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Zones économiques spéciales et nouveaux enjeux fonciers: le cas de Marg Swarnabhoomi au Tamil Nadu, Inde

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par Paul BERTIN
Université Bordeaux III - Master 1 territoires, développement et cultures 2010
  

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3.3 - Stratégie et conséquences

Apres avoir mene mon enquete et realise le compte-rendu dÕune cinquantaine dÕinterviews,
jÕai pu me faire une idee plus precise du deroulement du processus dÕacquisition. JÕaurais

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Mais les salaires ne sont pas toujours ceux espérés, souvent inférieurs à 90E par mois, et ne sont pas toujours verses à temps. La hausse de revenus est tout de meme appreciable aux dires des villageois, puisque la hausse de revenus mensuel dépasse les 40% pour la plupart.

néanmoins aimé compléter mes observations gr%oce à une entrevue avec le Thasildar, c ' est-à- dire avec le chef du Taluk de Cheyyur, mais celui-ci venant tout juste de prendre ses fonctions en février 2010, ce dernier n'a pas pu, ou en tout cas a prétendu ne pas pouvoir m'aider. Déçu, j'ai alors pensé pouvoir me rattraper en rencontrant le District Collector, le chef du district de Kanchipuram. Apres m'y etre rendu une première fois et avoir patienté pendant 5h dans la salle d'attente du Collectorate sans pour autant avoir accès à son bureau, j'ai dii y retourner la semaine suivante, cette fois-ci avec succes. Succes relatif cependant, puisque je n'ai pu lui poser la moindre question au sujet de Marg et de Swarnabhoomi. En effet, malgré son apparence amicale et paisible, celui-ci s'est montré tres rude lorsque je lui ai expliqué le theme de mon enquête, et a immédiatement exigé que je lui fournisse quantité d'autorisations que je n'avais malheureusement pas en ma possession. De plus, mon visa étant estampillé « touristic visa », j'ai préféré ne pas insister puisque le District Collector m'a assuré que j'aurais des problemes si mes papiers n'étaient pas en regle. Personne ne s'étant jamais penché avant moi sur le sujet de Swarnabhoomi, je ne dispose donc que des informations récoltées tant bien que mal sur le terrain.

3.3.1 - Diviser pour mieux régner ?

On l'a vu, Marg a entamé la première phase d'acquision en 2005. Au départ, je supposais que la totalité du projet avait été établi sur des terrains achetés à des privés. C'est en faisant l'acquisition des précieux plans cadastraux aupres du Survey and Land Records Office de Chennai, que je me suis aperçu de la présence d'un vide entre les plans de Koddur et de celui de Seekinankuppam (référencé sous le nom de l'unité administrative c'est à dire Paramankeni). J'ai alors posé la question à Bhavana, une étudiante de M.Vijayabaskar rencontrée lors d'une entrevue au MIDS, qui m'a expliqué que ce vide était dii à la présence de Wastelands, c'est-à-dire de terrains relevant du domaine public, comme je l'ai précédemment évoqué (cf. paragraphe 1-2-2). Il s'agit en fait plus précisément de p%oturages et de Dry Lands, comme on peut le voir sur les images satellites disponibles via Google Earth . Hors, c'est précisément dans ce périmètre que se situe le cÏur du projet. Cette découverte confirme donc que la base du projet à été établie à cet emplacement, du fait des facilités offertes par le gouvernement.

Par la suite, étant donné l'ampleur du projet Swarnabhoomi et des ambitions du groupe Marg,
il a fallu élargir le périmetre, en acquérant dans un premier temps uniquement les Dry Lands,
conformément aux regles édictées par le gouvernement dans le cadre du Tamil Nadu SEZ Act,

cette fois-ci aux privés. Pour cela, Marg s'est doté d'un atout de choix en la personne de N.Jaya Prakash, et de la communauté Reddy de facon plus générale, bien implantée, notamment à Koddur. Non seulement la communauté Reddy a été utilisée pour servir d'exemple en étant la première à céder ses terrains, mais elle a également été mise à contribution dans la mesure oü Marg lui a proposé de jouer le rTMle d'intermédiaire, en rachetant les terres des petits propriétaires, avant de les lui céder à un prix supérieur, ce qui avait de quoi susciter des vocations. Certains, satisfait de leur situation, ont laissé passer l'occasion de s'enrichir d'avantage. D'autres, comme N. Jaya Prakash, se sont pris au jeu et ont permis la rapide acquisition des terrains necessaires au lancement du chantier, en 2008.

Selon toute vraisemblance, le projet tel qu'on peut le visiter à l'heure actuelle a donc été implanté uniquement sur des terres arides, ce qui ne pose donc pas de véritable problème, puisque la perte de ressources pour la population se trouve minimisée. Mise à part la destruction de quelques rares habitations à Velur, pour lesquelles les habitants ont percu de généreuses compensations après négociation, et d'un cimetière à l'entrée de Seekinankuppam, les dommages sont minimes. C'est pour les événements survenus ultérieurement que les problèmes se dessinent, puisque le processus d'acquisition s'est poursuivi, toujours sur des terres arides, mais pas seulement. Le gouvernement se montrant visiblement laxiste dans le cadre de sa politique en matière de ZES, Marg s'attaque au rachat de terres fertiles.

Personne n'a été en mesure de me dire pour quelle raison Marg a décidé d'élargir le processus à des terrains situés parfois à plusieurs kilomètres de son projet. Certes, sur certaines images du projet à son terme, c'est-à-dire d'ici à une vingtaine d'années, l'emprise spatiale semble effectivement considérablement plus vaste qu'elle ne l'est aujourd'hui. De plus, des accès reliant Swarnabhoomi au futur port sur la lagune de Cheyyur, ainsi qu'à l'autoroute NH 45, sont à l'étude. Mais l'hypothèse de la spéculation para»t visiblement plus plausible. Marg, conscient de l'engouement suscité par son projet, mais surtout de la hausse future des tarifs du foncier aux alentours de Swarnabhoomi, déjà constatée d'ailleurs, achèterait donc des terrains, encore accessibles aujourd'hui, en vue d'une revente ultérieure, à un tarif bien supérieur.

La stratégie reste la méme, Marg contacte les chefs de village, leur proposant de jouer le rTMle d'intermédiaire avec les villageois. Parfois, en réponse au refus constaté de ce partenariat, Marg fait appel à des brokers indépendants, voire méme à ses propres brokers, comme c'est le cas aujourd'hui à Madayanpakkam et à Villabaggam, dans le but d'accélérer la cadence. L'opération s'avère délicate dans le cas des transactions concernant les terres cultivées, et la

résistance ralentit le processus dÕacquisition. Dans ce cas, Marg doit affiner sa stratégie, et pour parvenir à ses fins, il nÕest pas rare quÕelle vise en premier lieu lÕachat de terrains permettant lÕacces aux puits et aux mares (water tanks). De cette façon, les parcelles alentour se trouvent privées de leur ressource en eau, et il est plus facile de pousser les propriétaires à la vente. CÕest en usant de cette stratégie quÕune bonne partie de Seekinankuppam, de Velur et de Punjeri a pu etre acquise, le reservoir dÕeau utilisé pour irriguer les terres ayant été inclus dans le périmétre de Swarnabhoomi (on le distingue dÕailleurs trés bien sur toutes les photos du projet). CÕest par lÕasphyxie que Marg parvient tranquillement à étendre son emprise.

Un autre exemple de lÕaggressivité manifeste des operations fonciéres concerne, une fois de plus, N.Jaya Prakash, et rejoint les propos développés dans la première partie du dossier (cf. 1-3-2). JÕai dÕailleurs pu en etre le témoin, lorsque je me suis rendu pour la première fois dans le village de Punjeri, et lorsque quÕun homme visiblement affolé est arrive en trombe sur sa moto, expliquant aux villageois que plusieurs acres de terres, de bonnes terres, venaient tout juste d'être vendues à Marg par N.Jaya Prakash. Ces terres avaient été cédées aux basses castes deux siécles plus tTMt par les ancetres du chef actuel du village, sans quÕaucun papier ne le stipule. Le droit coutumier ne justifiant pas, selon Mr Prakash, sa libre utilisation à lÕheure actuelle, il a donc procédé à la vente, sans même en informer ses occupants. Et aux dires des habitants, il ne sÕagissait pas là dÕun fait surprenant. Je ne sais pas si Marg est tenu au courant des agissements de N.Jaya Prakash, mais étant donné quÕil ne sÕagit pas là de son coup dÕessai, le District Collector, avec qui jÕaurais aimé en discuter, lÕest certainement.

Par ailleurs, jÕai été trés surpris du fatalisme ambiant et de manque de réactivité de la population face à tous ces agissements. Même si nombreux ont été les villageois interrogés à adopter des propos trés rudes vis-à-vis de Swarnabhoomi, aucun ne proteste ouvertement. Aussi, on mÕa souvent avoué quÕavant lÕarrivée de Marg, lÕunité entre villages et villageois était la regle. Mais certains, en cédant leurs terres au groupe, ont depuis été pointés du doigt, et la discorde sÕest peu à peu installée. DÕautant que Marg, en offrant du travail à certains, attise le feu en créant de lÕinjustice, et dans le même temps impose le silence auprés des proches des employés, craignant un licenciement de ces derniers dans le cas oil un mouvement de résistance était mis en place. Certains villages disposent de facilités offertes par Marg, comme à Seekinankuppam, oil des vélos sont offerts aux étudiants poursuivant des etudes à Cheyyur, oil des fournitures scolaires sont mises à disposition, et oil le groupe participe à lÕagrandissement du temple du village, ce qui ne fait là encore que renforcer les

inégalités entre villages, et provoque une certaine jalousie. Tout cela mis bout à bout explique en partie la difficile émergence de groupes de résistance. En montant les villageois les uns contre les autres, peut être involontairement d'ailleurs, Marg peut ainsi agir en toute quiétude. Comme à l'époque de la colonisation britannique, c'est par la division que le groupe parvient à étendre son emprise.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984