1.2 - Des Export Processing Zones au SEZ act de 2005
Si la Chine fût la première à se lancer
dans le développement de ZES, l'Inde, dès 1965, fit
l'expérience des toutes premières zones franches d'exportation
asiatiques. Leur portée resta très limitée cependant, avec
une contribution aux exportations aux alentours de 5% en 2000.
La première pierre est posée en 1965, avec la
création de la zone de libre-échange Kandla dans l'état du
Gujarat, puis la mise en place de Santacruz electronics à Mumbai, et des
EPZ de Falta, Cochin, Chennai, Noida, et Visakhapatnam en 1980,
créées suite au choc pétrolier.
3 Selon le coefficient de Gini ou 0 signifie
légalité parfaite et 1 l'inégalité maximale, la
Chine obtient 0,5 en 2006, le Brésil 0,56, là oü l'inde
obtient seulement 0,3.
Le principe de fonctionnement de ces zones franches repose sur
toutes sortes d'avantages censés promouvoir les exportations. L'Etat met
donc en place une législation spécifique, avec notamment la mise
en place d'une exonération fiscale en ce qui concerne les
matiéres premières et les biens d'équipement, d'une
exonération des droits de douane et de l'impTMt aux
sociétés, d'une aide à la fourniture de produits de base.
L'alimentation en eau et en électricité est garantie sans
interruptions, et des infrastructures appropriées sont mises à
disposition.
A partir de 1991, l'Inde souhaite accélérer son
intégration dans l'économie-monde et lance un programme
d'ajustement structurel, appuyé par l'OMC, la banque mondiale et le FMI.
Il en résulte une simplification des dispositions administratives, des
incitations fiscales accrues, et l'intégration de nouvelles industries,
notamment agro-alimentaires.
Forcé de constater le manque d'efficacité des
EPZ, le nouveau gouvernement de coalition mis en place à partir de 2005
adopte une nouvelle politique, en théorie directement inspirée de
celle des ZES chinoises, mais différente dans sa pratique. Pourvues d'un
cadre réglementaire solide, et permettant l'attraction d'investissements
étrangers sans pour autant exiger la mise en oeuvre de réformes
impopulaires et sensibles en matiére de législation du travail,
les ZES indiennes voient le jour en 2005 avec le coup d'envoi donné par
l'adoption du Special Economic Zones Act . Le gouvernement entend
ainsi faire affluer les investissements privés dans l'infrastructure
industrielle, qui accuse des retards considérables. Le but est
d'opérer un basculement de l'économie, jusque-là
essentiellement axée sur le secteur primaire. Dans le même temps,
c'est un moyen pour le gouvernement de se désengager et de laisser le
secteur privé le remplacer dans son rTMle de fournisseur de services aux
citoyens. La loi sur les ZES vise ainsi à créer un nouveau
systeme de gouvernance, un nouvel ordre économique, politique et
géographique, détaché des droits constitutionnels, et des
méchanismes parlementaires et juridiques.
La loi sur les ZES entre en application en février
2006, et alors même qu'elle s'apprête à affecter des
millions de vies, aucun report dans les médias n'est observé. Il
faut dire qu'aucun débat public ou parlementaire n'a eu lieu avant son
adoption.
Les objectifs tels que décrits dans le SEZ Act
sont les suivants :
- Générer de nouvelles activités
économiques,
- Promouvoir les exportations de biens et services
- Promouvoir l'investissement étranger et domestique
- Créer de l'emploi
- Développer de nouvelles infrastructures
- Maintenir la souveraineté et l'intégrité
de l'Inde, la sécurité de l'Etat et les bonnes relations avec les
Etats étrangers.
Pour ce faire, le gouvernement reconduit les principes
édictés pour le développement de ses EPZ, avec des
exonérations fiscales de 100% pour la production destinée
à l'exportation au cours des cinq premières années
d'exploitation, puis réduites à 50% les cinq années
suivantes, une suppression des droits de douane, des taxes indirectes et des
impTMts sur les bénéfices. Mais désormais, l'Etat n'est
plus l'initiateur de ces nouvelles ZES. Ce sont des agences parapubliques ou
des promoteurs entiérement privés qui vont se charger de les
développer. Les promoteurs restent de fait propriétaires de ces
enclaves, et découpent leur terrain en lots qu'ils vont ensuite proposer
à la location à des entreprises. Par ailleurs, la loi
prévoit autour de ces ZES la possibilité pour les promoteurs de
développer, en plus de l'aire de production, une zone plus large pouvant
contenir commerces, logements, structures de loisirs et hotelliéres,
autorisant ainsi la construction de villes privées.
Comme on l'a vu, les ZES s'accompagnent de la création
d'un nouveau systeme de régulation, totalement séparé des
mécanismes institutionels existants. En déclarant chaque nouvelle
SEZ d'intérêt public, les gouvernements fédéraux
déléguent le pouvoir décisionnel jusque-là
détenu par le Commissaire au Travail vers le Commissaire au
Développement, notamment pour ce qui concerne la question de la
législation du travail et des salaires minimums, du régime
d'assurance, etc. Les fonctions policiéres et judicières sont
elles aussi altérées, puisqu'en vertu de la loi, « aucune
enquête, perquisition ou saisie ne pourra être effectuée
dans une ZES par un organisme ou un dirigeant, sauf avec la permission du
commissaire au développement4 » . La loi prévoit
aussi que des tribunaux spéciaux doivent être mis en place pour
tra»ter spécifiquement des litiges dans les ZES 5
civils .
Les ZES sont par ailleurs extraites de la juridiction des
panchayats et organismes municipaux élus dans de nombreux états,
du fait de leur classement en tant que « cantons industriels »,
assurant ainsi l'effacement des institutions locales de gouvernance
démocratique dans les ZES. Par ailleurs, il est important de noter que
toute ZES se doit d'être cloturée et sécurisée, et
que seules les personnes autorisées ont droit d'accés à la
zone6.
4
Section 22, SEZ Act 2005
5
Section 23, SEZ Act 2005
6 Article 11, section 2, SEZ Act 2005
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