3.3.4 Analyses de la symbolique de quelques tableaux
L'analyse de quelques tableaux permet de mieux comprendre
à quel genre d'interprétation on a accès. Les tableaux ont
été choisis parce qu'ils présentaient un type de dessin
fréquent pour lequel l'interprétation donnée est presque
toujours la même ou pour leur notoriété.
Rêve Tingari 1974 Anatjari Tjakamarra
(ILL.83) .
Comme son titre l'indique, ce tableau représente un
Rêve Tingari souvent aussi appelé cercle Tingari. Les cercles
Tingaris sont les moments des Rêves où les ancêtres ont
livré les chants et cérémonies secrets connus sous le nom
de Tingari (ou Tjingari) ; ils se rapportent à l'enseignement à
donner aux jeunes sur les Rêves et des cycles d'initiations y sont
associés (Bardon 1979, 23). Ces révélations ont eu lieu au
cours de longs voyages à travers tout le pays. Les lieux où les
ancêtres se sont arrêtés sont sacrés et secrets. Ce
tableau nous montre donc un de ces voyages, associé ici à
l'ancêtre serpent. Les cercles concentriques représentent les
endroits où les ancêtres se sont arrêtés : des points
d'eau ou des campements. Les U tachetés représentent des hommes
avec des peintures corporelles dont on voit également les empreintes. La
ligne ondulante reliant différents cercles concentriques est une
représentation de l'ancêtre-serpent. L'artiste explique qu'il a
représenté le « voyage de l'ancêtre-serpent de Kulkuta
à
Kiwirkuta, lieux de cérémonies secrètes
» (Nangara 1996, 42). Le caractère secret de ce tableau fait qu'on
ne peut avoir plus d'informations à son sujet.
Rêve des deux Wanampi 1995 de Mick Namarari
Tjapaltjarri (ILL.84)
La grosse bande ondulée centrale représente le
serpent (wanampi) et les zones latérales de lignes ondulées, les
dunes. C'est le site de Piltardi où vivent deux serpents dont un,
caché sous un arbre, pour faire fuir les intrus. (Nangara 1996, 63).
Rêve de Kadaitcha 1992 de Ronnie Tjampitjinpa
(ILL.85)
Les cercles concentriques en bas à droite
représentent le plan d'eau de Mapurrinya, les formes allongées
bordeaux qui se trouvent de part et d'autre sont les hommes Kadaitcha, les
maîtres du sacrifice installés sur ce site pour créer la
foudre. Le reste de l'image évoque une représentation de la
foudre associée à des motifs de peinture corporelle.(Nangara
1996, 60)
Rêve des femmes à Yanyinki 1989 de
Maggie Napangardi Watson (ILL.86)
Les grandes lignes droites au centre représentent des
bâtons à fouir10, les cercles concentriques, des sites
cérémoniels mais les cercles seuls, des points d'eau. Les U
représentent les femmes (celles de gauche sont des femmes Nanpagardi et
celles de droites, des femmes Napanangka) et le petit trait qui les accompagne,
également un bâton à fouir. Les éléments en
double peigne dans le fond représentent des vignes sauvages. Ce tableau
montre le voyage des gardiennes
10 Longs bâtons que les femmes du désert
utilisent pour trouver les tubercules enfouis dans la terre.
du Rêve qui est à l'origine du site Janyinki
(à l'ouest de Yuendumu). Au début du voyage, à Minamina,
les bâtons à fouir émergent du sol (scène centrale)
et par la suite, elles créent d'autres sites avec leurs bâtons
à fouir. (Nangara 1996, 48-9).
Rêve de l'esprit de la mort à Napperby
1980 Tim Leura Tjapaltjarri & Clifford Possum Tjapaltjarri
(ILL.87)
Ce tableau est un des tableaux les plus connus de l'art
aborigène du désert. Il présente une structure
extraordinaire car il illustre le parcours de l'âme de son auteur et ses
Rêves.
La ligne qui traverse le tableau représente le parcours
spirituel de l'artiste dont l'âme voyage d'ouest en est à travers
Napperby. Les six groupes de cercles concentriques sont les aires de repos
pendant le voyage, chaque fois entourés de deux coupe-vent pour
initiés. Les cinq lignes horizontales bleues représentent des
cours d'eau. Les trois Rêves de Tim Leura sont représentés
dans des fenêtres : le Rêve du vieil homme se trouve en haut
à gauche, plus loin, toujours en haut, on voit le Rêve de
l'igname, dans le coin droit en bas c'est le troisième : le Rêve
du soleil et de la lune. Ces trois Rêves ont déjà
été peints par Tim Leura sur d'autres toiles, chacun d'eux est un
tableau à part entière. Les trois éléments dans la
zone en bas à gauche sont des lieux de campement surmontés par un
coupe-vent. A côté, sont peints un boomerang-massue11
et une lance. Le squelette est l'esprit de la mort et marque le pessimisme du
peintre quant à son avenir et ses désillusions : il a en effet
connu la politique d'assimilation et a vécu de grands bouleversements.
En dessous du squelette, il y a des flèches et un boomerang. Le
11 Les boomerang-massues sont le type de boomerang que
l'on trouve dans le désert. Ils ont un bout plus développé
que l'autre, tels une massue et ils ne reviennent pas comme les boomerangs que
nous connaissons et qui sont ceux de la Terre d'Arnhem.
fond du tableau est composé de zones de points de
couleurs, il évoque les nuages, les ombres et les lumières,
l'herbe, les feuilles et la terre. (Bardon 1991, 122-3; Bardon 1998, 37-41).
Ce dernier tableau illustre parfaitement le fait que les
peintures du désert doivent être lues et
interprétées à travers la symbolique des différents
éléments qui les composent.
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