WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le roman pour adolescents et les outils numériques, évolution d?un paysage éditorial. comment internet devient le tremplin du marketing littéraire et des grands formats jeunesse ?

( Télécharger le fichier original )
par Adriana Tourny
Université de Villetaneuse Paris XIII - Commercialisation du livre - en alternance 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. Un lectorat difficile à cerner.

L'adolescence est un passage qui n'a pas de limite prédéterminée. Considérer les adolescents comme un groupe compact et indistinct serait une erreur fatale. Pourtant, les éditeurs se sont lancés dans une segmentation systématique en ce qui concerne la littérature jeunesse. Définir si tel ou tel livre sera << ados >> n'est pas mince affaire mais demande un travail préalable d'observation très sérieux. Avant de coller des étiquettes, nous tenterons de comprendre ce qu'est véritablement l'adolescence ?

1. L'adolescent lecteur, de l'enfant à la cible commerciale.

Le terme << adolescent >> vient du latin << adolescere >>, qui signifie << celui qui est en train de grandir >>. Pris comme un état de transformation, l'adolescence reste une notion très incertaine qui devient plus sombre avec le temps. La définition de l'Encyclopaedia Universalis décrit bien la difficulté d'une définition : << Enfance et adolescence peuvent être définies comme étant cette période de l'existence dans laquelle l'individu croît et se développe jusqu'au moment où il atteint l'âge de la maturité >>. La maturité est une chose arbitraire qui ne s'atteint pas obligatoirement passé les 20 ans, ce qui sous-entend que la fin de l'adolescence varie selon chaque être.

Au début du XXe siècle, l'adolescence est synonyme d'ingratitude, d'inadaptation et d'errance. L'adolescent pris dans les torpeurs de la vie, dans la quête d'une identité apparaît déjà dans les romans du XIXe siècle comme le fameux Julien Sorel de Stendhal ou Julien de Rubempré de Balzac. Les choses commencent à réellement changer en 1975 avec la réforme Haby, mise en place en septembre 1977, qui instaure le collège unique. Elle unifie les structures pédagogiques en supprimant l'organisation de la scolarité en filière. En dix ans, 90% des élèves poursuivent leur scolarité au collège. Cette massification fait alors de l'adolescence une classe spécifique.

<< Cette appellation spécifique "d'adolescents", vexés d'être assimilés aux enfants et se démarquant par rapport à la culture traditionnelle, finie par désigner ce que les anglosaxons dénomment teenagers ou plus exactement, la jeunesse en âge d'école secondaire » écrit Daniel Delbrassine4.

Le roman pour adolescents est un << objet culturel » très récent. Pris dans la littérature jeunesse, il faudra du temps au roman pour adolescents à s'en émanciper mais c'est en chemin. Depuis les années 80, les éditeurs tentent de cerner ce conglomérat de jeunes en formation sans pour autant comprendre réellement leurs caractéristiques. Trop mouvants, dû aux effets de mode, encore trop passifs dans la société, les adolescents vont mettre du temps à se révéler aux yeux de l'industrie du livre. Les industries de la musique, de la mode et de l'audiovisuel seront prioritaires.

Malgré le succès de quelques collections, il faudra toutefois attendre la fin d'Harry Potter pour que l'adolescent devienne un lecteur prisé. Les éditeurs ont compris, grâce à ce succès phénoménal, que les adolescents lisent mais qu'ils ont aussi le pouvoir d'influencer les adultes à lire de la littérature jeunesse. La littérature dite transgénérationnelle s'est démocratisée avec Harry Potter. Ainsi, l'adolescent reste un enfant dans le foyer et au sein du système scolaire mais devient un acteur économique et culturel pour l'industrie du livre. La littérature dite cross age qui correspond au roman ados vient du fait que l'adolescence n'est plus cette période difficile entre l'enfant et l'adulte. Aujourd'hui, les nouveaux termes de "préadolescence", pour les enfants de 10-12 ans, et "d'adulescence", pour les plus vieux. Finalement, l'adolescence devient, comme le dit Tibo Bérard, fondateur de la collection eXprim chez Sarbacane, << un état d'esprit »5 où tout est possible, où les règles sont affranchies, où tous les sujets sont abordés, où la culture jeune se retrouve. L'adolescent ne veut pas lire des textes infantilisant. Être "jeune" rejoint la famille, l'absence de liberté et d'autonomie. Ce n'est sûrement pas ce qu'ils souhaitent trouver dans la littérature actuelle. La culture adolescente s'est éloignée de la jeunesse pour se rapprocher des valeurs adultes. On le voit au sein des familles. Les rapports entre générations ont changé et l'adolescent revendique toujours plus son autonomie, ses particularités et surtout sa liberté.

4 Delbrassine Daniel, Le roman pour adolescents aujourd'hui : écriture, thématique et réception. Ed. CRPD Académie de Créteil, 2006.

5 Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?, Entretien de Tibo Bérard par Jonathan Reymond, 03.12.2010

« Les jeunes adultes » : Revenons sur ce segment littéraire qui nous arrive doucement en France via Internet plus spécialement. Ce lectorat, composé de jeunes entre 17 à 30 ans environ, a été cerné dès les années 70 aux États-Unis. C'est un terme qui plaît car il grandit les plus jeunes et rajeunit les plus vieux. Un roman jeune adulte peut entrer dans un genre comme dans un autre mais, surtout, concerne quiconque qui se sent jeune d'esprit. C'est un moyen très efficace d'élargir son lectorat et son catalogue. Twilight a permis de confirmer ce qu'Harry Potter avait fait naître. Une nouvelle littérature est attendue par ces jeunes lecteurs qui commencent à exprimer leurs attentes aux éditeurs. Par ailleurs, si le contenu des livres jeunes adultes doit être différent de ce qui a été fait, la communication autour du livre même doit évoluer. L'arrivée d'Internet dans les foyers a considérablement modifié le rapport des jeunes à la lecture. Nous ne nous baserons pas sur le travail de Christian Baudelot et Christine Detrez Et pourtant ils lisent6 qui, même si très bien fait, n'est plus aujourd'hui d'actualité. Le rapport d'Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des français à l'ère numérique7, permet de mieux comprendre les réalités sociales. En effet, en un mois, 90% des 15- 35 ans, ont passé du temps sur Internet et 60% d'entre eux admettent le faire tous les jours. Cette fréquentation d'Internet baisse radicalement passé l'âge de 35 ans. En lien avec la lecture de livres, et non de quotidiens, les résultats sont en recul dans tous les âges. Les gros lecteurs de 15 à 25 ans, c'est à dire ceux qui lisent un livre par mois au moins, sont passés de 20% à 15%. Les petits lecteurs ont aussi baissé de 10%. Ce constat n'a rien de très surprenant. Selon Olivier Donnat, d'autres études de pratiques de lecture montraient déjà la baisse constante de lecteurs, d'une génération à une autre. Internet n'a fait qu'accentuer le phénomène. Mais revenons du côté des éditeurs. Si cette enquête pourrait les faire renoncer à la littérature ados, il n'en est rien. Internet a des qualités que la presse spécialisée n'avait pas et peut permettre aux éditeurs d'aller chercher les ados et de les comprendre. Le marketing éditorial a un aspect sociologique capital. En effet, les services marketing de maisons d'édition se sont rendu compte qu'Internet pouvait ne pas devenir un ennemi du livre mais un allié.

Les adolescents et les jeunes adultes se rendent sur Internet afin de se divertir mais aussi pour participer à des communautés très actives. Réseaux sociaux, blogs et forums sont les terrains de jeux préférés des jeunes. En Europe, 24% du temps libre des 15-24 ans

6 Baudelot Christian et Detrez Christine, Et pourtant ils lisent. Ed. Seuil, Paris, mars 1999.

7 Op.cit. Donnat Olivier.

est passé sur Internet contre 10% à la lecture, sans oublier que 88% des 12-18 ans ont aujourd'hui un téléphone portable. En 2008, 82% des créateurs de blogs ont entre 11 et 25 ans8. La culture jeune est doublée d'une culture numérique que les éditeurs vont devoir adopter. Cette culture numérique rejoint un concept initié par l'américain Mark Prensky9, celui de << digital natives >>. Mark Prensky est un enseignant-chercheur qui s'est intéressé au nouveau rapport qu'ont les adolescents et jeunes adultes d'aujourd'hui envers la société, la consommation, les marques, les médias etc. Selon lui, ces jeunes sont natifs du numérique, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur fonctionnement. Leurs aînés seraient par conséquent de simples << digital immigrants >> qui ne maîtriseraient pas aussi bien les nouvelles techniques de communication numérique et pour qui elles ne seraient pas systématiques. Évidemment, de nombreuses réponses sont apparues pour détruire cette thèse. Ce qui est intéressant pour le monde éditorial et plus particulièrement pour la littérature ados - jeunes adultes, reste que les jeunes ne sont plus les mêmes que la génération passée. S'il y a longtemps de cela, la télévision a pu apparaître comme un frein à la lecture, Internet devance désormais ce média. Les nouvelles technologies introduisent de nouveaux comportements et de nouvelles exigences. Car oui, les digitals natives sont exigeants envers les marques. Une soif de prise de parole fait rage dans le monde numérique. Comme nous l'avons vu avec les chiffres, les blogs et réseaux sociaux permettent aux jeunes une communication instantanée qui les rapproche. Par conséquent, Internet devient rapidement le meilleur outil de sociabilité. Contrairement au livre, qui est une pratique solitaire, Internet offre aux jeunes une vie sociale constante, même après l'école. L'envie d'être en groupe, d'appartenir à une bande, de partager ses coups de coeur, sont des caractéristiques propres à l'adolescent depuis des décennies. Internet a simplement facilité tout ça. Ces phénomènes engendrés par Internet posent de nombreux problèmes aux industries tout autant qu'à l'industrie du livre. Comment faire accepter ce produit face à toute la concurrence présente sur le Net ? Comment s'adresser à une cible dont les pratiques médias et les centres d'intérêt sont si fragmentés ? Les digitals natives sont de bons consommateurs mais ils sont difficiles à séduire. En effet, le concept de Mark Prensky s'est vu prolongé par d'autres chercheurs. L'University College of London s'est

8 SNE, Conférence Que lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.

9 Prensky Marc, Teaching digital natives, Corwin Press, 2010.

lancé dans des recherches approfondies sur ce qu'ils appellent la Google Generation10. Leurs conclusions se rapprochent de celles de Prensky mais sont plus pessimistes. Cette génération est une génération zapping, une génération qui passe d'un site à un autre en quelques secondes, qui ne lirait plus les contenus des sites comme nous le ferions dans un livre. Les jeunes internautes savent rapidement si oui ou non ils vont rester sur un site et pour cela tout compte. Le design, l'intitulé, la police, les critères varient mais la vitesse jamais. Attention, les jeunes ne sont pas sceptiques face à la consommation, au contraire, Internet est l'outil qui s'adapte au mieux à leur besoin de consommer rapidement. Consommer ne signifie pas acheter mais consommer des articles, de la musique gratuite, des vidéos Youtube etc. Pour que l'acte d'achat se fasse tout se complique. Comme le souligne très bien l'article du magazine économique Stratégie, << les adolescents ne sont pas dupes des discours des annonceurs >>11 . Lionel Steeve, président de ID 15-24, une agence conseil spécialisée dans les jeunes explique << qu'il ne faut pas les endormir car ils connaissent les codes publicitaires >>12. Un autre critère concernant les jeunes est leur volonté à être considérés comme être humain et non comme << parts de marché >> ou pire, simples jeunes. Béatrice Toulon, rédactrice en chef de Phosphore raconte << qu'il faut qu'on leur parle adulte en bannissant le paternalisme et le jeunisme tout en restant respectueux>>13 .

Les industriels vont devoir retravailler leurs sites Internet et changer leurs techniques de ventes. Car si les digitals natives sont de bons consommateurs, ils ne sont pas faciles à convaincre. Nous verrons dans la dernière partie de cette étude les conseils que proposent certains professionnels afin de rendre le marketing online efficace.

Nous comprenons donc que les éditeurs ont, en face d'eux, un véritable potentiel d'acheteur-lecteur. Toutefois, obtenir leur confiance demandera beaucoup de travail et de patience. Il leur faudra comprendre le comportement des jeunes et pour cela, investir Internet de manière amicale, de façon sociale. Quelques éditeurs français se sont déjà lancés dans ce genre d'entreprises et le succès est parfois surprenant. Il faut bien retenir que les adolescents ne sont plus des enfants mais de jeunes adultes à la quête d'une voix et d'une écoute. Anciennement passif, l'adolescent recherche aujourd'hui l'activité. Certes,

10University College of London. The Google Generation. Information behaviour of the researcher of the future, 11 janvier 2008.

11 Stratégie.fr : Génération Zapping, 26 février 1999

12 Ibid. Stratégie.fr.

13 Ibid. Stratégie.fr

les adolescents restent versatiles et peuvent en décourager plus d'un mais l'accueil réservé à un livre qui les touchent n'est comparable à rien. À ce public particulier doit être offert une littérature particulière...

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry