1-2 Les enjeux d'une yille duale
1-2-1 La question des centralités
Comme on l'a largement évoqué, l'une des
principales caractéristiques de l'agglomération de Chennai repose
sur un glissement perpétuel vers le Sud, depuis presque deux
siècles. Cette situation particulière, conjuguée à
une histoire urbaine faite d'une absorption successive de bourgs pré-
existants et d'un comblement des interstices plus que d'une extension en
territoires vierges, confèrent à la ville un aspect
particulièrement intéressant. En effet, ces dynamiques ont
provoqué l'émergence d'une multitude de centralités et de
nÏuds urbains, qui laissent le centre historique en marge du rTMle naturel
qui devrait lui incomber. Cette réalité surprend le visiteur
étranger, habitué au modèle classique d'une ville
impulsée par un cÏur ancien et identifiable. A Chennai, il est
très difficile de s'orienter par rapport à un centre, tant
l'espace para»t homogène en tous points de la ville. Le centre
historique, George Town, se trouve en fait noyé dans une masse qui le
rend invisible.
D'un point de vue économique, le constat n'est pas
différent. Et même si George Town conserve un rTMle commercial,
puisqu'il s'agit d'un point de transit important entre les biens
manufacturés arrivés fra»chement par la mer et le reste de
la ville, il s'agit là du dernier aspect qui pourrait encore faire de
lui un cÏur. Mais il n'est plus qu'un quartier de grossistes,
spécialisé au même titre que d'autres, comme Koyambedu
(marché de gros pour l'alimentaire) ou T-Nagar (marché
textile).
L'ouverture récente de Chennai sur le monde n'a fait
qu'accentuer la mise à l'écart de George Town,
et il est aujourd'hui très facile d'identifier les
points chauds de la ville au travers des marqueurs de la mondialisation, qui
peuvent être considérés comme autant
d'éléments de modernité et de centralité dans une
métropole indienne. Pour mettre en évidence ce visage très
contemporain de Chennai, nous nous sommes livrés à un exercice
original, qui a consisté à cartographier ces marqueurs, que nous
détaillerons plus bas.
Carte n°2 Ð Hot-Spots de la mondialisation
à Chennai en 2011
Par le biais d'un moteur de recherche, nous avons
répertorié 4 types de lieux emblématiques de ce nouvel
aspect de Chennai :
Les centres-commerciaux tout d'abord, nouvelles vitrines du
rêve à l'occidentale,
Les enseignes de supermarchés et d'hypermarchés de
la grande distribution (Nilgiri's, Nuts n' Spices, Star Bazaar et
Big Bazaar),
Les cha»nes de restaurants et de fast-foods (Mc
Donald's, KFC, Pizza Hut, Subway, Domino's Pizza, Marrybrown, Café Coffe
Day, Barista et French Loaf),
Enfin, les principales grandes enseignes du prêt à
porter (Levi's, Reebok, Celio et Benetton). Il s'agit
là de listes non exhaustives, mais qui nous donnent une idée
générale de la situation.
On remarque tout d'abord que ces enseignes ont tendance
à se concentrer autour de pTMles bien distincts, répartis
majoritairement au sein d'un triangle Anna Nagar West - Egmore - Thiruvanmiyur.
Ces pTMles sont au nombre de 4:
Anna Nagar au Nord-Ouest, avec le centre commercial Ampa
Skywalk, Nungambakkam/Royapettah en position centrale avec les centre
commerciaux Spencer Plaza et Express Avenue
Mylapore, un peu plus au sud, avec le centre commercial Citi
Centre,
Enfin, Adyar/Thiruvanmiyur, à la limite Sud de la
municipalité.
D'autres pTMles mineurs, moins évidents à
identifier et plus nombreux, font office de relais entre ces pTMles majeurs. On
reconna»t par exemple le quartier de T-Nagar ou celui de Guindy. On
remarque aussi une tendance à la colonisation d'un espace plus vaste,
compris entre l'autoroute NH 45 et l'ECR.
Bien sür, ces marqueurs ne reflètent que les
points d'attraction propres aux classes moyennes et aisées, et il serait
maladroit de penser qu'il s'agit là de nÏuds à portée
universelle. Néanmoins, ils préfigurent le futur d'un mode de vie
qui tend à se généraliser, c'est à ce titre qu'on
peut les considérer comme les marqueurs d'une certaine idée du
<<centre-ville È. Si l'on avait ajouté à cette
représentation les sièges de grandes entreprises, les banques ou
les équipements d'agglomération (bibliothèques,
musées, lieux du pouvoir), le résultat n'aurait été
que plus flagrant (mais la carte aurait été illisible). Il est
clair que Chennai ne possède pas véritablement de centre-ville,
mais des centres-villes, compris dans un ensemble plus vaste qu'on peut
identifier sous la forme d'un triangle correspondant plus ou moins à la
moitié Sud de la ville de Chennai << intra-murros È, et qui
aurait tendance à déborder sur les marges les plus dynamiques, au
Sud là encore. Le centre historique appara»t très clairement
en marge de cet espace.
Chennai est une ville poly-nucléaire, et victime d'un
déséquilibre flagrant entre Nord et Sud. Car c'est là le
cÏur de notre travail, et il n'appara»t que de façon trop
visible sur notre représentation. Au delà d'une ligne qui
grossierement suit la Poonamale High Road, il n'y a guere que du
vide.
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