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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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C.2.3. Le jeu ludique

Le dernier pan du jeu en tant que ruse comme création volontaire d'asymétrie d'informations par exploitation de l'ambigu
·té des règles est le jeu de langage tel qu'il existe selon la définition première du jeu que nous pouvons trouver dans un dictionnaire : Ç action de s'adonner à un divertissement qui n'a d'autre but que le plaisir, la distraction, l'amusement. È (Larousse,Dictionnaire de la langue fran caise,1992) De nouveau nous nous retrouvons dans une situation oü le langage est utilisé dans un but autre que le transfert d'informations, la communication humaine possédant cette singularité qu'elle peut être utilisée à des fins uniquement ludiques, fins dont les manifestations sont nombreuses et dont nous ne pourrions faire une liste exhaustive, néanmoins des exemples de ces jeux sont les Ç calembours, rébus, charades, contrepets, bouts-rimés, comptines, devinettes, mots-valises, mots croisés, anagrammes, etc. È (Yaguello,1981:13) Ces ensembles de manifestations de jeu sont ce que Lecercle (1996) appelle le Ç reste È, et qui renvoie à toutes ces manifestations qui transgressent les règles, qui dépassent les frontières des règles, oü ce n'est plus le locuteur qui communique, mais oü le signe existe pour lui-même, résonant en écho à sa propre nature.

Ce type de jeu de langage à but de divertissement, que nous appèlerons par simplification jeu ludique, ne peut se détacher de son rapport aux règles en tant que régularité. Le jeu ludique est toujours joué en fonction des règles régulières, il leur fait toujours écho, exploitant l'ambigu
·té qui leur est propre pour les transgresser, et c'est justement par cette nature ambig·e que le jeu ludique est possible, c'est-à-dire que Ç jouer suppose qu'on connaisse les règles et le moyen de les tourner en exploitant l'ambigu
·té qui caractérise les langues naturelles ainsi que la créativité qu'elles autorisent. È (Yaguello,1981,13) La nature paradoxale des règles régulières leur donne ce statut ambig·e : bien qu'elles soient du fait de l'interlocuteur, il ne peut les contrôler et paraissent imposées à lui, et inversement. Ainsi l'un est-il inséparable de l'autre, comme le dit Yaguello (ibid,31) Ç le propre du jeu est de conjuguer la turbulence et la règle, la liberté et la contrainte È, le jeu ludique est indissociable des règles régulières, la turbulence d'un jeu ludique d'un point de vue microscopique n'est possible que par l'existence d'une certaine constante macroscopique qu'il

enfreint, sans être capable de la bouleverser complètement. Le jeu ludique, bien qu'au delà des frontières des règles, reste du langage, i.e. Ç pour le plus grand plaisir de (l'interlocuteur), des règles sont violées, localement et temporairement, (...) le texte est néanmoins reconnaissable à tous les niveaux de l'analyse : l'infraction est localisée, sur fond de respect global des règles. È (Lecercle,1996:11, nous soulignons)

De ce fait cette transgression des règles ne fait pas du jeu ludique son opposé. Ainsi, tout jeu ludique, bien que dépassant les frontières des règles, bien qu'appartenant au Ç reste È, est toujours du langage, Ç au delà de la frontière, il n'y a pas de chaos linguistique, il y a du langage encore parfaitement intelligible. È (ibid:28) Les nonsenses de Caroll ou de Lear sont ludiques de par le fait qu'intuitivement, ces nonsenses sont du langage Ç malgré tout È, et se doivent de rester du langage s'ils veulent être entendus.

Ainsi, l'interlocuteur usant du jeu ludique transgresse les règles qu'il impose mais qui lui sont imposées, et paradoxalement, de par la nature fractale des règles, les affirment en les transgressant, et c'est dans ce paradoxe que le jeu trouve son équilibre. En d'autres termes, le jeu ludique est possible de par l'affirmation de son identité de jeu, méta-communiquant que les signes ne sont pas à prendre Ç au pied de la lettre È mais au contraire en tant que transgressions d'une règle. L'équilibre est ainsi méta-communicationnel, le caractère ludique du jeu se trouvant dans la reconnaissance de cette pertinence au second niveau. L'humour d'un mot d'esprit n'existe que parce que l'Autre reconna»t son identité en tant que jeu, un interlocuteur ne saisissant pas l'ironie ou l'humour d'une communication d'un Autre mènera très vite à une incompréhension et la nécessité d'autoréguler, et à celui qui joue de produire des signes du type Ç c'est une blague È.

Prenons pour exemple le procédé littéraire que l'on appelle une annomination. L'annomination est un processus consistant à Ç remotiv(er) un nom par étymologie, métanalyse ou traduction. È (ibid:74) Ce processus est prolifique en littérature, notamment lors de la nomination des personnages : que faire de la gardienne d'orphelinat appelée Mme Mann par Dickens ? Le lecteur ne sent-il pas derrière ce nom l'incapacité du personnage à tout élan maternel ? Même phénomène pour Mr Bumble, personnage se voulant de grande classe mais dont le nom n'évoque au

lecteur qu'une amusante maladresse. Or, par quelle convention, par quelle règle le lecteur peut-il se permettre d'interpréter que Mme Mann renvoie au nom man et que Mr Bumble renvoie à bumbling ou à to bumble around ? La convention, la règle normative veut que le nom propre soit d'un total arbitraire. L'auteur et le lecteur en viennent à ce Ç sens È du nom propre par transgression de cette règle d'arbitraire, créant une étymologie au nom propre qui expliquent les origines et la nature du personnage. Il en va de même pour le jeu littéraire du mot-valise, fusion arbitraire de deux mots afin de créer un néologisme. Du poème Jabberwocky de Lewis Carroll dans Through the Looking-Glass au pianocktail de Boris Vian dans L'écume des fours, le jeu ludique du mot-valise force le néologisme en exploitant et jouant avec la capacité du système à créer ses propres éléments et à les modifier.

Ainsi le jeu ludique est-il transgression ponctuelle et microscopique d'une régularité macroscopique qui, de par sa nature fractale, ne s'en trouve pas affectée. Tout du moins est-ce le cas de la majorité des jeux ludiques, car il faut compter certains exemples originellement jeux ludiques et devenus jeux réguliers. Lecercle (1996:12) prend l'exemple de la phrase de Gertrude Stein Ç a rose is a rose is a roseÈ, originellement jeu ludique mais aujourd'hui devenue productive dans la langue anglaise. En résumé, bien que ponctuelle, de par la nature imprédictible du système, une forme de jeu ludique peut devenir forme régulière si celle-ci se manifeste régulièrement et se fait adopter par une communauté parlante.

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