WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le roman pour adolescents et les outils numériques, évolution d?un paysage éditorial. comment internet devient le tremplin du marketing littéraire et des grands formats jeunesse ?

( Télécharger le fichier original )
par Adriana Tourny
Université de Villetaneuse Paris XIII - Commercialisation du livre - en alternance 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. Evolutions de la littérature ados. Les collections qui se démarquent.

Ce n'est qu'à partir des années 70 que le secteur de l'édition pour adolescents a émergé pour devenir ce que l'on connaît actuellement. En effet, comme nous l'avons vu au-dessus, l'adolescent a pris une place plus importante dans la vie sociale et économique. La scolarisation et le Baby-boom ont produit un lectorat plus large et plus exigeant. Alors que l'édition jeunesse des années 50 et 60 jouait la carte de la prudence et de la tradition en réimprimant en jeunesse des titres de littérature générale, celle des années 70 se décomplexe. Les prescripteurs et parents poussent les éditeurs à proposer de nouveaux thèmes, plus jeunes et plus proches des adolescents.

Plein Vent est la première collection à se lancer dans l'aventure en 1966. Fondée par André Kedros pour la maison Robert Laffont et destinée aux jeunes entre 12 et 16 ans, cette collection propose des romans d'aventure d'un bon niveau littéraire. Soucieux de la véracité des faits contés dans les livres, les auteurs s'appuient systématiquement sur les sciences et les techniques de leur temps. La pression des prescripteurs et les valeurs encore sévères de l'époque se ressentent bien dans la collection Plein Vent.

En 1972, les éditions belges Duculot créent la collection Travelling. Dans un souci de répondre aux besoins spécifiques des adolescents, Travelling devient rapidement une collection audacieuse qui ose aborder des sujets comme la sexualité. En préservant une qualité littéraire digne de la littérature générale, la collection sort la jeunesse des histoires édulcorées. En 1973, la collection Les Chemins de l'amitié, dont les préoccupations sont comparables à celles de Travelling, est créée par les Editions de l'amitié - G.T.Rageot. Vient ensuite, en 1974, la collection Grand Angle de G.P Rouge et Or, toujours dans la même lignée.

À la suite des évolutions socioculturelles des années 80, les éditeurs en viennent à la création de collections spécifiquement dédiées aux adolescents. Deux tendances sont à relever chez les éditeurs. D'un côté se trouvent les collections soutenues par les prescripteurs comme Médium de L'Ecole des Loisirs créée en 1982, DoAdo des éditions

du Rouergue créée en 1998 ou encore Romans des éditions Thierry Magnier créée aussi en 1998. DoAdo est une collection qui plaît aux enseignants car elle a su développer ce que l'on nomme aujourd'hui le roman << miroir >>, c'est-à-dire qui soulève des problématiques réalistes pour les adolescents. DoAdo aborde les questions sous un angle social, voire militant. De l'autre côté, se trouvent des collections plus divertissantes que pédagogiques mais qui travaillent toujours dans un souci certain de qualité littéraire comme Page Blanche de Gallimard Jeunesse, Tribal de Flammarion, créée en 1999, ou encore Fictions des éditions du Seuil. << Auparavant, le lecteur passait presque directement de la Comtesse de Ségur à Mauriac ou Camus, qu'il ne comprenait pas forcément >>, raconte Christine Baker, Directrice Éditoriale de Gallimard Jeunesse, à Lecture Jeune14.

Les collections, développées durant les années 80 et 90, sont d'une qualité supérieure à leurs prédécesseurs. Dans une volonté de légitimation du roman jeunesse et adolescents, les éditeurs se sont appuyés soit sur leur réputation auprès de prescripteurs soit sur leur réputation littéraire et ont tenté d'échapper à la production de masse. Elles ont permis à la jeunesse de s'affranchir des classiques et d'introduire des textes inédits, aux contenus éducatifs et réalistes.

Une forte polarisation au sein du roman ados arrive dès les années 2000. En effet, certaines collections continuent dans leur élan comme DoAdo ou Thierry Magnier. De nouvelles collections sont créées avec des univers plus modernes, soucieuses d'une qualité littéraire mais ancrées dans le temps comme eXprim de Sarbacance fondée en 2006. En créant eXprim, Tibo Bérard voulait une collection << urbaine, musicale inscrite dans une vraie fiction >>. Il souhaite << déclencher un choc >>15 à la lecture, bousculer les habitudes. D'autres éditeurs entrent dans la course à la jeunesse avec des formules plus mass market. Pocket Jeunesse, par exemple, veut faire de la lecture plaisir, sortir de la prescription des enseignants et propose ainsi des textes très différents des collections passées. Albin Michel lance Wiz en 2002 et Gallimard développe Folio Junior. En 2008, Hachette Jeunesse crée la collection << Black Moon >> à l'occasion de la série phénomène Twilight. Les éditions Harlequin s'y mettent aussi avec la collection Darkiss ou encore Castelmore chez Bragelonne. Gallimard et Flammarion restent cependant très au milieu de ces deux camps. Ces collections, développées chez de grands éditeurs, ont un penchant immédiat pour ce

14 Lecture Jeune. N°137, Les jeunes adultes et la littérature, Paris, mars 2011, p.20.

15 Op.cit. Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?

que l'on peut appeler « l'imaginaire >>. Depuis, Harry Potter, un suivisme général s'est effectué du côté de la littérature fantaisie. Twilight a développé le genre fantastique et le thriller vient parsemer tout ça. Il faut déstabiliser les adolescents, les effrayer, les faire s'échapper de la réalité, contrairement aux autres collections qui les poussent à mieux vivre dans leur société.

Malgré la polarisation, le contenu de chaque collection diffère selon le directeur éditorial. Alors que Gallimard Jeunesse avoue se fixer des limites « évidentes >>, en bannissant tout texte prônant le racisme, le militantisme ou la perversité, d'autres s'en posent moins comme eXprim qui a fait polémique avec le titre Je reviens de mourir. Cependant, eXprim n'a pas totalement tort de se permettre de tels contenus puisqu'elle n'est pas une collection légitimement « jeunesse >>.

Des précisions doivent être faites concernant certaines collections. Parmi celles nommées précedemment, quelques collections ont la particularité de ne pas être soumises à la loi de 1949 sur la littérature jeunesse. Sont ainsi concernées les collections DoAdo et ses déclinaisons (Noir, Monde), 15-20, eXprim et eXprim Noir et enfin Territoires des éditions Fleuve Noir. Ces décisions font de ces collections des collections de littérature générale et non plus jeunesse. DoAdo est soutenue par les prescripteurs comme une collection jeunesse, dans un cadre scolaire réservé aux enfants de moins de 18 ans, et dont les livres ne sont pas jeunesse. Tout se complique. On comprend que les éditeurs, en faisant ce choix, se sont libérés des règles de bienséances appliquées à la littérature jeunesse. Cela ne signifie pas pour autant que les romans seront dépourvus de morale. Évidemment, les romans ados restent une littérature jeune où tout doit être abordé mais d'une certaine manière. Les choix seront donc arbitraires. Thierry Magnier critique ouvertement l'hypocrisie de la loi de 1949 : « si nous, éditeurs, décidons qu'un bouquin et bon pour les adolescents, ce n'est pas de la provocation. Et puis, un bouquin ne peut pas être dangereux. On peut l'arrêter quand on veut >>16.

Les romans de jeunesse rencontrent une reconnaissance tardive. En 1996, cette littérature entre au collège dans le cadre d'une réforme mise en place par François Bayrou. Le principe de ce changement est de laisser une grande place à la liberté, au choix de lecture tout en conseillant la lecture d'ouvrages écrits par des contemporains. C'est une

16 Lecture Jeune. N°137. p.20.

véritable opportunité pour les éditeurs qui y voient un moyen de reconnaissance et de gain de capital littéraire. Toutefois, il faut garder à l'esprit que seuls quelques éditeurs seront prescrits, les autres ne proposant pas des contenus assez pédagogiques. Cette loi a renforcé la polarisation du roman jeunesse et ados. Les stratégies des grands éditeurs s'opposent à celles des petits, la course aux best-sellers fait de l'ombre aux livres à budgets plus réduits. Les libraires mêmes se divisent les productions. Les librairies spécialisées prennent les petits et les grandes surfaces et les espaces culturels récupèrent les gros. EXprim reste un très bon exemple de collection ados qui cherche encore sa légitimité. Les journalistes lui reprochent souvent l'usage d'un français courant et familier (utilisation du verlan), dont eXprim est friand, mais l'accusent aussi d'une séduction calculée pour vendre aux jeunes. Les éditeurs s'en défendent en répondant que publier des livres qui leur ressemblent n'est pas automatiquement du marketing.

Il ne faut pas oublier le rôle crucial des bibliothèques dans la prescription des ouvrages pour ados. Certains éditeurs n'ayant pas les moyens de s'imposer face à l'Education Nationale comptent entièrement sur les réseaux de bibliothèques. Nous accorderons une attention toute particulière aux bibliothèques dans notre dernière partie.

Finalement, eXprim, DoAdo et Territoires sont des collections précurseurs de la littérature Young Adult en France. Destinées à des grands ados, voire des adultes entre 18 à 30 ans, ces collections soulèvent alors un nouveau débat. La littérature ados - jeunes adultes a-t-elle aujourd'hui les moyens de devenir une littérature à part entière ou sera-telle reléguée au statut de littérature populaire ? Comment les éditeurs doivent-ils se rapprocher de ce lectorat si divers ? Le marketing aura-t-il le dernier mot ?

En étudiant l'évolution de la littérature jeunesse à la littérature ados et en réactualisant le terme « d'adolescent », nous avons pu comprendre que la littérature ados s'est construite en fonction d'une demande réelle. Harry Potter a ouvert la voie vers une nouvelle littérature que les éditeurs sont bien décidés à défendre et à développer. Dans cette partie, nous tenterons d'établir les caractéristiques de cette littérature à l'heure actuelle. Pour cela, nous tiendrons compte de la volonté des jeunes lecteurs et de leur influence sur les nouvelles techniques capables de légitimer définitivement ce segment.

Les entretiens effectués auprès des éditeurs de collections ados et jeunes adultes mènent à en conclure à l'existence d'un segment de marché. D'ailleurs, ce ne serait pas les éditeurs mais les auteurs et les lecteurs qui auraient joué un rôle décisif dans le phénomène. Toutefois, avec le temps, les éditeurs ont compris qu'il fallait sortir de l'aspect scolaire, se passer parfois du prescriptif afin de réellement parler aux jeunes lecteurs.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci