3.2.2.5 Balgo Hills
Judith Ryan distingue deux styles artistiques à Balgo :
une veine plus traditionnelle et une autre plus innovatrice, influencée
par la mission catholique. Cette dernière est celle qui
caractérise le plus l'art de Balgo. Les couleurs utilisées sont
des couleurs très vives et variées, parfois même
fluorescentes (ILL.76,77). L'influence de l'Eglise se perçoit dans la
présence assez fréquente d'éléments figuratifs
similaires à celles de certaines premières oeuvres à
Papunya mais dont les aspects secrets ont été retirés
(ILL.78,79). La présence des deux veines au même endroit laisse
une très grande liberté aux artistes. « Les artistes
voyagent entre les fonds unis ou recouverts de points, la symétrie et
l'asymétrie, les couleurs primaires éclatantes et les tons ocres,
l'abstraction et le naturalisme. »(Ryan 1989, 58).
3.2.2.6 Haasts Bluff
Cette communauté, très proche de Papunya ( qui
est 40 kilomètres au Nord), a peint très tôt. L'absence de
conseiller artistique et le manque de fournitures firent décliner la
production artistique au début des années quatre-vingt. Ce n'est
qu'en 1992, avec l'arrivée de Marina Strocchi comme conseillère
artistique, que la production refleurit dans un style particulier : les
couleurs primaires sont souvent utilisées, les compositions sont
simples, parfois habitées par quelques personnages schématiques
à côté desquels les signes traditionnels n'ont plus
toujours leur place (ILL.80-82).(Petitjean 2000, 94-5) .
3.3 Symbolique
Les peintures contemporaines sont inspirées par des
pratiques religieuses ancestrales ; c'est beaucoup plus la symbolique
cachée derrière les oeuvres que l'aspect visuel qui a de
l'importance aux yeux des Aborigènes. Malheureusement, cette symbolique
nous est presque inaccessible...
3.3.1 Différents niveaux de sens
Le caractère secret/sacré de nombreux
éléments religieux a poussé les Aborigènes à
ne laisser dans leurs tableaux que des symboles polysémiques ( Ryan
1993, 50). La symbolique se situe au niveau collectif et pas individuel, la
relation entre un motif et ses signifiés est homogène dans les
groupes d'initiés de même niveau car elle est établie par
les ancêtres du Temps du Rêve eux-mêmes (Puri 1992, 18 ;
Edwards 1998, 83). Cependant, la polysémie est telle que certains
pourraient trouver des significations là où le peintre n'en a pas
mis. C'est donc le peintre, détenteur du Rêve, qui est le plus
habilité à interpréter son tableau sur tous ses niveaux,
d'autant plus qu'il est également le plus apte à expliquer la
partie du Rêve qu'il garde (Isaacs 1984, 222). Un tableau permet ainsi
plusieurs degrés de lecture : une compréhension superficielle du
tableau pour les non-initiés et tous les acteurs occidentaux du
marché de l'art et d'autres degrés de sens accessibles selon le
niveau d'initiation. Cette notion de lecture est très importante : le
tableau est avant tout une sorte de « littérature visuelle »
plutôt qu'une décoration ou une surface qui devrait nous procurer
un effet global. C'est la
reconnaissance des différents symboles et leur
articulation qui priment (Puri 1992, 18).
N'étant pas initiée, je n'ai pu avoir
accès qu'au sens connu de tous. De plus, très peu
d'anthropologues ont eu accès aux autres niveaux de compréhension
et le respect du secret veut qu'ils n'en divulguent pas le contenu. On se
retrouve donc devant une symbolique que l'on sait très riche et
complexe, surtout si les oeuvres sont faites par des anciens
complètement initiés, mais qu'on ne peut atteindre ni
comprendre.
Ce chapitre sur la symbolique des oeuvres tente de montrer le
fonctionnement symbolique au niveau qui nous est accessible mais aussi un
aperçu du fonctionnement des autres niveaux de sens.
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