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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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C.3.3. Le jeu émotionnel et pathologique

Nous venons de voir comment les émotions pouvaient être source de jeu interférant dans une communication comprenant au moins un interlocuteur mentant. Nous allons ensuite voir dans cette partie en quoi les émotions peuvent être source de jeux interférants sans qu'entre en ligne de compte d'interlocuteurs mentant.

Nous allons d'abord voir les troubles simples, les jeux interférants courants, qu'engendrent les émotions ressenties par les interlocuteurs : il existe pour chaque situation un arrière-plan émotionnel, les émotions étant indispensables à notre survie et nous guidant dans nos relations sociales, dans la grande majorité des cas de façon adéquate. Cependant, certaines configurations émotionnelles amènent les interlocuteurs à se trouver dans des situations de jeux interférants, les émotions pouvant potentiellement venir troubler la communication si elles sont ressenties d'une manière trop intense. Ces cas extrêmes sont des situations dans lesquelles les émotions sont si présentes qu'elles troublent le processus communicationnel. Ce jeu peut prendre deux formes, une liée à la production et l'autre à la compréhension. La première forme de jeu interférant lié aux émotions est l'apparition d'un jeu interférant émotionnellement avec la production. Dans ces cas particulier, l'émotion est si présente au sein du système cognitif de l'interlocuteur qu'il ne peut que produire des signes se rapportant à cette émotion et est incapable de produire des signes autres de façon cohérente. Comme le dit Yaguello (1981,137) Ç un locuteur émotionnellement perturbé peut perdre momentanément l'usage de la parole ou produire un discours incohérent, agrammatical. È On retrouve par exemple ce type de jeux lorsqu'un interlocuteur apprend une nouvelle oü la surprise est telle qu'il ne peut plus communiquer, oü cela le Ç laisse sans voix È, ou lorsque qu'un interlocuteur est Ç pétrifié de peur È. La seconde forme de jeu produite par les émotions sont les situations oü ces dernières mettent l'interlocuteur dans un Ç état réfractaire È durant lequel il ne pourra que comprendre et inférer des sens qui confirmeront l'émotion qu'il

est en train de ressentir69. Ces situations engendrent un trouble de l'attention sélective, puisqu'un locuteur dans cette situation ne sélectionnera que des stimuli qui confirmeront ses émotions, il y aura donc une création de stimuli effectifs biaisées.

Ce jeu interférant, lié à un contexte particulier, reste un trouble relativement mineur et normal70. Ces périodes de jeu sont de courte durée et, bien que plus difficile qu'en jeu conversationnel, l'autorégulation est possible.

Il existe ensuite une dernière situation de jeu interférant, plus grave et donc que nous ne pouvons plus considérer comme simple ou mineure, et qui est liée à des troubles pathologiques en rapport avec la communication.

Prenons dans un premier temps les troubles pathologiques de type parano
·aque. Le fonctionnement communicationnel de cette pathologie est un fonctionnement de type de l'état réfractaire, mais à l'inverse du trouble émotionnel ponctuel, cet état réfractaire de communication est généralisé, l'affect des émotions sur l'attention engendrant un cercle vicieux71. Ainsi l'interlocuteur atteint de ce trouble a un mode de fonctionnement suivant lequel tout signe est compris selon un pattern précis et défini. Comme le dit Winkin (2000:140-141) :

Ç Celui qui croit que tout le monde est son ennemi émettra des messages et agira significativement en fonction de sa prémisse. Il affrontera le monde d'une manière qui poussera ce même monde à confirmer sa conviction. Or, il a acquis cette conviction en premier lieu sous l'effet cumulé des contextes d'apprentissage qui constituaient antérieurement son flux communicationnel avec certaines personnes. È

Ë l'inverse d'un trouble lié à une émotion ponctuelle, et autorisant un réajustement, le parano
·aque se trouve dans un contexte général qui suivra continuellement le même pattern : le système a du jeu en ce sens que l'interlocuteur parano
·aque suit continuellement le même schéma, ne cherchant pas à s'accorder

69 Ekman (2003a:39) : Ç For a while we are in a refractory state, during which time our thinking cannot incorporate information that does not fit, maintain or justify the emotion we are feeling. (...) When we are gripped by an inappropriate emotion, we interpret what is happening in a way which fits with how we are feeling and ignore our knowledge that doesn't fit.È

70 Rusinek (2004:23) Ç L'émotion est une forme d'alerte pour l'organisme, il est logique de croire qu'elle va focaliser une grande partie des processus cognitifs d'un individu vers la cause de cette alerte. È

71 Ibid (25) : Ç Si je suis triste et que je fais plus attention aux informations négatives de mon environnement, je serais certainement de plus en plus triste car plus rien de joyeux ne me viendra à l'esprit. È C'est ce fonctionnement que nous retrouvons chez le parano
·aque : plus l'interlocuteur a peur et plus il se concentrera sur des stimuli confirmant sa peur, et ainsi de suite dans un cercle vicieux pathologique.

avec son interlocuteur, quelle que soit la production de ce dernier. Ce type de maladie empêche le malade de faire preuve d'une économie cognitive adéquate : dans chaque situation, il inférera des sens qui n'ont pas lieu d'être inférés, en effet, Ç le parano
·aque, dans sa quête minutieuse du sens, va souvent jusqu'à faire passer au crible des phénomènes totalement secondaires et sans rapport entre eux. È (Watzlawick,1972:247)

Le jeu interférant peut avoir des conséquences pathologiques lorsqu'il est répété et donc influant sur l'apprentissage. Comme le souligne Watzlawick (ibid:47) Ç (à cause) du malentendu, étant donné certaines propriétés formelles de la communication, (..) peuvent s'installer les troubles pathologiques qui y sont liés, indépendamment, et même en dépit, des motivations ou intentions des partenaires. È La schizophrénie, tout comme la parano
·a, fait partie des maladies pathologiques ayant pour source ces jeux interférants répétés de manière à influer sur le processus d'apprentissage. Un interlocuteur schizophrène possède une conception du sens72 qui est biaisée, c'est-à-dire que le processus d'apprentissage du sens s'est trouvé continuellement ponctué de situation de jeux interférants en tant que malentendus, si bien que l'interlocuteur n'a pas appris à traiter et à classer les stimuli de façon correcte, et à un certain stade le locuteur n'est plus capable de faire ces distinctions : s'en suit une incapacité à distinguer communication et méta-communication, pensée et souvenirs, rêve et réalité, désir et capacité, etc., c'est-à-dire que l'interlocuteur schizophrène possède Ç des troubles profonds de la perception (...) de la réalité, dans la formation de concepts, dans les affects, et par suite dans tout le comportement. È (Watzlawik,1972,279)

L'exemple de ce type de jeu interférant est ce que Bateson, et à sa suite l'école de Palo Alto appelle la Ç double contrainte È. Cette conception renvoie aux situations d'apprentissage dans lesquelles un individu est puni s'il comprend correctement et puni s'il ne comprend pas correctement. Ce type de communication Ç affirme quelque chose, affirme quelque chose sur sa propre affirmation, (et) ces deux affirmations s'excluent. Si le message est une injonction, il faut lui désobéir pour lui obéir ; s'il s'agit d'une définition de soi ou d'autrui, la personne définie par le message n'est telle que si elle ne l'est pas, et ne l'est pas si elle l'est. Le sens du

72 Dans une conception générale, en tant que l'ensemble des sens.

message est donc indécidable. È (Watzlawik,1972:213) En d'autres termes, l'interlocuteur communique mais en même temps méta-communique en contredisant ce qui est communiqué, l'interlocuteur produit un malentendu qui entra»nera l'autre à ne pas pouvoir définir le sens sans créer un paradoxe dans sa définition. Quand ce sens paradoxal recouvre des situations d'apprentissage qui sont vitales pour l'interlocuteur, le résultat en est potentiellement pathologique.

Par exemple, imaginons un parent qui n'aimerait pas son enfant, mais n'accepterait pas ce sentiment. L'enfant se trouverait puni si il reconna»t que son parent ne l'aime pas, puisque son parent refuse cette propre définition de la relation. Ë l'inverse, ne pas le reconna»tre contredirait son interprétation de la réalité, ce qui serait une première manifestation de punition, et dans un second temps il irait chercher l'affection de son parent qu'il ne pourrait pas trouver. Dans cette situation, qui est une situation d'apprentissage, le parent est en position d'autorité sur l'enfant et la relation qui les caractérise est fondamentale pour les deux, et plus particulièrement pour l'enfant. Ainsi, l'enfant est dans une situation oü l'apprentissage se fait par jeux interférants, c'est-à-dire qu'il ne sait pas s'il doit faire confiance à ses interprétations internes, ses compréhensions, ou à la figure d'autorité que représente son parent.

Le symptôme que représente le non-sens schizophrénien est une solution d'échappatoire à ces situations intenables. En effet, l'enfant ne peut communiquer sans être puni, or il lui est impossible de ne pas communiquer. Ainsi, s'il veut échapper à ces situations, la production d'un certain non-sens, d'un certain jeu métacommunicationnel73 devient l'unique échappatoire.

73 Dans le sens que nous avons développé précédemment, c'est-à-dire que la communication n'a pas de pertinence d'un point de vue communicationnel, cette pertinence est méta-communicationnel.

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