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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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A.1.3. L'approche pragmatique

La conception pragmatique de la linguistique (terme utilisé pour la première fois par Morris (1938), la définissant comme l'étude de Ç la relation du signe14 à ses interprétants È), s'oriente dans une direction totalement opposée. Comme le résume Blanchet (1995:9), la question que se posent les chercheurs en linguistique pragmatique est : Ç comment le langage (...) produit de la signification, c'est-à-dire des effets, dans le contexte communicatif de son utilisation par les locuteurs. È C'est la conception qui sera suivie dans notre travail.

Malgré son opposition théorique, il serait incorrect de dire que la pragmatique s'est développée en réaction à la linguistique du code. En effet, les linguistes de cette école de pensée exposent leurs idées depuis la même période, Ç en même temps, mais avec un développement retardé. È (Eluerd,1985:31) Nous pouvons regrouper dans cette approche des théoriciens tels que Pierce (1958), Wittgenstein (1921) ou Gardiner (1932)15, et à leur suite Morris (1938), Ducrot (1980), Austin (1962) ou encore Searle (1972), cette liste étant bien sUr loin d'être exhaustive. Les prémisses de ces études se situent dans une non-acceptation de la dichotomie langue/parole, qui imposait une supériorité hiérarchique de la langue sur la parole, excluant de ce fait le langage ordinaire, le contexte mondain, ainsi que le sujet parlant ordinaire. Cette opposition théorique n'invite pas à défaire la hiérarchie et à la renverser, mais plutôt à la prendre comme non pertinente dans l'étude de la communication de par son décrochage théorique de la réalité empirique. Plutôt que de postuler la base de l'étude de la communication sur l'étude d'une langue-code parfaite et idéale, utilisée comme intermédiaire entre deux sujets parlants idéaux, cette approche pose ses fondations dans l'étude des actes de langage ordinaires, utilisés en contextes réels par des sujets parlants ordinaires.

14 Nous rappelons que l'usage que nous faisons du terme Ç signe È est à prendre au sens large, c'està-dire en tant que manifestation sémiotique d'un ou plusieurs signes.

15 Égyptologue de formation, à l'influence sous-jacente sur le développement de la pragmatique, son ouvrage The Theory of Speech and Language fUt publié à Oxford en 1932. Il y développe une analyse des Ç actes de langage ordinaires È, à contrecourant des théories de l'époque. Nous pouvons considérer a posteriori son ouvrage comme pionnier dans l'analyse linguistique pragmatique. L'ouvrage que nous utiliserons et citerons ici est l'ouvrage traduit et introduit par Douay, publié en 1989 aux Presses Universitaires de Lille

Comme nous venons de le dire, la linguistique pragmatique, au travers d'une critique de l'artificialité des théories et des exemples canoniques de la linguistique Ç classique È, pose ses fondations dans l'étude du langage ordinaire. Cette prise de position en faveur du langage ordinaire suppose des fondations théoriques aux antipodes de celles de la théorie du code, notamment en ce qui concerne l'obtention du sens. Puisqu'elle impose une relation stricte dans le signe entre le signifiant (matière acoustique) et le signifié (concept), la théorie du code impose l'obtention du sens à travers le signe aux seules conditions que l'énoncé soit grammaticalement correct, ainsi que possiblement réfutable ou confirmable, le sens reposant donc sur la vériconditionnalité de l'énoncé. Le rejet de la centralité de la vériconditionnalité est fondamentale à la pragmatique, et se retrouve notamment dans la Théorie des actes de langage, développée dans un premier temps par Austin (1962), et à sa suite par Searle (1972). Nous pouvons retrouver dans cette théorie l'opposition entre les actes à valeur descriptive, qui eux sous-tendraient une idée théorique de vériconditionnalité, et les actes à valeur performative, qui eux ne sous-tendraient pas cette idée : ces derniers sont des manifestations sémiotiques qui, par leur énonciation, accomplissent un acte. Ils ne sont ni vrais, ni faux et ne décrivent rien, ils existent uniquement au travers de l'accomplissement performatif par le sujet parlant. Ce point de vue sur les conditions de vérité est également réfuté par Ducrot qui, parmi d'autres, affirme que Ç ce dont parle le locuteur existe réellement ou non ne change rien au fait qu'il en parle et qu'en parlant, il fait comme si cette existence allait de soi. È (Eluerd,1991:103) Cette affirmation admet donc que le sens d'une proposition ne se trouve pas dans ses valeurs de vérité mais dans l'usage qui en est fait, dans l'habitude que cet usage crée. Ainsi, Ç une expression du langage n'a de sens que dans la mesure oü nous pouvons en faire un certain usage. È (ibid:144) Le sens à travers l'usage n'exclut bien sUr pas l'importance de la vérité dans la langue, mais cette vérité n'est pas obtenue par une vérité immanente dans la relation signifiant/signifié, mais par l'usage qui est fait d'une forme sémiotique, par le jeu de langage au travers duquel le signe existe dans le langage ordinaire. Comme le dit Gardiner (1989:257) Ç le discours fait référence à des choses réelles et imaginaires avec une stricte impartialité. È Ce qui légitime l'existence discursive d'un signe est son acceptation mutuelle d'existence à l'intérieur du discours, non pas les conditions de vérité auxquelles il satisferait.

Cette légitimation du sens par l'usage plutôt que par une justification logique est très importante. En effet, la linguistique pragmatique ne s'intéresse pas aux conditions de vérité d'un signe comme renfermant Ç le È sens : dans l'optique pragmatique, ce sens est obtenu à travers l'usage qui est fait au sein de la communauté linguistique par les usagers du langage dont il est question. Cette idée est très importante pour notre développement lorsque nous aborderons l'étude des jeux de langage : les jeux de langage ne trouvent pas leur sens (ou leur non-sens) à l'intérieur de la confrontation des conditions de vérité du signe, mais dans une confrontation de l'usage, de l'habitude qui existe de ce signe. Lorsqu'un locuteur se trouve face à un signe qui lui parait ne pas faire sens, ce n'est pas parce qu'il ne parvient pas à obtenir le raisonnement logique et/ou vériconditionnel qui sous-tend cette séquence particulière, mais bien parce qu'il n'arrive pas à faire converger le signe reçu avec une habitude, un usage de ce signe.

Pour reprendre l'analogie sportive, l'approche pragmatique prend le contrepied de ce qu'était la théorie du code. La pragmatique vient pour analyser non pas le déroulement d'un match idéal entre deux joueurs idéaux mais le déroulement d'un match effectif, c'est-à-dire non pas l'analyse des coups qui suivraient des codes de jeux, idéalisant les mouvements des joueurs en les définissant selon leur vérité ou non, mais l'analyse des coups qui existent dans le déroulement réel d'un match, et donc l'analyse des actes durant le match, légitimés en tant que coup par leur existence, et non pas par leur concordance effective ou non à un code qui préexisterait au jeu, ou par leur déroulement idéal.

Ainsi, la langue-code, parfaite et idéale, outils hypothétiquement adéquat à l'étude linguistique, se légitimerait par une capacité à faire face aux prétendues imperfections du langage ordinaire. Cependant, ce langage ordinaire n'est-il pas celui qui est parfait, et le langage idéal porteur d'imperfection, puisque c'est ce même langage parlé ordinaire qui a survécu et s'est adapté tout au long de l'évolution humaine, ayant permis à l'homme de faire face aux innombrables situations de la vie quotidienne et de se développer intellectuellement ? N'est-ce donc pas, si l'on suit cette idée, la langue-code idéale que nous devrions considérer comme imparfaite, puisque incapable d'envisager une utilisation empirique ? Nous envisageons que cela est le cas, et la suite continuera d'aller dans ce sens.

A.2. La pragmatique et la pertinence

Ç It is not what you said that matters
but the manner in which you said it.
È
William Carlos William.

Note : alors qu'il s'agissait d'un déroulement et un renversement de point de vue théorique dans la partie A.1, nous donnerons ici non pas un changement, mais un afÞnement de la théorie pragmatique. Dans la derniOre partie, nous développerons notre propre modOle.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery