WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le roman pour adolescents et les outils numériques, évolution d?un paysage éditorial. comment internet devient le tremplin du marketing littéraire et des grands formats jeunesse ?

( Télécharger le fichier original )
par Adriana Tourny
Université de Villetaneuse Paris XIII - Commercialisation du livre - en alternance 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

C. Le flaire de l'éditeur subordonné par le marketing ?

La littérature ados est un segment très large et divers. Certaines collections s'imposent grâce à des séries à fort rendements comme Black Moon, d'autres restent en marge de la production de masse comme eXprim. Pourtant, tous les éditeurs de ce marché se rejoignent sur un point, celui d'accepter la part de marketing dans leur développement. Lorsqu'il s'agit de répondre à une demande spécifique comme celle des adolescents, avec leurs goûts et leurs moyens de communication, faut-il se passer de marketing afin d'être reconnue comme littérature? Le marketing peut être d'une aide précieuse mais quand estce que les éditeurs tombent-ils dans les griffes du marketing de masse ?

1. Calculer le potentiel d'un roman ados et le promouvoir. Le marketing,

décideur ou boussole ?

La partie précédente nous a montré que les éditeurs jeunesse ont compris la nécessité de resegmenter leurs collections et par conséquent d'apporter des modifications quant aux choix des formats, des prix, des couvertures et même des thèmes. Certains diront que ces décisions sont << éditoriales », d'autres les qualifieront de << marketing ». À l'heure actuelle, les évolutions de l'offre éditoriale tendent à devenir un parfait équilibre entre réflexion marketing et éditoriale. Alors qu'il y a quelques temps de cela, les éditeurs n'y auraient jamais cru, la démarche marketing, anciennement exclue de la vie littéraire française, est de plus en plus prise en compte. Dans la majorité des maisons apparaissent des secteurs ou départements marketing qui viennent souvent remplacer le secteur autrefois dénommé << promotion ». C'est le cas, par exemple, de Gallimard Jeunesse. Le marketing s'attache à mener une réflexion globale sur les différents éléments du mix-marketing - le produit, le prix, la promotion, la distribution - en utilisant les outils habituels comme la veille concurrentielle, les études de marché..., souvent même avant la création de l'ouvrage. Et c'est là que se fait le basculement. Ce changement de dénomination témoigne d'une évolution dans le domaine : auparavant, la promotion se chargeait de promouvoir un produit fini, aujourd'hui le département marketing participe en outre à l'élaboration des caractéristiques physiques de l'ouvrage en menant une réflexion sur le format, le prix etc. Bien évidemment, ce travail se fait en lien étroit avec les éditeurs mais on observe qu'un transfert de pouvoir, aussi moindre soit il, est en route. Dans la majorité des maisons

d'édition jeunesse, l'éditeur reste le « décideur >> d'une création, « l'accoucheur >> du livre. Chez Flammarion, les chefs de produits assurent la promotion, la valorisation du livre et sont écartés de la création du livre en tant que tel.

L'affinement de la segmentation que nous avons abordé précédemment est l'une des diverses techniques mise en oeuvre par les éditeurs jeunesse mais que l'on pourrait qualifier de marketing. Selon l'enquête menée par le gouvernement sur l'édition jeunesse41, la segmentation s'est affinée avec l'entrée des grandes surfaces culturelles comme points de vente importants du livre. Les vendeurs ne sont pas des libraires et c'est donc aux clients qu'il revient de se repérer dans les rayons. Pour cela, il faut que les livres parlent d'eux-mêmes. La Fnac fonctionne désormais ainsi, le conseil n'est plus que superficiel et il devient difficile de se repérer face à toute l'offre proposée aux potentiels acheteurs. Si de nombreux éditeurs segmentaient par niveaux scolaires, d'autres critères, comme l'âge, sont pris en compte. Pourtant, définir quel livre appartient à quel âge de la jeunesse est un choix qui tend parfois vers l'arbitraire. L'avantage de cette segmentation est celui de mieux cibler le public, de mieux le connaître pour mieux répondre à ses demandes. Paul Garapon, qui a écrit L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse, explique lors de cette enquête qu'une « telle segmentation est la marque de la complexité d'un marché où les jeunes, devenus une catégorie sociale de consommation à part entière, font l'objet d'un ciblage marketing et éducatif plus fin qu'auparavant >>42.

Les collections à foison et les séries jeunesse remontent à 1857 quand Hachette décide de créer la Bibliothèque Rose, puis, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, la Bibliothèque Verte et la Bibliothèque jeunesse. Si ces collections ne sont pas à proprement parlé pour adolescents, elles sont le parfait exemple de décisions marketing déguisées en décisions éditoriales. Editeur, Hachette est aussi un homme pratique, un homme d'affaire, qui fait entrer la littérature française dans une ère industrielle. L'intérêt de créer des collections était d'économiser les coûts d'impression, moins chers que titre par titre. De surcroit, cette stratégie avait aussi un aspect marketing très fort, celui de promouvoir en un coup des dizaines d'ouvrages grâce à une maquette harmonisée et visible en rayon.

En ce qui concerne les séries jeunesse, on pense à Fantômette et au Club des cinq. Toutefois, c'est Bayard qui va véritablement faire de la série un phénomène éditorial

41 Op.cit. L'édition Jeunesse. 2009

42 ESPRIT, L'imaginaire mondialisé de la littérature jeunesse. Paul Garapon, Paris, mars - avril 2002.

marquant et qui va lancer la mode dans la littérature jeunesse avec, en 1996, la série Chair de poule. La série a dépassé les 8,5 millions d'exemplaires en 1998 et a vu son chiffre d'affaires augmenter de plus de 40%. De là, Bayard s'est alors lancé dans d'autres séries comme Coeur Grenadine et Grand Galop, séries destinées aux jeunes filles. Les autres éditeurs suivent le mouvement comme Gallimard Jeunesse qui créé la série Animorphs. Laura Noesser, dans son ouvrage, Le livre pour enfants (1900-1950)43, écrit que << les éditeurs, soucieux de trouver de nouveaux marchés, vont rechercher des formules plus économiques et organiser leur production en collections tout en conservant le terme de << bibliothèques » qui présente une connotation culturelle rassurante et en camouflant au besoin les impératifs de vente derrière des arguments pédagogiques ». Cela était vrai au temps où les prescriptions, parentale et scolaire, dominaient. Aujourd'hui, la littérature ados a changé de stratégie marketing afin de se rapprocher de son lectorat qui a fortement évolué depuis les années 80. Pascale Ezan, Maître de conférences du Master de Marketing à l'Université de Droit, sciences économiques et gestion de Rouen, s'est intéressée au phénomène des collections et des séries en littérature jeunesse comme outils marketing des éditeurs. Elle écrit dans un article que << la récupération du phénomène de collection par le monde marchand peut conduire à s'interroger sur la façon dont les firmes façonnent leurs séries pour répondre aux attentes des jeunes, à la fois consommateurs et collectionneurs »44. Car pour Pascale Ezan, les jeunes sont une cible parfaite pour les entreprises de par leur volonté à posséder tous les produits d'une marque devenue << phénomène de mode ». << Les enfants se sentent valorisés par le sentiment d'appartenir à une communauté. Le fait qu'une collection apparaisse comme phénomène mondial fascine particulièrement les jeunes »45, explique-t-elle. Les collections, et maintenant les séries, participent à ce rite de socialisation que recherchent les adolescents. Une collection est une marque caractérisée par tous les critères qui définissent une marque même non culturelle. Par conséquent, elle va subir les mêmes aléas de la part de ses consommateurs. S'ils sont très sensibles aux phénomènes de mode, ce qui fait d'eux une cible facile pour les entreprises, les jeunes sont aussi très changeants. L'engouement dont font preuve les adolescents, pour une marque ou une collection, est éphémère. En effet, un phénomène de mode repose sur le principe qu'il ne va pas durer et les adolescents se détournent très

43 Noesser Laura, Le livre pour enfants (1900-1950) in Histoire de l'édition française tome IV. Ed. Promodis, Paris, 1986.

44 Ezan Pascale, Le phénomène de collections comme outils marketing à destination des enfants. Décisions Marketing, n°29, janvier - mars 2003.

45 Ibid.

rapidement de ce qui devient obsolète. Les collections, très longues à s'installer et à s'imposer sur le marché du livre, vont pousser les éditeurs à réfléchir à une autre solution. La saga, ou trilogie, est une alternative pratique qui rassemble les avantages de la collection tout en préservant l'aspect éphémère qui lui donne de la valeur. Qu'elle soit construite en trilogie ou en sept tomes comme Harry Potter, la saga a une fin que les lecteurs appréhendent. Une fois la saga finie, l'univers dont le lecteur s'est emparé s'arrêtera et c'est là que se créée la valeur ajoutée. Harry Potter a réintroduit le phénomène de saga que Tolkien avait rendu populaire. Vampire Diaries pour Hachette (2011), Eragon pour Bayard (2010), Percy Jackson pour Albin Michel (2010), Hunger Games pour Pocket Jeunesse (2009), Promises pour Gallimard Jeunesse (2011) ou encore Tara Duncan pour Seuil Jeunesse (2003) repris par Pocket Jeunesse en 2007 puis par Flammarion en 2008 puis enfin par Xo Editions en 2008 ; voilà quelques exemples des sagas lancées ces cinq dernières années. Chacune de ces sagas rencontre un succès très important pour l'industrie du livre. Cela prouve bien que les stratégies marketing appliquées à la littérature ados fonctionnent. Les éditeurs ont réussi à répondre aux attentes des jeunes en leur offrant des produits qui leur ressemblent. Cette étude nous montre donc que les réflexions éditoriales et les décisions de création dépendent, dans les gros groupes, de réflexions marketing qui sont aujourd'hui nécessaires pour survivre parmi toute cette concurrence. Antoinette Rouverand, Directrice Marketing chez Hachette Jeunesse, explique que cela fait maintenant trois ans que le marketing intervient en amont de la création du livre. << J'ai un droit de regard sur la maquette, ce qui est normal puisque cela fait parti du packaging que je doit aider à vendre. Mais j'ai aussi droit de regard sur les thèmes et les contenus des livres. >> Lorsqu'on lui demande si les éditeurs l'acceptent, elle répond simplement << oui, nous travaillons ensemble et pas les uns contre les autres >>46. Nous assistons donc, chez Hachette Jeunesse, à la naissance d'un marketing-éditorial et ce n'est sûrement pas la seule maison à travailler ainsi. Cette égalité s'explique de par la forte concurrence de ce marché. Il faut développer constamment de nouvelles stratégies afin de rester dans la course. Les éditeurs ont donc besoin du marketing pour les aider à mieux guider leurs recherches et leurs créations. La cible adolescente est très difficile à séduire avoue Antoinette Rouverand. << Les adolescents et jeunes adultes sont faciles à trouver mais quant à les convaincre de la qualité de nos produits c'est beaucoup plus compliqué. Ils sont

46 Annexe A, n°3: Entretien avec Antoinette Rouverand. Directrice Marketing Hachette Jeunesse.

constamment sollicités par les marques et ils sont << supers experts >> en matière de nouveautés et d'Internet... Il est de plus en plus difficile de se faire voir sur ce marché >>47.

Les grands groupes éditoriaux sont évidemment ceux qui ont les best-sellers car se sont eux qui ont les moyens d'effectuer les études marketing et les campagnes promotionnelles nécessaires à un rayonnement national visible. La majorité de l'édition est sortie de la culture pour entrer dans l'ère industrielle de production en série, dans la production de masse. Derrière ces groupes, de petits et moyens éditeurs se battent contre ces techniques commerciales où le marketing est roi. Cependant, on en vient à se demander s'ils se battent par éthique ou tout simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire de même... Dans son dernier numéro, Lecture Jeune écrit que les changements apportés dernièrement aux collections sont le moyen de les rendre plus visibles aux yeux de nouveaux lecteurs. La littérature ados - jeunes adultes serait donc << une offre existante marketée différemment >>48. Thierry Magnier, interviewé dans cet article, assume, comme beaucoup d'autres, la part de marketing dans l'objet livre. Il est nécessaire aujourd'hui de faire appel au marketing. N'oublions pas que la littérature ados souhaite répondre à une demande exigeante.

Le marketing devient d'autant plus crucial avec l'arrivée du numérique et le développement de la promotion sur Internet. Le webmarketing, accompagné du travail de webmasters, requiert des budgets de plus en plus importants, ce qui exclu d'emblée les petits éditeurs. Anne Clerc, la Rédactrice en Chef de Lecture Jeune, insiste sur la discrimination qui se fait avec Internet. Être visible sur le marché devient très difficile et demande plus d'argent. << Malheureusement Internet met en avant quelques livres, des séries, mais ne rend pas compte de la diversité de la littérature jeunesse. Les communautés autour du livre sont fortes pour certaines séries à grand succès mais cela reste limité >>49, dit-elle. Pour Céline Vial, Directrice Éditoriale de Flammarion Jeunesse, le marketing sur Internet est une opportunité merveilleuse pour se renouveler. Toutefois, produire en fonction d'un public est toujours risqué mais ce qui serait << pire serait d'écrire pour faire le buzz sur Internet >>50, raconte-elle. Si chez Flammarion l'éthique est encore du côté de la

47 Ibid. Annexe A, n°3.

48 Op.cit. Lecture Jeune, n°137, p.23.

49 Op.cit. Annexe A, n°1.

50 Annexe A, n°2. Entretien avec Céline Vial, Directrice éditorial Flammarion Jeunesse.

tradition littéraire, de la création artistique, de la commande d'auteur, d'autres éditeurs se dirigent discrètement vers la commande d'éditeur, vers le romans ados comme produit purement marketing...

Afin de saisir l'enjeu d'Internet dans la promotion d'une collection ou d'un roman ados, il nous a semblé capital de mettre en lumière ce marché à envergure international.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard