B. La communication des pièces
Une fois que l'accusé est officiellement mis en
accusation, le procureur qui devra prouver les faits et la culpabilité
est également tenu à une suite de devoirs. Certains de ces
derniers sont propres à telle ou telle preuve, mais d'autres sont
communs à toutes les preuves comme celui de permettre à
l'accusé d'avoir connaissance des preuves, c'est-à-dire, celui
d'avoir communication des pièces ou éléments de preuve.
D'un autre côté, certaines informations peuvent
être soustraites à l'obligation de communication.
Enfin, la violation de ce devoir de communication peut donner
lieu à des sanctions, surtout à la nullité de la preuve.
D'où, l'étude de l'obligation de communication des exceptions
à cette obligation et des sanctions liées à la
violation.
1° La règle de la communication de la
preuve
Le principe général est celui du droit de
l'accusé d'avoir connaissance des éléments de preuve qui
lui seront opposés à l'audience.
D'une part, le principe signifie que le Procureur est tenu de
communiquer à la défense copie de toutes les pièces
justificatives jointes à l'acte d'accusation lors de la demande de
confirmation des charges ainsi que toutes les déclarations
écrites ou enregistrées de l'accusé recueillies par le
Procureur avant le procès et vont être utilisées par
lui.
La règle 76 du R.p.p précise : << le
procureur communique à la défense le nom des témoins qu'il
entend appeler à déposer et une copie de leurs
déclarations »41
Il faut toutefois noter qu'aucun délai n'est
prévu par le statut de Rome ou le Règlement pour ce qui est de
cette communication et pourtant, cela était le cas pour les R.p.p. du
TPIY et du TPIR.
Il ressort seulement de la Règle susmentionnée que
: << il (le procureur) le fait suffisamment tôt pour que la
défense ait le temps de se préparer convenablement »42
41 Règle 76, Règlement de
procédure et de preuve de la CPI
42 Op.cit
D'autre part, le principe signifie aussi que l'accusé
est tenu à un devoir d'informer le Procureur. Le Règlement
prévoit, en effet que << la défense informe le procureur de
son intention d'invoquer :
a) l'existence d'un alibi, auquel cas doivent être
précisés le lieu, ou les lieux où l'accusé
prétend s'être trouvé au moment des faits
incriminés, le nom des témoins et tous les autres
éléments de preuve sur lesquels l'accusé à
l'intention de se fonder pour établir son alibi ;
b) un des motifs d'exonération de la
responsabilité pénale(...) auquel cas doivent être
précisés dans la notification, le nom des
témoins et tous les autres éléments de preuve
sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour
établir son moyen de défense »43
L'obligation qui pèse sur l'accusé et qui
consiste à dénoncer au procureur une défense d'alibi ou un
moyen de défense spécial peut avoir pour effet d'éviter
des débats inutiles.
L'application de cette obligation se heurte, cependant
à l'existence du principe statutaire qui consacre le droit de
l'accusé à ne pas être forcé de témoigner
contre lui - même ou de s'avouer coupable et de garder silence sans que
ce silence ne soit pris en considération pour déterminer sa
culpabilité ou son innocence44
2° Les exceptions à l'obligation de
communication
Il s'agit principalement des rapports, mémoires ou
autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses
représentants dans le cadre de l'enquête ou de la mise en
état de l'affaire. Ces documents n'ont pas à être
communiqués45
D'autres exceptions sont motivées par <<
l'intérêt de la justice » et ont pour objet de favoriser
<< la manifestation de la vérité ». Ainsi, en est - il
des informations communiquées au Procureur à titre confidentiel.
Certaines conditions couvrent cependant, l'usage de ces informations : les
informations ainsi obtenues ne peuvent être utilisées que pour
recueillir des éléments de preuve nouveaux : ces informations et
leurs sources ne seront, elles-mêmes en aucun cas utilisées comme
moyens de preuve avant d'avoir été communiqués à la
défense46
43 Règle 79, règlement de
procédure et de preuve de la CPI.
44 Art 67 du statut de Rome.
45 Règle 81, b) du règlement de
procédure et de preuve de la CPI.
46 Ibid. 2) et 3).
Enfin, il est apparu, en tout état de cause, que, dans
la phase préparatoire, le procureur dispose des bases juridiques pour
prendre des mesures de protection pour ses témoins, son pouvoir tire
origine du Règlement de procédure et de preuve.
Le Procureur est ainsi habilité à prendre des
mesures conservatoires et en cas de nécessité, à obtenir
l'aide de tout Etat ou toute organisation internationale et l'aide des
juges.
D'un autre côté, la défense juste partie
au procès mais pas organe de la cour47 ne dispose pas du
pouvoir de demander aux Etats leur collaboration.
En de nombreuses occasions dans les affaires que la CPI
connaît ces dernières années, le Procureur a, de son propre
chef, décidé de la non divulgation à la défense de
l'identité des victimes et des témoins.
Astreint à cette obligation de communication, le
Procureur ne transmet souvent à la défense que des versions dans
lesquelles les indications permettant l'identification des témoins ont
été noircies48.
3°. La sanction du défaut de
communication
A ce niveau, la question qui mérite d'être
posée est la suivante ; en cas de défaillance du procureur ou de
la défense, le juge peut -il leur imposer des sanctions ?
Concernant l'obligation de l'accusé d'informer le
procureur de son intention d'invoquer une défense d'alibi ou un moyen de
défense spécial, le Règlement est clair ; « le fait
que la défense manque à l'obligation d'information prévue
par la présente règle ne limite pas son droit d'invoquer (...) et
de présenter des éléments de preuve »49
Mais, il faut le signaler, l'obligation qui incombe aux
parties d'obtenir une ordonnance de la chambre avant de décider, le
moment venu de ne pas révéler à l'autre partie
l'identité des témoins et de supprimer toutes les indications
susceptibles de les identifier, cette obligation est dépourvue de toute
sanction. Et comme toute règle de droit dépourvue de sanction,
l'obligation est imparfaite.
47 En vertu de l'Art 34 du statut de Rome, les organes
de la cour sont les suivants : a) la présidence ; b) une section des
appels, une section de première instance et une section
préliminaire ; c) le bureau du procureur ; et d) le Greffe
48 Le procureur c/ Thomas Lubanga, CPI, Affaire
N°ICC-01/04-01/06-1119, décision sur la participation des
victimes, 18 janvier 2008, §132.
49 Règle 79, 3) du règlement de
procédure et de preuve de la CPI.
En tout état de cause, l'identité des victimes
et des témoins devra être divulguée avant le commencement
du procès et dans les délais permettant à la
défense et à l'accusation de se préparer.
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