1.3.2 Fonctionnement des communautés
Une grande partie du désert a été
juridiquement reconquise par les Aborigènes. Ces territoires sont
désormais gérés par les Aborigènes eux-mêmes,
souvent par le conseil d'anciens de la communauté. Il faut, pour
pénétrer sur ces terres, un permis que l'on obtient auprès
de ce conseil. Beaucoup de communautés interdisent la présence
d'alcool sur leur territoire, car l'alcool a causé et cause
toujours énormément de problèmes aux
Aborigènes2. Lors du retour sur leurs terres, les
Aborigènes ont souvent installé des sortes de petits villages sur
les lieux de signification mythologique. D'autres sont restés dans les
centres de regroupements de la période d'assimilation car beaucoup
d'Aborigènes y ont été conçus et y sont nés
ce qui donne une importance particulière à ces lieux dans la
pensée aborigène (Kimber 1993, 229-30).
1.3.2.1 Composition du village
La description suivante est basée sur les observations
que j'ai pu faire lors de mon voyage en Australie en juillet-août 2001.
Georges Petitjean, un spécialiste de l'art du Désert qui a
visité bien plus de communautés que moi, a accepté de
vérifier si ces observations pouvaient être
généralisées.
Les communautés ont le plus souvent sur leur grand
territoire une sorte de petit village composé d'une trentaine de maisons
en béton ou en préfabriqué, chacune accompagnée par
une cour extérieure. Il est assez étonnant de constater que la
plupart de ces maisons sont équipées de climatisation. Un magasin
où on trouve tous les produits de base (essence, vêtements,
outils, nourriture ...), une école, un hôpital et très
souvent une église3 forment dans la plupart des cas
l'ensemble des établissements collectifs. On trouve aussi de plus en
plus souvent un bâtiment réservé aux artistes (ILL.5).
2 Des Australiens proches des Aborigènes m'ont
expliqué ce problème d'alcoolisme par la tradition
aborigène qui consiste à toujours boire jusqu'à plus soif
dans ce pays où l'eau est difficile à trouver. Une telle attitude
face à l'alcool ne peut mener qu`à l'alcoolisme. Mais il est
clair que la principale cause de l'alcoolisme est la même que chez nous :
le désespoir, causé ici par le choc de la colonisation encore
très présent dans les esprits.
3 Les Aborigènes sont très croyants
envers leur propre religion mais également envers les religions
importées par les missionnaires. D'ailleurs, de nombreux centres de
regroupement
du désert, vestiges de la colonisation sont construits
autour d'une mission, par exemple Hermannsburg et Ernabella.
Les Aborigènes vivent néanmoins toujours
à l'extérieur, leurs maisons sont très peu entretenues et
servent plus d'entrepôts que d'habitat. La cour est le lieu principal de
l'activité : on y cuisine et on y mange, on y passe le temps, on y peint
aussi parfois, tout comme certains y dorment. Je suppose que les habitations
servent un peu plus en été pour s'abriter des grandes chaleurs,
ou sinon, pourquoi la climatisation ? L'alimentation reste très
traditionnelle, chaque cour a son foyer où cuisent, sous les cendres,
les tubercules sauvages trouvés dans le désert. Les
vêtements occidentaux se sont imposés à presque tous. Ils
ne sont que rarement lavés. Les chaussures par contre sont très
rares, on voit parfois de simples tongs mais aucune chaussure fermée. Le
besoin de rester en contact avec la terre qui leur est si chère est
encore trop fort. Ceux qui ne vivent pas dans les villages, installent parfois
des campements où les seuls abris sont des tôles, plantées
dans la terre pour protéger du vent et faire un peu d'ombre. De
nombreuses couvertures protègent du froid pendant la nuit mais rien de
plus en guise de literie. J'ai pu voir, dans un tel petit campement, une
répartition spatiale où les plus âgés étaient
très nettement séparés des autres. On peut penser que
c'est là une tradition liée à l'importance donnée
aux anciens qui dirigent la communauté et sont maîtres des
connaissances.
Les voitures sont très demandées dans les
communautés. Souvent l'ensemble de la communauté se regroupe pour
acheter un véhicule qui leur permettra d'aller à Alice Spring ou
dans les centres comme Lajamanu, Yuendumu ou Papunya, ou encore pour se rendre
sur les lieux sacrés pour les cérémonies parfois
situés à plus d'un millier de kilomètres (Glowczewski
1996, 308). Quand on sillonne les chemins de terre rouge du désert, on
croise fréquemment des voitures abandonnées le long de la route,
faute d'essence. Parfois leurs propriétaires
reviendront avec un bidon d'essence après avoir parcouru
des dizaines de kilomètres à pied, d'autres fois elles resteront
là, définitivement abandonnées. Chez les
Aborigènes, le rapport à l'argent est très
différent du nôtre : ils vivent au jour le jour et utilisent
l'argent en conséquence. Ils reçoivent de l'argent de la
sécurité sociale australienne, bénéficient des
droits sur les exploitations de leurs terres (les fermes, les mines et les
sites touristiques) et pratiquent la vente d'art et d'artisanat. Georges
Petitjean estime qu'ils gagnent en moyenne probablement plus que l'Australien
non-aborigène moyen, mais l'argent gagné est redistribué
aux membres de la famille et très vite dépensé. Par
exemple, le grand artiste aborigène Clifford Possum Tjapaljarri gagnait
à une période de sa vie à peu près 40000 $
australiens (environ 25000 euros) par semaine mais mendiait à la fin de
la semaine sans le sou après avoir distribué une grande part de
cet argent à ses parents et avoir flambé le reste dans les
casinos et dans l'alcool...(Communication personnelle : Georges Petitjean
2002)
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