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Zones économiques spéciales et nouveaux enjeux fonciers: le cas de Marg Swarnabhoomi au Tamil Nadu, Inde

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par Paul BERTIN
Université Bordeaux III - Master 1 territoires, développement et cultures 2010
  

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3ème partie : Les dessous du mirage - Enquête de terrain

Carte n°2 : Zoom sur la localisation de la zone d'étude

Introduction - Une première approche par l'intérieur

Afin de me rendre compte de l'ampleur du projet et de son avancement, j'ai commencé par me rendre directement sur le chantier. Une fois passé le barrage de sécurité à l'entrée du site, j'ai d'abord rencontré le General Manager, Mr. J. Krishnamaraju, qui m'a soumis à un interrogatoire pendant près d'une demi-heure, en me questionnant sur mes motivations, mon niveau d'étude, ma vie en France, mes relations en Inde. Après avoir détaillé mon projet de recherche, que j'avais volontairement Çarrangé È pour qu'il ne soulève pas d'inquiétude, j'ai été prié de revenir ultérieurement muni de tous les justificatifs nécessaires. Ce que j'ai fait quelques jours plus tard, accompagné cette fois-ci de Venkat, ingénieur d'études à l'IFP, de facon à prouver mon sérieux et surtout ma non-appartenance au monde journalistique ou à un quelconque mouvement revendicatif. Malgré cela, le climat s'est avéré d'une extreme froideur. Nous avons pu rencontrer de nouveau le General Manager, qui, ne souhaitant pas

particulièrement communiquer, nous a renvoyé vers le Project Manager, M.K.A Pasha, auquel j'ai enfin pu soumettre mon questionnaire. Disposant déjà d'informations à propos du projet en lui même tel que j'ai pu le détailler dans la partie précédente, j'ai tenté d'en savoir plus à propos du processus d'acquisition, des acteurs impliqués, des difficultés éventuellement rencontrées, des rapports avec les villages alentours, et des perspectives pour l'avenir. L'entretien fut bref, le Project Manager étant visiblement embarrassé par mes questions. Je n'ai pu tirer de cet entretien que de simples banalités, dictées probablement par la direction. Cependant, une phrase trop souvent répétée m'a permis de me rendre compte d'un certain malaise vis-à-vis des populations alentour.

Ç N'allez pas voir les villageois, ils ne vous apprendront rien È.

Après cette seconde visite, je ne suis retourné qu'une seule fois dans les bureaux de Marg, afin de rencontrer le Sales Manager, Kamalthiagarajan N., que j'avais déjà croisé lors de mon premier passage, et qui m'avait paru plus loquace et surtout plus abordable que ses collègues. Lui non plus n'a rien pu m'apprendre de nouveau, mais il m'a clairement fait entendre que les employés de Marg avaient des consignes très strictes en matière de communication, et que je n'obtiendrai rien d'intéressant de leur part. C'est à partir de là que j'ai décidé de me consacrer au cÏur de l'enquête de terrain, en interrogeant les villageois.

3.1 - Questions de méthode

Afin de partir à la rencontre des populations, dans une grande majorité uniquement tamoulophone, Venkat m'a mis en contact avec un jeune interprète, Anthony, qui m'a accompagné sur le terrain tous les jours pendant deux semaines. Nous avons entamé notre enquête par le village de Seekinankuppam, situé juste à l'entrée du projet, à quelques mètres seulement des immenses panneaux marquant l'entrée du territoire Marg. Nous étions déjà venus une première fois discuter avec les villageois avec Venkat quelques jours plus tTMt, ce qui m'avait permis de me faire une idée du type de popu lation vivant là, des différents types d'occupation des sols, de la quantité de terrains vendus. J'avais cependant été déçu par le

manque evident de sincérité de la part de ces premiers individus rencontrés. JÕai compris plus tard que plusieurs elements sont à prendre en compte lorsquÕon part à la rencontre dÕune population rurale, pauvre, visiblement opprimée, et nÕayant jamais eu aucun contact avec un occidental. Pour une grande majorité des personnes rencontrées au cours de lÕenquête, jÕai pu constater lÕétroitesse de lÕespace vécu et pratiqué, se limitant aux villages alentours et aux petites villes telles que Cheyyur ou Kalpakkam situées à une quinzaine de kilomètres. Rares étaient les villageois à avoir déjà fait le trajet jusquÕà Pondichéry, Kanchipuram ou Chennai. Dans un tel contexte, la catégorie sociale, la façon de se presenter, la posture verbale adoptée, et même la tenue vestimentaire ont une importance capitale. Je suppose donc que lors de ma première visite, au cours de laquelle Venkat avait fait le lien entre moi et les villageois, ces derniers avaient été intimidés par son charisme naturel et surtout par son statut de brahmane.

Apres avoir discuté de la question avec Anthony, nous avons donc prêté une attention toute particuliere à ces parametres. Il a fallu au début de chaque interview préciser que nous nÕavions aucun rapport avec Marg22 et que les informations issues de la rencontre ne sortiraient pas du cadre de mon travail dÕétudiant, expliquer le but de lÕopération en detail et nous presenter lÕun apres lÕautre. La mise en confiance est une étape tres importante. Cela passe aussi par le regard, et lÕutilisation, pour ma part, de quelques mots tamouls dans les échanges. Anthony se montrant tres souriant et ouvert, tout en restant simple, les échanges ont été souvent tres riches, parfois enflammés. DÕautant quÕau fur et à mesure que les jours passaient, tout le monde ou presque avait été mis au courant de notre présence et du caractere amical de nos interviews. Méfiants de prime abord, les villageois ont fini par nous accepter, et il nÕétait pas rare quÕon nous salue sur le bord des routes, ou que lÕon nous invite à boire un jus de coco ou un the.

Au départ, jÕavais prepare un questionnaire pour donner un cadre aux échanges. Mais finalement, je me suis vite aperçu, malgré la simplicité et la souplesse de mes questions, que la méthode rendait lÕexercice trop rigide, et orientait de fait les réponses des interrogés. Par la suite, et naturellement, nous avons plutTMt fait le choix de la discussion ouverte et de lÕéchange naturel, orienté en priorité vers le ressenti de chacun. Le sourire et surtout lÕhumour ont été nos meilleurs allies, malgré le caractère sérieux et souvent accablant de lÕenquête.

22

Beaucoup nous percevaient au depart comme des investisseurs, et craignaient de nous parler à cÏur ouvert

Une fois corrigée cette question du rapport et de la présentation, il a fallu faire face au caractère aléatoire des réponses, du fait de la variété des communautés rencontrées, et de la divergence de leurs intéréts par rapport au projet Swarnabhoomi. On remarque que le type de réponse colle à plusieurs grandes catégories, à savoir:

- Celle des riches propriétaires, des Reddyars en particulier, qui entretiennent des relations étroites avec la compagnie Marg, et qui en général ont participé aux transactions et se sont enrichis par ce biais. Le discours est alors élogieux par rapport au projet, et les réponses aux questions vont entièrement dans le sens de celles des employés de Marg. Il s'agit là assurément de la catégorie dominante, et souvent la plus hostile à notre présence sur le terrain.

- Celle des Reddyars qui ne se sentent pas concernés par le projet et qui ne comptent pas vendre leurs terres pour le moment. Ceux-là ne subissent pas de pression et se révèlent souvent satisfaits de leur situation, qu'ils souhaitent voir perdurer le plus longtemps possible. Ces gens là, le plus souvent, ne travaillent pas et vivent du revenu de leurs terres, exploitées par de petits paysans.

- Celle des petits propriétaires, issus de différentes communautés, et largement sollicités dans le cadre du processus d'acquisition. Leur situation est très inégale suivant qu'ils se trouvent au contact direct de la zone, suivant la qualité de leurs terres et la quantité de terrains vendus. C'est pour cette catégorie que les réponses sont les plus aléatoires et les plus difficiles à interpréter.

- Celle des petits exploitants dépourvus de terres, qui sont souvent les plus enclins à communiquer, mais aussi les plus critiques vis à vis du projet. On verra pourquoi dans la partie suivante.

- Enfin, une séparation très nette oppose les jeunes générations, en général éduquées, poursuivant souvent des études à l'extérieur, donc plus mobiles et plus aptes à trouver un emploi hors du domaine agricole, et les personnes agées, souvent analphabètes, n'ayant jamais quitté leur village, et entretenant un rapport très étroit à la terre. Les premiers se montrent optimistes et espèrent trouver un emploi au sein de Swarnabhoomi, les seconds se sentent marginalisés, et craignent des retombées

négatives. En règle générale, plus les populations interrogées ont un niveau d'études élevé, plus elles soutiennent le projet. Ce n'est donc pas forcément une question de richesse.

La question de l'unité est aussi primordiale. En effet suivant les villages, on observe un niveau d'unité très variable au sein de la population. Ainsi, dans les villages oü l'on a plutot tendance à se serrer les coudes face au danger et à l'oppression exercée par les castes dominantes, on aura largement tendance à critiquer l'avancée du rouleau compresseur Marg. Sans pour autant que le ressenti se traduise en revendications. Mais on y reviendra.

Difficile au final de faire le tri dans toutes les informations récoltées, en particulier pour les données quantitatives. Aussi, nous avons dü veiller à interroger pour chaque village un représentant de chaque communauté, de facon à obtenir une vision globale, et la plus proche de la vérité.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote