II.2. LES ORIGINES DE LA DETTE PUBLIQUE DA LA RD
CONGO35
La dette extérieure de la République
démocratique du Congo, en phase de restructuration depuis 2002, trouve
son origine durant les années de dictature de Mobutu en période
de guerre froide. Plaque tournante de la CIA, le Zaïre de Mobutu a
bénéficié d?une aide extérieure de plusieurs
centaines de millions de dollars annuels de la part de ses parrains
occidentaux. Ces derniers ont laissé se développer un
système de corruption et de détournements de fonds, ainsi que le
financement d?« éléphants blancs » - à commencer
par le barrage d?Inga, à la baise du cycle d?endettement
extérieur qui a conduit le pays à la
banqueroute dans les années 1980. Après une
période d?euphorie (1967-1972), notamment due à la bonne tenue du
cours du cuivre, les nuages économiques se sont en effet vite
amoncelés. Dès 1973, année de la
"zaïrianisation" des entreprises étrangères, les
difficultés financières ont vu le jour et n?ont cessé de
s?aggraver au fur et à mesure des années.
Dès 1976, Mobutu est contraint de
rétrocéder les entreprises étrangères
"zaïrianisées" et de mettre sur pied un Comité de
stabilisation qui supervise l?application de deux programmes successifs (en
1976 et en 1977). Suite à l?échec de ce double programme, un
troisième plan de stabilisation est mis en oeuvre en 1979-1980 sous la
supervision du FMI. La monnaie du pays est dévaluée pas moins de
six fois entre novembre 1978 et février 1980. Cette succession de
mesures ne suffit en rien à enrayer la crise, mais Mobutu sait que son
rôle géostratégique lui assure de bénéficier
d?un flux extérieur continu pour boucler ses fins de mois.
Cependant, la crise de la dette du tiers-monde, dont le
Zaïre est une des principales victimes en Afrique, bouleverse ce
mécanisme bien huilé. Dès septembre 1983, le Zaïre
fait partie des pays pionniers à passer sous la coupe des plans
d?ajustement structurel(PAS) concoctés (dressés) par les
institutions financières internationales. Commencent alors les
années de "traitement de choc" et d?"assainissement" orchestrées
par le Premier ministre Kengo wa Dondo, en étroite collaboration avec le
FMI et la Banque mondiale. Le service de la dette mobilise plus des deux tiers
des dépenses de l?État. Les coupes sombres dans les
dépenses sociales poussent les populations à développer
des stratégies de survie. Les soins de santé deviennent payants
et les emplois de plus de la moitié des enseignants sont
supprimés. Méme Mobutu, habitué à disposer d?un
cinquième des recettes de l?État et inquiet de voir sa cassette
personnelle allégée, exprime alors son désaccord.
Ce régime, agrémenté d?une succession
impressionnante de rééchelonnements de dette (neuf au total !1),
perdure jusqu?à la fin de la guerre froide, qui fait que Mobutu devient
une relique dictatoriale d?un temps désormais révolu. Ses
frasques (écarts) financières et politiques sont de moins en
moins tolérées. Le massacre d?étudiants à
l?université de Lubumbashi, en mai 1990, finit de ternir son image. Le
Zaïre est définitivement lâché par la Belgique, puis
par les États-Unis, ses anciens parrains, avant que la Banque mondiale
et le FMI claquent la porte à leur tour.
Sur fond de pillages et de guerres, dont la première
allait provoquer la chute du dictateur en mai 1997, la décennie des
années 1990 débouche sur une rupture avec les institutions
financières internationales et sur l?arrêt presque total du
paiement de la dette
extérieure - seuls quelques remboursements
d?arriérés ont été opérés par le
gouvernement Kengo wa Dondo au milieu des années 1990, puis par Laurent
Désiré Kabila en juin et juillet 1998, mais ils ont
respectivement cessé dès le début de la première
guerre (1996-1997), puis de la deuxième (août 1998).
Au fur et à mesure que les années ont
passé, les intérêts ont continué de courir et de
gonfler le stock des arriérés, jusqu?à 500 millions de
dollars par an. Au début des années 2000, la dette
extérieure congolaise, qui équivalait une décennie plus
tôt au montant des biens mal acquis par Mobutu et son « clan »
(8 milliards de dollars), atteignait plus de 13 milliards de dollars. Plus de
70% de cette dette était due aux créanciers bilatéraux du
Club de Paris, dont les deux tiers à cinq pays (Etats-Unis, France,
Belgique, Allemagne et Italie).
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