1.4 Le Temps du Rêve
1.4.1 Notion de « Rêve »
Les croyances des Aborigènes d'Australie reposent sur
ce « temps du Rêve » qui fait allusion à l'époque
ancestrale où le monde fut créé. Cette notion est complexe
et le mot de rêve lui correspond mal. Mais puisque ce mot est celui qui
est toujours employé, il faudra s'en contenter. Les noms
aborigènes donnés à cette notion diffèrent selon
les groupes : Les Pitjantjara nomme le Rêve Tjukurpa, les
Aranda, Aldjerinya, les Wonglu de la terre d'Arnhem wongar,
etc (Edwards 1998, 79). Le Rêve des croyances aborigènes n'a
presque rien à voir avec l'utilisation quotidienne du mot «
rêve ». Le Rêve pour les Aborigènes est « l'ordre
moral, physique et spirituel qui régit l'univers » (Caruana 1994,
10).
1.4.2 Le temps du Rêve
Le temps du Rêve est la période initiale
où des centaines d'ancêtres, tantôt humain, tantôt
mi-humain et mi-animaux ou végétaux, sont sortis de la terre et
ont transformé, au cours de voyages à travers tout le pays,
l'étendue sombre, vide et plate en ce monde avec ses animaux, ses
plantes, ses paysages, ses hommes et ses astres. Les ancêtres même
s'ils ne sont pas physiquement humains ont des personnalités tout
à fait humaines avec des qualités ou des défauts : par
exemple, l'ancêtre opossum est particulièrement curieux,
l'ancêtre dingo est de nature généreuse mais ne supporte
pas l'ancêtre wallaby...(Bardon 1991, 2) Tous ces ancêtres,
créateurs du monde, sont aussi à l'origine des règles
éthiques,
comportementales et rituelles ainsi que de toutes les
pratiques et techniques quotidiennes humaines, animales et
végétales dont le langage4 (Edwards 1998, 80). A la
fin de leur voyage, certains ancêtres sont retournés dans la
terre, d'autres se sont transformés en rocher, en arbre, en grotte...
1.4.3 Le Rêve comme moyen de survie
Le Rêve véhicule une quantité
phénoménale de connaissances pour survivre dans le désert,
comme par exemple les endroits où trouver de l'eau ou les mouvements
saisonniers des différents animaux à chasser. Ainsi sous des
abords de religion, le Rêve aborigène est avant tout la condition
de leur survie, une survie menée par les personnes âgées,
détentrices des connaissances (McCarthy 1978, 21).
1.4.4 Le Rêve comme Loi
Les ancêtres ont donc apporté les règles
de la vie aborigène. Les règles éthiques sont nombreuses
comme je l'ai expliqué plus haut (cf. p.16-7). Parce qu'il a
apporté toutes ces règles mais aussi les châtiments pour
ceux qui les enfreindraient, le Rêve est, dans ce sens,
considéré comme la Loi aborigène. Il faut néanmoins
préciser que les règles ne se donnent pas de façon
évidente dans les Rêves, chacun doit se faire une
interprétation à partir des parties du Rêve auxquelles il a
accès (Sutton 1989, 15-9). Mais on n'est cependant pas face à
une
4 Dans la pensée aborigène humains
animaux et végétaux sont de nature commune. Ainsi, les animaux
ont des comportements culturels et un homme peut tout naturellement
s'identifier à un rocher, un arbre ou un animal. On voit
également que tous les comportements qu'ils soient rituels ou quotidiens
proviennent des ancêtres du Temps du Rêve, la séparation
entre sacré et séculier n'a donc que peu de sens puisque
même dans une action des plus banales, la personne refait un acte
pratiqué par son ancêtre originel. (Edwards 1998, 81-4)
société où chacun comprend et fait ce
qu'il veut : l'éducation et le comportement général de la
communauté, comme dans toute société, font que tout le
monde assimile, serait-ce inconsciemment, les règles à respecter
même sans recevoir une interprétation claire des Rêves.
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