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Le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Cour Pénale Internationale: dépendance ou indépendance ?

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par Charles KAKULE KINOMBE
Université catholique de Bukavu - Licence en droit option droit public 2011
  

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B. Une délimitation temporelle de la période de suspension de l'activité

De prime abord, il sied de relever que l'article 16 du statut de Rome permet au Conseil de sécurité de geler l'activité de la CPI pendant douze mois renouvelables.

Il en résulte que le Conseil de sécurité peut, de son gré, paralyser indéfiniment l'activité d la Cour.

Pour y faire, nous pensons qu'il est nécessaire de limiter temporellement la durée de suspension, en la ramenant en une année non renouvelable. Cela permettrait à la Cour de poursuivre avec une affaire ayant fait l'objet de suspension.

S'inscrivant dans la même intelligence, Flavia LATTANZI, est d'avis que « sans une limite temporelle au pouvoir du Conseil, il y a [...] le risque que la décision soit renouvelée à l'indéfini : il ne s'agirait non pas d'une suspension, mais de blocage de l'activité de la Cour et donc une dangereuse dépendance d'un organe juridictionnel pénal par rapport à un organe politique »183(*).

§2. L'indépendance de la CPI face à l'article 15 bis, 6 du Statut de Rome

Dès le lendemain de l'adoption du Statut de Rome, les remarques ont fusé de toutes parts. Elles ne sont pas sans rappeler, dans une certaine mesure, les critiques dirigées contre les tribunaux ad hoc d'Arusha et de la Haye établis par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Philippe WECKEL n'y va pas de main morte. Il discerne dans le texte de Statut de Rome, le souci de ses auteurs de surveiller l'activité de la Cour184(*).

Luigi CONDORELLI se fait l'écho d'une boutade selon laquelle, « en substance, le Statut de Rome ne fait que mette à la disposition du Conseil un tribunal pénal international permanent ».185(*)

Observant les limitations prescrites par la convention de Rome à l'action du Conseil de Sécurité, Serge SUR estime qu'il est même loisible au Conseil, s'il le juge opportun, de créer un tribunal spécial qui préempterait la compétence de la Cour »186(*)

Les observations ci-dessus se fondent sur la teneur des dispositions pertinentes du Statut de Rome.

Ainsi, l'article 15 bis dispose : « Lorsque le Procureur conclut qu'l y a de bonnes raisons de mener  une enquête pour crime d'agression, il s'assure d'abord que le Conseil de Sécurité a constaté qu'un acte d'agression avait été commis par l'Etat en cause »187(*); « Lorsque le Conseil de Sécurité a constaté un acte d'agression, le Procureur peut mener l'enquête sur ce crime ».188(*)

Il ressort de la lecture de l'article 15 bis, 6 que la compétence de la CPI à l'égard du crime d'agression, lorsqu'elle est saisie par l'Etat partie ou par le Procureur lui-même agissant proprio motu, est subordonnée au contact préalable de l'acte d'agression par le Conseil de Sécurité car c'est à lui que revient la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales 189(*) et le pouvoir de constater l'acte d'agression190(*). La définition des actes tels que l'agression armée commise par un Etat tombe bel et bien dans sa compétence.

Néanmoins, ce pouvoir de constat préalable de l'acte d'agression confié au Conseil de sécurité compromet l'indépendance de la CPI dès lors que la compétence cette dernière est subordonnée au constat préalable de l'acte d'agression par le Conseil de Sécurité.

Si le Conseil de Sécurité n'a pas procédé préalablement à la constatation de l'acte d'agression, la Cour ne peut pas mener l'enquête sur ce crime.

Pour y faire face, le Statut de Rome prévoit que « lorsque le constat du Conseil de sécurité n'est pas fait dans les six mois, le Procureur peut mener une enquête pour crime d'agression, à condition que la section préliminaire ait autorisé l'ouverture d'une enquête pour crime d'agression selon la procédure fixée à l'article 15 et que le Conseil de sécurité n'en décide autrement, conformément à l'article 16191(*).

Le fait que le Conseil de Sécurité soit un organe politique, par opposition à la CPI, organe judiciaire, a soulevé des protestations quant à un quelconque rôle de celui-ci dans la procédure192(*).

Cet argument est, il est vrai, difficilement contestable : Le Conseil de Sécurité va dans sa détermination, être guidé par des considérations d'ordre politique et non juridique193(*).

A ce titre, un passage de l'opinion dissidente du Juge SCHWEBEL, dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, mérite d'être ici cité :

« De plus, si le Conseil est habilité à constater l'existence d'un acte d'agression, ce n'est pas en tant que juridiction. Il peut conclure à l'existence d'une agression, ou, plus fréquemment, refuser de conclure dan ce sens pour de considérations politiques plus que juridiques. Si décisifs que soient les faits susceptibles de constituer l'agression, le Conseil de Sécurité n'outrepasse pas ses droits en décidant qu'une constatation d'un acte d'agression ferait régresser la cause de la paix au lieu de la promouvoir. En bref, le Conseil de Sécurité est un organe politique guidé par des motifs politiques. Il peut tenir compte de considérations juridiques mais, à la différence d'un tribunal, n'est pas tenu de les appliquer »194(*).

Dans l'hypothèse, tout d'abord, où le Conseil de Sécurité aurait déterminé qu'un Etat a commis un acte d'agression conformément à l'article 39 de la Charte des Nations Unies, quel serait ensuite le rôle de la CPI, et comment son indépendance serait-elle préservée ?

Pour répondre à cette question, le Statut de Rome prévoit que « le constat d'un acte d'agression par un organe extérieur à la Cour est sans préjudice des constatations que fait la Cour elle-même en vertu du présent statut »195(*).

Il résulte de cette disposition que le constat d'un acte d'agression par le Conseil de sécurité des Nations unies est sans préjudice des constatations que fait la CPI elle-même.

Le Conseil de Sécurité ayant déterminé préalablement que tel Etat à commis un acte d'agression, la Cour va alors examiner si l'accusé, un national de l'Etat en question, a planifié ou même cet acte d'agression196(*).

Dans l'accomplissement de cette tâche la Cour, contrairement au Conseil de Sécurité, va être guidée par des considérations et des critères de nature juridique. 197(*)

Du fait de la nature différente de la Cour, institution judiciaire, et du Conseil de Sécurité, organe politique, et la Cour n'étant pas un organe des Nations Unies, M. POLITI pense que cette détermination préalable ne serait qu'une simple condition procédurale198(*).

La cour pourrait ensuite, dans cette logique, apprécier pour elle-même l'existence de l'acte d'agression et la responsabilité individuelle de l'accusé, en toute indépendance, quitte à contredire éventuellement le Conseil de Sécurité.199(*)

Si le Conseil de sécurité conclut qu'un Etat n'a pas commis un acte d'agression, la CPI ne serait pas liée par cette décision200(*) dès lors que, non seulement, la Cour ne forme pas un organe de l'ONU mais aussi il s'agit là, à notre sens, d'un argument plutôt politique que juridique.

Il serait inadmissible qu'un organe judiciaire indépendant soit lié par une décision d'un organe politique.

Somme toute, le constat qu'un Etat n'a pas commis un acte d'agression fait par le Conseil de sécurité est sans préjudice des constatations que fait la CPI201(*).

Pour Sayeman BULA-BULA, « La responsabilité du Conseil de Sécurité dans la qualification du comportement illicite éventuel d'un Etat comme « agression » ne devrait pas avoir comme conséquence fâcheuse d'ôter à la CPI son pouvoir de déterminer la responsabilité pénale des personnes physiques dans la conception, la planification, la préparation, le déclenchement, la conduite et l'exécution d'une agression ».202(*)

* 183 F. LATTANZI, op.ct, p.443.

* 184 P. WELKEL, Op.cit, p.985.

* 185 L. CONDORELLI, Op.cit., p.17.

* 186 S. SUR, Op.cit, p.45

* 187 Article 15 bis, 6 du Statut de Rome.

* 188 Article 15 bis, 7 du Statut précité.

* 189 Article 24, 1 de la Charte des Nations Unies.

* 190. Article 39 de la Charte précitée.

* 191Article 15 bis, 8 du Statut précité.

* 192 M. CORMACK et G.J. SIMPSON, « A new international criminal law regime? in Netherlands international law review, 1995, p.188

* 193 M. BEDJAOUI, Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p.11

* 194 CIJ, Rec. 1986, p.290

* 195 Article 15 bis, 9 et Article 15 ter, 4 du Statut de Rome

* 196 D.D. NTANDA NSEREKO, op.cit, p.94

* 197 D.D. NTANDA SEREKO, idem, p.97

* 198 M. POLITI, « Le statut de Rome de la Cour pénale internationale : le point de vue d'un négociateur », in Revue Générale de Droit International Public, Tome 103, n°4, 1999, p.30

* 199 A.C. CARPENTER, « The international criminal court and the crime of aggression », in Nordic journal of intenational law, vol. 64, n°2, 1995, p.235

* 200 Rapport de la commission du droit international sur les travaux de sa quarante-sixième session, 4 mai - 24 juin 1992, Doc. A/47/1°,p.27

* 201 Articles 15 bis, 9 et 15 ter, 4 du statut de Rome.

* 202 S. BULA-BULA, Op.cit, p.7

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus