WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Zones économiques spéciales et nouveaux enjeux fonciers: le cas de Marg Swarnabhoomi au Tamil Nadu, Inde

( Télécharger le fichier original )
par Paul BERTIN
Université Bordeaux III - Master 1 territoires, développement et cultures 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.2 - Sept villages pour autant de réalités

Une rapide présentation de la zone d'étude s'impose, de facon à rendre compte des différents niveaux de vulnérabilité face à l'établissement du projet Swarnabhoomi. Les sept villages concernés par la vente de terrains ont été regroupés en fonction de leur appartenance à un méme Pânchayat23, c'est-à-dire qu'ils ont en commun le méme thalaivar, ou chef de village. C'est important dans la mesure ou le thalaivar influe énormément sur les liens entre les villageois et la compagnie Marg.

23 Village Panchayat pour ôtre plus précis. Il s'agit d'une assemblée traditionnelle élue, équivalente en quelque sorte au conseil municipal, et chargée de régler les différents entre individus ou entre villages.

Carte n°3 - Emprise spatiale du projet Swarnabhoomi
(basée sur un assemblage de plans cadastraux)

Seekinankuppam - Velur - Punjeri

A gauche : parcelles rizicoles encore en exploitation à Seekinankuppam.

A droite: le projet vu depuis Velur. Au premier plan, l'ancien Water Tank utilisé pour l'irrigation des terres du village, aujourd'hui dans l'enceinte de Swarnabhoomi.

Ces trois villages se trouvent au contact direct du projet, et sous la domination d'un seul homme, le Reddyar N.Jaya Prakash. A eux trois ils regroupent plus de 1.500 habitants, dont la plupart appartiennent à la catégorie SC (Scheduled Cast, 50%), viennent ensuite les Yadav (25%), principalement installés à Velur et à Punjeri, les Vanyars (15%), les Reddyars (5%), et les OC (Other Cast, 5%), principalement installés à Seekinankuppam, qui regroupe les 2/3 de la population du Panchayat. Pour ces trois villages, on observe une nette division nord/sud en ce qui concerne la qualité des terres, avec au nord des sols de type White soil, c'est à dire nonirrigués et secs, qui pour la grande majorité ont été vendus à Marg, et des sols de bien meilleure qualité au sud du fait de leur moindre altitude. Il s'agit de sols de type Red Soil (c'est à dire de qualité intermédiaire, disposant souvent de puits comme on peut en apercevoir partout à Velur et à Punjeri) et Black Soil (c'est à dire les sols pourvus d'un système d'irrigation régulier tout au long de l'année, notamment par le biais des mares et des réservoirs). En tout, depuis 2005, date à laquelle Marg a commencé à acquérir des terres pour son projet, 70% de la surface totale de Seekinankuppam a été vendue, 60% de la surface de Velur, ainsi que 35% de la surface de Punjeri. Cela représente la quasi-totalité des terres de type White Soil. En deux ans, entre 2005 et 2007, on a pu noter une augmentation des prix de 400!/ha à plus de 2500!/ha, toujours pour les terres non-irriguées.

A Seekinankuppam, 40% seulement de la population active travaille dans le secteur agricole,
pour 90% à Velur et à Punjeri. Cette différence s'explique par une forte intégration des

travailleurs de Seekinankuppam à l'intérieur même du chantier, qui fournit par exemple la majeure partie des watchmen chargés de la sécurité.

Nous y reviendrons par la suite, mais c'est dans ces trois villages que la contestation est la plus forte, du fait de la toute puissance du chef du Panchayat, N.Jaya Prakash, que l'on surnomme parfois the devil, et qui depuis 2006 a été pris d'une folie acheteuse et qui a littéralement réquisitionné plusieurs centaines d'hectares de terres qu'il a ensuite revendu à Marg, plus cher bien entendu, profitant au passage d'un bénéfice de 20 à 40%. A ce titre il se présente lui-même comme l'un des partenaires privilégiés du groupe, et représente certainement l'un des personnages clés du processus d'acquisition.

Villabaggam - Pakkur - Punjeri

A gauche : puit utilisé pour l'irrigation à Pakkur.

A droite : parcelles anciennement rizicoles à Punjeri, aujourd'hui vendues au groupe Marg.

Une petite précision avant de commencer: le village de Punjeri est partagé entre deux Panchayats, une petite partie ouest étant rattachée au village de Pakur.

Ë la tête de ces trois villages on trouve A.Varathan, un individu diametralement opposé à N.Jaya Prakash dans la mesure oü il appa rtient à la catégorie des Scheduled Cast, et oü il n'adhère pas aux pratiques du groupe Marg en matière d'acquisition des terres. Il a pourtant lui aussi été contacté dans le but de remplir le rTMle d'intermédiaire entre Marg et les villageois. En effet, comme on a pu le voir précedemment (cf. 1.4.2), Marg, comme beaucoup d'autres développeurs au Tamil Nadu, a fait appel à des leaders locaux, ici les chefs de village, dans le but de rassurer et de convaincre les villageois quant aux bénéfices de la vente de leurs terres. A.Varathan ayant refusé de remplir ce rTMle, Marg a d'abord fait appel à des

brokers indépendants chargés de réaliser les transactions, mais du fait de leur manque d'efficacité, Marg a directement investi le terrain depuis quelques mois, et il n'est pas rare de croiser le 4x4 des brokers du groupe , estampillé Marg ProperTies, au détour d'un chemin.

La première phase d'acquisition a ici commencé en 2008/2009, et étant donné la distance au projet, on peut se poser la question de l'utilité de ces extensions.

Pour une population de 1550 habitants, on constate la encore une nette prédominance des basses castes, c'est a dire des Scheduled Cast (30% a Villabaggam, 70% a Pakkur) et des Backward Cast (60% a Villabaggam, 10% a Pakkur), qui représentent la majeure partie de la population. Viennent ensuite les MBC et les Yadav, installés principalement a Punjeri. Aucune famille de Reddyars n'est présente sur cette portion.

Comme pour les villages précédents, on a ici vendu la majeure partie des terrains de mauvaise qualité. Cependant, les sols de type Black Soil et Red Soil dominent, et le processus d'acquisition est bien moins avancé pour cette catégorie de terrains, dont les prix dépassent de 50 a 70% ceux des parcelles de type White Soil. C'est pourquoi seulement 10 a 15% de la surface de Villabaggam a été cédée, puisqu'il s'agit du village qui concentre les meilleures terres. Pakkur et Punjeri étant moins avantagés, 50% des terres ont été vendues.

La prospection ayant débuté ici plus tardivement, le s tarifs des transactions sont largement supérieurs a ceux observés plus tTMt, a Seekinankuppam, Velur et Punjeri. Les terres nonirriguées ont ainsi été cédées en moyenne pour 14000€/ha, et les meilleures terres entre 30000 et 35000€/ha. On remarque donc la rapide explosion du prix de la terre depuis l'arrivée de Marg en 2005. Les tarifs paraissent même exhorbitants, en comparaison du prix de la terre en France. Cependant, il convient de noter que la plupart des familles ne possedent que de petites parcelles, dont la taille varie généralement entre 0,1ha et 0,5ha.

Madayanpakkam

Encore un village sous la domination d'un Reddyar, Veeraragava Reddy, marié a la niece de N.Jaya Prakash. Malgré la proximité familiale entre les deux hommes, leur rapport a la terre differe, et V. Reddy, comme A.Varathan, n'est pas intervenu dans les rapports entre Marg et les villageois. Fait surprenant d'ailleurs, c'est même N.Jaya Prakash qui serait intervenu a Madayanpakkam a la place de son homologue, en rachetant des terres en vue d'une revente au groupe Marg. Pour un total de 1400 habitants, 4% appartiennent a la catégorie Scheduled

Tribes, 75% à la categorie Scheduled Casts , 15% à celle des Backward Casts, et 6% sont des Reddyars.

A gauche : type d'habitat traditionnel tel qu'on peut en trouver dans tous les villages de la zone d'etude A droite : recolte de l'arachide. Au fond, on peut apercevoir Swarnabhoomi

Les surfaces cédées à Marg à partir de 2007 représentent un total de 20% de la surface totale du village. Comme à Villabaggam, la majorité des terres sont de relativement bonne qualité, de type Red et Black Soil principalement, ce qui explique la faible proportion de terrains vendus jusquÕà present. Les tarifs semblent intermédiaires, entre 3000 et 10000€/ha.

Koddur

Il sÕagit de loin du village le plus étendu, le plus riche aussi, puisque contrairement aux précédents, la quasi-totalité des maisons sont ici construites en dur, là oil les habitations des autres villages étaient en général faites de terre et de branches de palmiers. Le chef du village, là encore un Reddyar, a catégoriquement refusé de communiquer, ayant été mis au courant de notre presence par ses amis employés dans les bureaux de Swarnabhoomi.

Parmi les 2000 habitants de Koddur, 40% appartiennent à la communauté Reddy, 50% à la catégorie SC, 5% à la catégorie BC, et enfin 5% à la catégorie OC (pour Other Casts). La large proportion de Reddyars explique probablement le niveau de richesse du village.

A gauche : au premier plan, parcelle rizicole toujours active. En arrière plan, parcelles cédées à Marg. A droite : maisons de la communauté Reddy.

Comme à Seekinankuppam, le début du processus d'acquisition a aussi commencé dès 2005, et a abouti a la vente de 30% de la surface du village, dans sa partie sud c'est-à-dire dans la partie oü les terres souffraient depuis plusieurs années d'un assèchement progressif de la nappe phréatique. Le nord du village, disposant de terres de bonne qualité (à dominance Black Soil), résiste toujours à l'envahisseur. Comme c'est le cas dans tous les villages visités, on attend une nouvelle hausse des prix des terrains pour vendre. Marg para»t cependant moins gourmand ici qu'ailleurs, étant donné la qualité et donc le prix des terrains, aujourd'hui plus chers encore qu'à Villabaggam.

Je ne l'ai pas évoqué jusque-là, mais je me permets une petite parenthèse à propos de la production agricole locale. La majeure partie des terres cultivées est utilisée pour la culture du Paddy, c'est à dire du riz, viennent ensuite par ordre d'importance l'arachide, la canne à sucre, la noix de coco, la mangue et le casaurina tree.

Pour compléter ce tour d'horizon de la zone d'étude, venons-en maintenant aux données plus générales, en matière d'éducation pour commencer. A part pour Koddur, il est important de préciser que l'analphabétisme touche une large part de la population, puisque seulement 40% des habitants de Madayanpakkam par exemple sont capables de lire et écrire, hommes et femmes confondus. Les plus jeunes s'en sortent mieux, et on note la présence d'une école primaire dans chaque village, mis à part à Pakkur. On trouve aussi une école privée catholique à Punjeri, et une autre à Koddur, anglophone. Pour la poursuite d'études, les jeunes doivent se rendre à Cheyyur, à 7km au sud de Villabaggam, ou à Kalpakkam, à 10km au nord de Swarnabhoomi. Cependant, du fait de l'absence de transports publics et du faible taux

dÕéquipement en moyens de transport privés (on ne dispose souvent que dÕun simple vélo pour la famille, parfois dÕune moto), les déplacements sont compliqués. Le bus nÕest accessible que depuis Villabaggam ou Madayanpakkam. De ce fait, le travail à lÕextérieur est rendu difficile, et lÕagriculture est la seule source dÕemploi. Avant lÕarrivée de Marg, la quasitotalité des actifs était concentrée dans le secteur primaire. Depuis, une petite part des villageois ayant vendu leurs terres a été employée sur le chantier. Sur les 2.000 ouvriers, entre

24

10 et 20% seulement sont issus des villages alentour . Les autres ouvriers sont originaires de regions plus lointaines, souvent du nord du pays, de lÕUttar Pradesh, du Bihar, ou du Nepal. Les promesses dÕemploi de la part de Marg pour les villageois ayant cédé leurs terres nÕont visiblement pas été tenues, et beaucoup se retrouvent aujourdÕhui au chTMmage et survivent gr%oce à lÕargent issu de la vente, qui sert par ailleurs à rembourser les dettes qui touchent plus de la moitié des exploitants.

Par ailleurs, si lÕon fait la moyenne pour tous les villages de la zone, entre 30 et 40% des habitants ne possedent pas de terres, et travaillent en partie sur les terres des Reddyars, ou dans le cadre de petits travaux gouvernementaux, les 100 days work s.

Au niveau du rapport à la politique, on observe un relatif désintérêt, mis à part pour les Reddyars, qui se rangent tres nettement du cTMte du DMK, le parti à la tete du gouvernement. Le DMK domine donc, suivi de lÕAIADMK et du PMK, puis de quelques pa rtis minoritaires. Il semblerait cependant quÕune petite partie des villageois entretienne des rapports avec des partis dÕextrême gauche, souvent les plus opprimés, notamment à Seekinankuppam. Mais dans la majorité des interviews, jÕai pu constater une certaine distance, une certaine lassitude, vis-à-vis du monde politique. LÕimpression d'être mis à lÕécart et réduits au silence domine. Le poids de lÕanalphabetisation est sans doute à prendre en compte dans ce constat.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera