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L'art du désert - Etude des peintures aborigènes contemporaines du désert central d'Australie dans le contexte de la culture aborigène et du marché de l'art.

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par Amandine Dooms
Université Libre de Bruxelles - Histoire de l'Art et Archéologie. Civilisations non-européennes 2001
  

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1.4.8 Les sites sacrés

Les lieux de l'émergence et de retour en terre des ancêtres ainsi que les lieux où les ancêtres eurent des comportements particuliers (les lieux d'une bataille entre deux ancêtres, ceux où une cérémonie fut inventée par un ancêtre, ...) sont devenus des sites sacrés (Forge 1989, 152). Seuls les initiés peuvent s'y rendre car les forces qui occupent ces sites sont trop puissantes et donc dangereuses pour des non-initiés (Bardon 1996, 10). Les peintures rupestres se trouvent très souvent dans ce genre d'endroit. On voit ici comment le monde matériel, plutôt que d'être séparé du monde spirituel, en est l'écrin. La connaissance de ces rêves liés à une terre bien précise est aussi une preuve d'appartenance à cette terre. C'est entre autre par ce moyen, avec un support peint de leurs connaissances, que des groupes aborigènes ont pu légalement récupérer les terres d'origine d'où ils avaient été chassés (Bardon 1991, XI).

Tous ces éléments montrent que la pensée aborigène ne laissent pas de place aux dichotomies si présentes dans la pensée occidentale : les séparations vivantsobjets, passé-présent, humain-animal, matériel-spirituel...n'ont aucun sens dans cette vision d'un monde où « la religion mène son peuple dans le monde par une expérience immanente de l'unité dans l'ici et maintenant »(Rose 1987, 268).

Les notions d'animisme et de totémisme ont été utilisées pour qualifier ces croyances (Strehlow 1964, 44-59) mais elles paraissent actuellement bien trop

réductrices pour s'appliquer à une religion si complexe. Ces termes étaient utilisés pour qualifier les croyances primitives dans une perspective évolutionniste, théorie maintenant largement dépassée.

1.4.9 En résumé

Le Rêve fait référence au temps de la création par des ancêtres plus ou moins humains mais est éternellement présent, notamment par les cérémonies qui lui sont dédiées. Le Rêve est aussi la Loi qui règle les comportements quotidiens et rituels et qui est la preuve de l'appartenance à un territoire. Le Rêve par son étendue sur des grands espaces créent des relations entre les groupes humains mais aussi entre les hommes et les animaux, les plantes, la terre. Le Rêve est omniprésent, il est à l'origine de l'unité et de l'équilibre du cosmos.

1.4.10 Une continuité religieuse sur des millénaires ?

La transmission de toutes ces croyances n'a pas pu se faire de façon tout à fait figée sur des millénaires. Les formes, depuis les peintures rupestres jusqu'aux peintures sur toiles, nous montrent une continuité évidente mais qu'en est-il de leurs sens et significations ? Il me semble plus facile de conserver et de transmettre fidèlement des formes peintes ou gravées sur des matériaux tels que la pierre et qui résistent ainsi au temps, que de conserver et transmettre des histoires racontées oralement. On peut donc supposer que le Rêve a évolué au cours du temps, en raison de l'impossibilité d'une transmission orale figée, mais aussi pour que les histoires du Rêve correspondent toujours avec une réalité changeante. Ainsi on peut penser que les histoires se sont adaptées aux

changements de l'environnement naturel ainsi qu'à ceux des techniques et pratiques quotidiennes. Il y a des processus d'évolution dans les figures et les cérémonies ou traditions, un de ceux-ci est le rêve qu'a une personne initiée pendant son sommeil. Comme une sorte de révélation, un songe est considéré avec beaucoup de sérieux comme une communication du Rêve pour modifier ou compléter les traditions. Ainsi de nouvelles cérémonies ou de nouveaux motifs sont introduits dans la tradition, en échange parfois d'un présent pour ceux qui sont responsables du Rêve qui se voit modifié (Glowczewski 1989, 232 ; Isaacs 1990, 66).

L'arrivée des Européens sur le continent pose cependant un problème. Les massacres qui eurent lieu dans le sud-est du pays ont fait disparaître la majorité de la population aborigène qui s'y trouvait avec leurs traditions. Il en va différemment dans les zones où le contact avec les conquérants fut moins destructeur. On constate quand même, dans la terre d'Arnhem, une rupture dans la tradition. La transmission des savoirs profonds des initiés n'a pas passé les générations et les interprétations des peintures rupestres que font les Aborigènes d'aujourd'hui sont différentes de celles de leurs aïeux qui furent enregistrées et conservées. Le savoir d'aujourd'hui est celui des niveaux bas d'initiations et des non-initiés, complété par des traditions ré-inventées ou reconstruites (Communication personnelle : Groenen 2002).

Le cas est différent dans le désert où le choc des civilisations fut encore moins important et plus tardif, même si la détresse des Aborigènes fut très grande lorsqu'ils étaient chassés de leur terre ou lorsque les enfants leur étaient volés, il semble qu'ils aient transmis une grande partie de leurs traditions jusqu'à aujourd'hui. Il y aurait donc toujours à ce jour des cérémonies secrètes et des

différents niveaux de profondeurs dans la compréhension des Rêves. Mais tout comme les changements de l'environnement provoquent depuis des millénaires des adaptations religieuses, il paraît évident que les traditions ne sont pas sorties intactes du contact avec les colonisateurs. Leur environnement a profondément changé, il est donc improbable que leurs traditions n'aient pas elles aussi été modifièes, ne serait-ce que par l'influence des autres religions qu'on a tenté de leur imposer avec plus ou moins de succès (Edward 1998, 95-6). En fait, la génération des peintres des années 1970, qui s'éteint de jour en jour, est la dernière génération d'Aborigènes du désert pleinement initiés. La plupart des jeunes aborigènes préfèrent ne pas être initiés plutôt que de subir les souffrances des initiations6, d'autant plus que les connaissances qui y sont acquises sont, sous le couvert d'un aspect religieux, surtout une pratique de survie dans le désert. Les jeunes, avec les facilités offertes par la voiture et les multiples commerces alimentaires et autres, ne veulent plus chasser le kangourou à la lance et creuser la terre pour trouver des tubercules. Ils n'ont plus besoin des connaissances du Rêve, et le Rêve en meurt (Kimber 1996, 34-5 ; communication personnelle : Petitjean 2002).

6 La douleur va crescendo au cours de la vie initiatique qui s'étend de 14 à 44 ans : circoncision, subconcision, dents cassées au burin, scarification... (communication personnelle : Petitjean 2000)

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