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Le roman pour adolescents et les outils numériques, évolution d?un paysage éditorial. comment internet devient le tremplin du marketing littéraire et des grands formats jeunesse ?

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par Adriana Tourny
Université de Villetaneuse Paris XIII - Commercialisation du livre - en alternance 2011
  

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B. La littérature ados, un véritable segment et non un caprice éditorial.

Un livre sur cinq acheté en France est estampillé « jeunesse », alors qu'il y a dix ans, c'était un livre sur dix. Le chiffre en dit long sur l'explosion d'un secteur éditorial totalement transformé, à tel point que les parents ne savent plus quelle lecture conseiller à leurs enfants, surtout les plus de 10 ans. Ce sont les jeunes qui font et défont le succès d'un roman parmi des centaines d'autres et par conséquent les éditeurs vont devoir s'adapter pour les séduire.

1. De la prescription au divertissement ou comment séduire les adolescents.

Un article du Figaro17 rend compte de l'effervescence, à la veille de l'ouverture du Salon de Montreuil, des éditeurs autour des collections ados. L'intérêt de cet article est qu'il pose la question de quelle lecture offrir aux jeunes qui, depuis Harry Potter, ont pris goût à la lecture ? Oui, nous revenons chaque fois sur ce phénomène qui a soulevé le problème fondamental de la littérature ados jusqu'à aujourd'hui, l'absence d'une lecture de divertissement. Lire et se divertir sont deux mots à rapprocher avec précaution dans le monde de l'édition. Car se divertir en lisant mène souvent à ranger le livre dans le genre « populaire » ou pire, celui de « paralittérature ». Rendre la littérature ados divertissante serait un risque de voir celle-ci reléguée au statut de littérature mineure et de perdre ainsi le capital symbolique si longuement attendu et demandé aux prescripteurs. C'est donc à ce niveau que tout se passerait. La prescription des enseignants serait un soutien pour les éditeurs mais aussi un frein. Il est clair que depuis l'avènement d'Harry Potter au statut de « modèle », économique ou stylistique, les éditeurs veulent faire des expériences afin de se

17 Figaro.fr : Le Roman ados : un nouveau genre ?, François Bouchon, 27.11.2008.

faire une place dans ce marché. Ils en ont d'ailleurs la possibilité. Les sorties caisse GfK sont rassurantes : << La relève est bien là. Les lecteurs d'Harry Potter ne se sont pas évaporés mais reportés sur de nouveaux titres, preuve que le goût de la lecture a bel et bien été pris >>18.

Les éditeurs :

Nous avons vu précédemment que le poids des prescripteurs dans la littérature ados avait une importance bien particulière, spécialement depuis l'entrée de la littérature jeunesse dans l'enseignement secondaire en 1996. Pourtant, certains éditeurs tentent, tant bien que mal, de préserver cette prescription tout en supprimant l'aspect académique que les jeunes n'apprécient pas. Un livre soutenu par les enseignants, les parents ou les bibliothécaires n'aura pas l'effet voulu sur un jeune qui a, d'ors et déjà, du mal à lire. Le côté éducatif des anciennes collections pour adolescents n'est plus à la mode et renforce les collections ados des grands éditeurs basées sur la production de masse, grâce au genre du fantastique principalement.

Shaïne Cassim, éditrice chez Albin Michel, aborde le sujet sensible de la prescription lors d'une rencontre autour du thème : Que lisent les adolescents ?19 Selon elle, trois prescriptions existeraient concernant la littérature ados :

· La première serait la prescription scolaire, institutionnelle. Ici sont concernés les classiques, << ce qui doit être lu >>.

· La seconde est la prescription par les libraires, les points de vente, les bibliothécaires, les documentalistes.

· La dernière concernerait la prescription entre pairs, << entre adolescents de même tribu >>.

C'est cette dernière prescription qui pose problème aux éditeurs car elle devient de plus en plus influente et leur échappe totalement. Le bouche à oreille des jeunes au cours des récréations fonctionne. L'avis d'un camarade a plus de chance d'influencer un ado qu'une autorité liée à l'école. Cette tendance des jeunes à associer littérature à scolarité est un problème dont on prend conscience dans le monde du livre. Dernièrement, à la Foire du

18 Ibid. LeFigaro.fr, Le roman ados, un nouveau genre ?

19 Op.cit. SNE, Conférence Que lisent les adolescents ? Toulouse, 2007.

livre de Londres, un auteur a raconté sa rencontre avec des adolescents. Leur avis est clair, la littérature a trop longtemps été synonyme de devoirs et par conséquent, de contrainte. Le divertissement qu'aurait pu apporter ces textes de qualité a été supprimé par le trop plein de prescriptions. L'auteur en a rapidement conclu qu'il devait écrire pour combler cette attente. << Il est très important de s'éloigner de la prescription, du scolaire >>20 dit-il. << Lire ne doit pas être uniquement pour les examens>> ajoute-il en riant. Shaïne Cassim insiste, elle aussi, sur l'importance de << quitter le concept de lecture légitime prônée par l'école >>21. Ici, il est question du contenu de la littérature ados mais aussi de la communication qui est faite autour d'elle. Concernant le contenu, les éditeurs sont formels, il faut que la littérature soit plus accessible. Cette littérature est censée être le moyen de recruter des petits lecteurs, voire des jeunes qui ne lisent pas du tout. Pour les contenter, il faut éviter les caractéristiques des livres classiques comme les longues descriptions, la multiplicité des personnages etc. L'important est de capter rapidement le jeune lecteur et de ne plus lui laisser une chance de décrocher de l'histoire. Il faut des rebondissements. Le concept du page turner est omniprésent. Que l'on soit éditeur chez Thierry Magnier ou chez Pocket Jeunesse, publier un page turner est un atout considérable pour ce lectorat. Par ailleurs, le succès d'un livre ne l'exclu pas forcément de l'école. En Grande-Bretagne, Harry Potter a été traduit en latin. Il se retrouve alors propulsé dans les étagères de textes de latin classique destinés à l'enseignement de la langue. Malgré la bestsellerisation de la série, celle-ci est devenue un véritable moyen d'intégration sociale qui peut être exploité dans le cadre scolaire. Ainsi, la lecture dite << plaisir >> pourrait rendre à la littérature un formidable service, celle de << désenclaver la lecture de l'image d'acte solitaire >>, pour lui redonner << sa dimension de pratique culturelle >>22.

20 Annexe B : Conférence Foire du Livre de Londres 2011, Through the looking glass.

21 Op.cit. Conférence SNE Ce que lisent les adolescents.

22 Op.cit. Le Roman pour adolescents, une question d'existence, p.54.

Couverture du Tome 1 et 2 d'Harrius Potter :

Les auteurs :

Les éditeurs expliquent l'origine des collections ados par le nombre croissant de bons manuscrits en attente de publication. Ces derniers, n'entrant ni dans les normes appliquées à la littérature jeunesse ni dans celles de la littérature générale, se retrouvaient alors sans destinataire sur les étagères des éditeurs et comme l'a si bien écrit Laurence Santantonios : << Un livre qui existe quelque part, sans que personne ne le sache, est un livre mort >>23. Les auteurs n'avaient pas de lecteurs et les lecteurs n'avaient pas de livres. L'offre proposée par les auteurs n'arrivait pas à la demande qui pourtant était bien là. La demande ne s'est pas créée grâce à Harry Potter, elle s'est juste manifestée. Ainsi, Sylvie Gracia, Directrice de la collection DoAdo explique que la création de la collection remonte au jour où Guillaume Guéraud a proposé son premier roman, Cité Nique-le-Ciel. Ce texte n'avait pas été écrit pour un public visé. De là, il lui est apparu évident qu'une collection devait être faite pour ce genre de lectorat et ce genre de livres. Il est d'ailleurs courant de voir des collections ados être créées grâce à l'impulsion d'un bon manuscrit qui pose problème dans la segmentation. Twilight est un bon exemple puisqu'il est à l'origine de Black Moon, la fameuse collection Bit Lit d'Hachette Jeunesse.

De là, nous comprenons pourquoi les éditeurs grondent lorsqu'on qualifie leur collection d'<< inventions commerciales >>. Tibo Bérard répond à cette << accusation >> dans l'entretien pour Le Nouvel Observateur24. À la fausse question du journaliste : << De la littérature simplifiée pour une génération qui ne lit plus... >>, Tibo Bérard répond avec précaution :

23 Santantonios Laurence, Tant qu'il y aura des livres, in Lardellier Pascal et Merlot Michel, Demain, le livre. Ed. L'Harmattan, Paris, p.43.

24 Op.cit. Nouvel Observateur.fr : Faut-il kiffer la littérature ados ?

<< Pas du tout. Ou plutôt pas seulement >>. Car pour lui, il faut différencier l' << easy Reading >>, tels que Twilight et H.Potter, à celle qu'il publie. Littérature ados ne veut pas dire littérature populaire. Comme dans la littérature générale, la littérature ados renferme des textes de qualité et de profondeur très éclectiques. L'aspect commercial que l'on associe à cette littérature vient des best-sellers de grands éditeurs. Pour Tibo Bérard, << ces termes sont très réducteurs >>. Sylvie Gracia le rejoint en expliquant que la qualité d'un texte de littérature ados pousse souvent les gens à se demander pourquoi il n'a pas été publié en littérature générale. << Comme si la littérature jeunesse était une littérature << mineure >>, ce contre quoi nous nous élevons >>25 dit-elle.

Les auteurs ont des réactions différentes face au problème de segmentation. Si certains disent ne pas se sentir concernés par ce problème, qui est celui de l'éditeur, d'autres avouent avoir un lectorat en tête lorsqu'ils écrivent. Ce dernier cas provoque parfois des réactions péjoratives à leur encontre. Traiter des thèmes propres à l'adolescence relancerait le problème de << sous-littérature >>. Ainsi, dans Le Romans pour ados, une question d'existence26, quelques entretiens avec des auteurs de romans ados nous éclairent. Jean-Paul Nozière, par exemple, explique ne pas voir l'intérêt à imposer des étiquettes d'âges aux romans. Selon lui, l'adolescent, comme tout autre lecteur, serait libre de lire ce qui lui semble adapté. << Après tout, les adolescents ne regardent pas uniquement des films réservés aux adolescents >>27. Jean-Jacques Greif, publié chez Médium, décrit la difficulté qu'il rencontre en abordant des sujets délicats. Une autocensure se fait naturellement lorsque le livre est destiné aux adolescents. Marie Desplechin, qui écrit pour la jeunesse et la littérature générale, explique bien ce qui caractérise la littérature ados face à la jeunesse ou la générale. << La question éthique ne réside pas dans le choix des thèmes, mais dans l'écriture >>28. Finalement, pour clore ce point sur la position des auteurs, nous finirons avec cette phrase de Christian Lehmann : << Je n'écris pas pour des publics mais pour des lecteurs que je ne connais pas et dont je ne présume rien. La segmentation de l'édition est une affaire d'éditeur, de positionnement sur le marché, de classement en rayonnage de librairie>>29.

25 Op.cit. Le romans pour adolescents, une question d'existence, p. 62.

26 Ibid.

27 Ibid. p.72.

28 Ibid. p.74.

29 Ibid. p.85.

Affaire d'éditeur, certes, mais c'est aussi une bonne chose pour les auteurs que la littérature ados s'impose.

Les lecteurs :

Nous avons tenté dans la première partie de ce projet de lister les caractéristiques des adolescents et des jeunes adultes d'aujourd'hui. Il semble donc évident que la littérature ados soit légitime et une conséquence de l'évolution du lectorat. La culture jeune, dont nous avons parlé, est une culture très numérique qui consomme les biens culturels avec rapidité. La littérature ados va ainsi permettre à ces jeunes de ne plus se priver de lecture mais de la consommer comme ils le font avec la musique. Elle offre au lecteur la possibilité de lire une histoire bien ciselée dans un laps de temps raisonnable, ce qui ferait d'ailleurs son succès auprès des plus vieux, angoissés par le temps qui fuit. Quant à considérer la littérature qui leur est proche, qui les divertie, comme << marketing », les jeunes ne souhaitent pas en entendre parler. La jeune blogueuse de Lirado s'explique sur ce point. Elle a lancé ce site sur la littérature pour adolescents en 2004, à 14 ans, et continue à lire de la littérature ados, ici dirons-nous << jeune adulte », dont elle se sent plus proche. À la question : << Que pensez-vous des gens qui considère la littérature ados comme une création marketing ? », elle répond de manière incisive: << Je ne vois pas en quoi s'adresser à un public précis est marketing... Il faut bien des livres qui fassent la transition entre les premières lectures et les romans pour adultes. Non, pour moi c'est vraiment stupide et infondé »30. La littérature ados semble donc une évidence pour certains et surtout pour ses lecteurs qui ont enfin une littérature avec laquelle s'évader. Même question à une adulte et professionnelle de la littérature adolescente, Anne Clerc, Rédactrice en chef de la revue Lecture Jeune, et l'on obtient une réponse assez éloignée : << Nous estimons qu'il y a une différence entre la littérature générale et la littérature populaire (dans laquelle nous classons la littérature young adults). (...) il y a une différence notoire entre une littérature où le style prime et la littérature young adults qui préfère l'action, le visuel... »31 Que pensez de cette réaction ? Que sous-entend ce << nous » ? Un << nous » de la consécration littéraire, des hautes autorités professionnelles ?

La littérature ados et jeunes adultes est défendue dans le dernier numéro de Lecture Jeune comme << un véritable segment »32 à part entière. Pourtant, recalée au statut de

30 Annexe A, n°4 : Entretien Blogueuse de Lirado.

31 Annexe A, n°1 : Entretien Anne Clerc.

32Op.cit. Lecture Jeune, Les jeunes adultes et la littérature, n° 137, Paris, mars 2011, p.18.

« littérature populaire », la littérature ados a encore du chemin à faire pour devenir autonome et être acceptée...

2. Le relooking et Internet, les outils qui rendent le roman ados « tendance » .

Afin de s'imposer, de se construire une image plus sérieuse et être reconnue, la littérature pour adolescents et jeunes adultes a dû innover. Les éditeurs ne se sont pas contentés de faire évoluer les contenus de ces romans mais se sont aussi lancés dans un relooking total, des maquettes, des formats et des illustrations et relooking des campagnes grâce à Internet.

La course aux grands formats a commencé il n'y a pas si longtemps. Auparavant, les romans ados étaient souvent publiés en poche. La collection Tribal, par exemple, est passée du format poche au grand format en 1998, à la suite du succès d'Harry Potter. Car c'est bien Harry Potter qui a prouvé que la littérature jeunesse pouvait prétendre au même format que la littérature générale. Ainsi comme le racontent les éditeurs, avant de se lancer dans la promotion Internet, il a fallu passer par le relooking des collections.

Gallimard s'est lancé dans les grands formats en 1998, non pas grâce à H.Potter, mais à l'un de ses contemporains, Les Royaumes du Nord de Philip Pullman. Ce roman anglais a été un véritable succès qui a ouvert les yeux à l'éditrice Christine Baker. C'était alors une évidence que de faire une collection grand format pour accueillir cet auteur et cette littérature. « Quand j'ai eu Les Royaumes du Nord, le premier texte de la série, entre les mains, en 1997, j'ai eu l'intention immédiate de le sortir en grand format. Pullman proposait un univers totalement singulier, épique (...) c'était incroyablement ambitieux »33. Mais le grand format ne va véritablement s'imposer qu'avec les 24,5 millions d'exemplaires vendus en France d'Harry Potter. Elizabeth Sebaoun, éditrice des éditions Bayard, nous explique que « les éditeurs ne publiaient que du poche, ils craignaient les textes trop épais, doutaient de la capacité des plus jeunes à lire de « gros livres ». Ils se trompaient. Les ados préfèrent lire en grand format, c'est plus confortable et surtout plus valorisant. Ils ont entre les mains le même objet que les adultes »34. C'est ce

33 Télérama.fr : Twilight vampirise les foules, avril 2009, Michel Abescat.

34 Ibid.

terme qui a retenu notre attention, << valorisant ». Le grand format devient le symbole du passage de la littérature jeunesse à un niveau supérieur, plus noble et plus légitime. Au delà de ça, le grand format est aussi le moyen de montrer aux adolescents que les romans publiés en collection ados ne sont pas des livres pour enfants, qu'ils sont proches de ceux des adultes. Le passage au grand format est aussi un énorme avantage financier. En effet, les grands formats sont à des prix plus intéressants et pourvoient un rendement rapide. Vendu entre 12 et 17 euros, ils ont permis aux éditeurs de faire croître leur chiffre d'affaires et par conséquent, de publier plus. << Le déplacement des ventes jeunesse sur le grand format, en hausse de 17%, participe à l'augmentation du chiffre d'affaires »35, confirme Jean-Claude Dubost, PDG d'Univers Poche. << Notre chiffre d'affaires devrait être de 24,3 millions d'euros en 2010 en progression de 9% par rapport à 2009, où il était en hausse de 8% par rapport à 2008 »36 annonce Monique Defaifve, Directrice de Casterman Jeunesse. La littérature jeunesse devient le deuxième segment du marché de l'édition << grâce essentiellement aux succès des grands formats et donc, des romans ados », explique Colette Gagey, présidente du groupe jeunesse au Syndicat National de l'Édition dans un article de L'Express37. La décision des éditeurs à publier en grand format est signe d'une prise en compte du jeune lectorat. Comme nous l'avons expliqué précédemment, les ados et jeunes adultes attendaient une littérature qui aurait été une passerelle entre la jeunesse et la générale. Ils voulaient être pris au sérieux et c'est ce que le grand format leur offre. En complément à ce changement de format, les éditeurs ont aussi compris qu'il fallait faire évoluer leurs collections et ainsi, les couvertures. Les illustrations, la police, tout le design de la maquette devaient être retravaillés afin de plaire aux jeunes lecteurs. Pour cela, certains éditeurs se sont lancés au hasard dans de nouveaux concepts. Les illustrations choisies par Tibo Bérard, pour la collection eXprim, sont souvent des photographies retravaillées, très modernes, colorées, entre le rêve et la réalité.

35 Ministère de la culture et de la communication : L'édition Jeunesse. Enquête et Dossier 2009.

36 Ibid.

37 L' Express.fr : Les ados : Et pourtant ils lisent I décembre 2006.

Ci-dessous quelques exemples de couvertures de la collection eXprim :

Dominique Korach, l'ancienne directrice des éditions Nathan Jeunesse explique, lors d'un entretien avec Livres Hebdo, son projet de relooking : << Nous allons revoir toute la ligne graphique, le logo, les maquettes et les formats de nos collections, car les codes visuels ont changé >>38. Il est intéressant de remarquer que même un éditeur comme Nathan, qui s'est construit sur la prescription des enseignants et des parents, se lance aussi dans le relooking de ses collections jeunesse. Le dernier grand format de Nathan est d'ailleurs l'aboutissement d'un long travail. Avec Instinct, tout juste sorti en librairie, Nathan rentre dans la course aux livres ados - jeunes adultes avec une couverture simple mais obscure qui rappelle les couvertures de polars.

Ci-dessous la couverture du roman Instinct :

 
 

BLAST : nouveau << label >> de Nathan Jeunesse.

On remarque que la couverture ne donne aucune information sur la maison d'édition, ni sur l'âge ciblé. Ces caractéristiques sont celles d'un roman de littérature générale.

38 LivresHebdo.fr : Jeunesse : L'optimisme de rigueur. Dossier PDF, 19.11.2010, Claude Combet.

Hélène Wadowski explique que Flammarion a aussi choisi de ne << mettre aucun âge sur les collections ados » bien qu'une segmentation soit effectuée en interne. Elle insiste fortement sur le pouvoir d'une bonne couverture. << Les codes sont beaucoup plus puissants au point qu'il faut faire attention en tant qu'éditeur. Un mauvais choix de couverture peut condamner un livre. La couverture, vis-à-vis de ce public devient presque dictatoriale. Nous passons beaucoup plus de temps sur une couverture destinée aux ados qu'aux enfants plus jeunes »39. Les éditeurs ont dû rompre avec leurs codes graphiques traditionnels afin de séduire les jeunes lecteurs, pour leur montrer que la littérature peut ne pas être << ringarde ». Le cas d'Harry Potter en Grande-Bretagne est un très bon exemple pour illustrer l'impact d'une couverture sur son public. Afin d'ouvrir la série aux lecteurs de tout âge, les éditeurs d'H.Potter ont décidé de publier une version jeunesse, plus illustrée, et une version adulte qui insiste sur le côté sombre du roman.

Ci-contre les deux couvertures proposées pour le dernier tome de la série :

Version adulte Version jeunesse

Les éditeurs vont encore plus loin en publiant une nouvelle version du livre en raccord avec le personnage du film. Ceux qui ont vu les films Harry Potter seront directement attirés par la couverture et seront peut-être plus tentés de l'acheter.

39 Op.cit. Conférence Que lisent les adolescents ?

Version film :

Les codes graphiques des couvertures de littérature ados sont très représentatifs de ce que recherchent les adolescents. Ni trop vieux ni trop jeunes, les livres doivent être à leur image. Il faut que l'objet même du livre soit attractif et c'est avec le grand format et la couverture qu'il le devient.

Toutefois, rencontrer les adolescents pour leur proposer cette littérature ne se fait pas uniquement grâce au relooking. Après la conception vient la promotion et c'est là que la véritable difficulté apparaît. Pour pallier le manque de visibilité de leurs livres dans les librairies et dans les médias qui ne reconnaissent pas encore la littérature pour ados, les éditeurs se sont emparés du support de prédilection des jeunes pour les promouvoir : Internet.

Internet va devenir un outil de promotion à part entière. Collection, personnage ou grand format, les gros lancements se font sous forme de minis-sites ou << sites dédiés >>. Pour Hedwige Pasquet, Directrice Générale de Gallimard Jeunesse, Internet est << une évolution des moyens marketing >> qui permet de jouer sur l'animation numérique et l'animation en librairie. Elle précise cependant que ces deux animations visent << deux publics différents >>40. Qui sont ces deux publics ? Pour Jean-Philippe Thivet, responsable marketing de Casterman, Internet faciliterait la promotion auprès d'initiés. La communauté web se créerait donc sur une communauté déjà existante. Pourtant, même s'il est vrai que des initiés seraient les premiers à s'inscrire sur le nouveau site-dédié, certaines maisons d'édition pensent qu'Internet peut toucher tous les adolescents-internautes. Le bouche à oreille se fait vite sur le Net, les ados partagent des informations, commentent, envoient à leurs amis, créent des pages Facebook etc. Nous verrons plus loin le rôle tenu par les

40 LivresHebdos.fr : Dossier du Salon du livre Jeunesse de Montreuil, 23.11.2007, Claude Combet.

lecteurs dans la promotion d'un roman ados sur le Net. Ce qu'il faut comprendre ici c'est bien que les éditeurs ne peuvent plus faire l'économie d'Internet quand il s'agit de lancer un livre important à leurs yeux. Les sites-dédiés deviennent des appendices aux romans. Créer un site demande imagination mais aussi réactivité. Aujourd'hui, un site doit être constamment alimenté de nouvelles croustillantes sur les prochaines publications, sur l'auteur etc. Les internautes-lecteurs, comme nous avons pu l'observer plus haut, sont très exigeants en matière de codes graphiques mais aussi de contenus. Afin de capter leur attention et leur donner envie de revenir sur le site, les éditeurs doivent être encore plus ingénieux. C'est ici qu'interviennent les jeux-concours et les partenariats pour gagner des places de cinéma, le prochain volet d'une série en exclusivité...

Internet est un outil capital dans l'histoire du roman pour ados. Loin de la prescription scolaire, loin de l'aspect élitiste que peut donner certaines librairies, Internet a permis à la littérature ados de trouver son public, un public qui ne lisait pas toujours beaucoup ou parfois jamais. C'est grâce à ce support que la littérature ados a continué à faire le buzz après le ras de marais Harry Potter. Internet a donc contribué à la légitimation de la littérature ados. Cet outil a révélé une véritable demande et a prouvé qu'Harry Potter n'était pas uniquement un coup du sort. Public spécifique, littérature spécifique et promotion spécifique.

Toutefois, si Internet, en complémentarité à un relooking graphique, a aidé la littérature ados à grandir sur le marché du livre et à s'imposer aux yeux des professionnels du livre ainsi qu'à ceux des médias, il reste un outil marketing difficilement abordable pour tous les éditeurs. Si les sites-dédiés deviennent eux-mêmes un marché à envergure internationale, les petits et moyens éditeurs ont du souci à se faire. Entre marketing et marketing de masse, la littérature ados mérite-elle l'accusation qu'on lui porte, celle de soumettre la littérature au statut de « produit » industriel ?

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon