent représentée sur
les marges extérieures de la carte.
On observe ici les premiers exemples de hiérarchisation
dans les voies de communication (elles sont représentées de facon
plus ou moins large), avec des figurés ponctuels, des dessins, qui
amènent plus de précision.
Le tout se révèle plus facile à
comprendre et à interpréter, d'autant que l'orientation est
souvent correcte. En recoupant toutes les informations, on obtient une vision
relativement large de l'agglomération, mais on observe dans le
méme temps une disparition totale du Nord. Les intersections, les
ramifications sont plus présentes, et révèlent une
meilleure connaissance du réseau.
Formes dominantes:
Axe central
|
Plan schématique,
avec hiérarchisation
|
Ce que l'on doit retenir:
Le Nord de l'agglomération dispara»t
totalement des cartes - Le style se veut plus précis et permet
l'émergence de grands axes de communication - On percoit une plus grande
facilité dans les déplacements.
Tambaram
Très nettement, on voit ici la richesse des transports
disponibles, et des voies d'accès qui confèrent à
Tambaram une qualité de hub. Les cartes sont riches et
complexes, les routes sont nommées, les
figurés variés.
La voie ferrée et l'autoroute NH 45 apparaissent de
façon claire sur la majorité des cartes, et font office de
colonne vertébrale. Les autres grands axes sont aussi présents,
mais de façon moins récurrente. Il est très difficile de
faire ressortir des Çpoints chaudsÈ tant la variété
des lieux est importante. Ce que l'on observe malgré tout, c'est la
prédominance de la périphérie, les franges Ouest,
Sud-Ouest et Sud dominant largement l'ensemble, ainsi qu'une percée vers
le centre-ville par Anna Salai, voie d'accès
privilégiée. Là encore, les localités du Nord sont
inexistantes.
Les déplacements semblent conditionnés en grande
partie par la voie ferrée, qui relie Tambaram à la gare
d'Egmore, tant les localités traversées par celle-ci
transparaissent très clairement sur la majorité des cartes.
A trop vouloir en mettre, cependant, les participants ont
tendance à négliger l'orientation, ce qui donne souvent une
impression assez confuse.
Enfin, on retrouve deux cartes (sur un total de 10, je le
rappelle) à très grande échelle, oü Chennai se
résume pratiquement à la seule localité de Tambaram.
On retrouvera de nouveau ce phénomène plus tard, à
Teynampet . Cela peut para»tre étonnant, mais c'est
vraisemblablement la profusion et la variété de l'offre
présente sur place qui semble expliquer un certain enfermement, mais
conséquence de l'absence de nécessité de se
déplacer loin pour satisfaire à ses besoins (c'est du moins ce
que j'ai conclu d'après le discours explicatifs des participants
concernés).
Formes dominantes:
Complexe En réseau de linéaires En
stations
Ce que l'on doit retenir:
Les styles deviennent plus complexes, et on gagne
encore en précision - L'espace pratiqué s'élargit et
s'enrichit, même si ponctuellement, on note un resserrement, reflet d'une
autosuffisance -
Sholinganallur
Tout logiquement, l'ECR et l'OMR dominent
les représentations et font office de colonne vertébrales. Les
limites Nord s'arrêtent souvent au sud du triangle qui constitue le
centre-ville, autour d'Adyar et de Thiruvanmiyur, et le
cÏur de Chennai est peu représenté.
Les lieux mentionnés apparaissent de facon très
récurrente, surtout de part et d'autre des grandes
pénétrantes (ECR/OMR).
On a la sensation, comme pour Tambaram, d'une
périphérie qui se suffit à elle-méme, à
l'inverse d'Athipattu, par exemple, qui semble dépendre
totalement du centre.
Ce qui frappe, par ailleurs, c'est la qualité des
cartes, dans leur orientation comme dans leur exactitude. Elles se ressemblent
énormément. Les linéaires se coupent souvent à
angle droit, et le tout forme un ensemble très
géométrique, et facilement compréhensible. Les cartes en
ÇH È et en plan schématique dominent largement.
Formes dominantes :
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|
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En croix ramifiée
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En "H"
|
Plan en "H"
|
Ce que l'on doit retenir:
Un aspect particulièrement schématique
reflet d'une perception clarifiée de l'espace - Une auto-suffisance par
rapport au centre-vile -
Teynampet
On retrouve ici les cartes les moins étendues dans
l'espace métropolitain, très resserrées sur le centre.
Les voies de circulation sont larges, nommées, et les choix
représentatifs privilégient le plan. Elles recouvrent
d'avantage l'idée de couloirs que de liens les indications se
trouvant
majoritairement sur la voie elle-même.
Anna Salai, ainsi que la plage de Marina Beach
, font office de colonnes vertébrales de façon
réguliére. Le long de celles -ci, on observe une grande precision
dans les intersections. Les liens vers la périphérie sont
simplement suggérés, par des directions à
l'extrémité des axes mentionnés.
De ces cartes ressortent surtout les points chauds compris
à l'intérieur du triangle du centre-ville. Une faible
mobilité vers les franges périphériques transpara»t
donc trts clairement. Le Nord est ignore, et là oil des directions sont
mentionnées à l'issue des voies en direction du Sud ou de
l'Ouest, les voies buttent souvent sur George Town et forment un cul
de sac pour le Nord.
Les cartes issues de cette série se ressemblent
particuliérement, dans le style comme dans l'échelle et les lieux
représentés. Peut-être qu'une meilleure connaissance de la
cartographie et un meilleur niveau d'éducation influent sur ces
similitudes, et n'ont pas nécessairement un rapport direct avec la
perception de l'espace.
Formes dominantes :
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En plan schematique, avec hierarchisation
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Complexe
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Ce que l'on doit retenir :
Une disparition presque totale des espaces
périphériques, donc une étroitesse de l'espace
pratiqué - Une précision inégalée et un aspect
global particulièrement ressemblant -
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