2.2.4 La naissance d'un courant artistique : Papunya
(Bardon 1991,
18-46)
Pour ce chapitre, je me base exclusivement sur le texte
écrit par Geoffrey Bardon lui-même, l'homme qui est à
l'origine du courant artistique et qui a vécu les deux premières
années de développement de la peinture. Lors de mes lectures,
j'ai vite remarqué que les auteurs qui parlent de cette période
se basent toujours sur Bardon, il m'a donc semblé inutile de faire
référence à plusieurs textes dont le fond se base sur un
seul original. Pour la période succédant Bardon, je me suis
à nouveau basée sur différents auteurs.
Papunya est une petite ville cachée dans le
désert, située à 33km au nord des Macdonnell Ranges et
à 200 km à l'ouest d'Alice Spring (Carte 2). Etablie en 1960,
elle compte un millier d'habitants originaires de cinq groupes ethniques
aborigènes qui furent chassés par les grands éleveurs de
leurs territoires ancestraux : des Aranda, des Anmatjira Aranda, des Walpiri,
des Loritja et des Pintupi. Papunya est la dernière colonie
établie8 dans le désert par les Australiens dans le
cadre de leur politique d'assimilation.
2.2.4.1 Première étape : la peinture murale
(Bardon 1991, 18-22)
Geoffrey Bardon arrive à Papunya en 1971 en tant que
professeur. Plus ouvert que la plupart des blancs de la colonie, il
s'intéresse de près aux Aborigènes. Avec sa formation
artistique, il est vite attiré par les dessins que font les enfants
aborigènes dans le sable et leur demande de peindre le mur de
l'école. Ce ne furent pas les enfants mais des hommes importants, par
leur niveau d'initiation,
8 Après, autour d'Alice Spring, celles de
Hermansburg, Haasts Bluff, Yuendumu et Lajamanu.
qui prirent le commandement des opérations, alors que
d'autres hommes, un peu plus jeunes, peignaient. Bardon comprit rapidement
l'importance que prenait le projet. La peinture était d'inspiration
religieuse, elle devait convenir à toute la communauté
aborigène malgré leurs différences culturelles et devait
pouvoir être vue par tous, initiés et non-initiés. Il
encouragea l'absence d'éléments occidentaux dans la peinture,
notamment au sujet de fourmis qui furent d'abord dessinées
figurativement puis, suivant les conseils de Bardon, représentées
par leur signe aborigène. La peinture était une version du
Rêve de la fourmi à miel dont le site est à Papunya
même (ILL.31). Ce fut la première peinture d'une longue
série.
2.2.4.2 Deuxième étape : engouement des
artistes pour la peinture (Bardon 1991, 22-41)
Petit à petit? des Aborigènes, principalement
Pintupi, peignirent de nombreux Rêves sur les planches qu'ils trouvaient
(ILL.32-37). Bardon fournissait pinceaux et acrylique ainsi que l'atelier : ses
quartiers et le fond de la classe. De nombreux hommes s'essayèrent
à ce nouveau type de médium. Certains ne firent qu'une ou deux
toiles, d'autres peignirent à plein temps. Cette possibilité qui
leur était donnée de peindre leurs Rêves était un
point d'accroche aux traditions qu'on tentait de leur faire oublier, un regain
de leur fierté d'homme répondant à des lois qui
étaient les leurs. Peindre devint un des rares moyens de
préserver leurs traditions culturelles et sociales.
Bardon s'acheta d'abord quelques toiles, puis eut la
permission d'en acheter pour l'école. En août 1971, une peinture
aborigène de Kaapa Tjampitjinpa gagna un concours à Alice Spring.
Bardon décida alors d'y vendre des toiles : ce fut un grand
succès. Les Aborigènes de Papunya n'en revenaient pas : non
seulement ils pouvaient peindre leurs motifs traditionnels mais en plus, des
blancs payaient
pour acquérir leurs tableaux ! Bardon devint une sorte
d'agent, bien qu'il ne prit jamais de commission, en écoulant les
productions de Papunya. Pour mieux organiser la vente, une coopérative
fut créée, appelée « Papunya Tula », du nom d'un
endroit près de Papunya considéré comme un lieu de
réunion pour tous les frères et les cousins.
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