1.4.2 - Une habile strategie gouvernementale
Contrairement à d'autres Etats où l'on a souvent
pu observer une résistance de grande ampleur face aux projets
d'implantation de ZES, on constate que le Tamil Nadu n'a connu que de petits
mouvements sporadiques, individuels, et oü il était plus souvent
question de négocier une meilleure compensation que de refuser la vente.
Comme on l'a vu, la crise du secteur primaire, la forte mobilité sociale
et la hausse des débouchés dans le secteur secondaire
appuyée par un urbanisme diffus expliquent en partie cette
volonté d'abandon de la terre. Mais d'autres réalités ont
participé au fait qu'au Tamil Nadu, on ne résiste pas face
à l'avancée des promoteurs.
Depuis plus d'une décennie maintenant, le gouvernement
du Tamil Nadu a mené une politique de souplesse, visant à
étouffer dans l'Ïuf la moindre protestation, en mettant tout en
Ïuvre pour empêcher le développement de mouvements
organisés.
Un premier élément de cette stratégie
repose sur une acquisition graduelle des terres, depuis la fin des
années 90. Donc contrairement à d'autres Etats qui ont connu de
brusques transactions, et portant parfois sur plusieurs villages en même
temps, le Tamil Nadu a préféré jouer la carte de guerre
d'usure, et de la négociation. Les parcelles sont acquises au
goutte-à- goutte, comme on le verra dans le cas de Swarnabhoomi.
Par ailleurs, le Tamil Nadu est l'un des premiers Etats
à réagir face à la montée de la contestation au
niveau national contre les ZES, et procede à quelques ajustements dans
sa politique des 2007. A l'issue de cette correction, et dans le but de
faciliter l'intégration des ZES dans l'économie locale, l'Etat
stipule que désormais un minimum de 10% des terres acquises dans le
cadre de l'établissement d'une ZES doit être consacré au
développement de nouvelles infrastructures sociales. Une partie des
terres doit également être attribuée aux petits
commercants.
Compte tenu de la forte concentration de ZES dans les environs
immédiats de Chennai, le gouvernement propose désormais des
incitations fiscales accrues pour les entreprises souhaitant s'installer dans
les régions les plus reculées.
Dans le même temps, l'Etat se désengage
partiellement de ses responsabilités en laissant les promoteurs
privés gérer seuls les acquisitions. De plus, et dans la mesure
du possible, les transactions doivent désormais concerner en
priorité les terres non irriguées, les terres arides et
stériles. Le gouvernement promet de s'opposer aux projets incluant plus
de 10% de terres cultivables (Vijayabaskar 2010).
En 2009, le gouvernement promet également de faire des
efforts en s'assurant qu'au moins une personne par foyer ayant
cédé au moins 4000m2 de terres à des promoteurs se voit
attribuer un emploi.
Enfin, l'émergence de l'utilisation de leaders
informels, locaux, issus de partis politiques ou simplement chefs de village
comme intermédiaires dans le processus de négociation permet
souvent d'apaiser les esprits, et facilite les transactions. Ces
intermédiaires montrent souvent l'exemple, lorsqu'ils possedent des
terrains, en étant les premiers à vendre.
Cependant, les efforts consentis par les politiques au cours
des dernières années en vue de rendre le
développement des ZES plus équitable attendent toujours d'entrer
en application sur le terrain. En effet, étant donné la mauvaise
conjoncture économique internationale actuelle, le social n'est pas une
priorité, et il para»t important de ne pas froisser les
investisseurs. C'est dans ce contexte qu'on assiste finalement à
l'émergence de quelques fronts collectifs, tels que le SPMEI (Sirapu
Porulaathara Mandalam Ethirpu Iyyakam), basé à Chennai, et qui
vise à coordonner la création de petits groupes de
résistance à travers tout le Tamil Nadu, formés pour
lutter contre les acquisitions forcées de terrains. Sans cet
accompagnement, la contestation a beaucoup de mal à s'organiser. Le
poids du système de castes, particulièrement lourd au Tamil Nadu
comme a pu me le faire comprendre Madhumita Datta; l'une des co - fondatrices
du SPMEI avec qui j'ai pu avoir une longue discussion ; se traduit trop souvent
en fatalisme, chacun acceptant sa condition, pour le meilleur, mais surtout
pour le pire.
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