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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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C.3. Le jeu interférant

Nous avons vu dans la partie précédente en quoi le jeu pouvait être utilisé pour la ruse, c'est-à-dire en tant que création volontaire de jeu. Nous nous interrogerons dans cette dernière partie sur le jeu involontaire, sur l'incidence des limites d'aptitudes, propres aux locuteurs mais non sujettes aux choix, dans l'optique oü elles peuvent entrainer une situation d'asymétrie, une situation de Ç déformation des messages produite par une divergence sur les postulats qui régissent la production et la compréhension des messages. È (Winkin,2000:131)

Nous verrons ici en quoi la mise en commun par confrontation de sens peut amener des malentendus59 dans la compréhension et des interférences dans la production, ces situations de divergence renvoyant à une seconde définition de la notion de jeu, celle définissant un Ç défaut de serrage, d'articulation entre deux pièces d'un mécanisme. È (Petit Robert,2000) Ainsi, nous analyserons ici les situations dans lesquelles les patterns de sens diffèrent et entrainent des malentendus, puisque Ç si le contexte utilisé par (un interlocuteur) ne correspond pas à celui qu'envisageait (l'Autre), il peut y avoir malentendu. È (Sperber&Wilson,1989:32)

Ces configurations communicationnelles sont des configurations dans lesquelles les interlocuteurs ne jouent pas le même jeu, tout du moins pas selon les mêmes règles, créant un certain déséquilibre qui engendrera une nécessité d'équilibrage. Comment deux locuteurs enclins à une recherche d'équilibre par pertinence maximale peuvent-ils se trouver dans une situation oü les signes produits interfèrent dans l'échange ? Quelles sont ces situations de Ç divergences de postulats È qui amènent la communication à ne pas être pertinente ? Nous verrons dans un premier temps l'interférence mineure, ou conversationnelle et culturelle. Ensuite, nous aborderons la question du mensonge, sous un angle différent de celui de la partie précédente60. Enfin, nous envisagerons l'affect de l'émotionnel et du pathologique dans la communication.

59 Selon la définition de Mizzau et Galatolo (2000,1), un malentendu est Ç une divergence interprétative d'au moins deux interlocuteurs et dont au moins un d'entre eux ne soit pas immédiatement conscient. È

60 En d'autres termes, nous avons vu en quoi le mensonge peut utiliser le jeu pour exister, dans cette partie, nous allons voir en quoi le jeu peut se retourner contre l'interlocuteur mentant.

C.3.1. Le jeu conversationnel et culturel

Le premier cas, que nous appellerons jeu conversationnel et culturel, correspond aux asymétries d'informations Ç dues à la disparité des arrières plans présuppositionnels, des expériences biographiques, (et/ou au fait que) les locuteurs appartiennent à des communautés parlantes et à des cultures différentes, asymétrie(s) qui s'amenuise(nt) dans la confrontation des états de croyance. È (Armengaud,1999:116) Ce sont des types de jeux, communément appelés malentendus, qui peuvent être considérés comme mineurs, puisque aisément régulables par méta-communication sur les signes interférants.

La première manifestation de ce type de jeu correspond à ce que nous appellerons le jeu conversationnel, premier pan de la définition d'Armengaud citée plus haut. Ce jeu renvoie à l'inévitable différence qui existe entre les mémoires des interlocuteurs, c'est-à-dire l'inévitable altérité des sens appris par chacun. Autrement dit, le sens d'un signe peut discorder entre un interlocuteur et l'Autre, et donc l'interlocuteur produisant peut envisager une compréhension par l'Autre qui dans les faits divergera de celle prévue. Également, la déviation peut être environnementale. En effet, Ç si le contexte utilisé par un (interlocuteur) ne correspond pas à celui qu'envisageait l'Autre, il peut y avoir malentendu. È (Sperber&Wilson,1989:32) Dans ces configurations communicatives, il existe une différence entre l'environnement effectivement utilisé par un interlocuteur et l'environnement d'utilisation prévu par l'Autre. Enfin, un jeu conversationnel peut trouver sa source dans la nature homonymique des signes qui la compose, plus particulièrement et plus évidemment pour le versant locutionnel des signes. Ainsi le signe peut-il être utilisé pour renvoyer à plusieurs sens par le même interlocuteur, ce qui interférerait à la compréhension lorsque l'Autre envisagera le signe dans un sens différent de celui que lui prête l'interlocuteur le produisant61.

61 Le mécanisme du jeu conversationnel dO à l'existence de l'homonymie du signe reste somme toute équivalent au mécanisme du jeu conversationnel dO à l'existence de sens divergents d'un interlocuteur à un autre.

Ce type de jeu peut s'étendre à ce que nous appèlerons jeu culturel. Plus qu'un nouveau type de jeu mineur le jeu culturel est plutôt une continuité du jeu conversationnel. En définitive, les pans qu'il convient d'appeler conversationnel et culturel, plutôt que séparés et séparables, représentent les deux extrémités, les deux bornes du premier type de jeu, le jeu mineur. En effet, il est difficile de tracer une frontière véritable entre le conversationnel et le culturel. Comme le dit Gardiner (1989:50) :

Ç Le locuteur et l'auditeur (...) doivent, en fait, parler la même langue, c'est-à-dire ne pas simplement s'exprimer dans la même langue, mais aussi employer un vocabulaire compréhensible par l'un et par l'autre. Un paysan français ne vous comprendra pas si vous lui parlez en anglais, mais il ne vous comprendra pas davantage si vous employez des mots comme psychanalyse ou binôme, car ni le son ni le sens de ces mots ne lui sont familiers. È

C'est ce domaine du rapport social qui rend floue la possible séparation de l'appartenance ou non d'interlocuteurs à la même culture. En effet, peut-on considérer qu'un ministre français et un agriculteur français font partie de la même culture ? Ë l'inverse, avec la globalisation des mass medias, peut-on dire aujourd'hui qu'un américain et un européen font partie de cultures totalement différentes et imperméables l'une à l'autre ? La discussion sur ce sujet n'est pas de notre ressort, mais de ce questionnement nous retiendrons que la séparation possible reste floue, le tracé des frontières indécidable, c'est pourquoi nous resterons dans une optique du jeu mineur existant sur un continuum allant du conversationnel au culturel. La séparation se faciliterait si nous ne considérions que le versant locutionnel des signes, cependant notre étude porte sur l'ensemble des manifestations sémiotiques, et il est indéniable que l'élocutionnel puisse avoir un caractère transculturel, ce que fait remarquer Bateson (1980:126) lorsqu'il s'interroge : Ç comment se fait-il que les systèmes paralinguistiques et kinésiques des hommes appartenant à des cultures qui nous sont étrangères, et même les systèmes paralinguistiques des autres mammifères terrestres, nous sont au moins en partie intelligibles, alors que le langage verbal des hommes appartenant à des cultures étrangères nous est complètement opaque ? È

Ainsi nous ne pouvons nier l'existence d'un jeu culturel, inhérent à la rencontre d'interlocuteurs de Ç cultures È différentes. Ë l'autre bout du spectre des jeux mineurs, l'interférence peut se manifester sur toute forme de signes,

qu'ils soient locutionnels ou élocutionnels. L'interférence locutionnelle émerge dans les cas de bilinguisme, dans lesquels un interlocuteur communique avec un autre alors que les deux ne partagent pas la même langue maternelle. De ce fait, l'interlocuteur utilisant une seconde langue peut prêter à un signe un sens qui ne Ç convient È pas ou calquer des structures de sa langue d'origine qui ne conviendront pas à la structure de la langue utilisée. Bien que potentiellement plus universels d'un point de vue statistique, les signes élocutionnels peuvent souffrir du même jeu. L'utilisation de signes élocutionnels diffèrent d'une Ç culture È à une autre et sont d'autant plus sujets aux jeux que ces derniers ne sont pas acceptés de façon entièrement conventionnelle, et par exemple ne sont

pas enseignés lors des cours de langues étrangères. Pour donner un exemple de cette divergence, l'index et le majeur en forme de V est utilisé pour signifier Ç Victoire È dans les pays européens, alors que ce signe est une insulte en Australie, un jeu potentiel existe donc entre son utilisation dans une communication entre européen et australien. Il existe également une divergence proxémique62 entre cultures. L'exemple pris par Hall (1968) est celui des Américains venus en Grande Bretagne. Lorsque des Américains entraient en interaction avec des Anglais, les premiers trouvaient les deuxième un peu trop familiers par leur rapprochement, et, reculant pour atteindre une distance confortable, les américains devenaient froids et distants aux yeux des anglais.

Le jeu conversationnel et culturel est donc le premier type de malentendu inhérent à l'utilisation du système. Ce type de jeu est potentiellement facilement régulable. Nous allons voir par la suite des jeux qui présentent une régulation plus difficile.

62 Nous rappelons que la proxémique est la Ç branche de la sémiotique qui étudie la structuration signifiante de l'espace humain. È (Fabbri,1968:5)

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