Génération Google, génération
zapping, les jeunes sont difficiles à suivre, à cerner et
à séduire. Internet va alors devenir un outil précieux
pour l'éditeur qui y trouve le moyen d'effectuer des études
marketing tant qualitatives que quantitatives. Grâce aux minis-sites,
blogs et réseaux sociaux, les éditeurs vont donc non seulement
suivre l'évolution de la popularité de leurs livres mais les
réactions des lecteurs.
Les études quantitatives peuvent être
effectuées via les sites, les blogs et les réseaux sociaux comme
Facebook. Les éditeurs peuvent ainsi savoir, grâce aux inscrits,
la fréquence des connexions à leurs sites, par jour, par semaine
etc. Ils ont aussi la possibilité de comptabiliser le nombre de nouveaux
inscrits. C'est un très bon indice sur ce qu'il reste à faire en
termes de promotion.
L'éditeur peut aussi s'aider des Like de
Facebook pour savoir si le livre ou les informations fournies satisfont les
lecteurs. Ce « J'aime » de Facebook est très utile puisqu'il
donne des informations tant quantitatives que qualitatives. Si 90% des
adolescents sont inscrits sur Facebook et y sont très actifs, on peut
alors croire qu'ils « aimeront » les pages concernant des auteurs ou
romans qu'ils ont appréciés. Par conséquent, les chiffres
obtenus d'après Facebook sont pris très au sérieux par les
services marketing des maisons d'édition.
Exemple avec la page Facebook de la collection Cherub chez
Casterman :
Des votes quantitatifs, tels que des Quizz, sont
effectués sur les sites et blogs des éditeurs. Les votes
permettent d'obtenir des informations précieuses car plus
ciblées. Fait de questions fermées telles que : « Quel livre
préférez-vous entre tel ou tel titre ? >> ou encore «
Avez-vous lu tel livre ? >>110, cette technique évite
aux éditeurs de faire appel constamment aux agences marketing externes,
habituellement très onéreuses.
Effectuer une enquête sur Internet comprend des risques
de biais. En effet, l'internaute pourra être influencé par l'avis
des autres internautes, si les sondages sont apparents, mais aussi par le
moment et l'endroit où l'internaute répondra au questionnaire.
Malgré ces biais, ces cybers études quantitatives rendent un
grand service aux éditeurs pour suivre l'évolution de leurs
ouvrages au sein du public et pour mieux comprendre ce qu'aime et souhaite ce
public.
Si l'éditeur souhaite réellement cerner ses
lecteurs, il sera conseillé de se tourner vers les cybers études
qualitatives.
Les études qualitatives seront plus facilement
effectuées sur les blogs et les sites que sur les réseaux sociaux
puisqu'elles demandent un développement, voire un débat
110 Op.cit. Annexe E. Captures d'écrans 2 et
3.
entre internautes. Les éditeurs vont donc animer des
groupes de discussions en posant une question ouverte telle que : « Donnez
nous votre avis sur... », « Pourquoi êtes-vous fan de...
», « Quel personnage préférez-vous dans tel livre ?
». Les internautes aiment participer à ce genre de débats
qui animent la communauté. Ils peuvent s'exprimer et participer à
la vie autour de leur livre. Cela concorde avec l'état d'esprit dans
lequel se trouve aujourd'hui les adolescents et jeunes adultes, libres de
s'exprimer sur leurs goûts et ressentis.
Ces études deviennent des échanges très
enrichissants. Les éditeurs instaurent une proximité avec leurs
lecteurs que seul Internet rend possible. Les lecteurs sont en demande d'une
écoute sincère et le fait de leur demander leurs avis et leurs
recommandations est un point fort en faveur de l'éditeur. Les lecteurs
s'expriment sur les déceptions qu'ils ont rencontrées au cours de
leurs lectures, sur les personnages qu'ils préfèrent. Ce dernier
exemple peut être utile si l'éditeur souhaite effectuer un roman
sur l'un des personnages secondaires d'un titre déjà
publié. Par exemple, on pourrait imaginer un livre sur les aventures
d'Hermione Granger après sa vie auprès d'Harry Potter.
Des études qualitatives sont parfois lancées au
sein de forums par les éditeurs mêmes. Censé être un
lieu réservé aux internautes, les éditeurs ont compris
qu'il était utile d'animer aussi cette plateforme d'échanges.
Les débats lancés par les éditeurs sont
une source d'informations qui vient à intéresser les concurrents.
Tous se rendent sur des plateformes dédiées aux romans ados afin
d'observer ce que font les autres éditeurs mais aussi afin de rencontrer
des publics qu'ils n'auraient pas. Ainsi, Céline Vial confie que le
service marketing de Flammarion Jeunesse se rend souvent sur les forums et
blogs de ses concurrents pour trouver de nouvelles idées et comprendre
ce qu'il reste à développer chez Flammarion. « C'est une
sorte d'espionnage industriel mais c'est légal et pas méchant.
Tout le monde le fait ! »111, dit-elle. L'éditeur se
crée un pseudonyme et participe aux discussions comme une adolescente le
ferait. Cela sous-entend qu'il adopte un vocabulaire d'adolescent et des
réactions d'adolescente. Les internautes sont en quelque sorte
manipulés mais cela reste inoffensif. On se demande tout de même
si certains éditeurs ne se rendent pas sur des
111 Op.cit. Annexe A, n°3.
forums, en se faisant passer pour des adolescentes, afin de
conseiller leurs romans... Si c'est le cas, les internautes n'ont qu'à
bien se méfier. Ce n'est pas faute de mettre en garde les internautes
sur les dangers d'Internet. Les pseudonymes et les avatars sont tels qu'on ne
sait jamais vraiment qui ce cache derrière une jolie photo.
Les sites Internet et les réseaux sociaux permettent
en outre de récolter l'avis des lecteurs. Les services marketing peuvent
s'en servir pour créer des Opérations Commerciales. Prenons
l'exemple de cet été où les forums se sont remplis de
discussions sur les romans << de plage >>. De ces discussions se
dégagent des tendances sur les thèmes, les genres, les styles
d'écriture, qui vont aider les éditeurs à améliorer
leur futur programme d'été ou à réfléchir
sur les possibles OPE commerciales à faire. Par ailleurs, les
questionnaires peuvent, tout simplement, nourrir les communautés
déjà existantes, ici on parle aux Happy Few.
Enfin, le Web permet aussi de pister ses utilisateurs.
Grâce aux adresses IP des ordinateurs, les éditeurs peuvent savoir
combien de pages ont été lues, lesquelles sont les plus
populaires, combien de temps les lecteurs s'y consacrent, s'ils y reviennent ou
non etc. C'est ainsi que les éditeurs savent si une page est
obsolète et inutile ou, au contraire, très en vogue. Dans ce
dernier cas, on pourra lui accorder plus d'espace et développer le
sujet. Tout est bon pour améliorer son service et ses produits. Ces
démarches sont marketing et uniquement marketing. Un éditeur ne
peut pas pratiquer ces techniques et se dire anti-marketing, ce serait une
vraie contradiction. Toutefois, sans tomber dans un marketing viral
incontrôlable, il est aujourd'hui important de se rapprocher de ses
lecteurs si ce n'est que pour les tenir informés et écouter leurs
commentaires. << Tout est mesurable sur Internet. Nous pouvons suivre
précisément l'impact d'une campagne >>112,
confirme David Pavie, Directeur des sites grand public chez Hachette Livre.
Comme l'a écrit Claude Combet, journaliste Livres Hebdo :
<< Sur le Net, où l'essentiel reste à inventer, toutes les
idées sont bonnes à prendre >>113.
112 SNE, Assises Professionnelles du Livre : A l'heure du
numérique. Institut océanographique de Paris - 21 octobre
2010.
113 Op.cit. Dossier
Montreuil.
LivresHebdos.fr